M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la précision de votre réponse, plus satisfaisante d’ailleurs que celle de mon collègue président de la commission des lois, Philippe Bas. Au regard du petit conflit qui vous a opposés hier, je tiens à dire que, si Alexis de Tocqueville avait assisté à notre débat, il pencherait naturellement de votre côté, monsieur le ministre. (Sourires.)
En effet, M. Bas nous a dit au fond que nous étions confrontés à une concurrence de contrôles alors qu’il s’agirait bien de contrôles distincts. C’est aussi le point qui nous distingue, monsieur le ministre, dans les conclusions auxquelles vous parvenez.
Je voudrais d’abord donner acte au Gouvernement de l’effort très important qui a été accompli. Si nous regardons d’où nous partons, ce que vous avez décrit à l’instant montre une réelle volonté d’encadrer de la manière la plus stricte possible un domaine extrêmement complexe.
Cela mérite d’être rappelé, tant il est vrai que ce texte fait l’objet de procès notoirement excessifs.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Gaëtan Gorce. Pour autant, lorsque vous évoquez le contexte du terrorisme, cela ne vous surprendra pas que j’évoque pour ma part celui de l’affaire Snowden, qui nous a appris à nous méfier des situations considérées comme satisfaisantes en l’absence d’un ensemble de précautions et de garanties.
Certes, faire intervenir la Commission nationale de l’informatique et des libertés serait une innovation, qui n’a pas d’équivalent dans d’autres pays. Ce serait néanmoins un pas en avant qui, de mon point de vue, ne mettrait nullement en danger le fonctionnement des services de renseignement. En effet, il ne s’agirait en rien de contrôler l’activité de ces derniers, mais bien de s’assurer que les fichiers qui sont constitués répondent aux caractéristiques fixées par la CNIL et par le Gouvernement lorsque ceux-ci ont été créés. Personne n’y veille aujourd'hui.
D’après vous, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est suffisante. Toutefois, elle n’outrepassera pas les compétences qui lui sont dévolues, c’est-à-dire les données recueillies grâce aux techniques de renseignement définies par la loi. Cela ne recouvre donc pas les renseignements obtenus par ailleurs, non plus que les mises en relation entre les différents renseignements, leur traitement et les fichiers concernés. Il y a donc là un vide juridique qu’il apparaîtrait logique de combler.
Cela mettrait-il en danger l’équilibre du pouvoir ? Cela créerait-il une confusion et une concurrence juridiquement préjudiciables, au-delà des risques pour la confidentialité qui ne me paraissent pas justifiés quand on connaît le sérieux des fonctionnaires et des responsables de ces différentes autorités indépendantes ? Je ne le crois pas, puisque, comme je l’ai indiqué, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement n’interviendra que dans le cadre de la loi dont nous débattons aujourd’hui. Elle veillera simplement au respect des techniques et des règles fixées par cette loi. Dès lors, dans la mesure où elle n’aura pas compétence sur les fichiers, la CNIL apporterait un élément supplémentaire.
On peut également imaginer que ces contrôles ne seront pas systématiques ni permanents et que les deux autorités pourront facilement coordonner leurs interventions et échanger les informations si nécessaire.
Je continue donc à penser, même si cela peut vous paraître prématuré ou inadapté, que nous aurions intérêt à introduire cette disposition dans notre droit.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement, monsieur le ministre, même si j’ai bien conscience qu’il ne recueillera pas, hélas, une majorité dans cette assemblée.
Je vous rejoins sur les progrès réalisés, que j’admets volontiers, nonobstant les désaccords que j’ai exprimés sur un certain nombre de points. Toutefois, il est dommage d’en rester là : il n’est pas satisfaisant que des fichiers sur des sujets aussi sensibles ne fassent pas l’objet d’un contrôle complet.
Quoi qu’il en soit, je pense que le débat rebondira. Vous avez d’ailleurs évoqué, et je salue cette initiative, le prolongement de cette réflexion à travers une mission que vous confierez à l’inspection du renseignement, en relation avec les autorités indépendantes. Tout cela va dans la bonne direction, mais il aurait été utile de franchir dès aujourd’hui ce pas qui me paraît indispensable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Dans le même esprit que Gaëtan Gorce, et même si j’ai exprimé un décalage avec la philosophie du texte, je tiens à remercier M. le ministre pour ses explications sur la différence entre la CNCTR et la CNIL.
L’amendement n° 173 rectifié du Gouvernement, dont nous débattrons ultérieurement, prévoit qu’un certain nombre d’informations susceptibles d’être collectées par les moyens dont nous discutons pourront ensuite « prospérer » pour d’autres raisons, au demeurant légitimes, que de stricte prévention au titre de la sécurité : cela prouve bien que des données seront traitées et que des échanges d’information interviendront.
On ne peut pas, d’un côté, affirmer la volonté de s’orienter vers le contrôle et la transparence, et, de l’autre, refuser de confier le traitement des données recueillies à la commission compétente en la matière.
Je le rappelle, les moyens et les compétences de la CNIL sont larges. Elle dispose de plus de 19 millions d’euros par an de crédits de paiement et de 189 équivalents temps plein. La CNCTR prendra la suite de la CNCIS. Or celle-ci n’est dotée que de 580 000 euros par an et de 6 équivalents temps. Je ne sais pas quel sera le profil de la CNCTR, mais je serais heureux de le connaître, monsieur le ministre. Quant à ses moyens, ils seront probablement beaucoup plus importants que ceux de la CNCIS…
M. Jean-Jacques Hyest. Ah oui !
M. Jean-Yves Leconte. Pour ce qui est du traitement des données, il nécessite tout de même une compétence spécifique différente de ce qui est attendu aujourd'hui de la CNCIS et, demain, de la CNCTR. C’est pourquoi il me semblerait justifié de transférer à la CNIL – c’est le sens de cet amendement – ce qui ne peut pas être au cœur de la CNCTR. Sinon, nous devrions créer les mêmes compétences dans deux autorités administratives indépendantes, au risque de laisser un vide concernant la capacité de traiter correctement, et dans le respect de la sécurité nationale, les données dont nous discutons aujourd’hui. Nous pourrons ainsi bien marquer les différences entre les autorités administratives indépendantes.
Monsieur le ministre, je souhaiterais obtenir quelques informations sur les moyens qui sont envisagées pour la CNCTR en termes de budget et de personnels.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié sexies.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n°198 :
Nombre de votants | 308 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 46 |
Contre | 260 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 153 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er bis A (nouveau)
Après la vingt-troisième ligne du tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement |
Commission permanente compétente en matière de libertés publiques |
»
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis A.
(L'article 1er bis A est adopté.)
Article 1er bis
(Supprimé)
Articles 2 et 3 (précédemment examinés)
M. le président. Je rappelle que les articles 2 et 3 ont été précédemment examinés par priorité.
Article 3 bis A
Aux 1° et 2° de l’article 226-3 du code pénal, la référence : « par l’article 706-102-1 du code de procédure pénale » est remplacée par les références : « aux articles 706-102-1 du code de procédure pénale et L. 853-2 du code de la sécurité intérieure ». – (Adopté.)
Article 3 bis
I. – Après le titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, tel qu’il résulte des articles 2 et 3 de la présente loi, il est inséré un titre V bis intitulé : « Des agents des services spécialisés de renseignement ».
II (Non modifié). – Au même titre V bis, il est inséré un chapitre Ier intitulé : « De la protection du secret de la défense nationale et de l’anonymat des agents » et comprenant les articles L. 855-1 à L. 855-3, tels qu’ils résultent des III et IV du présent article et du III de l’article 14 de la présente loi.
III. – Au début du même chapitre Ier, il est inséré un article L. 855-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 855-1. – Les actes réglementaires et individuels concernant l’organisation, la gestion et le fonctionnement des services mentionnés à l’article L. 811-2 et des services désignés par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 811-4 ainsi que la situation de leurs agents sont pris dans des conditions qui garantissent la préservation de l’anonymat des agents.
« Lorsque, en application du premier alinéa du présent article, un acte ne peut être publié, son entrée en vigueur est subordonnée à son enregistrement dans un recueil spécial, dispensé de toute publication ou diffusion et tenu par le Premier ministre. Seuls les autorités publiques compétentes et les agents publics justifiant d’un intérêt ainsi que, dans les conditions et sous les réserves prévues au dernier alinéa, les juridictions administratives et judiciaires peuvent consulter un acte figurant dans ce recueil.
« Par dérogation à l’article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les décisions et les autres actes pris par les autorités administratives au sein des services mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent comporter seulement, outre la signature, le numéro d’identification de leur auteur, attribué avec la délégation de signature et qui se substitue à la mention de ses prénom, nom et qualité. Le nombre de délégations de signature numérotées par service est fixé par arrêté du ministre compétent.
« Lorsque, dans le cadre d’une procédure engagée devant une juridiction administrative ou judiciaire, la solution du litige dépend d’une question relative à un acte non publié en application du présent article ou faisant l’objet d’une signature numérotée, ce dernier est communiqué, à sa demande, à la juridiction ou au magistrat délégué par celle-ci, sans être versé au contradictoire. »
IV. – Le même chapitre Ier est complété par un article L. 855-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 855-3. – I. – Tout agent d’un service spécialisé de renseignement mentionné à l’article L. 811-2 ou d’un service désigné par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 811-4 qui a connaissance, dans l’exercice de ses fonctions, de faits susceptibles de constituer une violation manifeste du présent livre peut porter ces faits à la connaissance de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
« Lorsque la commission estime que l’illégalité constatée est susceptible de constituer une infraction, elle saisit le procureur de la République de l’ensemble des éléments portés à sa connaissance.
« II. – Aucun agent ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de recrutement, de titularisation, de notation, de discipline, de traitement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation, d’interruption ou de renouvellement de contrat, pour avoir porté, de bonne foi, des faits mentionnés au I à la connaissance de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Tout acte contraire aux dispositions du présent alinéa est nul et non avenu.
« En cas de litige relatif à l’application du premier alinéa du présent II, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’agent intéressé.
« Tout agent qui relate ou témoigne des faits mentionnés au I, de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits, encourt les peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal. »
V. – Le même titre V bis est complété par des chapitres II et III ainsi rédigés :
« CHAPITRE II
« De la protection juridique des agents
« Art. L. 855-4. – Lorsque des faits commis hors du territoire national, à des fins strictement nécessaires à l’accomplissement d’une mission commandée par ses autorités légitimes, par un agent des services spécialisés de renseignement désignés par le décret prévu à l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée, sont portés à sa connaissance et paraissent susceptibles de constituer des infractions pénales, le procureur de la République territorialement compétent en informe le ministre dont relève le service de l’agent concerné aux fins de recueillir son avis préalablement à tout acte de poursuite sauf en cas de crime ou de délit flagrant. Hormis le cas d’urgence, cet avis est donné dans le délai d’un mois. L’avis est demandé par tout moyen dont il est fait mention au dossier de la procédure.
« L’avis figure au dossier de la procédure, à peine de nullité, sauf s’il n’a pas été formulé dans le délai précité ou en cas d’urgence.
« Art. L. 855-4-1 (nouveau). – Sans préjudice des dispositions du titre II du livre Ier du code pénal, les agents des services spécialisés de renseignement sont pénalement responsables de leurs actes lorsque ceux-ci n’ont été ni prescrits, ni autorisés par des dispositions législatives ou réglementaires, ni commandés par l’autorité légitime.
« CHAPITRE III
« De l’information des services de renseignement
« Art. L. 855-5. – (Supprimé)
« Art. L. 855-6. – Les services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 et les services désignés par le décret prévu à l’article L. 811-4 peuvent échanger toutes les informations utiles à l’accomplissement de leurs missions définies au titre Ier du présent livre.
« Les autorités administratives mentionnées à l’article 1er de l’ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives peuvent transmettre aux services mentionnés au premier alinéa du présent article, de leur propre initiative ou sur requête de ces derniers, des informations utiles à l’accomplissement des missions de ces derniers.
« Les modalités et les conditions d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)
M. le président. L'amendement n° 189, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
et des services désignés par le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 811-4
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il convient de limiter la dérogation apportée par l’article L. 855-1 du code de la sécurité intérieure à la publicité des actes administratifs. L’amendement prévoit en conséquence de revenir au texte ayant reçu l’avis favorable du Conseil d’État, qui limite le champ d’application de cette disposition aux seuls services spécialisés de renseignement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission avait émis un avis défavorable sur cet amendement, mais compte tenu des explications du Gouvernement, je prends sur moi de m’en remettre à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. L'amendement n° 198, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, dans le respect du secret de la défense nationale
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Dans le cadre de la procédure dite des « lanceurs d'alerte », il convient de préciser que la CNCTR devra également respecter le secret de la défense nationale lorsqu'elle décidera de saisir le procureur de la République.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 199 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 17, première phrase
Remplacer les mots :
spécialisés de renseignement désignés par le décret prévu à l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée
par les mots :
mentionnés à l'article L. 811-2
II. – Alinéa 23
Après le mot :
décret
insérer les mots :
en Conseil d’État
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 200, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 855-4-1. – Les agents des services spécialisés de renseignement sont pénalement responsables de leurs actes dans les conditions définies au titre II du livre Ier du code pénal.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet amendement tend à modifier la rédaction du renvoi au code pénal destiné à définir la responsabilité pénale des agents des services spécialisés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 173 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les services mentionnés au premier alinéa peuvent transmettre aux agents habilités des services de l'État, à ses établissements publics ou aux organismes de protection sociale mentionnés à l'article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale, les informations strictement utiles à l'accomplissement de leur mission, lorsque la transmission de ces informations participe directement à l’une des finalités prévues à l’article L. 811-3 du présent code.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les services de renseignement doivent être habilités à transmettre certaines informations aux services de l’État, à ses établissements publics ou à des organismes de protection sociale mentionnés à l’article L. 114-16-3 du code de la sécurité sociale, lorsque ces données sont strictement utiles à l’accomplissement de leurs missions et concourent directement aux objectifs fixés dans ce projet de loi.
Ces transmissions sont particulièrement utiles. Je songe notamment aux informations détenues par les services de renseignement relatives à la présence d’un ressortissant national sur un théâtre d’opérations terroristes. En effet, dans cette hypothèse, la transmission de cette information à certains organismes sociaux permettrait de suspendre le versement des prestations sociales indues, qui seraient susceptibles d’alimenter directement le financement de certaines actions terroristes.
Je sais que M. Bas est particulièrement sensible à ces enjeux. Mais, comme l’illustre cet amendement, le Gouvernement est, lui aussi, soucieux de ne pas laisser des prestations sociales à la disposition d’individus susceptibles de les employer à des fins terroristes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous suivons le Gouvernement !
M. Jean-Pierre Raffarin, rapporteur pour avis. Tout arrive ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis, modifié.
(L'article 3 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 3 bis
M. le président. L'amendement n° 187, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 3 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre Ier du titre X du livre IV du code de procédure pénale est complétée par un article 694-… ainsi rédigé :
« Art. 694-… – Si une demande d'entraide émanant d'une autorité judiciaire étrangère concerne des faits commis hors du territoire national susceptibles d’être en lien avec les missions réalisées, aux fins de la défense et de la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation prévus à l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure, par un service spécialisé de renseignement prévu à l’article L. 811-2 du même code, le procureur de la République saisi de cette demande, ou avisé en application de l'article 694-1 du présent code, la transmet au procureur général qui en saisit le garde des sceaux, ministre de la justice, et donne, le cas échéant, avis de cette transmission au juge d'instruction.
« Le ministre de la justice en informe le ministre de la responsabilité duquel relève le service spécialisé de renseignement concerné et recueille son avis.
« Dans le délai d'un mois, ce dernier fait connaître au garde des sceaux, ministre de la justice si l'exécution de la demande d'entraide est de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels de la Nation.
« Le garde des sceaux, ministre de la justice informe, s'il y a lieu, l'autorité requérante de ce qu'il ne peut être donné suite, totalement ou partiellement, à sa demande. Cette décision est notifiée à l'autorité judiciaire initialement saisie et fait obstacle à l'exécution de la demande d'entraide ou au retour des pièces d’exécution. »
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Sans remettre de quelque façon en cause les motifs classiques sur la base desquels les autorités judiciaires françaises peuvent décider de ne pas faire droit à une demande d’entraide pénale internationale, cet amendement tend à organiser un dispositif de demande d’avis tel que lesdites autorités judiciaires puissent recueillir l’avis du ministre compétent lorsque les faits invoqués à l’appui de la demande d’entraide pénale sont susceptibles de concerner un agent d’un service de renseignement français.
M. Raffarin connaît particulièrement bien ce dossier, et il est, je le sais, extrêmement mobilisé en la matière.
Il s’agit en somme de transposer, pour les agents des services de renseignement, la procédure de demande d’avis préalable avant poursuite, déjà applicable aux militaires.
Le Gouvernement espère que le Sénat adoptera cet amendement avec enthousiasme ! (M. le rapporteur pour avis sourit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3 bis.
Article 4
Le code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 311-4, il est inséré un article L. 311-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-4-1. – Le Conseil d’État est compétent pour connaître, en premier et dernier ressort, des requêtes concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement mentionnées au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure et la mise en œuvre de l’article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, pour certains traitements ou parties de traitements intéressant la sûreté de l’État.
« Le Conseil d’État peut être saisi, en premier et dernier ressort, comme juge des référés. » ;
2° Après le chapitre III du titre VII du livre VII, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE III BIS
« Le contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation
« Art. L. 773-1. – Le Conseil d’État examine les requêtes présentées sur le fondement des articles L. 841-1 et L. 841-2 du code de la sécurité intérieure conformément aux règles générales du présent code, sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre.
« Art L. 773-2. – Sous réserve de l’inscription à un rôle de l’assemblée du contentieux ou de la section du contentieux qui siègent alors dans une formation restreinte, les affaires relevant du présent chapitre sont portées devant une formation spécialisée. La composition de ces formations est fixée par décret en Conseil d’État.
« Préalablement au jugement d’une affaire, l’inscription à un rôle de l’assemblée du contentieux ou de la section du contentieux de l’examen d’une question de droit posée par cette affaire peut être demandée. L’assemblée du contentieux ou la section du contentieux siègent dans leur formation de droit commun.
« Les membres des formations mentionnées au premier alinéa et leur rapporteur public sont habilités ès qualités au secret de la défense nationale. Les agents qui les assistent doivent être habilités au secret de la défense nationale aux fins d’accéder aux informations et aux documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Les membres de ces formations sont astreints, comme les agents qui les assistent, au respect des secrets protégés par les articles 413-10 et 226-13 du code pénal pour les faits, les actes et les renseignements dont ils peuvent avoir connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.
« Dans le cadre de l’instruction de la requête, les membres de la formation de jugement et le rapporteur public sont autorisés à connaître de l’ensemble des pièces en possession de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ou des services mentionnés aux articles L. 811-2 et L. 811-4 du code de la sécurité intérieure et utiles à l’exercice de leur office, y compris celles protégées au titre de l’article 413-9 du code pénal.
« Art. L. 773-3. – Les exigences de la contradiction mentionnées à l’article L. 5 sont adaptées à celles du secret de la défense nationale.
« La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est informée de toute requête présentée sur le fondement de l’article L. 841-1 du code de la sécurité intérieure. Elle est invitée à présenter, le cas échéant, des observations écrites ou orales. L’intégralité des pièces produites par les parties lui est communiquée.
« La formation chargée de l’instruction entend les parties séparément lorsqu’est en cause le secret de la défense nationale.
« Art. L. 773-4. – Le président de la formation de jugement ordonne le huis-clos lorsqu’est en cause le secret de la défense nationale.
« Art. L. 773-5. – La formation de jugement peut relever d’office tout moyen.
« Art. L. 773-6. – Lorsque la formation de jugement constate l’absence d’illégalité dans la mise en œuvre d’une technique de recueil de renseignement ou du traitement faisant l’objet du litige, soit parce que la personne concernée n’a fait l’objet d’aucune de ces mesures de surveillance, soit parce que ces mesures ont été mises en œuvre régulièrement, la décision indique au requérant ou à la juridiction de renvoi qu’aucune illégalité n’a été commise, sans confirmer ni infirmer la mise en œuvre d’une technique.
« Art. L. 773-7. – Lorsque la formation de jugement constate qu’une technique de recueil de renseignement est ou a été mise en œuvre illégalement ou qu’une donnée ou un renseignement a été conservé illégalement, elle peut annuler l’autorisation et ordonner la destruction des renseignements irrégulièrement collectés.
« Sans faire état d’aucun élément protégé par le secret de la défense nationale, elle informe le requérant ou la juridiction de renvoi qu’une illégalité a été commise. Saisie de conclusions en ce sens lors d’une requête concernant la mise en œuvre d’une technique de renseignement ou ultérieurement, elle peut condamner l’État à indemniser le préjudice subi.
« Lorsque la formation de jugement estime que l’illégalité constatée est susceptible de constituer une infraction, elle en avise le procureur de la République et transmet l’ensemble des éléments du dossier au vu duquel elle a statué à la Commission consultative du secret de la défense nationale afin que celle-ci donne au Premier ministre son avis sur la possibilité de déclassifier tout ou partie de ces éléments en vue de leur transmission au procureur de la République.
« Lorsqu’elle traite du contentieux relatif à la mise en œuvre de l’article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, la formation de jugement se fonde sur les éléments contenus le cas échéant dans le traitement sans les révéler ni révéler si le requérant figure ou non dans le traitement. Toutefois, lorsqu’elle constate que le traitement ou la partie de traitement faisant l’objet du litige comporte des données personnelles le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques ou périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite, elle en informe le requérant. »