PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 24 bis.
L'amendement n° 397 rectifié, présenté par M. Madec, Mme Lienemann, MM. Assouline et Guillaume, Mmes Bricq, Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 24 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 631-7-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 631-7-1... – Une délibération du conseil municipal peut définir un régime de déclaration préalable permettant d’affecter temporairement à l’habitation des locaux destinés à un usage autre que l’habitation pour une durée n’excédant pas quinze ans.
« Si la commune est membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, la délibération est prise par l’organe délibérant de cet établissement.
« Jusqu’à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa, les locaux peuvent, par dérogation à l’article L. 631-7, retrouver leur usage antérieur.
« En cas de location d’un local temporairement affecté à l’habitation en application du présent article, le contrat doit mentionner le caractère temporaire de cette affectation. Sous cette réserve, le retour des locaux à leur usage antérieur est un motif légitime et sérieux au sens de l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Il ne constitue pas un événement au sens de l’article 11 de cette même loi. »
La parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Cet amendement de bon sens vise à permettre, dans les zones dites « tendues », des changements d’usage temporaires. À cette fin, il tend à donner aux propriétaires d’un local à usage de bureaux ou professionnel la possibilité de le transformer en local d’habitation pendant une durée maximale de quinze ans et de lui rendre son usage initial sur simple déclaration.
En effet, la transformation de bureaux en logements peut être freinée par la complexité et le coût de la procédure indispensable pour revenir à la situation antérieure compte tenu des règles figurant à l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation et de la nécessité de proposer une compensation.
Dans le contexte actuel de pénurie de logements et de solutions d’hébergement en zone tendue, l’objet premier de cette disposition est d’assurer la réversibilité de l’usage des locaux et d’inciter ainsi les propriétaires à créer des logements en transformant des surfaces de bureaux vacants ou obsolètes. C’est la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent qui pourra prendre ou non une délibération autorisant la mise en œuvre de ce dispositif.
Cette mesure est susceptible d’avoir un effet réel sur le déblocage d’opérations foncières ou immobilières et donc de produire de l’activité économique. Son adoption rassurerait aussi un certain nombre de propriétaires et les inciterait à procéder à ces changements d’usage temporaires, ces personnes ne craignant plus de rencontrer des difficultés pour en revenir à l’état antérieur.
Cette problématique se rencontre aussi dans certains centres de village pour des rez-de-chaussée ou certaines maisons comportant un premier étage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il est tout à fait exact que les surfaces de bureaux vacants ont considérablement augmenté ces dernières années et qu’une partie d’entre elles pourrait être transformée en locaux à usage d’habitation, ce qui serait très souhaitable, en particulier dans les zones tendues en matière d’offre de logements.
Mais les obstacles identifiés ne sont pas résolus par le dispositif proposé.
Ceux-là sont d’abord d’ordre technique, car toutes les surfaces ne sont pas forcément adaptées à un usage d’habitation ou ne pourraient le devenir qu’à des coûts très importants.
Par ailleurs, les rendements du marché locatif résidentiel sont très inférieurs à ceux du marché locatif tertiaire, d’autant plus qu’un pourcentage de logements sociaux est imposé dans le permis de construire.
On peut enfin souligner qu’un changement d’usage temporaire va augmenter encore le coût de l’opération en ajoutant les frais de remise en l’état initial, ce qui diminue l’intérêt de la démarche.
Même si nous faisons tous le même constat, mon cher collègue, la réponse que vous proposez me semble inadaptée. La commission spéciale émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Le Gouvernement est favorable à la mesure présentée, car dans le contexte de pénurie de logements dans les zones tendues, ce dispositif souple permettrait de rassurer les propriétaires de locaux à usage de bureaux ou professionnels qui souhaiteraient les destiner temporairement à un usage d’habitation.
Nous devons tout faire pour accroître l’offre de logements.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je remercie le Gouvernement de son avis favorable ; il fait preuve de pragmatisme et de bon sens.
Cela étant, premièrement, je constate, madame la corapporteur, que vous dressez le même constat que moi, sans pour autant proposer une solution.
Deuxièmement, j’aurais compris votre argumentation et les reproches que vous avez formulés à l’encontre de notre proposition si nous avions prévu de rendre ce dispositif obligatoire. Or nous précisons bien que c’est une faculté qui est offerte à la collectivité ou à l’EPCI compétent, qui pourront prendre ou non une délibération en ce sens eu égard aux différents inconvénients, réels, que vous soulignez.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. La mesure proposée apporte de la souplesse et n’est nullement obligatoire. En outre, il sera toujours possible d’en revenir à l’état antérieur.
Qu’il soit possible, en zone tendue, de transformer des locaux commerciaux en logements grâce à un mécanisme souple me paraît être une bonne chose. À titre personnel, je voterai en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je voterai également cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 24 bis.
Article 25
I. – (Supprimé)
II. – La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifiée :
1°A (nouveau) Au 8° de l’article 3, les mots : « loyer acquitté par le précédent locataire » sont remplacés par les mots : « loyer appliqué au précédent locataire » ;
1° À la première phrase du quatrième alinéa de l’article 3-2, après le mot : « lieux », sont insérés les mots : « d’entrée » ;
2° L’article 8-1 est ainsi modifié :
a) Le I est complété par les mots : « , à l’exception de la location consentie exclusivement à des époux ou à des partenaires liés par un pacte civil de solidarité au moment de la conclusion initiale du contrat » ;
b) Le VI est ainsi modifié :
– à la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « la solidarité du colocataire sortant s’éteint » sont remplacés par les mots : « elles s’éteignent » ;
– au second alinéa, les mots : « le congé » sont remplacés par les mots : « l’extinction de la solidarité » ;
3° L’article 11-2 est ainsi rédigé :
« Art. 11-2. – Lorsqu’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel de cinq logements ou plus, situé dans une des zones mentionnées au I de l’article 17, est mis en copropriété :
« 1° Les baux en cours dont le terme intervient moins de trois ans après la date de mise en copropriété sont prorogés de plein droit d’une durée de trois ans ;
« 2° Les autres baux en cours sont prorogés d’une durée permettant au locataire d’occuper le logement pendant une durée de six ans à compter de la mise en copropriété. » ;
4° La dernière phrase du premier alinéa du I de l’article 15 est remplacée par quatre alinéas ainsi rédigés :
« En cas d’acquisition d’un bien occupé :
« – lorsque le terme du contrat de location en cours intervient plus de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur peut donner un congé pour vente au terme du contrat de location en cours ;
« – lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ;
« – lorsque le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l’acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur au terme du contrat de location en cours ne prend effet qu’à l’expiration d’une durée de deux ans à compter de la date d’acquisition. » ;
4° bis Le III du même article 15 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le présent alinéa est également applicable lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur au plafond de ressources déterminé par l’arrêté précité. » ;
b) Au dernier alinéa, après le mot : « locataire », sont insérés les mots : « , de la personne à sa charge » ;
5° À la seconde phrase du IV de l’article 24, après le mot : « demandes », sont insérés les mots : « additionnelles et » ;
6° Au deuxième alinéa de l’article 25-3, après la référence : « 1er, », est insérée la référence : « 3, » ;
7° L’article 25-8 est ainsi modifié :
a) La première phrase du septième alinéa du I est complétée par les mots : « ou remis en main propre contre récépissé ou émargement » ;
b) La seconde phrase du même alinéa est complétée par les mots : « ou de la remise en main propre » ;
c) La seconde phrase du premier alinéa du II est ainsi rédigée :
« Le présent alinéa est également applicable lorsque le locataire a à sa charge une personne de plus de soixante-cinq ans vivant habituellement dans le logement et remplissant la condition de ressources précitée et que le montant cumulé des ressources annuelles de l’ensemble des personnes vivant au foyer est inférieur au plafond de ressources déterminé par l’arrêté précité. » ;
d) (Supprimé)
e) À la seconde phrase du second alinéa du III, le mot : « redevable » est remplacé par le mot : « recevable » ;
8° L’article 25-9 est ainsi modifié :
a) Le dernier alinéa du I est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Pour l’application de l’article 17-2, la hausse du loyer convenue entre les parties ou fixée judiciairement s’applique au contrat renouvelé. Toutefois, si la hausse est supérieure à 10 %, elle s’applique par tiers annuel au contrat renouvelé et lors des renouvellements ultérieurs. » ;
b) Au II, après le mot : « Le », est insérée la référence : « I du ».
III. – Jusqu’à leur renouvellement ou leur reconduction tacite, les contrats des locations mentionnées au deuxième alinéa de l’article 2 et au premier alinéa de l’article 25-3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 en cours à la date de publication de la présente loi demeurent soumis aux dispositions qui leur étaient applicables.
Toutefois :
1° Les articles 22 et 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée leur sont applicables ;
2° L’article 7-1 de la même loi est applicable dans les conditions fixées à l’article 2222 du code civil ;
3° Les articles 1724, 1751 et 1751-1 du même code leur sont applicables ;
4° Le 2° du II du présent article est applicable aux contrats des locations mentionnées au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée ;
5° L’article 15 de la même loi, dans sa rédaction résultant du présent article, est applicable aux contrats des locations mentionnées au deuxième alinéa de l’article 2 de ladite loi ;
6° L’article 25-8 de la même loi, dans sa rédaction résultant du présent article, est applicable aux contrats de location mentionnés au premier alinéa de l’article 25-3 de ladite loi.
À compter de la date d’effet de leur renouvellement ou de leur reconduction tacite, les contrats des locations mentionnées au deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée sont régis par l’ensemble des dispositions de cette même loi en vigueur au jour du renouvellement ou de la reconduction, à l’exception des articles 3, 17 et 17-2, qui ne s’appliquent qu’aux nouveaux baux et aux baux faisant l’objet d’un renouvellement.
À compter de la date d’effet de leur renouvellement ou de leur reconduction tacite, les contrats mentionnés au premier alinéa de l’article 25-3 de la même loi sont régis par l’ensemble des dispositions de cette même loi en vigueur au jour du renouvellement ou de la reconduction, à l’exception de l’article 3, du premier alinéa de l’article 22, de l’article 25-6 et du I de l’article 25-9, qui ne s’appliquent qu’aux nouveaux baux et aux baux faisant l’objet d’un renouvellement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. L’article 25, tel qu’il nous est soumis aujourd’hui, suscite de nombreuses inquiétudes, notamment de la part des associations de locataires qui contestent les nouvelles modalités applicables aux ventes d’immeubles à la découpe et au congé donné au locataire pour cause de vente.
Il est en effet insupportable de voir des locataires, parfois fragilisés socialement, être aujourd’hui dans l’incapacité de garder leur logement.
C’est au principe même de la vente à la découpe qu’il convient de s’attaquer. Pourtant, le Gouvernement fait le choix d’assouplir les contraintes liées à une telle vente pour ne pas décourager les investisseurs. Ainsi, pour tranquilliser ceux-ci et leur assurer les importantes plus-values que procure la pratique, vous choisissez, madame la secrétaire d’État, de revenir sur certaines dispositions de la loi ALUR.
Cette dernière, loin d’être parfaite, certes, permettait au moins l’extension des droits des locataires, ce que vous qualifiez aujourd’hui de « surprotection ».
Parmi ces nouveaux droits, on pouvait noter la modification de l’article 11-2 de la loi du 6 juillet 1989 qui permet la prolongation de trois ans de la durée des baux des locataires d’immeubles comprenant au moins cinq logements concernés par une vente à la découpe. De fait, si aucune condamnation de la pratique de la vente à la découpe n’était prononcée, au moins les locataires se voyaient protéger des congés abusifs pour cause de vente.
Pourtant, aujourd’hui vous souhaitez revenir sur ce point à cause de la frilosité des investisseurs, ces mêmes investisseurs qui ne voient dans un immeuble qu’un bien ou une source d’opportunités spéculatives, foulant par là même le droit fondamental à se loger. Dois-je rappeler en cet instant que c’est cette spéculation immobilière qui a conduit, au début des années quatre-vingt-dix, à la grande crise immobilière dont nous sentons encore les effets ?
Les dispositifs de préemption des collectivités territoriales se révèlent inefficaces du fait des montants exorbitants concernés. Vous imaginez bien que si une collectivité ne peut s’aligner sur les tarifs, ce ne sont pas les locataires qui le feront !
Que se passera-t-il alors ? Les locataires soit rejoindront le contingent des personnes recherchant un logement, aggravant de facto la crise du logement, soit pourraient être relogés dans le parc social, déjà fortement affecté.
Par ailleurs, alors le délai d’attente pour obtenir un logement social à Paris, pour ne prendre que cet exemple, est de sept ans, on le constate bien, la garantie accordée aux locataires mis en congé pour cause de vente est largement insuffisante.
Les mesures issues de la loi ALUR visaient à répondre à un certain nombre de dérives observées dans les grandes métropoles. La logique suivie était non seulement d’assurer une garantie pour le locataire, mais aussi d’établir une distinction claire entre le bailleur, qui a pris le risque locatif, et l’acquéreur du bien.
Nous devons aussi nous interroger à propos de l’effet sur la croissance et l’activité que devraient produire des ventes à la découpe, que l’on peut assimiler non pas à des investissements, mais plutôt à des opérations uniques, très rentables à court terme, mais très dangereuses par la suite.
Une nouvelle fois, madame la secrétaire d’État, c’est non pas par dogmatisme ou par simplisme que nous nous opposons aux pratiques spéculatives de la vente à la découpe, mais parce que celles-ci ne visent au fond qu’à la satisfaction d’un petit nombre au détriment de la majorité.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. L’article 25 prévoit plusieurs modifications du code de la construction et de l’habitation.
Je souhaite évoquer la question de la population vieillissante, dont la précarité s’accroît.
Lors de l’examen par l’Assemblée nationale de l’article 25, qui porte sur la clarification du droit des rapports locatifs et contient des mesures de soutien à l’investissement immobilier, deux amendements visant à permettre une meilleure protection de ce public ont finalement été adoptés, ce dont je me réjouis.
Le premier a pour objet de renforcer la protection des locataires âgés de plus de soixante-cinq ans à faibles ressources et d’étendre cette protection aux ménages hébergeant un locataire âgé, en prenant en compte leurs ressources dans le cumul.
Le second doit profiter cette fois aux locataires de meublés qui ont à charge une personne âgée à faibles ressources.
Cependant, si ces dispositions nouvelles vont dans le sens d’une plus grande solidarité, elles sont bien loin de répondre à elles seules au défi majeur que représentent l’allongement de la durée de vie et l’augmentation des situations de dépendance dans notre société.
Surmonter chez soi les situations de handicap et vivre le plus longtemps possible à domicile, c’est ce que souhaitent la plupart des personnes. Ce souhait répond également à la volonté des élus de limiter le poids financier de l’hébergement.
Demeurer à son domicile nécessite dans ces conditions d’adapter l’habitat et de rendre les espaces extérieurs et les services accessibles. Si les actions en faveur de l’accessibilité progressent, nous savons à quel point les efforts devant être réalisés restent très importants.
Selon l’INSEE, le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingts ans aura doublé avant 2030 – dans cet hémicycle, nous sommes un certain nombre à être concernés ! (Sourires.) Nous le savons, cette réalité démographique rend nécessaire l’adaptation des logements pour favoriser en priorité le maintien à domicile et réduire les situations de dépendance. À nous de prendre les bonnes mesures aujourd’hui !
Alors que la construction de logements neufs est insuffisante, le vieillissement de la population va contribuer à accentuer la pénurie de logements.
Par ailleurs, les personnes âgées locataires du parc privé sont de plus en plus nombreuses à ne pas pouvoir faire face à l’augmentation des loyers et leur part dans la demande de logements d’HLM augmente fortement. Les personnes âgées de plus de soixante-quinze ans, jusque-là logées en maison individuelle, sont nombreuses également à souhaiter se rapprocher des services.
Aujourd’hui, la production neuve intégrant une meilleure qualité de l’habitat pour tous représente une part marginale de l’habitat, et l’adaptation du domicile relève exclusivement de l’initiative des habitants. En outre, même si les plus modestes peuvent profiter d’une aide financière pour réaliser une partie des travaux requis, les procédures sont encore bien souvent méconnues et trop lentes.
L’article 25 du présent projet de loi prévoit, lui, le développement de logements dits « intermédiaires », à mi-chemin entre logement social et logement privé, destinés aux classes moyennes, disposant de revenus trop importants pour rester dans le logement social et ne pouvant se loger dans le secteur libre.
Dans ces conditions, comment ne pas s’inquiéter face aux besoins croissants de véritables logements sociaux accessibles à tous, adaptés à la population vieillissante et aux situations nouvelles de dépendance ?
J’espère que nos débats sur cet article et les suivants permettront de prendre la mesure de ce défi majeur pour notre société et d’apporter des réponses au mal-logement et aux difficultés des personnes âgées.
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par Mme Assassi, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. À la suite de Laurence Cohen et de Michel Le Scouarnec, je voudrais rappeler que nous sommes nombreux à combattre depuis des années ces opérations de vente à la découpe. Ces pratiques constituent des atteintes insupportables aux droits des locataires ; elles peuvent mettre en péril leur projet de vie et, dans les cas les plus graves, leur emploi au nom du prétendu droit de quelques-uns de s’enrichir sans limite sur le dos de ceux qui n’ont souvent d’autre ressource que le fruit de leur travail.
Nous sommes aussi nombreux à penser que la politique a vocation à rétablir les équilibres là où ils sont rompus et à protéger la liberté des uns contre les appétits des autres, comme s’y est employé Claude Dilain à qui nous avons rendu hommage cet après-midi.
Or le Livre blanc sur le logement du MEDEF publié voilà quelques jours propose de revenir sur « les dispositions les plus contre-productives de la loi ALUR, principalement le dispositif d’encadrement des loyers » et de « simplifier et raccourcir les procédures à l’encontre des locataires défaillants de mauvaise foi ».
C’est dans cette philosophie que s’inscrit l’article 25 du présent texte, puisqu’il revient au moins partiellement sur une protection au profit des locataires, au prétexte de trouver une voie d’équilibre entre droits des locataires et fluidité du marché.
Certes, lors des débats à l’Assemblée nationale, M. Macron a déclaré que le projet de loi procédait en fait « à un aménagement technique du texte [la loi ALUR], précisément pour éviter, à cause de l’empilement des délais, d’une surprotection […] une fuite des investissements ».
Nos collègues députés le soulignaient avant nous, c’est la réalité des pratiques des marchands de biens dans les zones les plus tendues qui rendaient nécessaires les dispositions de la loi ALUR.
Comme le rappellent de nombreuses associations, il ne saurait y avoir à l’égard de locataires en prise avec un « découpeur » de protection excessive, car la capacité concrète d’exercice de ses droits par un locataire dépend avant tout du socle protecteur contre le congédiement en fin de bail : comment faire appliquer un encadrement des loyers ou un contrôle des charges excessives si le locataire risque en fait de se trouver mis à la rue dans les mois qui suivent ? Comment exiger le respect des obligations de mise aux normes pour obtenir un logement décent si on doit perdre son toit ?
La loi ALUR était un premier pas, certes timide, pour rétablir la volonté parlementaire qui s’est exprimée au moment de la discussion de la loi de 1989. Alors qu’elle n’a pas encore produit ses effets, on tire déjà un trait sur ses dispositions concernant les ventes à la découpe ! C’est assez impressionnant, alors même que, nous le savons, nombre de locataires sont victimes de ces dernières dans les grandes métropoles, en particulier à Paris, et qu’ils vivent dans la peur du lendemain à la suite des ventes auxquelles procèdent, entre autres, des investisseurs institutionnels.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’article 25 du présent projet de loi est long, technique et complexe ; il comprend un ensemble de dispositions destinées à insérer plus de lisibilité et de cohérence dans la première partie de la loi ALUR, notamment en ce qui concerne les relations entre les bailleurs et les propriétaires.
En effet, la loi ALUR comporte de nombreuses modalités d’application mal pensées, des articles aux contours imprécis. Ces approximations ont créé, tout le monde s’accorde sur ce point, une certaine insécurité juridique, qu’il convient de pallier.
Tel est l’objet de l’article 25 tel qu’il a été modifié par la commission spéciale et dont l’adoption contribuera, je l’espère, à rassurer les acteurs du marché du logement et à relancer plusieurs projets qui sont aujourd’hui bloqués.
Votre amendement, mon cher collègue, tend à supprimer l’article 25. Dans la mesure où la commission spéciale a adopté cet article, elle émet bien évidemment un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit en effet une évolution des règles applicables en matière de congé pour vente et vente à la découpe, afin de pouvoir assurer un équilibre entre la nécessaire protection des locataires et l’incitation à l’investissement dans le logement.
En commission, nous avons eu sur cette question un large débat, qui a abouti à l’adoption d’une position équilibrée. Il ne s’agit pas de revenir à la situation antérieure au vote de la loi ALUR ni de remettre en cause les avancées et les mesures de protection mises en place en faveur des locataires. Je citerai la faculté, pour la collectivité, de racheter les logements en cours de vente à la découpe, les dispositifs visant à protéger les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans dans le cadre d’un congé pour vente, l’abaissement du seuil de dix à cinq logements pour définir les immeubles soumis à la législation protectrice de la vente à la découpe, enfin, les mesures de protection du locataire en matière de congé pour reprise.
Par ailleurs, ces dispositions ne modifient en rien le régime de vente à la découpe et des congés pour vente pour les locataires les plus vulnérables, c’est-à-dire ceux qui sont soumis à des baux de trois ans.
Cependant, le cumul d’un certain nombre d’allongements de délais introduits par la loi ALUR pour les congés pour vente, d’une part, et pour vente à la découpe, d’autre part, a parfois conduit, lorsque la durée du bail est de six ans, à empêcher le propriétaire de récupérer son logement pendant douze ou quinze ans. Des durées aussi longues peuvent clairement devenir dissuasives pour les petits propriétaires ou les investisseurs modestes, d’autant qu’elles ne correspondaient pas à la philosophie des débats.
Cela étant, tous les investisseurs n’ont pas forcément intérêt à ce que leur locataire, qui paie donc un loyer, quitte le logement qu’ils viennent d’acquérir.
Le principe qui guide l’action du Gouvernement est bien entendu de garantir un délai incompressible de trois ans entre la cession d’un bien et un éventuel congé pour vente délivré par le nouveau propriétaire, quel que soit le cas de figure envisagé.
J’insiste sur la nécessité de se doter de règles applicables claires et compréhensibles en cette période de difficultés, notamment d’accès au logement pour nombre de Français.