M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. M. le corapporteur ayant déployé une argumentation juridique pour motiver l’avis défavorable de la commission spéciale sur les deux amendements, je vais moi aussi recourir à des arguments juridiques pour étayer l’avis favorable du Gouvernement !
Le dispositif de ces amendements vise à permettre de changer la structure de contrôle d’une entreprise en difficulté, et d’assurer in fine un compromis satisfaisant entre, d’une part, l’atteinte possible aux intérêts et aux droits des actionnaires, et, d’autre part, l’impérieuse nécessité de préserver les emplois et l’activité de l’entreprise. À mes yeux, ce dispositif est équilibré et devrait permettre de faciliter le redressement des entreprises en difficulté, partant le maintien de l’emploi. Voilà pourquoi le Gouvernement est favorable à ces amendements.
On ne saurait nous soupçonner d’éventuelles motivations politiques : d’autres États se montrent très pragmatiques sur ce sujet et n’hésitent aucunement à donner plus de droits aux créanciers, parfois au détriment des droits des actionnaires. Ainsi, aux États-Unis, pour sauver l’entreprise General Motors, il a été procédé à une éviction des actionnaires en place au bénéfice de certains créanciers.
La procédure qui a été présentée par Mme Bricq permettra soit de diluer le capital, soit d’imposer la vente d’actions de contrôle au profit de créanciers ou de tiers afin de sauver une entreprise, selon un plan d’action devant se dérouler – ce point est important – sur dix ans. Elle ne pourrait intervenir que dans le cadre des procédures de redressement judiciaire – les procédures de sauvegarde ou de prévention ne sont pas concernées – et que si l’actionnariat en place ne veut ou ne peut pas financer un plan crédible de redressement de l’entreprise, alors même que celle-ci peut être sauvée. Il s’agit notamment de remédier à des situations où des actionnaires, mus par une vision individualiste et de court terme, refuseraient de refinancer l’entreprise alors même qu’une restructuration permettrait de la sauver. Dans de tels cas, la seule alternative est la liquidation, c’est-à-dire la disparition de toute l’activité, de tous les emplois, de tous les actifs.
Enfin, un seuil est prévu : ce dispositif ne concernera que les entreprises comptant au moins 150 salariés. Il faudra en outre que l’hypothèse de la disparition de l’entreprise soit de nature à causer un trouble grave pour l’économie nationale ou régionale et le bassin d’emploi. La modification de capital devra également apparaître comme la seule solution sérieuse permettant d’éviter ce trouble, de poursuivre l’activité et de préserver l’emploi.
Vous l’aurez compris, ce dispositif est encadré et équilibré. Il ne sera mis en œuvre que si les créanciers et les tiers qui veulent prendre le contrôle proposent un plan crédible de continuation et financent la mise en œuvre de celui-ci par le redressement de l’entreprise. Ce plan devra être accepté par le tribunal saisi et son exécution contrôlée pendant dix ans.
Le tribunal aura le choix entre deux procédures pour le changement de contrôle : la dilution par une augmentation de capital ou la cession forcée des actions de contrôle.
La commission spéciale refuse d’intégrer dans le nouveau dispositif la possibilité de procéder à une dilution forcée mais accepte la cession forcée des actions de contrôle. Je ne comprends pas sa logique : la cession forcée pourrait apparaître plus intrusive que la dilution forcée.
Toujours est-il que, pour l’essentiel, la commission spéciale fonde son opposition à la dilution forcée sur deux arguments : elle ne serait ni conforme au droit communautaire ni constitutionnelle.
Concernant un éventuel manquement au droit communautaire, la dilution forcée ne respecterait pas la directive « sociétés », qui impose l’intervention obligatoire des assemblées d’actionnaires pour toute modification des structures de capital : avec la dilution forcée, les droits des actionnaires ne seraient pas respectés parce que leur droit de vote serait bafoué.
Or le texte proposé par les auteurs des amendements respecte cette obligation, puisque le tribunal devra désigner un mandataire, qui convoquera lui-même une assemblée générale des actionnaires. D’ailleurs, ce mécanisme de convocation est directement inspiré d’un exemple étranger tout proche : l’Allemagne a mis en place en 2012 une telle dilution forcée dans le cadre des procédures de redressement d’entreprise en difficulté.
La Commission européenne, loin de critiquer cette procédure allemande, a l’intention de s’en inspirer. Après l’avoir fait expertiser, elle veut désormais en faire un nouveau standard applicable à l’échelon européen. Pour votre information, j’indique que la Commission européenne vient de charger un avocat franco-allemand de former un groupe de travail qui aura pour mission de formuler des propositions d’extension de la procédure de dilution au niveau communautaire en modifiant la directive applicable. Les travaux doivent commencer à la fin du mois. Les Pays-Bas, qui conduisent des réflexions sur la même thématique, y seront associés. Loin de risquer un manquement au droit communautaire, nous avons donc bien plutôt là l’occasion d’harmoniser les procédures à l’échelle européenne, en promouvant les avancées de notre droit national.
Sur le plan constitutionnel, la dilution forcée n’est pas une suppression du droit de propriété. Il faut d’ailleurs rappeler que le travail de rédaction de ce dispositif a été mené en étroite concertation avec le Conseil d’État, qui s’est prononcé sur cette question spécifique d’une atteinte éventuelle au droit de propriété. Les actionnaires dilués auront le choix : ils pourront soit rester au capital de l’entreprise, soit demander à en sortir, moyennant rachat et indemnisation. Il reviendra au tribunal de statuer sur l’indemnisation.
Il est essentiel d’empêcher certaines pratiques de prédation, certains créanciers pouvant être tentés de n’entrer au capital que pour en sortir rapidement en faisant ainsi un bénéfice financier. C’est pourquoi le tribunal pourra interdire aux nouveaux acquéreurs de vendre leurs actions durant cinq années. Par ailleurs, toute vente d’actifs qui serait susceptible d’avoir une incidence sur le bon déroulement du plan, d’une durée de dix ans, devra être autorisée au préalable par le tribunal.
Ces explications un peu longues…
Mme Nicole Bricq. Mais solides !
M. Marc Daunis. Et importantes !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. … visent à montrer combien le dispositif est équilibré et conforme tant au droit communautaire qu’à notre droit constitutionnel. Il permettra de créer un environnement beaucoup plus sécurisé pour les créanciers qui voudraient participer à la sauvegarde d’une entreprise, sans pour autant porter atteinte aux droits des actionnaires en place. (Mme Nicole Bricq applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Quelles que soient les explications que vous nous donnez, madame la secrétaire d’État, il y a clairement atteinte au droit de propriété des actionnaires. J’appelle l’attention de la Haute Assemblée sur le texte du huitième alinéa de l’amendement n° 259 : « Ou ordonner, au profit des personnes qui se sont engagées à exécuter le projet de plan, la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital par les associés ou actionnaires ayant refusé la modification de capital et qui détiennent, directement ou indirectement, une fraction du capital leur conférant une majorité des droits de vote ou une minorité de blocage dans les assemblées générales de cette société. » La procédure vise donc bien les propriétaires de l’entreprise. Le Gouvernement, suivi par Mme Bricq et ses collègues du groupe socialiste, prend là un risque important sur le plan constitutionnel.
Je me référerai, sur ce point, à l’un des rédacteurs de la Constitution de 1958, François Luchaire, un homme à l’autorité incontestée, connu pour ses convictions de gauche, membre des radicaux de gauche et proche de François Mitterrand, dont il présida d’ailleurs le comité de soutien à la candidature à l’élection présidentielle de 1974. Quand le Conseil constitutionnel se prononça sur ces questions, François Luchaire écrivit ceci : « Le Conseil relie la propriété à la liberté d’entreprendre ; c’est donc un régime économique qui est ainsi affirmé. La France est une république sociale ; elle n’est pas une république socialiste. » (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC)
M. Jean-Pierre Bosino. C’est bien dommage !
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Je ne sais si la France sera un jour une république socialiste, mais je sais qu’aujourd’hui, dans notre pays, il y a des entreprises qui sont des aventures humaines, partagées…
M. Marc Daunis. Exactement !
M. Patrick Abate. … entre des personnes qui investissent pour mettre en œuvre une idée et d’autres qui apportent leur travail et deviennent même parfois copropriétaires, par le biais de la participation ou d’une démarche volontaire. Le dispositif que nous entendons rétablir, parce que nous pensons qu’il va dans le bon sens même s’il ne peut régler tous les problèmes, vise non pas ces gens, mais plutôt ceux qui sont le moins attachés à l’entreprise en tant que telle, qui ne voient leurs actions que comme une source de revenu.
Vous parlez de spoliation et invoquez le droit, chers collègues de la majorité sénatoriale, mais il faut que le droit évolue, après tout,…
M. Bruno Sido. Donc, le droit, on s’en moque !
M. Patrick Abate. … y compris l’interprétation de la Constitution ou la frontière entre droit de propriété privée et intérêt général. Cette frontière a déjà bougé dans le passé et elle va encore bouger, peu à peu. Quant aux directives européennes, il faut bien sûr les respecter, mais il nous appartient de les faire évoluer aussi.
Le problème est bien politique : vous nous expliquez plaisamment que, dans la perspective de l’édification d’une république socialiste, on va spolier les entrepreneurs et les investisseurs. Il n’en est rien !
Tout d’abord, Mme la secrétaire d’État l’a parfaitement expliqué, le dispositif est particulièrement équilibré et assez protecteur. Par ailleurs, les actionnaires perdront peut-être un peu de pouvoir, de dividendes, verront leur plus-value réduite si le chiffre établi par l’expertise n’est pas à la hauteur de leurs espérances, mais se soucie-t-on autant de la spoliation subie par un salarié qui perd son emploi après s’être investi dans son travail, avoir emprunté pour acheter un logement, avoir fait des enfants ? (M. Bruno Sido rit.)
Le problème est donc politique, je le répète. Ce dispositif va dans le bon sens ; ce n’est pas la révolution…
Mme Nicole Bricq. Mais c'est une réforme !
M. Patrick Abate. … ni la république socialiste.
Mme Éliane Assassi. On n’est pas encore là !
M. Patrick Abate. Son mérite est de répondre, de manière équilibrée, à un vrai problème de société, celui du partage du pouvoir dans l’entreprise, de la limite entre respect de la propriété privée et préservation de l’intérêt général, de la répartition des sacrifices quand une entreprise est en difficulté.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Si je suivais le raisonnement de notre collègue Jean-Claude Lenoir et faisais mienne sa conclusion, qui se voulait implacable, je dirais, avec la même emphase,…
M. Jean-Claude Lenoir. Le mot « emphase » est de trop !
M. Marc Daunis. … qu’il a bouleversé les lignes de la géopolitique mondiale ! En effet, l’État socialiste par excellence, ce sont les États-Unis d’Amérique, puisque leur droit des faillites va bien plus loin que ce que nous proposons ici !
Plus sérieusement, il importe de remédier au gâchis actuel en matière de destruction d’entreprises, de richesse et de valeur dans notre pays. Comment faire ?
Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de l’amendement Retailleau. Deux conceptions de l’entreprise s’opposent. Certains considèrent que le détenteur du capital est le seul propriétaire légitime de l’entreprise, dont la finalité est de lui procurer un profit maximal.
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. C’est caricatural !
M. Marc Daunis. Mes propos peuvent vous sembler caricaturaux, ma chère collègue, mais, pardonnez-moi de vous le dire, ils ne sont que le reflet fidèle de ceux qui ont été tenus à droite de l’hémicycle, hélas !
Au contraire, une autre conception de l’entreprise consiste à prendre en compte l’évolution fondamentale de l’acte d’entreprendre, en recherchant un nouvel équilibre entre l’apport de capital, qui est nécessaire, et la force de travail des salariés, qui apportent une contribution majeure à la production de biens et de services, que l’entreprise soit de nature capitalistique ou qu’elle appartienne au secteur de l’économie sociale et solidaire. La question, in fine, est de savoir si l’actionnaire est l’unique et exclusif propriétaire de l’entreprise.
M. Jean-Claude Lenoir. Il est propriétaire de ses actions !
M. Marc Daunis. Les choses ne sont-elles pas plus complexes ? L’actionnaire n’a-t-il pas d’abord une responsabilité à l’égard de la sauvegarde de ce bien commun, en partie partagé, qu’est l’entreprise, quand celle-ci est en danger et risque de disparaître ? La prise de risque est collective ; elle doit être mieux partagée entre l’actionnaire, le dirigeant et les salariés.
Le dispositif ici proposé, qui n’a rien de révolutionnaire et se situe même bien en deçà du droit américain, vise simplement à instaurer une responsabilisation collective. Cette évolution de l’entreprise est inéluctable et nécessaire. En effet, nous ne pouvons pas rester les bras croisés quand 65 000 emplois ont été détruits dans des entreprises saines.
Vous ne pouvez pas à la fois refuser les propositions que nous avons formulées en matière de droit d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise, au motif qu’elles constitueraient une atteinte au droit de propriété des actionnaires et seraient impraticables, et écarter d’un revers de main un dispositif concret, qui est, je le répète, en deçà du droit des faillites américain.
La position de la commission spéciale est plus équilibrée. Je souhaite que nous retenions à la fois la dilution forcée et la cession obligatoire, pour aboutir à un dispositif qui me paraît extrêmement bien équilibré.
M. Jean-Claude Lenoir. M. Montebourg est de retour !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 170 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1407.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1788 rectifié, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 2
Après les mots :
la cession
insérer les mots :
de tout ou partie
B. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du code civil
C. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le tribunal statue sur le prix de cession dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent I.
D. – Alinéa 7, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les deux derniers alinéas du I sont applicables.
E. – Alinéa 8
Après le mot :
engagements,
insérer les mots :
le président du tribunal peut, à la demande du commissaire à l'exécution du plan, leur enjoindre de les exécuter et
La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. J’ai déjà défendu cet amendement de précision rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement visant en réalité à récrire la procédure d’évaluation en cas de cession forcée, que le Gouvernement a décidé de renvoyer à celle de droit commun, définie à l’article 1843-4 du code civil.
Le Gouvernement souhaite donc rétablir la version initiale du texte, issue, il faut le souligner, d’un travail approfondi conduit avec le Conseil d’État pour la sécuriser juridiquement. Le renvoi au code civil offre un cadre jurisprudentiel permettant aux actionnaires eux-mêmes de savoir dans quelles conditions sera évaluée la valeur de leurs titres.
Pour autant, cela ne signifie pas que certaines des précisions apportées au travers de l’amendement ne sont pas intéressantes, notamment celles qui concernent la valeur des titres et le rôle du tribunal. Toutefois, le Gouvernement ne peut que soutenir le rétablissement du texte initial. Aussi est-il défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1189, présenté par M. Vergès, Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les entreprises qui, après avoir perçu des aides à l’embauche, cessent leur activité, alors que leur situation financière est saine et que les possibilités de développement existent, sont tenues de rembourser l’intégralité des aides perçues. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Les aides à la création d’emploi sont nombreuses et indispensables, notamment dans les DROM, les départements et régions d’outre-mer. Pour autant, après avoir bénéficié d’aides diverses, certaines entreprises ferment leurs portes, malgré une situation financière saine et l’existence de possibilités de développement.
À cet égard, je citerai l’exemple de la SIB, la société industrielle de Bourbon, filiale du groupe Colgate-Palmolive implantée à La Réunion depuis plus de trente-cinq ans. Cette entreprise a décidé, à la fin de l’année 2013, de cesser son activité de production à La Réunion au début de 2014, au motif qu’il faut sauvegarder la compétitivité du groupe, les coûts de fabrication étant trop élevés, le site n’étant pas compétitif, etc.
Pour la plupart, ces arguments sont fallacieux. En effet, la SIB procure de forts dividendes ; c’était encore le cas en 2012. En outre, elle a perçu plus de 320 000 euros au titre des exonérations de cotisations sociales. Elle a également bénéficié – c’est un point important – d’aides d’État au travers de dispositifs de défiscalisation. Au premier trimestre de 2014, le bénéfice net du groupe a atteint 271 millions d’euros, et les prévisions pour 2014 faisaient état d’une nouvelle forte hausse des ventes et des marges.
Le Gouvernement s’était dit « très attentif aux motivations réelles » conduisant à la fermeture de cette entreprise. C’est peut-être un défaut d’attention qui a permis cette dernière ! Programmée pour le 15 mai 2014, elle a eu lieu le 4 avril 2014.
Le 2 juillet 2014, la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l’emploi, n’a pas autorisé le licenciement des cinq salariés protégés, le motif économique n’étant pas constitué. Et pour cause ! L’employeur a fourni une « vision tronquée » de sa situation économique, en se focalisant sur son périmètre européen et en occultant volontairement ses performances à l’échelle mondiale.
Aujourd’hui, l’entreprise a trouvé un repreneur, à savoir une filiale réunionnaise du groupe Marbour, mais, malgré les engagements pris par cette société, le retour à l’activité n’est pas au rendez-vous.
Le cas de la SIB amène à s’interroger sur la stratégie des multinationales, ainsi que sur l’efficacité et la pertinence des aides publiques accordées aux entreprises. En effet, il n’est pas acceptable qu’une entreprise ayant bénéficié d’aides importantes cesse ses activités à seule fin de préserver la rentabilité financière du groupe auquel elle appartient. Il convient que les pouvoirs publics exercent la plus grande vigilance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Même si ce projet de loi comporte, je vous l’accorde, des dispositions extrêmement variées, il n’a pas pour objet de réformer les mécanismes d’aide à l’emploi dont bénéficient les employeurs ultramarins.
Mme Éliane Assassi. Pourquoi pas ? Il traite de tant de sujets…
M. François Pillet, corapporteur. À tout le moins, cet amendement n’a pas sa place dans un article qui traite du redressement judiciaire.
Sur le fond, cet amendement pose de toute façon de sérieuses difficultés : quelle situation juridique vise-t-on exactement lorsque l’on cible les entreprises qui « cessent leur activité, alors que leur situation financière est saine » ? Il s’agit là d’un concept juridique entièrement nouveau ! Que recouvre précisément la notion d’« aides à l’embauche » ? Qui sera chargé de déterminer si la situation financière de l’entreprise est saine ou si des possibilités de développement existent ? Qui contrôlera qu’il en est bien ainsi ?
La rédaction aurait probablement été beaucoup plus précise s’il ne s’était agi d’un amendement d’appel… En l’état, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 70, modifié.
(L'article 70 est adopté.)
Article 70 bis
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 1599, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au dernier alinéa de l’article L. 653-8 du code de commerce, après le mot : « omis », il est inséré le mot : « sciemment ».
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, veuillez excuser mon absence de quelques heures. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Jean-Claude Gaudin. Heureux de vous revoir !
Un sénateur de l’UDI-UC. N’exagérons rien !
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’article 70 bis limitant la sanction d’interdiction de gérer une entreprise aux cas où le débiteur a délibérément omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans les quarante-cinq jours suivant la cessation des paiements. En effet, une telle sanction est manifestement excessive dans les autres cas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale a souhaité laisser au tribunal le soin d’apprécier s’il faut ou non interdire à un dirigeant d’entreprise qui a omis de bonne foi de déclarer la cessation des paiements de gérer une entreprise.
Le Gouvernement considère pour sa part que cette sanction doit être uniquement appliquée quand l’omission est délibérée. Pour autant, il existe des personnes de parfaite bonne foi, pourvues de grandes qualités, qui sont malheureusement incapables de gérer une entreprise. C’est pourquoi il faut selon nous laisser au juge la possibilité, même dans l’hypothèse où le dirigeant est de bonne foi, de prononcer l’interdiction de gérer une entreprise. Il saura la signifier avec tact et délicatesse.
J’ajoute que les dispositions de l’article 70 bis ont été très critiquées par les praticiens durant les auditions conduites par la commission spéciale.
M. le président. En conséquence, l'article 70 bis demeure supprimé.
Article 70 ter
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour :
1° Rapprocher le régime applicable au gage des stocks défini au chapitre VII du titre II du livre V du code de commerce du régime de droit commun du gage de meubles corporels défini au chapitre II du sous-titre II du titre II du livre IV du code civil, pour le clarifier et rendre possible le pacte commissoire, en vue de favoriser le financement des entreprises sur stocks ;
2° Modifier le régime applicable au gage de meubles corporels et au gage des stocks dans le cadre du livre VI du code de commerce en vue de favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
M. le président. L'amendement n° 1601, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Après les mots :
le pacte commissoire
insérer les mots :
et le droit de rétention fictif
II. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
en vue de favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif
La parole est à M. le ministre.
M. le président. L’amendement n° 1601 est retiré.
L'amendement n° 1755, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
commissoire
insérer les mots :
et le gage avec dépossession
La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Le présent amendement vise à préciser l’habilitation sollicitée en vue de rapprocher le régime du gage des stocks, défini dans le code de commerce, du régime de droit commun du gage de meubles corporels, défini dans le code civil, afin de rendre possibles non seulement le pacte commissoire, mais également le gage avec dépossession.
Je confesse avec modestie que je vous serais reconnaissant, mes chers collègues, de bien vouloir limiter vos demandes de précisions sur cet amendement particulièrement technique… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?