M. le président. L'amendement n° 312 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Marie, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après le mot :

personnes

insérer (deux fois) le mot :

physiques

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. De manière générale, je ne suis pas favorable à l’interprofessionnalité. Cependant, puisque l’on va manifestement dans cette direction, il faut au moins veiller à empêcher la financiarisation, qui est refusée sur toutes les travées de cet hémicycle, en particulier l’entrée des cabinets anglo-saxons détenus par des entités financières.

Pour éviter ces dérives et être en conformité avec le droit européen, il existe une solution simple : limiter le partenariat des sociétés concernées aux professionnels personnes physiques, en excluant les professionnels personnes morales.

M. le président. L'amendement n° 729, présenté par MM. Bigot, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) En garantissant leur mission liée à leur statut d’officier public ou ministériel ou d’auxiliaire de justice ;

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Je ne défendrai pas davantage cet amendement, mais je le maintiens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. L’amendement n° 444 est largement satisfait par le texte de la commission, qui a exclu la création des sociétés visées. Par conséquent, j’en sollicite le retrait.

Les amendements nos 727 et 842 rectifié visent à inclure les experts-comptables et les commissaires aux comptes dans le périmètre des sociétés multiprofessionnelles. Les auteurs de ces amendements vont ainsi beaucoup plus loin que les députés, qui n’avaient pas retenu les commissaires aux comptes, parce qu’ils craignaient que ceux-ci ne se trouvent placés, de ce fait, dans des situations de conflit d’intérêts. En effet, la société multiprofessionnelle dont la création est envisagée ici rendrait possible l’exercice, au sein de la même structure, des professions d’expert-comptable et de commissaire aux comptes, ce qui, en principe, est exclu par le droit communautaire : juridiquement, les uns et les autres ne sauraient travailler dans une même société.

Parallèlement, la commission spéciale a exclu les experts-comptables pour la raison que j’ai évoquée tout à l'heure : l’ordonnance statutaire de ces professionnels exige qu’ils détiennent les deux tiers des droits de vote des structures dans lesquelles ils exercent leur profession. L’asymétrie qui en résulterait à l’égard des autres professionnels rend impossible l’association sur une base égalitaire au sein de telles sociétés multiprofessionnelles. Pour le dire clairement, cela donnerait aux experts-comptables la maîtrise de la société, sans que jamais une autre profession puisse la leur contester. On ne peut pas concevoir une société multiprofessionnelle sur ces bases.

L’avis de la commission est donc défavorable.

L’amendement n° 182 vise à remplacer les garanties prévues par la commission spéciale pour les sociétés multiprofessionnelles par d’autres types de garanties, destinées à éviter qu’un professionnel puisse exercer, à titre accessoire, l’activité d’un autre professionnel et à garantir le respect du secret professionnel.

Outre qu’il tend à supprimer des garanties que notre commission a ajoutées au texte, afin de préserver la maîtrise, par les professionnels en exercice au sein de la société, de leurs conditions d’exercice, l’amendement ne paraît pas totalement abouti puisque son adoption interdirait aux associés de ces sociétés de se constituer en personnes morales, alors que son texte prévoit expressément qu’il pourrait en aller ainsi.

Enfin, on peut s’interroger sur l’opportunité d’instaurer, au sein de ces structures, une interdiction absolue de pratiquer l’activité des autres professionnels lorsqu’il s’agit uniquement de compléter une prestation que l’on accomplit à titre principal.

Dans ces conditions, la commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 312 rectifié.

Contrairement à ce que vous indiquez, madame Lienemann, la question porte moins sur la qualité de personne morale ou de personne physique que sur la nature de l’activité que cette personne juridique exerce : il faut veiller à ce qu’une société commerciale ne puisse monter au capital de telles structures ; en revanche, s’il s’agit d’une autre société exerçant la même profession juridique, et donc soumise à la même déontologie, son accession au capital est acceptable.

Enfin, la commission est favorable à l’amendement n° 729, estimant qu’il apporte une précision tout à fait utile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet les mêmes avis que la commission spéciale sur l’ensemble de ces amendements. Néanmoins, je souhaite apporter deux éléments de clarification.

Je voudrais d’abord dire à Mme Lienemann que, en l’état, le texte prévoit que ces sociétés interprofessionnelles sont ouvertes à des personnes physiques relevant des professions concernées ou à des personnes morales, sous réserve que celles-ci soient détenues à 100 % par des membres desdites professions. Il n’y a donc aucune ouverture à quelque acteur financier que ce soit, fût-ce par le truchement d’une personne morale, qui ne serait pas un professionnel lui-même.

Cela signifie que, si vous êtes notaire ou avocat, membre d’une société civile professionnelle, par exemple, vous pourrez, par le truchement de cette société, devenir actionnaire de cette structure interprofessionnelle, et pas simplement en votre nom direct. En revanche, il ne peut en aucun cas y avoir une structure ouverte à des tiers.

Votre préoccupation, madame la sénatrice, me semble donc pleinement satisfaite par la réforme ; je vous en donne même la garantie.

Par ailleurs, s’agissant des éléments soulevés très justement par M. Bouvard, je tiens à préciser très clairement que les experts-comptables, lorsqu’ils sont commissaires aux comptes, peuvent participer à une structure interprofessionnelle, mais à la condition qu’ils exercent leur mandat dans une autre structure. C’est là d’une distinction importante.

Aujourd’hui les professionnels, qui sont à la fois experts-comptables et commissaires aux comptes, doivent exercer leurs deux fonctions dans des structures séparées.

Un professionnel membre d’une société interprofessionnelle qui souhaitera être expert-comptable et exercer aussi des fonctions de commissaire au compte n’aura pas le droit de le faire dans cette même structure interprofessionnelle ; il ne le pourra que dans une autre structure, comme c’est le cas aujourd’hui.

Cela me permet de rassurer pleinement M. Desessard : cette même étanchéité, qui est l’une des conséquences de l’affaire Enron et des conflits d’intérêts qui ont été constatés, est pleinement préservée dans réforme qui est ici proposée.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’argumentaire qui m’a été opposé me laisse dubitative, même si j’ai bien compris, ayant écouté M. le ministre et M. le corapporteur, que la question était davantage celle de la nature de l’activité. Le problème que je pose est celui des sociétés étrangères, qui ne suivent pas forcément les mêmes règles que nous, notamment en ce qui concerne le capital détenu.

Toutefois, M. le ministre a semblé garantir que tout risque était écarté et M. Bizet considère, lui aussi, qu’il n’y a pas de menace majeure de ce côté. Par conséquent, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 312 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. M. le corapporteur m’a demandé de retirer mon amendement. Je reconnais que le texte modifié par la commission comporte effectivement des avancées considérables et correspond plus à ma vision des choses que le texte initial du Gouvernement.

Il reste que je suis opposé à l’émergence de ces sociétés interprofessionnelles. En effet, que deviendront les actes authentifiés et, plus généralement, les missions de service public assurées par les notaires ? Moi, je reste attaché à la figure du notaire, qui a son étude, qui incarne une déontologie, une confiance.

À l’inverse, dans le cadre d’une structure interprofessionnelle, on pourra aller voir un avocat pour ceci chose, un notaire cela, et, au bout de quelque temps, les choses seront indifférenciées. Avec l’évolution que vous nous proposez, nous aurons effectivement une grande maison du droit regroupant toutes ces professions de manière indifférenciée. On donnera des habilitations pour tel ou tel service, et certains services seront reconnus d’utilité publique, mais l’image d’une profession et la notion même du service public qu’elle apporte disparaîtront aux yeux des gens, au profit d’une grande maison du droit où on ira voir telle ou telle entreprise.

Il s’est produit la même chose pour les banques. Autrefois, la Caisse d’épargne ou La Poste, par exemple, cela signifiait quelque chose pour les gens. Or, dorénavant, toutes les banques sont pareilles. Il n’existe plus cette image particulière qui était identifiée par le public.

Je suis partisan d’une authentification forte des métiers, des professions, et de la déontologie qui les accompagne. Même si vous dites que l’authentification restera, je n’en suis pas convaincu. Il restera uniquement une authentification de quelques actes de service public, voire une déontologie, mais celle-ci sera liée à ces actes, pas à la profession.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 444.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Bigot, l'amendement n° 727 est-il maintenu ?

M. Jacques Bigot. Non, je le retire, monsieur le président.

M. Jean Bizet. Je retire également l'amendement n° 842 rectifié, monsieur le président !

M. le président. Les amendements nos 727 et 842 rectifié sont retirés.

Monsieur Bouvard, l'amendement n° 182 est-il maintenu ?

M. Michel Bouvard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 182 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 729.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié.

(L'article 21 est adopté.)

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 22 (supprimé)

Articles additionnels après l’article 21

M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 1757 est réservé jusqu’après l’article 106.

Je suis saisi de trois amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 21.

L'amendement n° 226 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début de l'article 19 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Lorsqu’un avocat est commis d’office, le bureau d’aide juridictionnelle procède à un contrôle préalable des ressources du demandeur, sauf dans les cas d’urgence prévus à l’article 20. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement a pour objet de préciser que, dans le cas d’un avocat commis d’office, le bureau d’aide juridictionnelle, le BAJ, procède à un contrôle préalable des ressources du demandeur, sauf dans les cas d’urgence prévus à l’article 20.

Comme l’ont souligné nos collègues Jacques Mézard et Sophie Joissains dans leur rapport d’information sur l’aide juridictionnelle, la question du contrôle des ressources du demandeur se pose avec une acuité particulière en matière pénale lorsque l’avocat est commis d’office, en raison, dans les faits, de l’absence de contrôle a posteriori des ressources du demandeur.

Selon le rapport d’information, cette pratique doit impérativement évoluer dans le sens de la limitation des procédures d’urgence aux affaires qui le justifient pleinement, comme les comparutions immédiates.

Dans les cas où l’admission a été prononcée de manière justifiée, en raison de l’urgence de la situation, mais où, après vérification par le BAJ des ressources de la personne, il s’avère que cette aide ne lui était pas due, dans la mesure où l’avocat est déjà intervenu, il doit être payé au titre de l’aide juridictionnelle pour le travail effectué, à charge pour l’État de se retourner contre le justiciable qui a bénéficié indûment de l’aide.

Lors de la discussion de la loi de finances de 2014, notre collègue Catherine Tasca, rapporteur pour avis des crédits des programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice », avait relevé que le renforcement des contrôles sur l’attribution de l’aide juridictionnelle par les BAJ, lorsqu’elle est destinée à rétribuer un avocat commis d’office, devait représenter une économie estimée à 4,8 millions d’euros.

M. le président. L'amendement n° 217 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase de l'article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigée :

« Le bureau d'aide juridictionnelle recueille tous les renseignements utiles sur la situation financière de l'intéressé et bénéficie d’un accès aux fichiers sociaux et fiscaux du demandeur, dans des conditions permettant de préserver la confidentialité des informations reçues. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le rapport d’information sur l’aide juridictionnelle avait souligné que le contrôle des ressources ne relevait pas du cœur de métier des personnes qui composent le BAJ : magistrats, greffiers, auxiliaires de justice...

Le seul moyen de savoir si le patrimoine de la personne l’exclut du bénéfice de l’aide juridictionnelle repose sur sa propre déclaration, le greffe ne disposant pas des moyens de vérifier ses dires.

En pratique, les BAJ utilisent rarement les prérogatives que leur confère l’article 21 de la loi du 10 juillet 1991, lequel dispose que « les services de l’État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de communiquer au bureau, sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l’intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l’aide juridictionnelle ».

Le rapport d’information déjà mentionné proposait donc, à l’instar du rapport de la mission de modernisation de l’action publique, que les BAJ aient accès aux fichiers sociaux et aux fichiers fiscaux pour vérifier les éléments patrimoniaux qui n’apparaissent pas forcément dans les documents fournis par le demandeur. L’amendement n° 217 rectifié tend à mettre en œuvre cette préconisation.

M. le président. L'amendement n° 216 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les bureaux d’aide juridictionnelle mettent en œuvre le traitement dématérialisé des dossiers.

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à inscrire dans la loi une autre recommandation du rapport d’information de Mme Joissains et de M. Mézard : que les BAJ puissent mettre en application le traitement dématérialisé des dossiers.

Le rapport souligne que la dématérialisation du traitement des dossiers d’aide juridictionnelle avait été présentée par plusieurs personnes auditionnées comme une solution pour alléger la charge de travail des BAJ. Le formulaire de demande pourrait, à cet effet, prévoir la possibilité pour le demandeur de déclarer une adresse électronique et les BAJ devraient être dotés d’une adresse électronique spécifique.

Les rapporteurs avaient également précisé que la dématérialisation ne devrait être qu’une simple faculté, compte tenu de la fracture numérique existant encore sur le territoire. C’est pourquoi les BAJ continueraient, bien entendu, à traiter matériellement les dossiers, tout en expérimentant d’autres moyens de gestion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. François Pillet, corapporteur. Notre collègue Requier reprend là trois préconisations formulées dans le rapport que Jacques Mézard et Sophie Joissains ont rédigé sur l’aide juridictionnelle.

Je pense que le présent projet de loi n’est pas le bon support pour une réforme de l’aide juridictionnelle, même si celle-ci est plus que jamais nécessaire. D’ailleurs, nous nous sommes opposés, à l’article 12, à ce que le fonds de péréquation serve à financer l’aide juridictionnelle.

Ces amendements sont peut-être des amendements d’appel, destinés notamment à rappeler que la réforme est en cours. Pour cette raison, j’aurais tendance à proposer à M. Requier de retirer ces trois amendements, sauf à ce que le Gouvernement nous dise qu’ils sont bienvenus.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement sollicite également le retrait de ces trois amendements, dans la mesure où il serait plus pertinent de les examiner dans le cadre du projet « justice du XXIe siècle », que ma collègue Christiane Taubira viendra présenter dans les prochains mois. C’est dans ce texte que ces amendements doivent figurer, et non pas au détour d’une réforme sur les professions réglementées ou les interprofessions.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Joissains, pour explication de vote.

Mme Sophie Joissains. Je suis évidemment convaincue du bien-fondé de ces amendements quant à leur contenu, mais il est clair qu’ils doivent être examinés dans le cadre d’une réforme spécifique de la justice.

Pour autant, monsieur le corapporteur, je ne pense pas que ces amendements soient destinés à montrer que la réforme avance. Je crois au contraire que la réforme ne se fait pas assez rapidement.

M. le président. Monsieur Requier, les amendements nos 226 rectifié, 217 rectifié et 216 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Jean-Claude Requier. Il s’agissait surtout d’apporter un peu de variété à la variété, puisque ce texte aborde des sujets très divers. S’il est vrai que « l’ennui naquit un jour de l’uniformité », on ne risque pas de s’ennuyer avec un texte comme celui-ci ! (Sourires.)

Quoi qu'il en soit, je retire ces trois amendements.

M. le président. Les amendements nos 226 rectifié, 217 rectifié et 216 rectifié sont retirés.

L'amendement n° 607, présenté par Mmes Campion, D. Gillot et Génisson, M. Vincent, Mmes Bricq et Emery-Dumas, MM. Guillaume, Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 127-2-3 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice des dispositions figurant au premier alinéa, l’assuré peut demander en toute situation à être assisté ou représenté par toute personne qualifiée par la législation ou la réglementation en vigueur pour défendre, représenter ou servir ses intérêts. »

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Cet amendement vise à apporter une précision dans le code des assurances en complétant son article L. 127-2-3.

Un assuré bénéficiant d’une protection juridique doit, en l’état actuel des textes, être représenté devant un tribunal et défendu devant une juridiction par un avocat payé par la compagnie d’assurance. Or il existe un certain nombre de lieux, tels que les prud’hommes ou le tribunal des affaires de la sécurité sociale, pour lesquels il est prévu que la personne peut être représentée par une personne spécialement habilitée. Cet amendement vise à ce que le contrat d’assurance et de protection juridique ne réduise pas cette possibilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement vise à permettre aux assurés bénéficiaires d’un contrat de protection juridique de faire assumer par leur assurance les frais engagés pour leur défense par l’association de victimes ou l’association de consommateurs qui les assiste ou les représente.

La difficulté soulevée par les auteurs de l’amendement provient certainement de l'ambiguïté résultant de la lecture combinée de l’article L. 127-2-3 du code des assurances, qui pose le principe de l’égalité des armes et assure à l’intéressé, si l’autre partie au procès est représentée par un avocat, que son assureur lui paiera un avocat, et de l’article L. 127-3 du même code, qui pose le principe du libre choix, par l’assuré, de son défenseur.

Paradoxalement, lorsque l’autre partie est défendue par un avocat, on pourrait conclure de cette lecture que l’assuré ayant fait le choix d’être défendu par une association ne pourrait demander à ce que son assurance la défraye, dans la mesure où il est seulement prévu que cette dernière supporte le coût d’un avocat.

Cet amendement vise à lever cette ambiguïté, et cela se comprend. Toutefois, il va plus loin puisqu’il pose le principe selon lequel, en toute situation, l’assuré peut demander la prise en charge des frais de son défenseur par l’assurance. Or, pour de menus contentieux, il n’est en règle générale pas fait appel à un avocat ou à un autre représentant des intérêts du justiciable. Il y est recouru non en « toute situation », mais dans deux cas seulement : d’une part, lorsque le contrat le prévoit ; d’autre part, en vertu de l’article L. 127-2-3 du code des assurances, lorsque l’autre partie est défendue par un avocat.

Le dispositif proposé ne répond donc pas parfaitement à l’objectif affirmé par les auteurs.

Par ailleurs, ces dispositions relatives à l’aide juridictionnelle et à l’accès au droit trouveront mieux leur place dans la réforme annoncée, et très attendue, comme l’a rappelé Sophie Joissains.

Pour ces raisons, la commission spéciale émet un avis défavorable.

De surcroît, une autre difficulté demeure : en matière de contrat de protection juridique, lorsque l’avocat ne facture pas ses honoraires au montant exact du forfait fixé dans le contrat d’assurance, il est contraint d’établir une convention d’honoraires. À l’évidence, si votre amendement était adopté, monsieur Bigot, il faudrait que cette obligation soit également imposée à l’association.

Il s’agit non pas de rejeter l’idée portée par cet amendement, mais d’en améliorer le dispositif dans le cadre des réformes en cours d’élaboration.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 607.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 1454 rectifié bis est présenté par Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam et MM. Frassa, Charon, Commeinhes, Magras et Milon.

L'amendement n° 1475 est présenté par Mme Aïchi et M. Placé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 21

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. … – I. – Les entreprises et les associations peuvent employer des avocats salariés d’entreprise selon le statut et les conditions mentionnées au présent article.

« II. – L’avocat salarié d’une entreprise ou d’une association exerce exclusivement son activité pour les besoins propres de l’entreprise qui l’emploie ou de toute autre entreprise du groupe auquel elle appartient. Il formule, en toute indépendance, les avis et consultations juridiques qu’il donne à son employeur.

« Par dérogation à l’article 3 de la présente loi, l’avocat salarié en entreprise n’est pas auxiliaire de justice. Il ne peut assister ou représenter une partie devant une juridiction, même s’il s’agit de l’entreprise qui l’emploie ou de toute autre entreprise du groupe auquel elle appartient. L’avocat salarié en entreprise ne peut pas non plus représenter cette entreprise dans les matières où celle-ci est autorisée à mandater l’un de ses salariés. Il ne peut pas assister une partie dans une procédure participative prévue au code civil. L’avocat salarié d’une entreprise ou d’une association ne peut avoir de clientèle personnelle. N’étant pas auxiliaire de justice, l’avocat salarié en entreprise ne peut revêtir le costume de la profession d’avocat tel que prévu au troisième alinéa de l’article 3 de la présente loi.

« Le contrat de travail est établi par écrit et précise les modalités de la rémunération. Il ne comporte pas de stipulation limitant la liberté d’établissement ultérieure du salarié, si ce n’est en qualité de salarié d’une autre entreprise et ne doit pas porter atteinte à la faculté pour l’avocat salarié de demander à être déchargé d’une mission qu’il estime contraire à sa conscience ou susceptible de porter atteinte à son indépendance.

« Les litiges nés à l’occasion de ce contrat de travail ou de la convention de rupture de ce contrat, de l’homologation ou du refus d’homologation de cette convention de rupture sont portés devant le conseil de prud’hommes, en application du code du travail. Si l’examen du litige implique l’appréciation des obligations déontologiques du salarié, la juridiction ne peut statuer sans avoir préalablement recueilli l’avis du bâtonnier du barreau auprès duquel l’intéressé est inscrit.

« III. – Les personnes qui exercent une activité juridique au sein du service juridique d’une entreprise privée ou publique ou d’une association en France ou à l’étranger depuis au moins huit années et qui sont titulaires du diplôme mentionné au 2° de l’article 11 de la présente loi sont inscrites, sous réserve du passage d’un examen de contrôle des connaissances en déontologie, sur la liste spéciale du tableau mentionnée au IV.

« L’examen de contrôle des connaissances en déontologie est organisé par le conseil de l’ordre du barreau auprès duquel l’avocat salarié en entreprise demande sa première inscription.

« L’inscription au tableau prend effet dans le mois de la décision du conseil de l’ordre constatant la réussite à l’examen.

« IV. – L’avocat salarié d’une entreprise est inscrit sur une liste spéciale du tableau du barreau établi près le tribunal de grande instance du ressort dans lequel se situe le siège de l’entreprise ou de l’établissement dans lequel l’avocat exerce.

« L’avocat salarié doit, sous peine d’omission et de sanction disciplinaire, contribuer aux charges de l’ordre en s’acquittant des cotisations dont le montant est fixé par le conseil de l’ordre. Il doit également, sous les mêmes sanctions, s’acquitter de ses participations aux assurances collectives souscrites par l’ordre pour les cas où sa responsabilité personnelle serait susceptible d’être engagée. La répartition des primes dues au titre des assurances collectives entre les membres du barreau est effectuée par le conseil de l’ordre qui peut notamment moduler cette répartition en fonction de l’ancienneté dans la profession, de la sinistralité antérieure ou de l’existence de risques spécifiques.

« Les entreprises ou associations employeurs de l’avocat peuvent prendre en charge ses cotisations.

« Lorsqu’il cesse son activité salariée en entreprise, l’avocat ne peut requérir son inscription au tableau de l’ordre que s’il remplit les conditions mentionnées à l’article 11 de la présente loi.

« L’avocat inscrit au tableau qui devient avocat salarié d’une entreprise est automatiquement inscrit sur la liste spéciale du tableau.

« V. – L’avocat salarié d’une entreprise est astreint au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Ce secret n’est pas opposable aux autorités judiciaires agissant dans le cadre d’une procédure pénale, ainsi qu’aux autorités administratives indépendantes et aux administrations publiques agissant dans le cadre de leur mission légale. L’avocat salarié ne peut également opposer le secret professionnel à son employeur.

« VI – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment, les modalités d’organisation de l’examen de contrôle des connaissances en déontologie et les modalités d’inscription sur la liste spéciale du tableau. »

II. – L’article 1er bis de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, tel qu’il résulte du I du présent article, est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les Îles Wallis et Futuna.. –

La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 1454 rectifié bis.