M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 90 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais vraiment appeler l’attention de nos collègues sur l’article 37 du code de déontologie médicale, dans la mesure où la rédaction adoptée par la commission en change considérablement le sens.
Le texte de la commission prévoit que « cette procédure collégiale réunit l’ensemble de l’équipe soignante et associe la personne de confiance ou, à défaut, les membres de la famille ou les proches qui le souhaitent ». Il y va tout à fait différemment dans le code de déontologie médicale, dans lequel est spécifié que « le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative ». Il est très important de maintenir cette possibilité. Le code de déontologie poursuit : « Il est tenu de le faire au vu des directives anticipées du patient présentées par l’un des détenteurs de celles-ci […] ou à la demande de la personne de confiance ». Or, dans la rédaction de la commission, la personne de confiance est simplement associée et perd le droit de solliciter la procédure collégiale. La procédure collégiale « associe la personne de confiance ou, à défaut, les membres de la famille ou les proches », indique le texte de la commission, alors que le code de déontologie médicale prévoit la mise en œuvre d’une telle procédure « à la demande de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, de l’un des proches ».
Le fait de réécrire le code de déontologie médicale constitue selon moi une erreur de nature à créer beaucoup d’ambiguïté. En outre, la rédaction retenue par la commission élargit le spectre des personnes réunies à l’ensemble de l’équipe soignante, qui est simplement consultée dans le cadre du code de déontologie médicale, alors qu’elle participe à l’initiative dans la proposition de loi. Il me paraît bien plus sage de nous en tenir à la rédaction actuelle du code de déontologie médicale.
Pour ce qui est de la nutrition et de l’hydratation, n’étant pas médecin et ne maîtrisant pas bien le sujet, je me réfère aux débats qui ont eu lieu à l’Assemblée nationale. Ma référence, en la matière, est M. Jean Leonetti, dont je vous cite les propos : « Le débat sur l’hydratation et la nutrition, en 2005, a abouti à un consensus pour reconnaître qu’il s’agissait d’un traitement. » Le Conseil d’État a validé cette option. Il poursuit : « Une hydratation et une nutrition artificielles représentent une intervention sur le corps de l’autre. Cet acte consiste à ouvrir l’estomac pour y poser une sonde gastrique, c’est mettre une perfusion dans une veine. Selon la loi du 4 mars 2002, cela nécessite l’accord du patient. Il ne s’agit donc pas d’un soin simple mais d’une thérapeutique. La preuve en est que, passé un certain temps, on est conduit à remplacer la sonde gastrique par un tube placé dans l’estomac, c’est une gastrostomie, un geste chirurgical. Sauf à considérer que l’intervention chirurgicale n’est pas un traitement, il y a un problème. »
Nous ne pouvons pas trouver de meilleure explication sur la nécessité de maintenir l’hydratation et la nutrition comme traitement que ces propos tenus par M. Leonetti.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Lors de son intervention cet après-midi, le président Milon a indiqué que certains d’entre nous se demandaient si le texte n’autorisait pas une forme d’euthanasie. Si je reprends les différents points sur lesquels nous avons travaillé ce soir, à savoir si une personne n’est plus alimentée, hydratée, si on lui retire son assistance respiratoire, si de surcroît des soins palliatifs lui sont appliqués avec, le cas échéant, une sédation profonde et continue, cela la mène obligatoirement à la mort ; il ne peut pas en être autrement ! Dès lors que l’on accepte ces différents dispositifs, on admet une forme d’euthanasie. Une personne qui n’est pas alimentée, qui est endormie par la sédation va obligatoirement mourir, même si des soins palliatifs atténuent la douleur.
J’entends bien que le Conseil d’État a rendu un arrêt. Pour ma part, je voterai les amendements nos 69 rectifié et 101 rectifié. Je ne vois pas en quoi le fait de nourrir et d’hydrater une personne s’apparente à l’administration d’un médicament. Je pense effectivement que la proposition de loi, si elle était adoptée en l’état, autoriserait une forme d’euthanasie.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit, et il nous reste 109 amendements à examiner sur ce texte avant demain soir. Je vous propose donc de prolonger cette séance jusqu’à une heure.
Il n’y a pas d’observation ?...
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale est intitulé « proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ». J’ai entendu M. Gorce évoquer le cas de Chantal Sébire, qui n’était pas en fin de vie ; Mme le ministre vient de citer le cas de Vincent Lambert, qui n’est pas non plus en fin de vie. Il faut, me semble-t-il, rester dans le cadre de la proposition de loi.
L’autre point que je souhaite aborder est celui de la nutrition et de l’hydratation. On ne peut pas mettre sur le même pied la nutrition, qu’elle soit parentérale ou gastrique – mon cher collègue, la gastrostomie n’est plus très employée, on préfère poser une sonde gastrique –, et l’hydratation, qui est une mesure de confort. Nous avons discuté longuement de cette question en commission. Selon moi, la pose d’une perfusion de sérum physiologique à un patient peut être considérée comme un soin qui peut être dissocié de la nutrition et de la ventilation artificielles.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Lorsque les rapporteurs nous ont proposé en commission de modifier cet article, mon groupe s’y est opposé. La rédaction proposée par l’amendement n° 90 rectifié correspond véritablement à ce que le législateur, en tout cas les députés et une partie d’entre nous ici, souhaite en matière de droit des personnes en fin de vie. Néanmoins, je ne suis pas favorable à l’alinéa qui prévoit que « la nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement ». Je suis d’accord avec M. Revet, l’arrêt de tout traitement – car c’est bien de cela qu’il s’agit ! – conduira inévitablement à la mort. J’estime qu’il est assez hypocrite, et même quelque peu barbare, de faire cette sédation profonde et continue qui doit entraîner la mort sans aller jusqu’au bout de la démarche, car on laissera finalement mourir le patient de soif, en tout cas de déshydratation.
Ma position, que vous ne partagerez pas forcément, mes chers collègues, est qu’il faut faire cette sédation profonde et continue qui conduira à la mort, mais la faire en toute connaissance de cause, avec le patient, la famille et l’équipe médicale. On sait comment les choses finiront, et on doit accompagner le patient avec une hydratation, mais en intervenant de manière suffisamment forte et rapide pour que le patient ne décède pas dans des conditions de souffrance.
Pour ma part, je serais assez favorable à l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Godefroy, mais en maintenant l’hydratation du patient jusqu’au bout de la sédation profonde. Je ne sais pas si notre collègue acceptera de rectifier son amendement, mais je souhaiterais qu’on ôte le mot « hydratation » du dernier alinéa, pour ne laisser que la phrase « la nutrition artificielle constitue un traitement ». Ainsi, on pourrait arrêter la nutrition artificielle du patient tout en maintenant son hydratation, laquelle se fait, me semble-t-il – mais je ne suis pas médecin –, par perfusion intraveineuse, c'est-à-dire dans des conditions différentes de la nutrition.
Je ne fais pas partie des médecins de la commission des affaires sociales, mais j’estime que l’hydratation doit continuer jusqu’à la fin. Je le redis, il serait hypocrite, et même barbare, de laisser mourir des patients dans de telles conditions. Même si nous n’en sommes pas certains, on peut se douter que ces malades souffrent. La première chose que demande un patient qui se réveille après une anesthésie, c’est de boire, parce qu’il a soif. On peut donc bien imaginer que l’hydratation est nécessaire au patient, même en fin de vie.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Madame David, bien qu’ayant la lourde tare d’être médecin, je suis tout à fait d’accord avec votre argumentation.
L’hydratation est un sujet particulier. Contrairement à la nutrition, elle ne nécessite pas – loin s’en faut ! – de geste médical excessivement sophistiqué.
Malgré les recherches récentes menées sur la conscience, nous ne savons pas quel est le ressenti de l’être humain soumis à une sédation très profonde. En tout état de cause, être déshydraté est une situation parfaitement indigne que nous n’avons pas le droit de faire supporter à un être humain.
M. Daniel Raoul. Très bien !
Mme Catherine Génisson. Une sédation très profonde aboutira à l’arrêt de la vie ; continuer à hydrater le patient n’en changera pas l’issue. Il est évident que la suppression de la nutrition et de l’hydratation sans sédation serait excessivement barbare et ferait mourir le patient dans des conditions horribles.
En revanche, je le répète, assurer une sédation très profonde et progressive tout en maintenant l’hydratation n’empêchera pas le malade de mourir. Pour respecter la dignité de la personne humaine, il faut absolument maintenir l’hydratation.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, corapporteur.
M. Michel Amiel, corapporteur. Nous avons choisi de modifier l’article 2, car la rédaction issue de l’Assemblée nationale contenait une ambiguïté. En effet, cet article semblait prévoir un arrêt obligatoire des traitements jugés inutiles ou disproportionnés, sans que la volonté du patient soit recherchée ni qu’une procédure collégiale soit mise en œuvre.
Par ailleurs, l’alimentation et l’hydratation sont considérées comme des traitements. Si un patient demande, dans des circonstances très particulières, l’arrêt des traitements – nutrition et hydratation artificielles, respiration artificielle –, ce n’est pas de l’euthanasie. On considère, à un moment donné, que les souffrances sont insupportables et qu’il est en droit de demander l’arrêt de ces trois fonctions pour éviter toute obstination déraisonnable. Par voie de conséquence, il peut aussi demander la mise en place d’une sédation profonde et continue. Mourir par asphyxie est absolument inconcevable.
Pour ce qui concerne l’hydratation, nous avons longuement évoqué cette question en commission. Madame David, l’hydratation se fait soit par voie veineuse, soit, lorsque ce n’est pas possible, par voie sous-cutanée. On peut considérer que c’est une mesure de confort pour les derniers moments de la vie. Nous y reviendrons ultérieurement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je rappelle que c’est la loi Leonetti, qui a été votée à l’unanimité, qui prévoit l’arrêt de tout traitement. Cette décision doit être prise par le juge. Le Conseil d’État, saisi par des médecins et des familles, a considéré que la nutrition et l’hydratation faisaient partie des traitements.
Si je rejoins le rapporteur et mes collègues médecins sur la question de l’hydratation, indiquer que l’hydratation, la nutrition artificielles et l’assistance respiratoire ne constituent pas des traitements – pour moi, l’assistance respiratoire en est un –, comme le prévoit l’amendement présenté par notre ami de Legge, reviendrait à mettre à bas la loi Leonetti.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Comme l’a dit le président Milon, l’association de la respiration artificielle, de l’hydratation et de la nutrition me paraît aller au-delà de ce qu’on peut appeler le soin et donc relever du traitement – notamment la ventilation, qui suppose un outillage extrêmement lourd. Dans ces conditions, il me semblerait préférable que l’amendement n° 69 rectifié soit retiré et que l'amendement n° 101 rectifié, que j’ai cosigné, soit corrigé pour prévoir que l’hydratation est un soin, en tout cas qu’elle ne constitue pas un traitement.
Mes chers collègues, je tiens à faire trois remarques.
Comme certains d’entre vous, j’étais sénateur en 2005. À l’époque, certains avaient évoqué ces sujets – le compte rendu de nos débats peut l’attester –, mais la question n’avait pas été définitivement tranchée. On ne peut donc pas dire que la nutrition et l’hydratation étaient considérées comme des traitements dans la loi Leonetti.
Certes, le Conseil d’État a rendu un arrêt, mais nous ne sommes pas encore dans le gouvernement des juges. La méthode prétorienne est une chose, mais c’est à nous qu’il revient de voter la loi. Ce n’est pas au Conseil d’État d’établir des prescriptions législatives. N’inversons pas les rôles !
Enfin, j’ai écouté le docteur Génisson et Annie David, qui n’est pas médecin. Pour moi qui ne le suis pas non plus, il me semble que ce qui sépare le soin du traitement, c’est le fait que le soin vise des besoins fondamentaux de l’homme, alors que le traitement a une finalité thérapeutique. C’est la raison pour laquelle si on ne dissocie pas les deux, si on n’indique pas que l’hydratation relève du soin et non du traitement, alors le texte prendra une bien mauvaise tournure et s’orientera vers l’euthanasie.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je voudrais compléter sur un point les propos de M. Retailleau.
Intuitivement – car je ne suis pas médecin –, l’hydratation et la nutrition me semblent répondre à des besoins naturels, contrairement aux traitements. On serait coupable de ne pas satisfaire ces besoins du malade, fut-il en fin de vie, même si je comprends bien qu’il s’agit d’une nutrition et d’une hydratation artificielles, puisque le patient n’est pas capable de déglutir.
Le Conseil d’État a considéré que l’hydratation et la nutrition étaient des traitements et que, par voie de conséquence, elles pouvaient être arrêtées pour éviter tout acharnement thérapeutique. Pendant le débat sur la loi de 2005, la question n’avait pas été tranchée, mais il me semble que Jean Leonetti estimait plutôt qu’il s’agissait de traitements. Pour moi, je le redis, l’hydratation et la nutrition permettent de répondre à des besoins naturels qu’on serait coupable de ne pas satisfaire, y compris pour des patients en fin de vie.
Dans le débat très douloureux sur la situation de M. Vincent Lambert, qui est, depuis six ans, dans la situation que nous connaissons tous, la décision de la CEDH est venue confirmer l’orientation des médecins, qui est d’arrêter l’hydratation et la nutrition de ce patient. Dans ce cas, il mourra dans les cinq à six jours suivants. Si ce n’est pas l’achever, dites-moi ce que c’est !
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. Monsieur le président, à la suite de la suggestion de Mme David, nous rectifions l’amendement n° 90 rectifié en modifiant la dernière phrase pour distinguer le dispositif de l’hydratation de celui de la nutrition. La rédaction est désormais la suivante : « La nutrition artificielle constitue un traitement. »
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 90 rectifié bis, présenté par MM. Godefroy, Labazée et Bérit-Débat, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Génisson, M. Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Frécon et Gorce, Mme D. Gillot, M. Kaltenbach, Mme D. Michel, MM. Madec, Courteau et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 1110-5, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1110-5-1. - Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent être ni mis en œuvre, ni poursuivis au titre du refus d'une obstination déraisonnable lorsqu'ils apparaissent inutiles ou disproportionnés. Dans ce cadre, lorsque les traitements n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, alors et sous réserve de la prise en compte de la volonté du patient, conformément à l'article L. 1111-12 et selon la procédure collégiale définie par l’article 37 du code de déontologie médicale, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10.
« La nutrition artificielle constitue un traitement. »
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote sur cet amendement ainsi rectifié.
M. Daniel Chasseing. Je rappelle que l’article L. 1110-10 du code de la santé publique dispose que « les soins palliatifs […] visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ». Je considère à cet égard que l’arrêt de l’hydratation ne sauvegarde pas la dignité du patient. En effet, ce n’est pas l’hydratation qui changera quoi que ce soit, puisqu’il ne s’agit pas d’un traitement. Il faut donc absolument maintenir l’hydratation des patients en fin de vie.
La sédation profonde et continue doit être proposée quand le pronostic vital est engagé à très court terme – de l’ordre de quelques heures ou de quelques jours. Or, j’y insiste, ce n’est pas l’hydratation qui prolongera la vie du patient, alors que, au contraire, les souffrances qu’occasionnera la déshydratation, bien que difficiles à évaluer, plaident pour son maintien.
M. Georges Labazée. On est d’accord !
M. Daniel Chasseing. Par ailleurs, je retire l’amendement n° 48 rectifié même s’il me paraîtrait normal que les familles soient associées à la procédure collégiale statuant sur le sort du patient.
M. le président. L’amendement n° 48 rectifié est retiré.
La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote sur l’amendement n° 90 rectifié bis.
M. Gérard Roche. Je suis tout à fait d’accord avec ce qui a été dit par Mmes David et Génisson, par M. Retailleau et par tous les autres intervenants ; il semble donc se dégager un consensus.
L’amendement n° 90 rectifié bis me convient parfaitement. Il faut absolument dissocier l’arrêt de l’hydratation de celui de l’alimentation et de l’assistance respiratoire. Certes, comme cela a été dit précédemment, le Conseil d’État a eu à se prononcer sur l’excellente loi Leonetti, mais, pour ma part, ce n’est pas le Conseil d'État qui m’intéresse, ce sont les personnes qui sont en train de mourir dans leur lit ; j’ai en effet été médecin pendant quarante ans. C’est en fonction de cette réalité que nous devons légiférer.
En ce qui me concerne, je suis favorable au maintien de l’hydratation des patients en fin de vie pour plusieurs raisons.
Premièrement, comme l’ont dit M. Chasseing et d’autres, ce n’est pas l’hydratation, qui sera d’ailleurs le vecteur du sédatif, qui changera grand-chose. La vie sera peut-être prolongée d’une heure ou deux mais pas plus ; il s’agit bien là de soins palliatifs.
Deuxièmement, Mme Génisson l’a très bien dit, on ne sait pas quelle est la sensation de soif d’une personne dans le coma. Des recherches sont actuellement menées qui démontrent l’existence vraisemblable d’un manque de confort au cours des dernières heures de la vie en cas de déshydratation. Cet état est donc ressenti comme une souffrance, même en cas de sédation. Par conséquent, tant que persiste un doute à ce sujet, on n’a pas le droit d’arrêter l’hydratation.
Troisièmement, il convient de tenir compte de l’entourage familial. Quelqu’un qui se déshydrate subit une déchéance physique très douloureuse à vivre pour l’entourage. Il faut éviter que les proches gardent cette image avant le grand départ.
Enfin, quatrièmement, considérons le symbole : dès lors que l’on cesse l’hydratation, M. Retailleau l’a très bien exprimé, on passe du soin palliatif et de la sédation profonde à l’euthanasie. Je crois donc que l’hydratation constitue un barrage : si on continue d’hydrater, on peut affirmer qu’il s’agit toujours de soins palliatifs et non d’euthanasie.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, corapporteur.
M. Michel Amiel, corapporteur. Compte tenu des échanges qui viennent d’avoir lieu, je vous propose la rédaction suivante pour l’amendement n° 101 rectifié : « L'hydratation artificielle constitue un soin qui peut être maintenu jusqu'en fin de vie ».
Pourquoi « qui peut être maintenu jusqu’en fin de vie » et non « qui est maintenu jusqu’en fin de vie » ? Tout simplement parce que, dans les tout derniers moments de la vie, il existe ce qu’on appelle le râle agonique. Dans ce cas, le maintien de l’hydratation jusqu’au « bout du bout » aggraverait ce râle ; il est d’ailleurs bien connu que, pour cette raison, les unités de soins palliatifs arrêtent cet acte au dernier moment. On utilise même des produits, comme la scopolamine, pour « assécher », si vous me passez l’expression.
Enfin, comme ce sujet revient souvent dans notre débat, je veux rappeler que Vincent Lambert n’est pas en fin de vie. Son cas n’entre donc pas dans le cadre de la proposition de loi que nous sommes en train d’examiner.
M. le président. Mes chers collègues, toutes ces rectifications en séance étant malaisées, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 17 juin 2015, à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Comme un certain nombre de mes collègues, je ne suis pas un éminent médecin, et la science peut donc m’échapper.
Cela étant dit, j’ai été frappée ce matin en commission des affaires sociales par la tenue d’un vrai débat entre médecins destiné à déterminer si l’absence d’hydratation engendre ou non des souffrances. En l’absence d’une conclusion qui aurait fait l’unanimité au sein des sénateurs médecins, je pense pour ma part qu’il faut considérer l’hydratation non comme un traitement mais comme un soin, tandis qu’au contraire la nutrition semble relever d’une autre qualification.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends qu’un consensus est en train de se dégager au sein de cet hémicycle. Je n’entrerai pas dans un débat de fond. Je rappellerai simplement que, de l’avis de tous les médecins qui ont été consultés lors de la réflexion qui a été engagée en vue de l’élaboration du texte, aucune raison médicale ne justifie d’établir une différence entre l’hydratation, qui serait renvoyée du côté du confort, et d’autres supports artificiels extérieurs, qui, eux, constitueraient des traitements.
Il est inhumain, je n’hésite pas à employer ce mot, d’arrêter l’hydratation sans mesures d’accompagnement et de confort, mais ce n’est pas plus inhumain que d’arrêter la ventilation artificielle ou la dialyse. L’hydratation est un traitement, au même titre que l’alimentation, la ventilation artificielle ou la dialyse. J’entends que l’hydratation suscite une charge émotionnelle plus forte, mais le maintien de l’hydratation sans autre traitement peut aboutir à une surhydratation artificielle qui pose d’autres types de difficultés.
Le Gouvernement ne souhaite pas établir de différence entre l’hydratation et les autres traitements extérieurs qui représentent un support artificiel à la vie. J’émets donc un avis défavorable sur tous les amendements qui tendent à introduire cette différence, y compris sur l’amendement n° 90 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Avec l’amendement n° 90 rectifié bis, nous pensions pouvoir obtenir un consensus. Pour ce faire, nous avions maintenu la première partie concernant le code de déontologie médicale, qui avait reçu un avis favorable du Gouvernement, et nous avions modifié la seconde partie après le débat à l’issue duquel semblait se dégager un accord au sujet de l’hydratation.
M. Georges Labazée. Voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Or, si j’en crois l’accueil qui est réservé à notre proposition, le consensus ne sera pas atteint. Nous devrions pourtant essayer de trouver des points d’accord.
Je m’interroge sur les raisons qui ont incité la commission des affaires sociales à modifier la rédaction du code de déontologie médicale.
M. Georges Labazée. Ce n’est pas la commission, c’est le rapporteur !
M. Jean-Pierre Godefroy. Outre que ce n’est ni le lieu ni le moment, je ne comprends pas l’objectif visé.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote sur l’amendement n° 69 rectifié.
M. Dominique de Legge. Je retire cet amendement, et je rectifie l’amendement n° 101 rectifié pour écrire « l’hydratation artificielle constitue un soin qui peut être maintenu jusqu’en fin de vie ». Les mots « qui peut être maintenu » indiquent qu’il ne s’agit pas d’une obligation, sinon cela pourrait créer un contentieux.
Comme l’ont dit Mmes David et Génisson, il s’agit de permettre, en dépit de l’arrêt de tous les autres traitements, que le patient puisse être hydraté, sans que cela contrevienne à la jurisprudence du Conseil d’État ou remette en cause la position au fond de la commission des affaires sociales.
M. le président. L’amendement n° 69 rectifié est retiré.
Je suis par ailleurs saisi d’un amendement n° 101 rectifié bis, présenté par MM. de Legge, Retailleau, Morisset, Reichardt, Mandelli, de Nicolaÿ, D. Laurent, B. Fournier, Pierre, Leleux et Chaize, Mme Gruny, M. de Raincourt, Mmes Canayer et Duchêne, MM. Bizet et Buffet, Mme Cayeux, M. Trillard, Mmes di Folco et Duranton, MM. Huré, Kennel et Pozzo di Borgo, Mme Des Esgaulx, M. J.P. Fournier, Mme Deromedi, MM. Vasselle, Bignon, Pointereau, Vaspart et Mouiller, Mme Mélot, MM. Mayet et Charon, Mme Deroche, MM. Houel et Gournac, Mme Debré, M. Lemoyne, Mme Lamure et MM. Cardoux, Gremillet et Guerriau, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« L'hydratation artificielle constitue un soin qui peut être maintenu jusqu'en fin de vie. »
Quel est l’avis de la commission ?