Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale comprend tout à fait les préoccupations de Mme Morin-Desailly. Elle estime que cet amendement va dans le bon sens et qu’il permet de forcer un peu le Gouvernement à prendre ses responsabilités et à recueillir l’avis du Parlement sur le sujet.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement me permet de revenir sur un point évoqué précédemment par le président Retailleau, pour apporter une correction.
Le Gouvernement a eu tort de prendre un arrêté en janvier dernier sans attendre que la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle se réunisse. Néanmoins, vous faites erreur lorsque vous dites qu’il n’avait pas saisi cette commission : il l’avait saisie le 3 décembre 2014, mais elle ne s’était, en effet, pas réunie.
Si nous voulons tenir les délais, nous devons collectivement nous engager à mettre en place des procédures qui permettent de répondre avec suffisamment de rapidité. En tout cas, mes services m’ont dit, mais cela pourra vous être confirmé, que le Gouvernement avait bien saisi cette commission sur le projet de réattribution de la bande de fréquences des 700 mégahertz. Je souhaitais rectifier ce point.
Le projet prévoit un plan d’accompagnement, auquel vous avez fait référence, géré par l’Agence nationale des fréquences. Ce plan sera mis en place pour accompagner l’arrêt de la diffusion en MPEG-2, afin qu’aucun foyer ne souffre de l’écran noir que vous avez évoqué, madame Morin-Desailly. C'est un point important de la transition auquel nous devons faire face.
La commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle s’est donc réunie pour la première fois sur ce projet le 8 avril dernier. Voilà les éléments de calendrier que je voulais rappeler.
Un texte de loi qui comportera l’ensemble des dispositions nécessaires à la préparation de cette migration sur la TNT sera également soumis au Parlement d’ici à l’été. Il s’agira d’une proposition de loi, qui contiendra en particulier les dispositions législatives permettant l’accompagnement des téléspectateurs. Elle prévoira aussi les modalités de prise en charge des frais des éditeurs audiovisuels ou des collectivités territoriales – vous avez eu tout à fait raison d’apporter cette précision – qui sont liés au réaménagement de fréquences sur leurs émetteurs.
Ce texte – c’est, d’ailleurs, ce que prévoit la procédure et ce à quoi nous nous étions engagés, je veux ici le rappeler – sera bien présenté au Parlement plus de six mois avant le transfert effectif des fréquences, lequel se déroulera progressivement à partir du mois d’avril 2016.
Ainsi, l’ensemble des préoccupations qui me paraissent inspirer votre amendement se trouvent satisfaites par le dispositif proposé par le Gouvernement et que je viens de vous exposer. Je vous demande donc, madame Morin-Desailly, de bien vouloir retirer votre amendement. En effet, le plan d’accompagnement n’a pas besoin d’être soumis six mois avant le transfert effectif des fréquences, puisque c’est précisément le texte de loi que je viens d’évoquer qui portera l’ensemble du dispositif et qui sera soumis au Parlement.
M. Yannick Vaugrenard. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Vous nous annoncez, monsieur le ministre, un texte de loi. Quand on connaît l’agenda parlementaire des prochains mois, je souhaite beaucoup de courage au ministre chargé des relations avec le Parlement…
M. Bruno Retailleau. Je le sais !
… pour trouver un espace, car je vous assure que cela sera compliqué !
Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission des affaires culturelles, a eu raison de revenir sur ce point. Je ferai le parallélisme avec la bande de fréquences des 800 mégahertz. Nous avons travaillé pendant plusieurs années pour passer de la télévision digitale à la télévision analogique. Le problème viendra des 8 % de foyers français qui devront se rééquiper, c'est-à-dire acheter un décodeur ou changer de poste de télévision, alors même qu’ils n’auront pas la même carotte, la même incitation que lors de la bascule entre l’analogique et le digital.
En effet, à l’époque, on passait de six à dix-huit chaînes. L’incitation était claire : en contrepartie d’un rééquipement, par un adaptateur ou une nouvelle télévision, le téléspectateur français bénéficiait de trois fois plus de chaînes. Ce ne sera pas le cas en l’espèce.
Encore une fois, la précipitation qui n’a d’autre objet qu’un objectif budgétaire – faire en sorte que les 31,4 milliards d’euros prévus par la loi de programmation militaire puissent être garantis dans le budget de la défense – est préjudiciable.
Elle est préjudiciable pour les opérateurs de télécommunications, qui n’ont pas besoin de ces fréquences avant sans doute quatre ou cinq ans, au moment où on leur demande d’investir dans la fibre ; pour les diffuseurs de services de diffusion audiovisuelle, qui devront être indemnisés par l’État pour compenser le passage de huit à six multiplexes ; pour les téléspectateurs, qui devront être accompagnés, car la transition ne pourra se faire en quelques mois et le risque d’écrans noirs est réel.
Par ailleurs, se pose la question des fréquences internationales : l’Angleterre a prévu de faire ce passage en 2020, ce qui entraînera un risque de brouillage. Pour les régions frontalières, les téléspectateurs seront en trois ans soumis à trois plans de fréquences différents ! Ils devront re-scanner leurs appareils à trois reprises. Vous vous rendez compte de l’inconfort ! C’est un sujet politique majeur.
La précipitation est, me semble-t-il, mauvaise conseillère. De toute façon, il est absolument évident qu’il faut un texte législatif et un plan d’accompagnement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. J’ai bien entendu les explications de M. le ministre qui cherchait, bien sûr, à nous rassurer. Hier, nous avons reçu un courrier de réponse du Premier ministre Manuel Valls à nos courriers de janvier et de février dernier. Il rappelle que nous sera présenté cette année un texte législatif.
Je formule la même inquiétude que Bruno Retailleau sur l’encombrement du calendrier parlementaire. Le plan d’accompagnement dépend d’une proposition de loi, et non d’un projet de loi, ce qui n’en fait pas une priorité du Gouvernement pour la discussion parlementaire.
Je veux aussi attirer l’attention sur la pertinence des éléments de calendrier s’agissant du plan d’accompagnement, car le CSA a été extrêmement clair sur le sujet. Pour l’avoir vécu il y a quelques années, nous savons combien le travail préparatoire est extrêmement précis et long, et qu’il ne va pas de soi.
Par conséquent, notre inquiétude se trouve là. Nous sommes, je le pense, des élus responsables, et c’est parce qu’il impacte tellement nos concitoyens que nous tenions à attirer votre attention sur ce sujet, monsieur le ministre, comme l’a fait Bruno Retailleau.
Il est donc vrai que nous souhaiterions que ce plan d’accompagnement soit obligatoirement présenté par le Gouvernement à la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle, qui réfléchit très sérieusement à tous ces sujets.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaiterais tout d’abord dire que je rejoins le président Retailleau sur ce qu’il a détaillé. C’est d’ailleurs ce que les travaux menés depuis 2013, aussi bien par le Gouvernement que par les régulateurs, ont permis d’éclairer.
C’est précisément parce que nous ne découvrons pas toutes ces difficultés que nous les avons anticipées. (M. Bruno Retailleau s’esclaffe.) Aussi, elles ont été travaillées (M. Bruno Retailleau lève les bras au ciel.), et vous le savez bien. Donc, ce n’est pas une génération spontanée de textes législatifs qui nous conduira à soumettre en juin à l’Assemblée nationale – puisque c’était la précision que je voulais apporter ici – un texte sur ces sujets.
Je ne suis pas en train de dire que tout est parfait dans le meilleur des mondes. Nous connaissons les difficultés. Mais c’est précisément parce que tout cela a fait l’objet d’un travail que ces difficultés sont identifiées et que nous ne venons pas de les découvrir.
Objectivement, nous sommes en train de parler de la même chose. Je partage votre préoccupation. Je vais même m’y engager personnellement, comme je me suis engagé tout à l’heure à porter le sujet des télécoms parce que je vois bien à quel point il est crucial pour les territoires et parce que je partage, là aussi, vos préoccupations.
Mais, entre savoir si c’est un plan national qui sera soumis à la commission et donc qui fera l’objet d’un débat parlementaire ou si cela sera porté par un texte de loi, qui fera l’objet d’un vote, j’ai envie de vous dire :…
M. Bruno Retailleau. Peut-être une PPL !
M. Emmanuel Macron, ministre. … peu importe ! La forme n’est pas arbitrée. Le texte sera soit une proposition de loi, soit un projet de loi. Il sera déposé en juin sur le bureau de l’Assemblée nationale ; Jean-Marie le Guen vient de me le confirmer.
M. Bruno Retailleau. C’est compliqué de s’engager pour une proposition de loi !
M. Emmanuel Macron, ministre. Nous connaissons l’un et l’autre la chorégraphie de la vie parlementaire, monsieur le président. Il est des propositions de loi qui sont en sympathie intellectuelle avec des projets de loi. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
On ne va pas se mentir. Que ce soit un projet de loi ou une proposition de loi qui serait, initialement, portée par le groupe socialiste, républicain et citoyen à l’Assemblée nationale, il en irait de même. Si vous êtes rassurés par un projet de loi, dans le cadre de cette discussion, je peux vous dire que le texte proposé sera un projet de loi. Nous le préparons.
Donc, entre un texte de loi, qui fera l’objet d’une discussion et d’un vote et ce que vous proposez à travers votre amendement, c’est-à-dire un plan soumis à ladite commission, j’ai envie de vous dire : s’il s’agit véritablement d’une préoccupation, je la partage avec vous.
Je vous invite à retirer cet amendement en contrepartie d’un engagement du Gouvernement d’inscrire ce texte à l’agenda parlementaire dans les meilleurs délais. J’accompagne cet engagement de la garantie qu’il sera examiné dès le mois de juin à l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Madame Morin-Desailly, l’amendement n° 996 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Pour vous être agréable, monsieur le ministre,…
M. Hervé Maurey. On est vraiment gentil ce soir !
Mme Catherine Morin-Desailly. … compte tenu de la force de conviction dont vous avez fait preuve et de l’engagement que vous avez pris d’inscrire très rapidement un projet de loi ou une proposition de loi à l’ordre du jour du Parlement, je retire mon amendement.
Mais vous nous retrouverez, monsieur le ministre, car vous avez bien compris à quel point nous étions motivés sur ce dossier qui a fait l’objet d’un débat un peu prolongé ce soir (M. le ministre s’exclame.), et nos collègues nous le pardonneront. Nous espérons que cet engagement sera tenu, et ce dans les plus brefs délais, car ce dossier nous préoccupe.
Mme la présidente. L’amendement n° 996 rectifié ter est retiré.
Mes chers collègues, nous avons examiné 99 amendements au cours de la journée ; il en reste 883.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
15
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 16 avril 2015 :
À neuf heures trente :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015) ;
Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 16 avril 2015, à zéro heure trente-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART