Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mes chers collègues, je vous propose de nous en tenir à la rédaction de ce sous-amendement telle que Mme la corapporteur vient de la modifier, sur la suggestion de M. Richard. Si nous superposons les rectifications, ce débat risque de s’éterniser et de perdre en clarté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1702 rectifié ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1702 rectifié. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Mme Annie David. Mme la rapporteur, en acceptant le rétablissement de la consultation du Conseil national de la transition écologique, a rectifié le sous-amendement dans un sens qui nous convient. Par conséquent, même si je reste très sceptique sur l’opportunité de légiférer par ordonnance sur les UTN, eu égard à la révision en cours de loi Montagne, qui constitue un véhicule législatif approprié pour traiter ce sujet, nous suivrons Mme la rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1702 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 28 est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l’article 28
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements identiques.
L'amendement n° 209 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.
L'amendement n° 296 rectifié est présenté par M. Raoul et Mmes Lienemann et Guillemot.
L'amendement n° 378 rectifié ter est présenté par MM. Genest, Darnaud, Vaspart, Bouchet, Milon, Calvet et Béchu.
L'amendement n° 688 rectifié bis est présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly et MM. Gabouty, Bockel, Cadic et Roche.
L'amendement n° 700 rectifié est présenté par MM. Gremillet et Raison.
L'amendement n° 857 rectifié bis est présenté par MM. Doligé et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Charon et Commeinhes, Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Grand, Grosdidier et Houel, Mme Hummel et MM. Laménie, J.C. Leroy, Kennel, Mayet, Pointereau et Saugey.
L'amendement n° 972 est présenté par MM. Labbé, Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces sept amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre unique du titre VII du livre II du code de la construction et de l’habitation est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Dossier d’information géotechnique
« Art. L. 271-7. – En cas de vente d’un terrain constructible, une fiche d’information mentionnant les caractéristiques géotechniques du terrain fournie par le vendeur est annexée à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente.
« Cette fiche d’information comprend les éléments suivants :
« - L’étude de faisabilité géotechnique ;
« - Le plan de bornage.
« Lors de la signature de l’acte authentique de vente, en l’absence de la fiche mentionnée au premier alinéa, le vendeur ne peut s’exonérer de la garantie des vices cachés correspondante. L’acquéreur peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.
« En cas de vente publique, cette fiche d’information est annexée au cahier des charges. Elle reste annexée au titre de propriété du terrain et suit les mutations successives du terrain.
« L’acquéreur ne peut se prévaloir à l’encontre du propriétaire des informations contenues dans la fiche d’information qui n’a qu’une valeur informative.
« Le maître d’ouvrage transmet l’étude de faisabilité géotechnique aux personnes réputées constructeurs de l’ouvrage au sens de l’article 1792-1 du code civil.
« Lorsque ce document n’est pas annexé au titre de propriété du terrain, il appartient au maître d’ouvrage de fournir lui-même une étude de faisabilité géotechnique équivalente.
« Le contenu et les modalités d’application de l’étude de faisabilité géotechnique sont précisés par décret. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 209 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à insérer dans le projet de loi un article additionnel prévoyant la délivrance systématique d’une étude de faisabilité géotechnique, autrement dit d’une étude de sol, à l’occasion de la vente d’un terrain constructible.
À l’heure actuelle, alors même que le coût du foncier représente une part significative de l’enveloppe financière des projets de construction, rien n’oblige le vendeur d’un terrain constructible à renseigner l’acheteur sur la nature et la qualité du terrain qu’il acquiert en vue d’y faire édifier une construction.
Imposer la réalisation d’une telle étude fait aujourd’hui consensus chez les acteurs des secteurs du logement et de la construction, qui tous ont participé à la démarche « Objectifs 500 000 ». En effet, cela présenterait de nombreux avantages.
Tout d’abord, sur le plan financier, la réalisation d’une étude de faisabilité géotechnique permet de réduire les coûts de construction, en optimisant le projet et les solutions techniques retenues et en évitant le recours au surdimensionnement par les constructeurs – je songe, par exemple, aux fondations spéciales. Elle permet aussi de réduire les coûts de la sinistralité dans le cas des maisons individuelles et contribue à réguler le marché du foncier, en apportant des informations sur la qualité des terrains vendus.
Par ailleurs, lorsqu’aucune construction n’est projetée, une telle étude permettrait de renseigner l’acquéreur sur les caractéristiques principales du bien qu’il envisage d’acheter. Ainsi, ce dernier serait assuré de payer le prix correspondant à la qualité dudit terrain.
Ainsi, les études de faisabilité géotechnique permettraient d’adapter au mieux au terrain les projets de construction, qui s’appuieraient sur les recommandations fournies. Leur réalisation peut induire une économie importante sur la prime d’assurance dommages ouvrage, laquelle est obligatoire pour le maître d’ouvrage. Diverses compagnies d’assurances ont déjà pris des initiatives en ce sens, en proposant de réduire le tarif de leurs contrats d’assurance dommages ouvrage en cas de remise d’une évaluation du sol d’assise du terrain à bâtir.
À nos yeux, la mesure proposée relève du bon sens et s’inscrit dans la droite ligne du plan de transition numérique du bâtiment, le PTNB. Voulu par le Gouvernement, ce plan fait de la maîtrise des coûts de construction, d’une part, et de la limitation et de la prévention des sinistres, d’autre part, deux objectifs majeurs de sa stratégie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l'amendement n° 296 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Au travers de cet amendement, identique au précédent, nous reprenons les conclusions des groupes de travail mis en place dans le cadre de la démarche « Objectifs 500 000 », associant l’ensemble des professionnels du bâtiment, de l’aménagement et du logement.
Il s’agit de rendre obligatoire l’élaboration d’une fiche d’identité comprenant l’étude de faisabilité géotechnique et le plan de bornage.
M. Richard s’interroge à juste titre sur le coût d’un tel dispositif, mais il faut tenir compte des importantes économies que permettra sa mise en œuvre.
Le secteur du bâtiment regroupe des professions très variées, dont aucune n’a, a priori, intérêt à prôner la réalisation d’études de faisabilité géotechnique. Or toutes estiment qu’elles permettront des économies appréciables, en particulier en matière d’assurance dommages ouvrage. Dès à présent, les assureurs font payer plus cher ce type d’assurance en l’absence de telles études.
En outre, gardons à l’esprit que, dans notre pays, les dépenses liées aux malfaçons, notamment sur les fondations, sont très nettement supérieures à la moyenne européenne.
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela ne signifie pas nécessairement que nos entreprises travaillent mal, encore que la compétence des sous-traitants étrangers auxquels elles font appel ne soit pas toujours garantie… (M. Claude Raynal proteste.) Mon cher collègue, je fais allusion aux travailleurs détachés, qui restent mal contrôlés.
Quoi qu’il en soit, il est impératif de mieux détecter les difficultés en amont.
Enfin, ces études de faisabilité géotechnique seront indispensables à la réalisation des maquettes numériques, que le Gouvernement souhaite promouvoir dans le cadre du plan de transition numérique du bâtiment et qui requiert des données précises sur les sols. Pour avoir lu les propositions formulées par les professionnels, je crois ce projet sérieux et urgent.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour présenter l'amendement n° 378 rectifié ter.
M. Jacques Genest. Je fais mienne l’argumentation développée par les deux orateurs précédents.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l'amendement n° 688 rectifié bis.
M. Jean-Marc Gabouty. Il est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l'amendement n° 700 rectifié.
M. Daniel Gremillet. La réalisation de ces études préalables permettra un gain de temps considérable, grâce à une meilleure connaissance des terrains pouvant accueillir des constructions.
Par ailleurs, la mémoire s’éteint vite : nous avons tous à l’esprit des exemples de litiges liés à la construction de lotissements sur d’anciens dépôts oubliés. L’acquéreur du terrain doit pouvoir bénéficier d’un minimum de sécurité, que lui assurera la réalisation d’études de faisabilité géotechnique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l'amendement n° 857 rectifié bis.
M. Jean-Noël Cardoux. Je ne voudrais pas allonger nos débats, mais, avant de quitter l’hémicycle, M. Doligé m’a chargé de défendre cet amendement, dont l’objet est plus fourni que ceux des autres.
M. Gremillet vient s’insister sur le fait que ces études feront gagner du temps. Pour ma part, j’ajoute qu’elles feront aussi gagner de l’argent.
Mme Nicole Bricq. Pas à tout le monde !
M. Jean-Noël Cardoux. Cela a déjà été souligné, pour un léger surcoût en amont, un ensemble de problèmes et de litiges susceptibles de surgir en aval seront prévenus. La mise en œuvre de ce dispositif serait source d’économies importantes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l'amendement n° 972.
Mme Leila Aïchi. Le sol fait partie intégrante d’un projet de construction, d’autant que le coût du foncier représente aujourd’hui une part significative de l’enveloppe financière.
Or, à l’heure actuelle, pour un projet de construction d’une maison individuelle, rien n’oblige le vendeur d’un terrain constructible à renseigner l’acheteur sur la nature et la qualité du terrain qu’il acquiert.
Par « étude de faisabilité géotechnique », on entend une étude géotechnique préliminaire de site. Sur le plan financier, sa réalisation présente plusieurs avantages.
Tout d’abord, elle permet de réduire le coût de la construction, en optimisant le projet de construction et les solutions techniques correspondantes et en évitant le recours aux surdimensionnements par les constructeurs.
Ensuite, elle contribue à réguler le marché du foncier, en fournissant des informations sur la qualité des terrains vendus.
Enfin, elle réduit les coûts de la sinistralité pour les maisons individuelles.
Pour les années 1995 à 2013, les sinistres liés aux fondations superficielles ont représenté 20,6 % du coût total de réparation des désordres, toutes régions confondues. La dépense engendrée par la réparation de ce type de dommages avoisine, en moyenne, 22 000 euros. Pour des fondations réalisées dans des sols argileux, cette somme peut atteindre 34 000 euros, d’après le Sycodés 2014 de l’agence qualité construction.
Lorsqu’aucune construction n’est projetée, une étude de faisabilité géotechnique présente également plusieurs avantages.
Premièrement, elle renseigne l’acquéreur sur les caractéristiques principales du bien qu’il envisage d’acheter. Ainsi, celui-ci est mieux assuré de payer le prix correspondant à la qualité du terrain.
Deuxièmement, une telle étude permet de porter la nature du sol à la connaissance des professionnels du bâtiment. Ainsi, ces derniers peuvent soit proposer de réaliser des fondations adaptées et non surdimensionnées, soit justifier du besoin complémentaire d’une étude géotechnique.
Troisièmement, ces informations permettent d’optimiser le projet de construction, en termes d’orientation sur la parcelle, d’assainissement non collectif, de géothermie, de risque sismique, etc.
Ainsi, l’étude de faisabilité géotechnique permet d’adapter au mieux le projet de construction au terrain, en s’appuyant sur les recommandations fournies.
La réalisation d’une telle étude peut engendrer une économie substantielle au titre de l’assurance dommages ouvrage, laquelle est obligatoire pour le maître d’ouvrage. Certaines compagnies d’assurances ont déjà pris des initiatives en ce sens : des assureurs proposent de réduire leurs tarifs de contrats d’assurance dommages ouvrage en contrepartie d’une évaluation du sol d’assise du terrain à construire. Ils cherchent ainsi à promouvoir la prévention des risques et la qualité de la construction pour les maisons individuelles.
J’ajoute que l’étude de faisabilité géotechnique fait l’objet d’un consensus parmi les acteurs du logement et de la construction qui ont pris part à la démarche « Objectifs 500 000 », lancée par le ministère du logement.
Dans son rapport, le premier groupe de travail mis en place dans le cadre de cette concertation propose de rendre obligatoire, dès la signature d’une promesse de vente portant sur un terrain à bâtir, la communication par le vendeur d’une étude de faisabilité géotechnique. Un tel document permettrait d’informer l’acheteur et le maître d’œuvre de la qualité du terrain et des études à mener avant de lancer le chantier.
Le deuxième groupe de travail se prononce dans le même sens, en proposant la création d’une fiche d’identité des sols et des biens, comprenant notamment un plan de bornage et de qualité des sols.
Les études de faisabilité géotechnique prendront tout leur sens avec la généralisation de la maquette numérique, souhaitée par le Gouvernement dans le cadre du plan de transition numérique du bâtiment : de même que la limitation et la prévention des sinistres, la maîtrise des coûts de construction fait partie intégrante des objectifs de ce plan.
M. Jean Desessard. Merci de cette présentation détaillée !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Ces amendements identiques visent à imposer la réalisation d’une fiche d’information géotechnique en cas de vente d’un terrain constructible.
Un tel dispositif me semble inopérant, dans la mesure où son champ d’application n’est pas circonscrit aux zones argileuses concernées et aux terrains non bâtis constructibles, en ce qui concerne la construction de maisons individuelles.
Plus grave, il fait reposer la responsabilité de l’établissement de cette fiche d’information géotechnique sur les seuls particuliers, sans imposer aux constructeurs le respect de règles de construction adaptées à la géologie des sols.
Une bien meilleure solution figure dans le projet de loi portant réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles déposé sur le bureau du Sénat par le gouvernement de M. François Fillon en avril 2012.
L’article 4 de ce texte prévoit en effet la mise en place d’un zonage des terrains argileux concernés, l’établissement d’une fiche géologique en cas de construction d’une maison individuelle dans ces seules zones, ainsi que l’obligation, pour le constructeur, de respecter des prescriptions particulières de construction.
Je souhaiterais donc que M. le ministre nous indique si le Gouvernement a l’intention d’inscrire à l’ordre du jour du Parlement l’examen de ce projet de loi qui apporte une réponse adaptée aux difficultés ayant motivé le dépôt de ces amendements, et si oui à quelle échéance.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de tous ces amendements ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Les obligations de réalisation d’études géotechniques entrent en effet dans le champ du projet de loi portant réforme du régime des catastrophes naturelles. Le Gouvernement poursuit les concertations sur ce sujet, sous la supervision de mon collègue Michel Sapin. Elles devraient aboutir dans les prochains mois, mais, ne disposant pas de davantage d’informations, je ne puis m’engager sur une date.
Je souscris, pour le reste, aux arguments de Mme la rapporteur concernant les difficultés techniques et le surcoût potentiel qu’emporterait la mise en œuvre d’un tel dispositif. L’avis du Gouvernement sur les amendements est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les malfaçons ne sont pas nécessairement liées à l’existence de sols argileux ou aux conséquences de catastrophes naturelles !
Quand j’étais ministre, j’ai pu constater, dans la Somme, des effondrements liés à la présence d’anciennes tranchées de la Première Guerre mondiale, dont les plans étaient erronés car faits pour tromper les Allemands. Les tranchées n’étaient donc pas situées là où on le croyait. Il a fallu réaliser des études de sol extrêmement coûteuses.
Les malfaçons peuvent également découler de la superposition de sols meubles et de sols durs. Dans les outre-mer, les mornes en fournissent une illustration : à cent mètres près, les conditions de constructibilité ne sont pas du tout les mêmes.
Dans nombre de territoires, les études anciennes ne sont plus valides, parce que la nappe phréatique a bougé à la suite de la réalisation d’aménagements, ce qui peut emporter des conséquences tout à fait inattendues sur les sols.
Nous avons aujourd’hui l’occasion d’engager l’amélioration, terrain par terrain, de la connaissance de la nature des sols, ce qui permettra d’évaluer en amont les conditions de constructibilité.
Pourquoi ignorer l’avis des groupes de travail mis en place dans le cadre de la démarche « Objectifs 500 000 », qui rassemble l’ensemble des professionnels ? Ceux-ci, qui n’ont aucun intérêt direct à la réalisation de ces études, sont unanimes à considérer que rendre celle-ci obligatoire permettra de faire des économies importantes. Les assureurs sont prêts à réduire les primes d’assurance dommages ouvrage si de telles études sont fournies.
Enfin, le plan de transition numérique du bâtiment rendra nécessaire une bonne connaissance des sols.
Notre pays doit s’engager dans cette mutation. Madame la rapporteur, monsieur le ministre, il ne s’agit pas seulement des sols argileux !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit tout de même surtout des sols argileux…
Souvenons-nous de la grande sécheresse de 2003, qui avait fait suite à d’autres moins graves. Le Gouvernement avait déclaré l’état de catastrophe naturelle pour certaines communes en vue d’enclencher une procédure accélérée d’indemnisation par les assurances. D’autres communes, limitrophes des premières et présentant les mêmes caractéristiques, n’avaient pas bénéficié de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Nicole Bricq. Le Gouvernement, au bout de plusieurs mois, avait fini par étendre le champ de la déclaration de l’état de catastrophe naturelle à une seconde vague de communes.
En cas de sécheresse, les sols des terrains argileux bougent et des failles se creusent. J’ai vécu ces événements avec les habitants de la Seine-et-Marne, de l’Essonne et de toute la grande couronne parisienne. J’ai rencontré des personnes dont les murs des maisons bougeaient la nuit, se fracturaient ! Il y a même eu des cas de suicide, de tels biens perdant toute valeur.
Nous avions beaucoup bataillé, à l’époque, pour que le Gouvernement établisse la cartographie des sols qu’évoquait Mme Lienemann. Le Bureau de recherches géologiques et minières avait commencé à y travailler, mais il n’y avait pas d’argent pour mener ce projet à bien. L’objectif, à terme, était de permettre aux acheteurs d’un terrain de prendre leur décision en toute connaissance de cause.
L’intention des auteurs de ces amendements est bien de traiter un problème qui avait donné lieu à de nombreux débats au Sénat, et non de fournir du travail à des bureaux d’études spécialisés !
Quant à moi, je suis partagée. En effet, dès lors qu’il est établi qu’un sol est susceptible de bouger, il faut couler du béton très en profondeur pour éviter les problèmes en cas de sécheresse, et la construction s’en trouve renchérie.
Pour ce qui est de la coordination gouvernementale sur le sujet, je constate, à vous écouter, monsieur le ministre, madame la rapporteur, que les choses n’ont pas évolué, après plus de dix ans. En effet, les administrations ont beaucoup de mal à décider sur qui pèsera la charge du renchérissement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Leila Aïchi, pour explication de vote.
Mme Leila Aïchi. Je partage complètement l’analyse de Mme Lienemann.
Sols argileux ou pas, notre proposition relève du bon sens : il s’agit de prévenir plutôt que d’avoir à réparer, en anticipant les problèmes. Nous savons tous qu’il est bien plus coûteux de réparer que de prévenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.
M. Henri Tandonnet. Je suis défavorable à ces amendements, qui tendent à imposer une contrainte supplémentaire au moment de l’acquisition d’un terrain. Une telle étude de sol apparaît en outre totalement inappropriée, dans la mesure où elle serait réalisée en faisant abstraction de la réalité du projet de construction.
Ma commune a été victime de sécheresse. Dans la plupart des cas, il existe aujourd’hui un plan de prévention des risques, qui comporte un règlement précisant les mesures de prévention à prendre.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je maintiens mon amendement pour deux raisons.
Tout d’abord, la différence de prix entre la terre agricole et la terre à bâtir est telle, monsieur Tandonnet, qu’il est faux de prétendre que l’on ignore quelle sera la destination du terrain vendu. Il faut assumer !
Ensuite, je trouve choquant que, alors qu’un paysan qui souhaite drainer une parcelle doit faire réaliser une étude de sol, l’on n’impose pas cette précaution minimale pour la vente d’un terrain à bâtir. C’est une question de bon sens !
En termes d’efficacité économique, la mise en œuvre d’un tel dispositif permettra de gagner beaucoup de temps, de faire des économies et de placer chacun face à ses responsabilités.
Gardons à l’esprit que le vendeur d’un terrain à bâtir tire souvent bénéfice de travaux réalisés par la collectivité, qui ont permis à son bien de prendre soudainement de la valeur. Je rappelle que le prix moyen de l’hectare de terrain à bâtir atteint en France 74 000 euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote.
M. Jacques Genest. Je maintiens aussi l’amendement.
Il s’agit ici de la construction de maisons individuelles. Or, pour l’heure, dans ce type de situation, aucune étude préalable n’est réalisée lorsqu’un particulier achète un terrain. Il est donc nécessaire de sécuriser à la fois le client et l’entreprise appelée à réaliser les travaux.
L’argument du surcoût me semble infondé. Aujourd’hui, l’acheteur ne dispose d’aucune information sur la nature du terrain, et donc d’aucune sécurité. La mise à disposition d’une étude de sol entraînera mécaniquement une baisse des coûts d’assurance, pour le particulier comme pour l’entreprise, du fait de la diminution du risque de sinistre. Tout cela, c’est du bon sens !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Certes, cela fera une démarche et de la paperasse supplémentaires lors de l’achat d’un terrain ! Prendre une telle mesure m’apparaît pourtant nécessaire.
Dans le Lot, quand une construction est projetée, les architectes, pour parer à toute éventualité, imposent de réaliser des fondations spéciales, comme si le sol était d’argile, ce qui n’est pas le cas chez nous ! Cela entraîne des surcoûts importants, comme j’ai pu le constater dans ma commune à l’occasion de la construction d’une école maternelle, pourtant de plain-pied. La réalisation d’une étude de sol permettra donc d’économiser de l’argent.
Par conséquent, je maintiens cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Nous sommes un certain nombre ici à représenter des territoires dont les sols sont argileux et nous savons que, dans ces sols, il y a des marnières, c'est-à-dire des cavités réalisées artificiellement pour enrichir la surface.
Je le dis d’expérience, la fourniture d’un document présentant une étude technique du sol ne sera pas suffisante pour celui qui construit une maison. Nous le constatons presque systématiquement dans nos territoires, il demandera à faire réaliser sa propre étude, de manière à déterminer les mesures à prendre pour consolider l’édifice. Vous allez donc ajouter un coût à un coût qui est de toute façon inhérent.
Mme Bricq soulevait un problème bien connu des sécheresses, comme celles que nous avons connues en 1976 ou en 2003. Si une étude du sol avait été faite avant ces épisodes, elle aurait sûrement conclu qu’il n’y avait pas de problème ! En effet, les désordres qui affectent le sous-sol et fragilisent les bâtiments surviennent après la sécheresse, du fait du durcissement de l’argile et de l’élargissement des failles. Dans cette hypothèse, contre qui se retourner ? Contre celui qui a fait l’étude et qui a, de bonne foi, estimé qu’il n’y avait pas de problème ?
Même si ces amendements ont tous été déposés avec les meilleures intentions et défendus avec une absolue sincérité, leur adoption présente un très grand risque.
C'est la raison pour laquelle je vous invite plutôt, mes chers collègues, à retenir votre fougue, pour reprendre un mot employé par M. le ministre, et à ne pas voter ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Mon propos s’inscrira dans la droite ligne de ce que vient de dire le président Lenoir.
Premièrement, je tiens à dire que la mesure proposée est de portée générale. Il a été dit qu’elle ne concernait que les maisons individuelles. Or on m’a confirmé que ce n’était nullement le cas. Si nous adoptons ces amendements, nous instituons une mesure générale applicable à tous les terrains, et pas simplement à ceux qui ont vocation à accueillir une maison individuelle.
Deuxièmement, il faut être clair, nous mettrions cette obligation à la charge du vendeur. En créant un élément de plus à verser au dossier, nous complexifions la procédure de vente.
Troisièmement, en général, ceux qui souhaitent acquérir du foncier se posent la question de la nature des sols et celle de leur pollution. Nous le savons, les normes en matière de lutte contre la pollution n’ayant cessé de s’étoffer, il faut procéder à toute une série de vérifications. Sans vouloir mettre en avant mon expérience personnelle, je signale que, pour ma part, avant la vente d’un terrain, j’autorise toujours l’acquéreur à effectuer un sondage géotechnique et, éventuellement, un test de pollution. En tout cas, les professionnels, eux, me semble-t-il, le réclament.
M. Tandonnet l’a fort bien dit, si la fiche d’information doit contenir une étude de faisabilité géotechnique, il faut que le projet indique les caractéristiques de la construction envisagée, le plan du sous-sol éventuellement créé et le mode constructif. Sans projet, on ne peut pas fournir au préalable une étude de faisabilité géotechnique, comme cela est prévu dans les amendements.
Chacun d’entre nous a sa propre expérience en matière de solidité des sols, mais nous devrions peut-être réfléchir à un éventuel zonage de l’obligation. Pour le moment, il est prévu d’instaurer une obligation générale, applicable à tout type de projet, partout en France. Dans certains endroits, il sera compliqué de fournir systématiquement ce genre d’éléments, sans compter que tout cela aura de toute façon un coût non négligeable.
En résumé, il me semble que, si l’intention est globalement partagée par tout le monde, le dispositif proposé peut avoir des effets contradictoires. À mon sens, la question n’est pas encore tout à fait mûre.