M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement n° 161 rectifié reviendrait à préserver les zones touristiques telles qu’elles existent aujourd’hui (Mme Marie-Noëlle Lienemann sourit.), dans la mesure où il consiste à ne plus proposer les zones touristiques internationales compte tenu même des critères objectifs définis ce matin. Par esprit de cohérence, je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable. En effet, si la délimitation est à l’initiative du maire, avec validation du préfet, on se retrouve dans la situation des zones touristiques actuelles. Nous y viendrons lorsque nous aurons l’occasion d’en débattre, mais il n’est pas nécessaire de créer un régime spécifique ce faisant.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 162 rectifié, qui relève de la même logique. En effet, l’idée, c’est bien sûr quelques zones géographiques spécifiées, avec le critère « pas d’accord, pas d’ouverture » et avec des garanties spécifiques en termes de compensations, en particulier pour le travail en soirée. Il s’agit de permettre, en raison de la nature économique de ces zones que nous avons débattue ce matin, d’ouvrir. Ce dispositif est donc différent de celui des zones touristiques telles qu’elles sont définies aujourd’hui dans la loi et pour lesquelles nous allons apporter des améliorations dans quelques instants.
Le Gouvernement émet aussi un avis défavorable sur l’amendement n° 1204, puisque celui-ci relève de la même philosophie. En effet, le dispositif prévu par cet amendement reviendrait en quelque sorte à écraser les ZTI sur les zones touristiques.
Concernant l’amendement n° 890 rectifié bis, le Gouvernement émet un avis défavorable. Puisqu’il convient d’informer, d’éclairer la décision ministérielle, l’article 72 prévoit le recueil de l’avis du maire et, le cas échéant, du président de l’EPCI ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressés. Il est légitime que ces dernières puissent exprimer leurs souhaits d’ajustement des projets de délimitation des ZTI, dans le cadre qui est défini par les ZTI. Il me semble que supprimer ces alinéas et donc ces consultations contreviendrait à ce qui a inspiré ce projet : même lorsqu’il s’agit de zones dont la nature, l’activité économique justifient qu’elles relèvent d’une décision ministérielle, celle-ci doit être éclairée par les réalités syndicales et locales.
Par cohérence, le Gouvernement émet aussi un avis défavorable sur l’amendement n° 1201. En effet, la suppression de la compétence ministérielle pour la délimitation des zones reviendrait à supprimer la réforme.
Les amendements nos 273 rectifié bis et 1202 relèvent d’une logique quelque peu différente. En effet, ils prévoient que l’avis du maire soit non pas un simple avis, mais un avis conforme. Vous avez tout à fait raison de pointer la différence qui est faite : il ne s’agit pas de redonner l’initiative au conseil municipal, mais d’obtenir un avis conforme du maire.
Lorsque je me suis exprimé sur ce sujet à l’Assemblée nationale il y a quelques mois, j’ai dit qu’il fallait trouver les voies et les moyens d’un équilibre dans la discussion. À ce jour, cette discussion n’a pas abouti. Par conséquent, le Gouvernement maintient un avis défavorable.
En effet, introduire un avis conforme du maire représenterait le risque de continuer de bloquer, sur ces zones touristiques internationales, l’initiative locale dans Paris et les trois autres communes concernées, où des zones touristiques auraient déjà été créées si un consensus avait été obtenu.
Nous nous trouvons aujourd’hui dans des situations qui peuvent être complexes. On sait qu’une tension locale peut exister. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) On sait qu’il peut y avoir des désaccords, des équilibres locaux qui n’ont pas conduit à décider de ces ouvertures alors même qu’elles sont, de manière objective, créatrices de valeur, d’activité dans un contexte dont nous avons d’ailleurs défini les équilibres sociaux, avec des compensations qui sont, je le répète, supérieures en ce qui concerne, par exemple, le travail en soirée par rapport au travail de nuit.
Aussi, je pense que le débat doit continuer. Il ne s’agit pas de mettre ici un point final, je vous en saurai gré. Néanmoins, à ce stade, je ne peux émettre un avis favorable sur ces deux amendements, je maintiens donc un avis défavorable, mais en espérant que nous pourrons continuer cette discussion et trouver des accords.
En ce qui concerne l’amendement n° 1203, qui précise le panier moyen par touriste durant son séjour, les critères fixés dans la loi à ce sujet me paraissent clairs. En effet, les ZTI sont délimitées compte tenu de leur rayonnement international, de l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers et de l’importance de leurs achats. Le décret d’application déterminera les données qui permettront de qualifier les projets de ZTI au regard de ces critères. J’en ai d’ailleurs fourni la liste il y a quelques mois.
En tout état de cause, le montant de 5 000 euros par touriste et par séjour ne correspond pas à une réalité aujourd’hui identifiée. Par conséquent, je ne saurai le retenir comme un élément probant qui permettrait d’encadrer cet article. J’émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 890 rectifié bis.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Je remercie Mme le rapporteur d’avoir bien noté que l’objet de l’amendement n° 890 rectifié bis était de simplifier la procédure. Monsieur le ministre, je pensais que vous seriez sensible à cette volonté. Cependant, afin de faciliter les choses, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 890 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1201.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 273 rectifié bis et 1202.
M. David Assouline. Je constate que M. le ministre n’a pas donné d’argument de fond contre l’amendement n° 273 rectifié bis. En effet, il acte qu’il est légitime d’intégrer et même d’encourager le dialogue avec les élus locaux en ce qui concerne la délimitation des ZTI. Nous sommes donc tout à fait d’accord sur ce point.
En réalité, monsieur le ministre, votre argument principal est un argument de négociation : vous dites que tant qu’il n’y a pas d’accord sur l’ouverture des zones, notamment à Paris, vous voulez avoir le moyen de l’imposer.
Vous imaginez bien que l’élu local parisien que je suis ne peut accepter cela. En effet, je peux vous retourner l’argument en disant que s’il n’y a pas d’accord c’est peut-être parce que dans les débats, notamment à l’Assemblée nationale et maintenant au Sénat, ce que vous proposez revient à dire : soyez d’accord sinon par la loi on peut vous l’imposer.
M. Roger Karoutchi. Et la métropole du Grand Paris ?
M. David Assouline. Dans une discussion pour parvenir à un accord, le fait qu’un maire se retrouve dans la situation de devoir accepter ce qu’on lui propose parce que la loi permet à l’État de le lui imposer n’est pas nécessairement de nature à créer la confiance nécessaire pour débloquer certaines situations. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) À partir du moment où l’avis doit être conforme, on est obligé de parvenir à un accord et cela change l’état d’esprit et la responsabilité des uns et des autres. Je ne doute pas, d’ailleurs, de celui de l’actuel maire de Paris, sans penser aux autres villes concernées.
Vous ne m’opposez donc aucun argument de fond, vous admettez qu’il serait tout de même fou d’imposer à un maire aussi important que le maire de Paris une délimitation qui irait contre sa volonté. Par conséquent, cela doit être prévu par la loi. Vous dites que la situation n’est pas mûre et qu’il y a un blocage. Pour ma part, je sais pourquoi il y a des blocages. Ces blocages viennent du fait que nous voulons discuter sur un pied d’égalité en vous laissant, à vous et à l’État, le soin de proposer. Nous ne retirons rien à votre proposition, l’initiative émane bien des ministres concernés, mais nous voulons juste introduire l’avis conforme.
Je tiens à souligner que lorsque nous légiférons nous nous plaçons dans une perspective qui n’est pas forcément immédiate. Les interlocuteurs au niveau de l’État changent : c’est normal, cela est dû aux alternances politiques. Nous devons tous ici juger ce qui est bon, notamment pour aller dans l’esprit des lois de décentralisation, afin de pas régresser par rapport à ce que nous avons tous encouragé. Je le dis indépendamment de la bonne volonté ou de la confiance que l’on peut avoir envers tel ou tel ministre, quel qu’il soit d’ailleurs, certains ministres, dans d’autres majorités, s’étant montrés plus à l’écoute que d’autres. Quelles que soient les majorités, nous parlementaires et élus locaux, nous devons faire en sorte de mettre en place ce qui est juste peu importe le moment, de façon que l’esprit de la décentralisation et de la responsabilisation soit toujours présent et impose à l’État et à la collectivité territoriale l’obligation de parvenir à un accord en ce qui concerne le développement économique.
C’est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement, même si j’entends ce que vous dites, monsieur le ministre. J’espère que lorsque ce projet de loi reviendra à l’Assemblée nationale, le débat aura encore avancé. Vous avez répondu à l’Assemblée nationale à Mme Mazetier que le débat n’était pas mûr. Ce n’est pas encore complètement mûr, mais je sens que cela chauffe. (M. Roger Karoutchi sourit.)
M. Jean Desessard. Paris chauffe-t-il ? (Sourires.)
M. David Assouline. Si mon intervention aura aidé, ne serait-ce qu’un peu, à ce que le débat puisse aboutir à l’Assemblée nationale, j’en serai très heureux, monsieur le ministre. (Mme Nicole Bricq sourit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nous comprenons tout à fait l’esprit dans lequel nos quatre collègues parisiens ont déposé cet amendement.
Je l’avais dit au moment du début de polémique sur la circulation alternée, depuis 1983 Paris – car il s’agit de cela – a retrouvé une capacité qu’elle n’avait plus, puisque auparavant c’était l’État qui décidait de tout dans la capitale. Néanmoins, il est vrai qu’elle peut parfois avoir le sentiment de ne pas être une collectivité à part entière. Mais dans ce cas, je le dis à nos collègues et amis parisiens, il faut aller au bout de la logique.
M. Roger Karoutchi. Oui !
Mme Nicole Bricq. Si on est pour la décentralisation, on tient compte aussi du fait que Paris est maintenant au cœur d’une métropole.
On peut aussi demander que le conseil municipal se prononce.
M. Roger Karoutchi. Les conseils municipaux !
Mme Nicole Bricq. Je comprends donc l’argument selon lequel il y a une légitimité pour la ville à défendre ses intérêts. Néanmoins, lorsque l’on crée une zone touristique internationale à Paris, on défend évidemment l’intérêt de Paris. Nous en avons discuté ce matin. À cela s’ajoute un autre raisonnement, que M. le ministre a sans doute préempté. En effet, lorsque l’on se situe dans le cadre d’une zone touristique internationale, le problème n’est pas que local (M. David Assouline opine.), parce que c’est un intérêt national. Aussi, il est tout à fait normal que l’État ait son mot à dire.
Monsieur le ministre, il me semble que notre collègue David Assouline vous a appelé à la négociation. Je n’imagine pas un instant que l’État puisse prendre une décision concernant la délimitation de la zone touristique internationale à Paris ou à Nice – celle-ci est aussi une grande ville très touristique – qui ne soit pas en accord avec la ou le maire.
Franchement, ce n’est pas la loi qui va régler ce problème, le succès dépendant plutôt de la manière dont l’État abordera le dialogue avec ces deux grandes villes, dont l’une, excusez du peu, est la capitale de la France.
Pour l’instant, il nous semble qu’il convient de suivre le Gouvernement (M. Roger Karoutchi fait un signe de dénégation.), en espérant que, d’ici à quelques semaines, à la faveur de l’été, le fruit sera mûr lorsque le texte arrivera à l’Assemblée nationale.
M. Roger Karoutchi. Il faudra un peu plus de soleil !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. À ce stade de nos discussions, les problèmes doivent être mis à plat. Nous avons bel et bien un débat politique, qui divise essentiellement la majorité présidentielle et gouvernementale.
Depuis ce matin, j’entends diverses prises de position quant à l’utilité de ce projet de loi pour renouer avec la croissance et l’emploi dans notre pays. Et nombre de sujets tournent autour de notre capitale, Paris.
À Paris, il y a d’abord, au sein de la majorité, un désaccord politique de plus en plus criant sur ce texte. Tout comme Roger Karoutchi ce matin, le parisien que je suis s’interroge sur la volonté de certains d’assumer le rôle de capitale internationale de Paris, lequel implique des exigences d’accueil, mais aussi un surcroît de croissance économique. Nous voyons bien, à travers nos débats, qu’il existe un certain nombre de difficultés.
Je suis partisan de l’amendement de M. Assouline. En effet, trop souvent, par le passé, dans l’histoire institutionnelle, sous prétexte d’un statut dérogatoire pour la capitale, la ville de Paris fut maltraitée par un pouvoir français historiquement jacobin. Il a fallu attendre le président Valéry Giscard d’Estaing pour qu’il y ait un maire à Paris. Je vous rappelle aussi que, dans un premier temps, le président Mitterrand a voulu démanteler la capitale, avant que Gaston Defferre n’élabore dans un second temps les lois de décentralisation.
L’évolution de la démocratie à Paris est très lente, mais l’on progresse peu à peu et il faut combattre les mauvais réflexes. Je suis heureux qu’un certain nombre d’élus parisiens de gauche s’insurgent lorsque le Gouvernement veut prendre la main sur des sujets somme toute assez mineurs. En effet, s’agissant du travail le dimanche à Paris, on pourrait aller beaucoup plus loin ! Sur ce plan, monsieur le ministre, je tiens à vous rassurer : contrairement à ce que j’ai entendu ce matin, vous êtes bien un ministre de gauche ! Vous avez incontestablement une volonté de réforme, mais vous êtes bloqué par la pesanteur des partis politiques qui composent votre majorité, et qui ont voulu graver dans le marbre un certain nombre de concepts et de principes.
Pour Paris, j’aimerais que le même discours soit tenu dans le domaine des transports. On a pu voir en effet, dans le cadre des mesures d’exception pour lesquelles le Gouvernement a sollicité une autorisation à agir par voie d’ordonnance, au début de l’examen de ce texte, qu’il fallait, comme d’habitude, que l’État régisse les transports.
De même, Paris est la seule commune de France où le pouvoir de police municipale est exercé par l’État, et non par le maire, quelle que soit au demeurant la couleur politique de ce dernier – nous aurons l’occasion d’en discuter dans quelques semaines lors de l’examen d’une proposition de loi.
Sur un certain nombre de sujets régaliens, l’évolution institutionnelle n’est pas assez rapide, et c’est pourquoi je comprends le sens de l’amendement défendu par notre collègue David Assouline.
J’attends surtout du Gouvernement des mesures concrètes – nous aurons l’occasion d’en développer certaines dans quelques instants.
Pour moi, ce projet de loi est très en deçà de ce qu’il aurait dû être si l’on avait voulu donner une véritable impulsion économique, notamment à travers l’ouverture des commerces et d’un certain nombre de services le dimanche. Néanmoins, l’application concrète, au niveau de la ville, des dispositions de ce texte permettra peut-être de clarifier la situation dans un certain nombre de quartiers.
Je pense que le mécanisme de la ZTI, avec les zones qui sont définies, est mauvais. Incontestablement, l’article additionnel qui sera proposé après l’article 72, qui consiste à étendre la ZTI sur la totalité du territoire de la commune parisienne, correspondrait mieux à l’esprit de la loi.
Quoi qu’il en soit, je voulais attirer l’attention du Gouvernement sur ce point : on ne peut pas avoir deux attitudes différentes selon que l’on parle des transports, de la police ou d’un certain nombre d’autres sujets, tantôt en étant girondin, tantôt en refusant de traiter de manière pragmatique certains sujets.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, parfois, on aimerait un peu plus de clarté ! Je participais ce matin, avec un certain nombre de nos collègues, dont vous-même, monsieur le président, à une réunion sur la métropole du Grand Paris avec le préfet de la région Île-de-France.
Au passage, monsieur Assouline, je ne sais pas si le Gouvernement peut définir le périmètre de ZTI, mais je sais qu’il a défini le périmètre de la métropole sans notre accord, sans l’accord des villes et des départements.
Mme Isabelle Debré et M. Jacques Gautier. Effectivement !
M. Roger Karoutchi. Cela ne l’a pas empêché de faire voter la loi sur la métropole ! (M. Jacques Gautier applaudit.)
Mme Nicole Bricq. De toute façon, vous avez vidé cette loi de son sens !
M. Roger Karoutchi. On ne peut pas dire qu’il s’agisse de l’exemple le plus flagrant du respect des communes et des collectivités !
J’en reviens à la réunion à laquelle j’ai participé ce matin : on nous a expliqué très savamment que l’une des compétences que le Gouvernement souhaitait attribuer à la métropole du Grand Paris était le tourisme. À l’occasion de la deuxième lecture de la loi NOTRe au Sénat, un ou plusieurs amendements viseraient donc à attribuer à la métropole du Grand Paris la compétence en matière de tourisme et à créer un office du tourisme métropolitain, avec les pouvoirs y afférents. On nous a même proposé de défendre nous-mêmes ces amendements !
Franchement, il faudrait quand même clarifier un peu les choses ! On ne peut pas nous demander, tous groupes confondus – le président Christian Favier était présent également ce matin –, de défendre des amendements visant à attribuer la compétence en matière de tourisme à la métropole du Grand Paris – il était sous-entendu qu’il faudrait ensuite demander aux offices départementaux de Paris, du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine de disparaître au profit de l’Office métropolitain du tourisme –, puis venir nous expliquer qu’il faut absolument respecter l’autorité des différentes collectivités !
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. Roger Karoutchi. À un moment donné, un peu d’ordre et d’organisation pourraient ne pas être inutiles !
Le développement des zones de tourisme ne doit pas devenir un point d’achoppement entre le Gouvernement et les collectivités. Car en matière de respect de celles-ci, je doute que l’on puisse réellement s’en tenir à l’action du Gouvernement depuis plusieurs mois. Que ce soit au niveau financier, au niveau institutionnel ou au niveau de l’organisation des pouvoirs, les collectivités en Île-de-France ne sont pas respectées dans leur autonomie et leur indépendance. (M. David Assouline proteste.)
Essayons au moins de faire un peu mieux dans le texte actuel, et l’on verra bien ensuite ce qui se passera pour la métropole du Grand Paris. En effet, monsieur Assouline, le jour où le Gouvernement décidera de la création d’un office du tourisme métropolitain, on sera dans une situation totalement différente de celle d’aujourd’hui, puisque c’est à lui qu’on demandera le cas échéant de donner un avis.
M. David Assouline. On n’y est pas !
M. Roger Karoutchi. Dans quinze jours !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur Karoutchi, si vous n’êtes pas favorable à ce que le tourisme devienne une compétence intercommunale – je ne suis pas loin de partager ce point de vue –, alors vous êtes partisan de rendre la main aux élus locaux, en l’occurrence au maire de Paris,…
M. Roger Karoutchi. Absolument pas !
Mme Annie David. … pour définir les zones touristiques.
Si l’on pousse votre raisonnement jusqu’à son terme, vous devriez, comme M. Dominati d’ailleurs, être favorable à notre amendement.
M. Roger Karoutchi. M. Dominati est libéral, moi non !
Mme Annie David. Ce matin, vous parliez même de Paris comme d’une ville monde. Évidemment, c’est notre capitale, une ville que chaque Français porte dans son cœur.
Mais dans l’article 72 de ce texte, il n’est pas seulement question de Paris. J’aimerais donc que, dans nos discussions, on parle aussi de l’ensemble des villes qui pourraient être amenées à être transformées en zones touristiques internationales. Au sein de leurs territoires, les maires des communes et les élus des intercommunalités et des EPCI concernés doivent participer à la discussion et à la définition de ces zones touristiques internationales.
Nous maintenons donc notre amendement n° 1202, au travers duquel nous demandons que l’avis visé à l’article 72 soit conforme, pour que la parole des élus locaux soit entendue lors de la définition de ces zones touristiques.
Nous demanderons en outre un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je m’attendais à ce que le Gouvernement adopte une position plus ouverte sur la proposition de notre collègue David Assouline.
En effet, dans l’esprit de la décentralisation, je ne peux imaginer que l’on considère que l’État puisse définir seul les contours de ces fameuses zones touristiques internationales.
Je ne suis pas favorable à ces zones, mais, dès lors qu’elles existent, si l’on n’impose pas une obligation de compromis entre les territoires, les collectivités locales et l’État, alors on ignore, voire on méprise les élus, en pensant qu’ils n’ont pas une vision d’intérêt général et de développement de leur territoire.
Il me semble donc que cette proposition de repli aurait dû être acceptée par le Gouvernement.
Ensuite, M. Karoutchi a ouvert un débat pour savoir si ces décisions devaient être prises par la métropole ou par la commune directement concernée.
Je souligne tout d’abord que la métropole n’est pour l’heure pas compétente en matière de tourisme.
En outre, cette question ne relève pas seulement du domaine du tourisme. Il existe en effet une articulation entre les zones touristiques, qui ne sont pas uniquement fréquentées par les touristes, et l’ensemble de la politique de développement commercial du territoire concerné. Le plus souvent, l’impact le plus fort s’opère vers la proximité de ces zones délimitées, donc plutôt vers la collectivité locale de référence, en l’occurrence la commune s’agissant de Paris.
Troisièmement, je voudrais interroger M. le ministre. On nous donne souvent l’exemple de Milan, qui serait une ville particulièrement attractive. Comment analyse-t-il dès lors la position de la fédération patronale italienne Confesercenti, qui affirme, après une étude détaillée, que l’ouverture des grandes enseignes le dimanche en Italie depuis le 1er janvier 2012 a conduit à la fermeture de 32 000 entreprises et à la perte de 90 000 postes de travail. Il ne s’agit pas d’une analyse syndicale, il s’agit d’une analyse patronale, que l’on ne peut pas a priori suspecter de considérer que la mise en cause du droit du travail constituerait, en soi, un problème. Aujourd’hui, manifestement, des questions se posent sur le terrain économique.
Au regard de cette exigence économique, a minima, l’avis conforme de la municipalité concernée me semble indispensable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 273 rectifié bis et 1202.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission spéciale et, l'autre, du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 164 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 50 |
Contre | 288 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1203.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 411 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard et Charon, Mme Deromedi et M. Duvernois, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« II bis. – La création des zones touristiques internationales ne doit pas aboutir à placer, au sein de la même localité, des établissements de vente au détail s’adressant pour une large part à une clientèle internationale en situation de concurrence déloyale à l’égard d’établissements exerçant la même activité à destination d’une clientèle comparable.
« II ter. – Lorsqu’un nouvel établissement de vente au détail s’adressant pour une large part à une clientèle internationale est créé ou rouvert, il forme de plein droit, le cas échéant avec les établissements de vente au détail situés à proximité, une zone touristique internationale pendant une durée de trois ans. Au terme de cette durée, si les critères mentionnés au II sont remplis, il est procédé à la délimitation de la zone touristique internationale dans les conditions de droit commun. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Comme je l’ai précédemment souligné, la définition des zones touristiques internationales pose problème dans de nombreux quartiers de la capitale. L’activité peut se développer très rapidement en fonction de la nature des commerces qui s’implantent. En outre, les quartiers sont très diversifiés, très différents par leur activité. Ils peuvent avoir une activité commerciale particulièrement importante sans avoir nécessairement de vocation internationale. Un quartier pourrait par exemple être spécialisé dans l’informatique et les produits numériques. En réalité, c’est la diversité de Paris qui est en cause dans l’établissement de ces zones touristiques internationales.
Un problème de droit se pose : comment garantir l’égalité et la loyauté concurrentielles entre les commerçants qui sont dans une zone touristique internationale et ceux qui sont à proximité ? Il s’agit peut-être même d’un problème de constitutionnalité. La première partie de l’amendement n° 411 rectifié vise à faire en sorte que le périmètre des zones touristiques internationales puisse être modifié pour en tenir compte.
La seconde partie de l’amendement a trait à l’implantation de nouveaux établissements. Ce matin, l’exemple de la Samaritaine a été évoqué. Le bâtiment est situé au cœur de Paris, dans la rue de Rivoli. Cette rue commerçante a-t-elle une vocation internationale ? Cela dépend du niveau, et parfois même du trottoir. Un projet de rénovation est en cours depuis plusieurs années, mais il règne un certain flou artistique dans la zone située à proximité du forum des Halles.
Ce matin, l’une des questions était de savoir combien d’emplois pouvait créer l’autorisation du travail dominical. Monsieur le ministre, à Paris, nous savons combien son interdiction peut en supprimer. À Bercy Village, où les Parisiens étaient habitués à l’ouverture des commerces le dimanche, l’activité a baissé de 40 % ; la zone est aujourd'hui totalement sinistrée.
Je souhaite obtenir des assurances du Gouvernement sur la concurrence loyale entre les grandes enseignes dans un contexte international. C'est pourquoi j’aurais préféré une vision étendue à l’ensemble de la capitale de la notion de zone touristique internationale. Par ailleurs, comment peut-on faire en sorte que les nouvelles enseignes ne soient pas défavorisées, qu’elles puissent obtenir les mêmes conditions que les autres ? J’ai évoqué le cas de la Samaritaine, mais un grand magasin des Champs-Élysées est vide : une enseigne pourrait se trouver dans cette situation.
M. le président. L'amendement n° 412 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Chaize, Gilles, Allizard, G. Bailly et Charon, Mme Deromedi et M. Duvernois, et ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
« II bis. – La création des zones touristiques internationales ne doit pas aboutir à placer, au sein de la même localité, des établissements de vente au détail s’adressant pour une large part à une clientèle internationale en situation de concurrence déloyale à l’égard d’établissements exerçant la même activité à destination d’une clientèle comparable.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Il s’agit d’un amendement de repli.
M. le président. L'amendement n° 1206, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
« II bis. – Deux ans après la délimitation d’une zone touristique internationale, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation économique et sociale des pratiques d’ouverture des commerces qui se sont développées à la suite de cette délimitation.
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise à rétablir la disposition prévoyant que le Gouvernement remettra au Parlement une évaluation économique et sociale des zones touristiques internationales.
Nous connaissons la logique des corapporteurs, qui sont défavorables à la quasi-intégralité des demandes de rapport, mais nous sommes convaincus que, sur un sujet aussi essentiel – il suscite d'ailleurs d’importants débats, comme nous le voyons depuis ce matin – que celui de la création de zones dérogeant au principe du repos dominical, il est inconcevable de laisser aux seules commissions parlementaires le soin de l’évaluation.
Mes chers collègues, vous en êtes tous conscients, l’inflation législative réduit le temps que nous pouvons consacrer à nos missions d’investigation. Nous avons même parfois du mal à mener correctement les débats parlementaires ; l’examen du présent projet de loi en est un exemple. C'est la raison pour laquelle nous estimons, dans un souci de transparence et de démocratie, qu’il revient au Gouvernement de soumettre à la représentation nationale un rapport évaluant les conséquences des zones touristiques internationales pour les salariés et leurs familles – on peut les imaginer – ainsi que leur impact sur notre économie.
Si je devine l’avis de la commission, j’espère que le Gouvernement ne sera pas défavorable à l’idée de présenter les résultats objectifs d’une mesure pour le moins contestée et sujette à débat.
M. le président. L'amendement n° 1796, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le II bis dans la rédaction suivante :
« II bis. - Trois ans après la délimitation d'une zone touristique internationale, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation économique et sociale des pratiques d'ouverture des commerces qui se sont développées à la suite de cette délimitation.
La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 411 rectifié, 412 rectifié et 1206.