Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 710, car elle préfère en rester à l’équilibre prévu, à savoir une ouverture, soumise à l’avis de l’EPCI, de douze dimanches par an.
S’agissant de l’amendement n° 713, la commission a également émis un avis défavorable. Si nous souhaitons conserver l’avis de l’EPCI, c’est justement pour éviter que ces ouvertures, au-delà des cinq dimanches existants, de zones commerciales souvent implantées en périphérie de la ville-centre, ne nuisent aux commerces de cette ville. En ce sens, l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale est satisfaisant.
Sur l’amendement n° 1235, qui vise à supprimer l’augmentation du nombre de dimanches du maire, la commission a émis un avis défavorable pour les raisons précédemment exposées.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 911 rectifié bis, qui tend à supprimer le plafond des dimanches travaillés, la commission a émis un avis défavorable, dans la mesure où l’équilibre trouvé des douze dimanches nous semble correspondre à une protection du repos dominical.
L’amendement n° 406 rectifié prévoit que les dimanches du maire sont fixés notamment au regard d’événements particuliers du calendrier. La commission, qui a estimé qu’une telle précision était susceptible de guider les maires dans leur choix, a émis un avis favorable sur cet amendement.
Par l’amendement n° 407 rectifié, il s’agit d’établir la liste des dimanches du maire pour l’année suivante avant le 30 novembre et non avant le 31 décembre. Dans la mesure où les dimanches de janvier peuvent être consacrés aux soldes, comme vous l’avez expliqué, monsieur Dominati, il semble en effet opportun d’avancer d’un mois la date prévue dans le texte. La commission s’en était remise à la sagesse du Sénat. À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 618.
Pourquoi suis-je revenue sur le problème des jours fériés ? À l’Assemblée nationale, il avait été précisé que les grandes surfaces alimentaires, lorsqu’elles ouvraient certains jours fériés – c’est de plus en plus fréquent –, déduisaient les trois jours fériés des dimanches auxquels elles pouvaient prétendre par décision du maire.
Il m’a semblé que le texte initial, qui concernait uniquement les grandes surfaces alimentaires, était discriminatoire et très « limite » sur le plan constitutionnel, ce qui faisait planer un gros risque sur cette partie du texte.
Pour pallier cette discrimination, vous étendez la mesure à tous les commerces, quel que soit leur secteur d’activité, en prévoyant que les jours fériés ouverts seront déduits des dimanches du maire.
En la matière, il me semble que l’on mélange – passez-moi l’expression – les choux et les carottes ! Les dimanches du maire sont des jours bien précis, voués à des ouvertures éventuelles, tandis que l’ouverture des commerces les jours fériés relève d’un autre débat. Je le rappelle, les jours fériés, à l’exception du 1er mai, ne sont pas obligatoirement chômés. Tous les commerces, petits ou grands, peuvent ouvrir, sauf s’ils entrent dans le champ des nombreuses conventions collectives prévoyant qu’ils sont chômés.
Dans une commune où un maire n’accorderait que deux ou trois dimanches d’ouverture, la grande surface qui aurait ouvert les trois jours fériés ne pourrait pas ouvrir, par exemple, au moment des fêtes de Noël.
Déduire les jours fériés des dimanches du maire me semble tout à fait incongru et peu cohérent. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 618.
Quant aux amendements identiques nos 912 rectifié et 1236, ils prévoient de confier au maire de Paris le soin de fixer les dimanches du maire, qui sont aujourd’hui, pour la Capitale, les dimanches du préfet.
Le fonctionnement de la municipalité parisienne se rapproche de manière croissante du droit commun. Pour autant, on connaît les spécificités ou, plutôt, les difficultés parisiennes en matière d’ouverture dominicale des commerces : une demande importante de la population, mais de fortes réticences au sein de la majorité municipale parisienne.
Faut-il faire évoluer la législation en ce sens ? La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 710 vise à instaurer l’ouverture douze dimanches de droit. Le Gouvernement y est défavorable, tout comme il est défavorable à l’amendement n° 713.
Cette intervention me permet de repréciser la philosophie de ce texte.
Nous avons donné la possibilité aux maires d’autoriser l’ouverture des commerces jusqu’à douze dimanches par an, avec une régulation au-delà des cinq dimanches correspondant au droit existant, afin d’éviter les comportements non coopératifs au sein d’un territoire, en prévoyant l’avis conforme de l’EPCI, qui s’appuiera sur le SCOT.
J’observe cependant que nombre de communes, aujourd’hui, n’atteignent même pas le plafond actuel des cinq dimanches. Je suis donc en profond désaccord avec les affirmations que nous avons entendues : si je suivais le raisonnement tenu, on ne voit pas pourquoi on en serait aujourd’hui à modifier le droit.
Nantes, Rennes, Vannes, Besançon, Albi, Angers, Le Puy-en-Velay, Caen, Poitiers, Metz – je ne cite que les villes les plus importantes, car vous avez invoqué l’argument de la taille –, mais aussi des centaines, voire des milliers de communes plus petites n’ont même pas recours aux cinq dimanches. On voit bien que la fixation d’un plafond ne conduit pas inexorablement toutes les communes à s’aligner. Néanmoins, le plafond de douze dimanches a du sens, puisque, pour nombre de communes, celui des cinq dimanches est trop bas.
Je maintiens cependant qu’accorder douze dimanches de droit partout ne correspond pas à l’esprit du texte du Gouvernement ni, me semble-t-il, à celui du texte de la commission spéciale. Il en va de même de la suppression de la régulation que permet l’avis de l’organe délibérant de l’EPCI dont la commune est membre.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur les amendements nos 710 et 713.
En ce qui concerne l’amendement n° 1235, qui vise à revenir aux cinq dimanches, je viens de rappeler les éléments qui justifient la fixation du plafond à douze dimanches. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
L’amendement n° 911 rectifié bis vise à porter à cinquante-deux le nombre des dimanches du maire.
S’il y a un besoin réel et objectif, nous avons les moyens de trouver la bonne régulation. En effet, quand une activité économique justifie l’ouverture des commerces tous les dimanches de l’année, les élus peuvent demander la création d’une zone commerciale ou d’une zone touristique ; le préfet en délimitera les contours et les règles que nous avons précédemment définies sur l’accord et les compensations s’appliqueront.
Toute la philosophie de ce texte s’inspire du constat que nous ne vivons pas dans un monde fini. Sinon, nous aurions depuis longtemps décidé collectivement de ne travailler qu’un jour par semaine ! Dans certains endroits, ouvrir les commerces davantage crée de l’activité, dans d’autres, cela n’a pas de justification. C’est la raison pour laquelle certaines communes n’accordent aucun dimanche du maire, d’autres cinq, et d’autres encore exercent une pression pour en accorder douze.
Si l’on demande cinquante-deux dimanches, on se trouve dans le cas d’une zone touristique ou d’une zone commerciale, mais plus dans le droit commun. Ces possibilités sont ouvertes par les articles précédemment discutés, mais pas par celui-ci. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 406 rectifié, mon avis s’inspirera plus de considérations de droit. J’en comprends la motivation, mais l’usage de l’adverbe « notamment » me semble vider la précision de toute portée – je parle sous votre contrôle collectif, mesdames, messieurs les sénateurs.
Il va de soi que le maire tiendra compte des événements particuliers du calendrier pour désigner les dimanches qui pourront être travaillés, parce que cette décision résulte, en pratique, d’un échange entre la municipalité et les acteurs concernés. S’agissant des dimanches du maire, décisions faisant l’objet de délibérations, ces éléments seront évidemment pris en compte.
À la lumière de ces considérations, je vous demanderai donc de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, sinon j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement n° 407 rectifié vise à avancer au 30 novembre la date à laquelle la liste des dimanches non travaillés doit être arrêtée, alors que le texte du projet de loi la fixe au 31 décembre.
Si votre objectif est d’informer plus tôt les salariés amenés à travailler les dimanches désignés par le maire, vous avez en partie satisfaction avec le texte actuel du projet de loi, puisque le maire n’est actuellement tenu par aucun délai. Le projet de loi constitue donc un progrès en termes de lisibilité et de prévisibilité pour les employeurs comme pour les salariés. En outre, la date du 31 décembre est plus simple à retenir et permet une meilleure lisibilité. J’émets donc un avis défavorable.
L’avis du Gouvernement est favorable sur l’amendement n° 1774, qui vise à préciser les conditions dans lesquelles est rendu l’avis de l’organe délibérant de l’EPCI.
L’avis du Gouvernement est également favorable sur l’amendement n° 618 présenté par Mme Bricq.
En revanche, j’émets un avis défavorable sur les amendements identiques nos 912 rectifié et 1236.
En effet, la dérogation au repos dominical relève de l’ordre public social et c’est dans cette logique qu’est confié au maire le pouvoir de désigner les dimanches pour lesquels il peut être dérogé à la règle. Or, à Paris, l’ordre public est confié au préfet de police. Étant donné qu’aucune difficulté particulière n’est invoquée quant au processus de désignation des dimanches d’ouverture des commerces à Paris, le Gouvernement ne voit aucune raison de modifier la disposition en vigueur.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Tout en opposant une objection à mon collègue Roger Karoutchi, je voudrais exprimer mon opinion sur l’ensemble du dispositif.
Au-delà de considérations parfois moins contradictoires que l’on ne pourrait le croire, prévaut l’idée qu’il faut préserver le dimanche. De ce point de vue, la proposition de la commission me paraît effectivement inspirée par la sagesse. À titre personnel, j’en serais plutôt resté aux cinq dimanches du maire, pour des raisons liées à la culture de mon territoire, aux habitudes locales et à des considérations éminemment pratiques.
Quand j’entends dire que tous les maires se précipiteraient vers la possibilité ainsi offerte, j’estime que c’est ne pas prendre en compte la réalité des choses ! Il n’y a pas énormément d’endroits où il sera justifié d’aller au-delà des cinq dimanches, qui ne sont même pas appliqués dans certaines agglomérations et même certains bourgs importants.
Malgré tout, pourquoi ne pas donner la possibilité d’aller jusqu’à douze dimanches ? En ce qui me concerne, je me rallie à cette solution. Simplement, et j’en viens à mon objection à Roger Karoutchi, l’avis conforme de l’organe délibérant de l’EPCI est une condition indispensable.
En effet, sur un territoire où la communauté de communes, la communauté d’agglomération ou la communauté urbaine exerce la compétence économique, il va de soi que cette instance communautaire doit se prononcer pour éviter toute inégalité de traitement. Qui plus est, sur des territoires appelés à s’étendre, puisque les communautés de communes regrouperont à l’avenir beaucoup plus de communes, on risquerait de voir apparaître des abcès de fixation qui nuiraient à la bonne entente entre communes et entraîneraient des dérives, car d’autres communes seraient exposées aux sollicitations de commerçants demandant l’application du même traitement. Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis conforme de l’EPCI est absolument indispensable.
Je me rallie donc bien volontiers à ce dispositif, en félicitant la commission spéciale d’avoir su trouver la bonne mesure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 911 rectifié bis.
Mme Annie David. Madame la présidente, j’ai envie de dire « chiche ! » à M. Cadic. En effet, pourquoi ne pas aller vers cinquante-deux dimanches du maire ? Comme je le rappelais dans mon intervention sur l’article, le dimanche du maire est le seul dimanche travaillé où l’on est certain que les salariés obtiennent des contreparties : leur rémunération est doublée et ils ont droit à un repos compensateur. Quitte à ouvrir le dimanche, autant que tous ces dimanches soient des dimanches du maire !
En outre, les dimanches du maire s’appliquent sur l’ensemble du territoire : il n’est plus question de zonage touristique ou commercial, comme l’a rappelé M. le ministre.
Eh bien, chiche ! Si vous voulez ouvrir les commerces le dimanche, adoptons cette disposition généralisant le dimanche du maire sur tout le territoire. Les salariés, pour le coup, y trouveront un intérêt, parce qu’ils seront sûrs d’obtenir une véritable compensation, celle que vous n’avez pas voulu inscrire dans le texte du présent projet de loi, monsieur le ministre, pour les ouvertures dominicales dans les zones touristiques ou les zones commerciales.
Chiche ! Adoptons l’amendement de M. Cadic !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je me sens soutenu. (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Mme Annie David. Par des dinosaures de Jurassic Park !
M. Olivier Cadic. Mme le rapporteur m’a demandé de retirer mon amendement, justifiant sa position par la volonté de protéger le repos dominical.
Je voudrais tout d’abord rappeler que ma proposition n’était inspirée par aucun dogmatisme en limitant à cinquante-deux les dimanches du maire, puisque l’année 2017 comptera cinquante-trois dimanches : vous voyez que l’on pouvait aller encore plus loin ! (Rires.)
Les magasins de bricolage sont ouverts tous les dimanches : on peut donc s’acheter des faucilles et des marteaux tous les dimanches, ce n’est pas pour autant que l’on ne protège pas le repos dominical ! (Mêmes mouvements.)
Imaginez une boutique de luxe, pour plaire à Mme Bricq, qui soutient cette industrie : le commerçant paie un loyer sur trente et un jours, dimanche compris ; les salariés veulent travailler le dimanche et peuvent être payés double et leur patron est d’accord ; les clients veulent soutenir cette industrie du luxe et veulent entrer dans la boutique pour faire des achats ; le maire veut permettre l’ouverture du dimanche. Et nous, nous allons leur refuser ce droit ?
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre approche positive, mais permettez-moi de vous demander si, pour avoir la liberté, il faut vraiment obtenir une autorisation. Ne pourrait-on pas envisager une autre organisation où seules les activités prohibées pourraient faire l’objet d’une interdiction, au lieu d’obliger les citoyens à solliciter sans cesse des autorisations ?
Un révolutionnaire anarchiste russe, Mikhaïl Bakounine,…
Mme Éliane Assassi. Vous mangez vraiment à tous les râteliers !
M. Olivier Cadic. … considérait que « la liberté est indivisible : on ne peut en retrancher une partie sans la tuer tout entière ». (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 911 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 618.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 166 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 143 |
Contre | 195 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 912 rectifié et 1236.
M. Pierre Laurent. Mme Deroche a évoqué, pour solliciter l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 618, un problème spécifique à Paris, où la population exprimerait une forte demande d’ouverture des magasins le dimanche, tandis que les élus y seraient extrêmement réticents.
Je signale tout de même que les élections municipales ne sont pas si anciennes. Elles ont eu lieu l’an dernier, à Paris comme dans toutes les autres communes de France. Or ce sujet de l’ouverture des magasins le dimanche figurait en toutes lettres dans les programmes des candidats.
Par conséquent, c’est en connaissance de cause que les Parisiens ont voté pour des élus qui s’opposaient à l’extension du travail le dimanche. On ne peut donc pas évoquer un décalage entre la population et les élus sur ce point. Le programme des candidats de l’actuelle majorité municipale comportait, entre autres, cette disposition et les électeurs parisiens ont choisi de voter pour eux plutôt que pour la droite !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Nous avions en effet sollicité l’avis du Gouvernement pour savoir s’il fallait faire évoluer la législation et revenir sur cette distinction entre une ouverture des magasins le dimanche entérinée par le préfet après avis du maire et une liberté laissée au maire. La réponse de M. le ministre a été claire. Il a confirmé que les dérogations au repos dominical, qui relèvent de l’ordre public social, sont de la compétence du préfet de police de Paris. La situation ne pose, a-t-il dit, aucune difficulté. Pour ma part, je suivrai l’avis du ministre sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voulais m’excuser auprès du ministre. Je lui ai demandé ce matin si le Gouvernement avait l’intention de revenir sur le nombre d’ouvertures dominicales qui pouvaient être autorisées par les maires. Je lui ai rappelé le texte cosigné par M. Valls et Mme Aubry réaffirmant qu’il fallait s’opposer à l’extension du travail le dimanche. Je m’attendais à ce que le Gouvernement retire cette disposition du projet de loi. Je constate que tel n’est pas le cas et je le regrette.
J’en viens à l’amendement n° 618. Selon moi, il n’y a pas lieu de traiter Paris différemment des autres municipalités sur cette question du travail du dimanche. J’approuve l’amendement déposé par mes collègues du groupe CRC visant à restaurer la compétence de la municipalité de Paris pour décider de plein droit de ces ouvertures dominicales à la place du préfet de police.
La situation actuelle me paraît être une rémanence d’un vieux jacobinisme qui visait à tenir Paris à l’écart du souffle de la décentralisation.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 912 rectifié et 1236.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Jean Desessard. Les Parisiens ont voté pour !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 80, modifié.
(L'article 80 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 80 (priorité)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 405 rectifié est présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard, Guené et J. Gautier, Mme Cayeux, MM. Charon et Chasseing, Mme Deromedi et M. Duvernois.
L'amendement n° 635 est présenté par Mmes S. Robert, Blondin et Cartron.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 80
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3132-12 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les commerces de détail de biens culturels peuvent déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos par roulement. »
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 405 rectifié.
M. Philippe Dominati. Cet amendement a pour objet de permettre l’ouverture dominicale des librairies et commerces culturels. Ces derniers ont en effet tout intérêt à profiter, à l’instar des magasins de bricolage, de l’ouverture le dimanche.
Voilà une activité qui est directement concernée, puisqu’elle est du domaine du loisir et est pratiquée particulièrement le week-end en famille par ceux qui le souhaitent.
Or, mon collègue Roger Karoutchi ayant mentionné le développement du commerce électronique, je dois dire que ce secteur est fortement touché par les ventes sur internet, qui représentent aujourd'hui entre 30 et 40 % du chiffre d’affaires, notamment le dimanche.
Peut-être avez-vous été sollicités par une grande enseigne spécialisée – je parle de la Fnac – qui a 110 magasins sur l’ensemble du territoire. Une vingtaine d’entre eux ouvrent le dimanche. On s’aperçoit que cette disposition est vitale pour cette entreprise. Je cite volontairement ce cas particulier, comme je l’ai fait précédemment au sujet d’une autre enseigne implantée dans un quartier bien connu de la Capitale, parce que c’est un exemple extrêmement concret.
Voilà une entreprise qui retrouve l’équilibre après une période économique relativement difficile. Elle exerce dans un secteur concurrencé par le commerce sur internet, lequel est notamment pratiqué par des firmes dont le siège social est bien souvent situé en dehors du territoire national.
Cet amendement vise à aligner sur le régime des magasins de bricolage celui d’un secteur qui, par rapport aux autres activités de loisirs, présente l’avantage – ceux qui s’intéressent à la famille devraient y être sensibles – d’associer également les enfants.
Mme la présidente. L’amendement n° 635 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 405 rectifié ?
Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission avait demandé le retrait de cet amendement. Ce qui avait été prôné par le rapport Bailly et par les promoteurs du projet de loi, c’était de cesser de multiplier les dérogations sectorielles au repos dominical. Accordées, par exemple, pour le bricolage et l’ameublement, elles donnaient lieu à beaucoup de porosité, les magasins de bricolage vendant également, entre autres, de l’électroménager…
Bref, la commission était encline à approuver la suppression des dérogations sectorielles.
Néanmoins, j’entends très bien notre collègue Philippe Dominati quand il nous alerte sur le sort de ces commerces culturels qui sont soumis à une forte concurrence sur internet. Ce sont des magasins bien particuliers où l’activité culturelle prend parfois la forme de conférences, à l’occasion de la sortie de livres, par exemple.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Catherine Deroche, corapporteur. J’émets donc un avis de sagesse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je soutiens sincèrement cet amendement. Les cinémas, les théâtres et les salles de concert sont ouverts et seul le livre serait oublié, alors que ce secteur est par définition celui qui est le plus concurrencé par internet. Il faut élargir notre vision en la matière et admettre que les familles peuvent aussi vouloir acheter un livre pour leurs enfants ou assister à des conférences dans ces enseignes culturelles.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Trois de nos collègues socialistes avaient déposé le même amendement. Mme Robert, à laquelle a été confiée une mission concernant les biens culturels, n’a malheureusement pas pu être parmi nous ce soir.
Pour ma part, je voterai cet amendement parce que je ne vois pas pourquoi on autoriserait l’ouverture de magasins de bricolage et d’ameublement et pourquoi on interdirait l’ouverture d’enseignes qui sont des lieux culturels au sens propre du terme et qui sont un espace de réunion pour les familles.
Il n’est que d’aller dans ces magasins le samedi : ils sont bondés... À mon avis, il y a de l’espace pour le dimanche !
Je sais que la logique du texte est de clarifier et de faire des zonages, mais le livre, le disque et tous les produits culturels valent bien le meuble et le bricolage ! Les nourritures terrestres peuvent aussi être immatérielles !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Cela ne vous surprendra pas, je soutiendrai l’amendement de Philippe Dominati.
À l’heure d’internet, quand on peut, le dimanche, télécharger des livres, des logiciels et de la musique, pourquoi ne serait-il pas possible de se procurer physiquement, le même jour, ces produits en magasin ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je souhaite, tout, d’abord obtenir une précision sur la notion de commerce de détail.
Je suppose, monsieur Dominati, que vous entendez par ces mots les librairies de quartier. Or nombre de magasins vendent aussi, à la fois, des livres, des vêtements et des légumes, sans qu’il y ait de véritable séparation entre ces différents types d’articles. Visez-vous aussi ces magasins par l’expression « commerce de détail » ? Cela poserait un problème. En effet, puisqu’ils vendent des livres, ces magasins souhaiteront également ouvrir leurs portes le dimanche. On met donc le doigt dans un engrenage compliqué.
Vous dites, monsieur Karoutchi, que l’on va bien au cinéma et au théâtre le dimanche. Mais on profite de ces spectacles en direct : on ne peut pas aller au théâtre le samedi et voir la pièce le dimanche ! Un livre, en revanche, on peut l’acheter le samedi et le lire le lendemain.
Il y a donc une différence entre un achat que l’on peut effectuer n’importe quel jour de la semaine et un spectacle auquel on assiste en direct.
Mme Catherine Génisson. Il y a aussi des séances de cinéma le samedi...
M. Jean Desessard. Lorsque vous plaidez pour l’ouverture des librairies durant le Salon du livre, par exemple, votre argument me semble intéressant. Or la question qui se pose en l’occurrence est celle de l’ouverture des magasins qui vendent des produits autres que des livres, ce qui se rencontre de plus en plus fréquemment.
Si l’on entend par commerces de détail les librairies de quartier, il n’y a pas de problème. S’il s’agit, en revanche, de l’ensemble des magasins qui vendent des livres, il n’en va pas de même, car nombre de commerces décideront de mettre en vente ne serait-ce qu’une dizaine de livres pour pouvoir ouvrir le dimanche.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. On prend les exemples des cinémas et des théâtres. Or ces établissements sont encadrés par les dispositions du code du travail et les salariés qui y travaillent bénéficient de compensations.
Si l’on autorise, demain, l’ouverture de ces magasins le dimanche, quelles seront les compensations ?
Mme Nicole Bricq. Les mêmes !
Mme Annie David. Les théâtres et les cinémas devront-ils s’aligner sur les dispositions du présent projet de loi ? Il faudrait alors tout renégocier, et sans doute tout revoir à la baisse !
Mme Nicole Bricq. Non !
Mme Annie David. Les exemples que vous avez pris ne sont pas convaincants, car ils portent sur des secteurs d’ores et déjà encadrés.
Si votre amendement, monsieur Dominati, vise à accorder les compensations prévues par le code du travail aux salariés qui travaillent dans ces commerces que vous qualifiez de « culturels » où l’on peut acheter des livres, entre autres, nous sommes d’accord. Si tel n’est pas le cas, nous ne pourrons pas vous suivre.
On sait bien que cet amendement, en vérité, ne tend pas à aller vers le haut.
Par ailleurs, je partage le point de vue de Jean Desessard : les théâtres et les cinémas proposent des spectacles du moment présent, tandis que l’on peut acheter des livres ou de la musique n’importe quel jour de la semaine et en profiter le dimanche. On n’est pas obligé d’en faire l’acquisition ce jour-là !
Depuis le début de cette discussion, mes chers collègues, la question qui se pose est celle de la société dont nous voulons.
Faut-il faire commerce de tout ? Ne peut-on soustraire un seul moment de la vie à la frénésie de la consommation ? Est-ce cela, la vie d’aujourd’hui ? Non ! Nous ne sommes pas obligés d’être des consommateurs à tout prix et à tout crin.
À l’heure actuelle, nombreux sont ceux qui peuvent encore consommer dans ce pays. Si tel n’était pas le cas, cela se saurait ! Inciter encore, et toujours plus, à l’ouverture des commerces le dimanche revient à proposer un autre modèle de société pour la France. Cela vous engage, ainsi que votre formation.
Pour notre part, nous ne vous suivrons pas, car ces propositions portent atteinte à la société dans laquelle nous vivons.
Rassurez-moi, mes chers collègues : les touristes du monde entier viennent-ils en France seulement pour consommer ce qu’ils peuvent acheter à Londres, à Barcelone ou ailleurs ? Non ! Ils viennent aussi dans notre pays pour voir Paris ou pour admirer nos belles montagnes... Car, vous savez, il y a de très beaux endroits en dehors de Paris !
Les touristes ne viennent pas chez nous uniquement pour faire, le dimanche, des achats de livres, de disques, ou que sais-je encore... Croyez-vous que les Japonais ou les Chinois seront nombreux à venir acheter un canapé, une télévision ou une voiture dans nos magasins ce jour-là ? (Sourires.)
À un moment donné, il faut stopper l’hémorragie et éviter toute exagération dans les ouvertures dominicales. De notre point de vue, les dispositions en vigueur sont largement suffisantes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 405 rectifié.