M. le président. Madame la rapporteur, l’amendement n° 1805 est-il maintenu ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Compte tenu des explications de M. le ministre et pour ne pas surcharger la loi, je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 1805 est retiré.
L'amendement n° 1804, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 103 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1233-3 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou à des réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le motif économique se justifie au regard de la situation de l'entreprise ou, le cas échéant, de celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient. »
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à apporter des précisions à la définition du motif économique de licenciement, qui figure à l'article L. 1233-3 du code du travail.
Tout d’abord, il tend à inscrire dans la loi un motif de licenciement économique reconnu de longue date par la Cour de cassation, depuis son arrêt Vidéocolor du 5 avril 1995 : la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. La jurisprudence, constante depuis lors, confirme le caractère réel et sérieux de licenciements prononcés dans le cadre d'une réorganisation rendue nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, même en l'absence de difficultés économiques immédiates ou de mutations technologiques. Il s'agit ici, dans un souci de sécurité juridique, de mettre en conformité la définition du licenciement économique figurant dans le code du travail avec cette jurisprudence.
Ensuite, l’amendement vise à énoncer le périmètre d'appréciation par l'employeur, puis, en cas de litige, par le juge, du motif économique de licenciement, afin d'éviter que des interprétations restrictives ne limitent ce périmètre au niveau du secteur d'activité sans prendre en compte la situation de l'entreprise. Le motif économique peut donc reposer sur la situation du secteur d'activité, au niveau national ou international, mais il peut également résulter de la situation de l'entreprise elle-même.
Concernant la notion de « secteur d’activité » d’un groupe, le choix a été fait de ne pas en donner une définition figée dans la loi, car, en la matière, le législateur aura toujours un temps de retard sur l’activité économique. Est-ce pour autant une notion inconnue et nouvelle ? Non, puisque la Cour de cassation l’utilise depuis plus de vingt ans en s’appuyant notamment sur un faisceau d’indices ayant trait à la nature des produits, à la clientèle à laquelle s’adresse le groupe et aux modes de distribution auxquels il recourt. En cas de contentieux, une analyse au cas par cas est nécessaire ; elle est la seule qui soit à même de garantir à la fois le droit des salariés et la sécurité juridique des actes des employeurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Votre amendement vise à élever au niveau de la loi ce que la jurisprudence reconnaît depuis 1995. Je voudrais toutefois en réponse bien clarifier les termes du débat, car ils sont importants.
Premièrement, des licenciements économiques sont aujourd'hui reconnus par le juge dans le cas de difficultés économiques ou de mutations technologiques auxquelles une entreprise est confrontée. Depuis vingt ans, la jurisprudence considère en effet que la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise peut fonder le caractère économique d’un licenciement. S’il faut être vigilant en la matière, la rédaction de cet amendement ne me semble pas poser de problème, dans la mesure où elle a les mêmes objectifs que la jurisprudence. Il faut en tout cas bien préciser que cet amendement ne vise pas autre chose que la retranscription explicite dans la loi de cette jurisprudence relative au motif légitime de licenciement économique. En tout état de cause, je précise que l’adoption de cet amendement n’apporterait pas de changement substantiel aux cas récents auxquels nous avons assisté – je pense par exemple à celui de Vallourec – puisqu’il s’agit de difficultés économiques déjà reconnues par la jurisprudence.
Deuxièmement, je vois dans cet amendement une articulation entre, d’une part, la définition du champ du licenciement économique et, d’autre part, le recours possible à l’accord de maintien dans l’emploi, ou AME, défensif. Ce dernier a été mis en place par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi et fera l’objet d’une discussion dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux pour en tirer tous les conséquences.
Il est donc primordial, s’agissant de cas de sauvegarde de la compétitivité des entreprises, de bien clarifier le cadre normatif – il me semble que vous le faites en élevant la jurisprudence au niveau de la loi – et de donner les moyens aux entreprises d’éviter autant que possible les PSE pour recourir plutôt à l’AME. L’intention du Gouvernement est de favoriser cette seconde voie, et je crois que ce texte permettra de le faire ; ma lecture de cet amendement est qu’il ne s’agit que d’une clarification et non d’un ajout.
Troisièmement, vous proposez d’apprécier le motif économique du licenciement au regard de la situation de l’entreprise ou, le cas échéant, du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. Pour prévenir tout débat ultérieur sur l’application des critères ainsi énoncés, notamment concernant les groupes, je tiens à préciser un dernier point, pour que nous soyons certains d’avoir la même compréhension. Cet amendement précise, selon moi, que la réalité de la situation de l’entreprise ou du secteur d’activité concerné – qu’il soit national ou international – nécessitant des réorganisations destinées à sauvegarder la compétitivité de l’entreprise peut être constituée dès lors que l’entreprise elle-même le justifie ; la réalité de ces difficultés peut donc résulter d’une appréciation d’ensemble des deux situations. Ma compréhension, c’est que vous voulez éviter une situation dans laquelle une entreprise confrontée à des difficultés réelles mais dont le secteur se trouve dans une situation régionale favorable ne puisse pas faire qualifier d’économiques ses licenciements.
Ces précisions étant apportées – il s’agit d’une simple élévation de la jurisprudence au niveau de la loi et le Gouvernement souhaite favoriser les accords de maintien dans l’emploi –, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. M. le ministre vient d’évoquer la société Vallourec, qui s’est développée à l’origine notamment dans le Nord. Moi qui viens de cette région, je peux vous dire que ce genre de dispositif y est très souvent mis en œuvre. Dans ce territoire industriel, nous avons par exemple connu, avec le groupe PSA, l’accord de compétitivité pour le site de Sevelnord, pour lequel il a fallu batailler. Aujourd’hui, on constate que, pour cette usine, qu’on avait l’intention de fermer, la machine est repartie. Nous avons connu d’autres exemples de cette nature sur notre territoire, et il y en aura encore d’autres !
Pour ma part, je suis favorable à tout ce qui améliore la compétitivité. Je suis plutôt sensible aux arguments en faveur de la flexibilité, mais à condition que celle-ci soit mesurée, que lorsqu’une entreprise – nationale ou internationale – cherche à développer son activité, cela ne se fasse pas au détriment de l’emploi en France. Transposer cette jurisprudence dans la loi ne doit donc pas permettre aux entreprises de franchir trop rapidement un cran supplémentaire, même si un tel dispositif peut sembler être a priori la solution à une situation difficile. En prenant le temps de la réflexion, on se rend compte parfois que la négociation et la voie contractuelle peuvent mener à des solutions permettant de traverser une période difficile tout en conservant les emplois.
Vous comprendrez sans doute que, à ce stade j’ai des réserves sur cet amendement visant à préciser que le motif économique d’un licenciement peut se justifier au regard de la situation de l’entreprise ou de celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. Concernant le cas de la société Vallourec, encore une fois, je pense qu’il faut envisager tous les moyens possibles, qu’il ne faut s’interdire aucune option.
Monsieur le ministre, vous vous en êtes remis à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Personnellement, je m’abstiendrai, parce que j’ai besoin d’avoir davantage de précisions ; j’estime ne pas disposer aujourd'hui de suffisamment de garanties sur les conséquences qu’aura la transcription de la jurisprudence dans la loi.
Mes chers collègues, j’en appelle à notre responsabilité collective. Qu’entraînera, demain, l’adoption d’un tel amendement ? Que changera-t-elle, concrètement, pour les entreprises industrielles ? En outre, comment pourrons-nous assurer à l’ensemble des salariés de notre pays que notre volonté de maintenir et de développer une entreprise, sur le plan national, sans pour autant négliger le plan international, de favoriser la flexibilité et la compétitivité ne conduira pas à privilégier systématiquement les licenciements, sans que les voies et moyens préalables aient été épuisés ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. L’amendement de la commission spéciale vise à prendre en compte non seulement la situation propre de l’entreprise, mais aussi le « secteur d’activité » du groupe auquel l’entreprise appartient, alors que celui-ci, jusqu’à présent, n’était qu’un élément de contexte.
Dans son objet, l’amendement fait référence à l’arrêt Vidéocolor. Mes chers collègues, cet arrêt a été rendu le 5 avril 1995. C’était il y a vingt ans ! En vingt ans, le monde a changé et la mondialisation a fait son œuvre. Beaucoup d’entreprises qui sont encore sur le territoire national font désormais partie de grands groupes internationaux, qu’ils soient situés outre-Atlantique ou en Asie.
M. le ministre a apporté des précisions qui me semblent très utiles. Premièrement, il est ici question de « secteur d’activité » national ou international et non de « territoire ».
Mme Valérie Létard. Nous sommes d’accord !
Mme Nicole Bricq. Pour ce qui me concerne, j’aurais préféré que le mot « européen » figure dans la loi, mais je sais que c’est juridiquement impossible.
Deuxièmement, M. le ministre fait de cet amendement un miroir de l’accord de maintien dans l’emploi défensif. Nous avons évoqué, ce matin, la rencontre qui doit avoir lieu avec les organisations syndicales. Cette précision est très importante pour la compréhension du débat.
Troisièmement, M. le ministre est revenu sur la philosophie générale du plan de sauvegarde de l’emploi : celui-ci doit être évité chaque fois que possible, car prévenir est toujours mieux que guérir, surtout lorsque la guérison se passe mal. Cela me paraît également être la philosophie de cet amendement, qui n’est pas rédactionnel ni de précision – du reste, Mme la rapporteur n’en a pas parlé ainsi. Il importe que le législateur connaisse la portée de ce qu’il vote !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Absolument !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 103 bis.
Article 104
(Non modifié)
Les articles 98 à 103 sont applicables aux procédures de licenciement pour motif économique engagées, en application des articles L. 1233-8 ou L. 1233-30 du code du travail, après la publication de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 1780, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
après la publication
par les mots :
à la date d'entrée en vigueur
La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il est retiré.
M. le président. L'amendement n° 1780 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 512 est présenté par M. Lenoir.
L'amendement n° 741 rectifié est présenté par Mme Imbert et MM. D. Laurent, Milon, Morisset, Vasselle, Laufoaulu, Laménie, Lefèvre et Husson.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par les mots :
, ainsi qu’aux procédures pour lesquelles aucune décision définitive des juridictions compétentes n’est intervenue à la date de publication de la présente loi
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour présenter l’amendement n° 512.
M. Jean-Claude Lenoir. Nous le savons, un plan de sauvegarde de l’emploi peut être remis en cause du fait de l’annulation de la décision de validation ou d’homologation prise par l’autorité administrative. Cet amendement vise à lever cette insécurité juridique.
M. le président. L’amendement n° 741 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 512 ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement revient à modifier les règles en cours de route.
Si la commission ne méconnaît pas les difficultés qu’a pu entraîner la réforme des PSE issue de la loi de sécurisation de l’emploi de 2013, auxquelles le présent projet de loi apporte des réponses, elle a jugé que l’on ne pouvait pas remettre en cause la sécurité juridique des recours actuellement pendants devant le juge administratif.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, a renforcé son contrôle des lois de validation, en exigeant notamment un motif « impérieux » d’intérêt général, et non plus un motif « suffisant » d’intérêt général.
La commission a considéré que l’amendement ne présentait pas les garanties suffisantes pour éviter une censure du Conseil constitutionnel. Elle en sollicite donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Lenoir, l'amendement n° 512 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Lenoir. Non, monsieur le président ; je ne voudrais pas être tenu pour responsable du retard dans l’examen du texte et puis, surtout, je devine le bonheur qui sera le vôtre, monsieur le ministre, de m’entendre dire que je retire l’amendement. (M. le ministre s’esclaffe.)
M. le président. L'amendement n° 512 est retiré.
Je mets aux voix l'article 104.
(L'article 104 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 104
M. le président. L'amendement n° 1338, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 104
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du code du travail, il est rétabli un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« Chapitre préliminaire
« Utilité sociale et collective des entreprises
« Art. L. 1A. – L’activité économique des entreprises de production de biens ou de services, qu’elles soient privées ou publiques, à but lucratif ou non, a pour finalités le bien-être des producteurs, la sécurité de l’emploi et de la formation, la satisfaction des besoins des citoyens, la préservation de l’environnement. Les choix de gestion des entreprises sont guidés par ces buts qui priment toute autre considération. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à rééquilibrer, dans la loi, les principes fondamentaux que sont la liberté d’entreprendre et le droit pour chacun d’obtenir un emploi, en précisant les finalités de l’activité économique.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel vise à l’équilibre entre deux principes antagonistes ayant la même valeur juridique : la liberté d’entreprendre et le droit à l’emploi. En l’occurrence, ces deux principes ont valeur constitutionnelle, et toutes les normes inférieures doivent s’y conformer. Or, paradoxalement, si une seule clause du bloc de constitutionnalité consacre indirectement la liberté d’entreprendre, plusieurs dispositions protègent et constitutionnalisent nos droits sociaux, au point que l’on peut évoquer un véritable droit constitutionnel social. C’est pourquoi nous pensons que le législateur doit apporter une précision sur l’utilité sociale et collective des entreprises.
Dans ces conditions, il ne serait pas incongru de prévoir, à l’article 1er du code du travail, que l’activité économique des entreprises de production de biens ou de services, qu’elles soient privées ou publiques, à but lucratif ou non, a pour finalités le bien-être des producteurs, la sécurité de l’emploi et de la formation, la satisfaction des besoins des citoyens, la préservation de l’environnement et que les choix de gestion des entreprises sont guidés par ces buts, qui priment sur toute autre considération.
Nous pensons que ce débat n’est pas seulement de nature constitutionnelle et que cette précision est bienvenue, voire indispensable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est défavorable à l’amendement, dont la rédaction est finalement assez proche de celle retenue à l’article 1er de la loi du 31 juillet 2014, qui définit l’économie sociale et solidaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 627 rectifié, présenté par Mme D. Gillot, M. Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 104
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour la préparation directe d’une épreuve, un étudiant justifiant d’une inscription valide et en cours au sein d’un établissement préparant à l’obtention d’un diplôme d’enseignement supérieur, a droit à un congé supplémentaire de cinq jours ouvrables par tranche de soixante jours ouvrables travaillés prévus par son contrat de travail.
Ce congé donne droit au maintien de son salaire. Il est situé dans le mois qui précède les épreuves. Il s’ajoute au congé payé prévu à l’article L. 3141-1 du code du travail et s’il y a lieu, au congé annuel pour les salariés de moins de vingt et un ans prévu à l’article L. 3164-9 du même code.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à accorder un « crédit congé formation » de cinq jours ouvrables par semestre universitaire aux étudiants salariés justifiant d’une inscription en cours valide au sein d’un établissement préparant à l’obtention d’un diplôme d’enseignement supérieur. Ce congé, pouvant être pris dans le mois précédant les épreuves et donnant droit au maintien du salaire, s’ajouterait aux congés payés et au congé annuel pour les salariés de moins de vingt et un ans.
Dans son enquête triennale publiée dernièrement, l’Observatoire de la vie étudiante affirme que 25 % des étudiants se déclarent en difficulté financière. C’est ce qui pousse 46 % d’entre eux à exercer une activité rémunérée pendant leur année universitaire. Parmi ceux-ci, la moitié déclarent que cette activité leur est « indispensable pour vivre » – et donc pour étudier – et 19 % qualifient cette activité de « concurrente » ou de « très concurrente » à leurs études. Les étudiants les plus concernés par les activités rémunérées concurrentes à la réussite de leurs études ne perçoivent souvent pas de bourses sur critères sociaux ou en touchent une d’un montant peu élevé, sans avoir les moyens financiers d’éviter le salariat.
Dans certains cas, les régimes spéciaux d’études à destination des étudiants salariés leur permettent d’aménager leur temps d’étude et de choisir prioritairement la répartition horaire de leurs enseignements. Malheureusement, cette possibilité n’est pas généralisée. Il n’existe donc aucune disposition permettant à un étudiant de faire valoir un droit à la préparation de ses examens, ce qui frappe l’étudiant d’une double peine : devoir travailler pour financer ses études et n’avoir aucun moyen de combiner ces deux emplois du temps différents, particulièrement pendant les périodes d’examens.
Cependant, les étudiants en alternance bénéficient de l’article L. 6222-35 du code du travail, lequel instaure un congé de cinq jours pour permettre la préparation des examens. Cette disposition répond à la nécessité de laisser un temps suffisant aux étudiants pour réviser, en vue de leur examen. Le présent amendement vise à étendre ce droit à tous les étudiants en mesure de justifier d’une inscription effective à une formation d’enseignement supérieur et d’un contrat de travail. Cette proposition permettra ainsi d’améliorer concrètement la réussite des étudiants qui sont contraints d’être salariés pour étudier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Il est vrai qu’un nombre croissant d’étudiants travaillent pendant leurs études, souvent pour payer leur loyer et les dépenses de la vie courante, lorsqu’ils ne peuvent bénéficier d’aucune forme de solidarité familiale, même si rares sont ceux qui travaillent à temps plein. La situation de ces étudiants n’est pas tout à fait comparable à celle des apprentis, qui sont en alternance à temps plein dans l’entreprise, puis en formation en centre de formation d’apprentis, ou CFA.
La commission avait jugé important de connaître la position du ministre chargé de l’enseignement supérieur et du ministre du travail sur cette question. N’ayant pas obtenu de réponse, elle a émis un avis défavorable sur l’amendement. Reste que nous allons maintenant pouvoir entendre le Gouvernement sur ce point !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Madame Gillot, vous proposez de créer un nouveau congé, d’une durée de cinq jours par semestre universitaire, pour permettre aux étudiants salariés de se rendre à leurs examens. L’objet de votre amendement est en cohérence avec ce que nous avons pu faire par ailleurs. C’est pourquoi j’y suis favorable, même si nous devrons évidemment préciser les modalités de ce congé d’ici à la fin de l’examen du projet de loi par le Parlement. Il faut permettre aux étudiants salariés de préparer au mieux leurs épreuves universitaires.
Comme le Président de la République l’a rappelé mercredi dernier dans un discours consacré à la jeunesse, l’université doit être « la condition de notre réussite collective ». Il faut plus d’étudiants mieux orientés, mieux formés, et il doit y avoir, pour ces étudiants, les conditions pour réussir leurs études – les bourses, les conditions de travail, de logement, la prime d’activité… Comme l’a également déclaré le chef de l’État, tout cela permettra aux jeunes de France de pouvoir accéder davantage qu’aujourd'hui à des études de qualité et à l’autonomie.
Dans ce contexte, je considère que votre amendement apporte une pierre à l’édifice. Je répète qu’il faut encore en clarifier les modalités et en améliorer la rédaction. En tout état de cause, son adoption serait importante et cohérente avec les efforts entrepris aujourd'hui.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Sur le fond, je suis favorable à cet amendement, même si l’on ne peut pas assimiler un étudiant qui travaille à un étudiant en alternance. Dans ce dernier cas, l’entreprise sait au moment de la signature du contrat qu’elle devra lui donner des journées de congé pour lui permettre de préparer ses examens.
Cela étant, le droit au maintien du salaire me gêne. Autant je pense qu’il est important que l’étudiant ait droit à ces cinq jours de congé, autant je crains que le droit au maintien du salaire pendant ces cinq jours ne conduise les entreprises à embaucher moins d’étudiants. Gardons-nous, une fois de plus, de vouloir trop bien faire !
Dans ces conditions, ma chère collègue, je m’abstiendrai sur votre amendement, à moins que vous ne supprimiez le droit au maintien du salaire. La commission mixte paritaire pourra encore faire évoluer la rédaction si nous l’adoptons aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne peux qu’être favorable à cet amendement, qui apportera un peu plus de confort aux étudiants qui travaillent… y compris le dimanche !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Les arguments de Mme Procaccia sont justes : l’adoption de cet amendement risquerait de pénaliser certains étudiants. Comme nous tenons beaucoup à ce dispositif, Mme Gillot sera sans doute d’accord pour procéder à la rectification suggérée par notre collègue.
Vous aurez remarqué que je n’ai pas l’habitude de défendre des positions extrêmes. J’ai mes convictions, mais je pense qu’il vaut mieux avancer d’un petit pas que de ne pas avancer du tout. En outre, au regard de l’application de la règle de l’entonnoir – souvent évoquée par la commission – par le Conseil constitutionnel, il est important d’adopter cette disposition, quitte à en améliorer l’assise juridique par la suite.
M. le président. Madame Gillot, que décidez-vous ?
Mme Dominique Gillot. Je remercie Mme Procaccia d’avoir suggéré cette rectification à laquelle je souscris tout à fait.
Cette proposition fait son chemin depuis déjà quelques mois. Nous avons travaillé avec les organisations étudiantes, ainsi qu’avec certaines filières professionnelles qui embauchent des étudiants. Ces dernières ont fait un pas pour améliorer les conditions d’études de leurs salariés. Certaines vont même jusqu’à l’annualisation et accordent aux salariés étudiants, dans le contrat de travail, des congés rémunérés pour la préparation de leurs examens.
Comme l’ont dit M. le ministre et Mme Bricq, nous pourrons mettre à profit le temps de la navette pour parvenir au bon équilibre et améliorer la qualité de vie et les chances de réussite des étudiants obligés d’exercer une activité salariée pour financer leurs études. Il ne s’agit d’ailleurs pas nécessairement d’un handicap : si l’emploi est en rapport avec les études poursuivies, ce peut être un stimulant intéressant. Il s’agit surtout d’éviter que les emplois salariés ne concurrencent ces mêmes études.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 627 rectifié bis, présenté par Mme D. Gillot, M. Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Après l’article 104
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour la préparation directe d’une épreuve, un étudiant justifiant d’une inscription valide et en cours au sein d’un établissement préparant à l’obtention d’un diplôme d’enseignement supérieur, a droit à un congé supplémentaire de cinq jours ouvrables par tranche de soixante jours ouvrables travaillés prévus par son contrat de travail.
Ce congé est situé dans le mois qui précède les épreuves. Il s’ajoute au congé payé prévu à l’article L. 3141-1 du code du travail et s’il y a lieu, au congé annuel pour les salariés de moins de vingt et un ans prévu à l’article L. 3164-9 du même code.
Quel est l’avis de la commission ?