M. Maurice Antiste. Cet amendement vise à préserver l’action en défense de l’intérêt collectif des consommateurs en matière d’infraction concurrentielle et à permettre aux associations agréées d’obtenir de l’Autorité de la concurrence les seuls éléments pertinents pour la détermination et le calcul du préjudice subi par les consommateurs.
En effet, en matière concurrentielle, obtenir la preuve est particulièrement difficile pour les opérateurs économiques – concurrents et partenaires commerciaux –, et quasiment impossible pour les associations de consommateurs, ce qui compromet fortement la réparation du préjudice concurrentiel.
La disposition proposée permettra aux associations agréées d’obtenir de l’Autorité de la concurrence des éléments objectifs en vue de la détermination du préjudice, dans le respect du secret des affaires. L’établissement préalable et objectif du préjudice concurrentiel par l’Autorité de la concurrence est souhaitable tant pour les entreprises visées que pour les consommateurs eux-mêmes. En particulier, les entreprises auraient, grâce à la communication de telles informations, l’assurance d’échapper à une évaluation surestimée, trompeuse ou infondée du dommage infligé. Tout risque de réparation excessive du préjudice se trouverait donc de facto écarté et l’action des associations en matière de concurrence et de dédommagement des consommateurs prendrait toute son efficacité.
Mme la présidente. L’amendement n° 318 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 546 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. L’article 11 visant à réformer la procédure d’injonction structurelle en matière de concurrence dans le commerce de détail a été adopté en commission spéciale, avec quelques modifications tendant à compléter, à préciser et à ajuster la procédure, ainsi qu’à clarifier la rédaction.
L’abus de position dominante d’un opérateur économique est un problème important et la procédure d’injonction actuelle n’a jamais été utilisée depuis son instauration. La réforme proposée au travers de l’article 11 vise donc à remédier à cet état de fait et à introduire une notion de préoccupation de concurrence absente du texte en vigueur.
Dans la mesure où ce genre d’abus est particulièrement difficile à prouver pour les opérateurs économiques et pratiquement impossible à démontrer pour les associations de consommateurs, il apparaît essentiel que ces acteurs puissent obtenir des informations pertinentes de l’Autorité de la concurrence afin de déterminer et de calculer le préjudice subi par les consommateurs.
Dans un souci d’objectivité et afin de permettre un dédommagement juste et non excessif pour les entreprises, il est souhaitable que l’Autorité de la concurrence établisse le préjudice concurrentiel au préalable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cornano, pour présenter l'amendement n° 829 rectifié ter.
M. Jacques Cornano. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Les associations de consommateurs n’étant pas parties dans le cadre des enquêtes de l’Autorité de la concurrence pour des faits de pratique anticoncurrentielle, il est difficilement envisageable de leur permettre d’accéder aux pièces du dossier. Il s’agirait d’une atteinte au secret professionnel et au secret de l’instruction. Cela serait encore plus problématique dans le cadre d’une procédure de transaction et même de clémence.
En tout état de cause, une sanction pour pratique anticoncurrentielle permet de justifier l’engagement par la suite d’une action en réparation du préjudice subi par les consommateurs, le cas échéant dans le cadre d’une action de groupe engagée sur l’initiative d’une association de consommateurs. Cela est de nature à donner satisfaction aux auteurs des amendements. Il appartiendra au juge d’apprécier le préjudice, et non pas, bien sûr, à l’association.
En outre, la sanction qui sera prononcée par l’Autorité de la concurrence vise à réparer non pas le préjudice subi par les consommateurs, mais celui qui a été causé à la société. Le montant de la sanction est calculé en fonction de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie. Ce n’est pas un préjudice réparateur, c’est une sanction.
Je prie donc les auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Antiste, l'amendement n° 292 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Maurice Antiste. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° 546 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Cornano, l'amendement n° 829 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 292 rectifié bis, 546 rectifié bis et 829 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Les amendements identiques nos 317 et 654 rectifié ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 246 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Castelli, Collin et Arnell, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Esnol, Fortassin et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
soulève des préoccupations de
par les mots :
porte atteinte à la
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale n’a pas modifié le texte du Gouvernement sur ce point.
La notion juridique de préoccupation de concurrence existe. Celle d’atteinte à la concurrence suppose une infraction, ce qui n’est pas le cas ici. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. M. le corapporteur l’a très bien dit, il ne s’agit pas d’un simple amendement de précision sémantique. La substitution proposée rétablit ce qui qualifie l’abus de position dominante, et ramène ainsi la mesure prévue par l’article à un dispositif existant. Il y a une véritable différence juridique entre les notions de préoccupation de concurrence et d’atteinte à la concurrence.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l'amendement n° 246 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 246 rectifié est retiré.
L'amendement n° 985 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Guerriau et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
I – Alinéa 4
A. - Première phrase
Remplacer les mots :
marges nettes anormalement élevées
par les mots :
prix et de marges nettes anormalement élevés
B. - Deuxième phrase
Après les mots :
et du niveau de
insérer les mots :
prix et de
II. – Alinéa 5, première phrase
Avant le mot :
marges
insérer les mots :
prix et de ses
III. – Alinéa 8
Avant le mot :
marges
insérer les mots :
prix et des
La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement du débat de tout à l’heure et apporte peut-être une solution.
Il s’agit de prévoir qu’une préoccupation de concurrence peut se fonder non seulement sur des marges nettes anormalement élevées, mais aussi sur des prix présentant ce même caractère. En effet, les marges ne sont pas toujours significatives, car elles peuvent donner lieu à des manœuvres de la part des entreprises. Il est donc important de prendre en considération à la fois les prix et les marges anormalement élevés, comme l’a souligné M. le ministre tout à l’heure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Vous avez clairement indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre, qu’il était finalement nécessaire de prévoir des critères cumulatifs, comme le fait cet amendement. Cela étant, j’ai bien compris que vous n’aimiez pas le terme « anormalement ». Je propose donc de retenir des critères cumulatifs, ce que la commission avait initialement hésité à faire, préférant fixer un unique critère, critiqué par le Gouvernement, celui de « marges anormalement élevées ».
Pour ces raisons, j’émets un avis de sagesse, voire favorable, sur l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La discussion que nous avons eue tout à l’heure sur les critères reste valide. Je préfère, je le redis, des critères alternatifs. J’émettrai un avis favorable sur cet amendement sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement tendant, à l’alinéa 6, à remplacer le mot : « et » par le mot : « ou ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 1744, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le mot :
et
par le mot :
ou
Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. François Pillet, corapporteur. J’ai cru, monsieur le ministre, que vous alliez accepter des critères cumulatifs et demander le retrait de l’adverbe « anormalement », auquel cas nous aurions eu du grain à moudre…
Il n’en est pas ainsi, et j’émets donc un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le ministre, si l’on remplace « et » par « ou », on en revient à des critères alternatifs. Or, comme vous l’aviez dit vous-même, une marge anormalement élevée peut avoir des causes très diverses, non nécessairement liées à la préoccupation de concurrence.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur Tandonnet, j’ai du mal à comprendre votre raisonnement.
Comme l’a dit M. le ministre cet après-midi, on peut minorer les marges, par exemple par transfert de charges depuis des filiales. Par conséquent, si l’on retient un double critère de prix et de marges nettes élevés, celui qui trafique les marges échappera à la sanction.
Je ne comprends donc pas que vous n’acceptiez pas le sous-amendement déposé par M. le ministre, car il est pertinent de rendre les critères alternatifs.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Aux termes de l’article 48, alinéa 4, de notre règlement, les sous-amendements « ne sont recevables que s’ils n’ont pas pour effet de contredire le sens des amendements auxquels ils s’appliquent ».
Or il me semble que substituer « ou » à « et » dénature le sens de l’amendement n° 985 rectifié ter. En toute hypothèse, la commission saisie au fond peut se réunir, si besoin, pour juger de la recevabilité du sous-amendement. Pour la clarté du débat, je suggère que M. le corapporteur intervienne de nouveau, afin de bien expliquer la portée du sous-amendement. Ce n’est pas un petit sujet !
Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.
M. François Pillet, corapporteur. Substituer « ou » à « et » change tout ! Je le répète, le débat porte sur le point de savoir si nous retenons des critères alternatifs ou des critères cumulatifs. L’adoption du sous-amendement modifierait donc radicalement la portée de l’amendement.
Je maintiens l’avis que j’ai formulé tout à l’heure. Il est conforme à l’argumentation que j’ai développée avant la suspension de séance. La commission spéciale souhaite, pour bien encadrer le dispositif et le définir de telle manière que l’on puisse aboutir à une jurisprudence constante ou, en tout cas, précise, que l’on en reste à la rédaction proposée par M. Tandonnet.
Mme la présidente. Le Sénat peut se prononcer.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Madame la présidente, excusez-moi d’y insister, mais l’article 48 de notre règlement prévoit que « la commission saisie au fond est compétente pour se prononcer sur la recevabilité des amendements et des sous-amendements dans les cas prévus au présent article ».
À mon sens, nous sommes bien ici dans l’un des cas prévus à l’article 48. Il y a une divergence entre la commission spéciale et la présidence sur l’interprétation du règlement.
Mme Éliane Assassi. Il faut réunir la commission spéciale !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je demande une suspension de séance, afin que la commission spéciale puisse se réunir pour statuer sur la recevabilité du sous-amendement n° 1744.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. La commission a estimé que le sous-amendement n° 1744 n’était pas recevable.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 1744 ayant été déclaré irrecevable, je vais mettre aux voix l’amendement n° 985 rectifié ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 140 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l’article 11.
Mme Évelyne Didier. Je souhaite faire part à nos collègues des réflexions de Paul Vergès sur cet article.
M. Vergès insiste sur la nécessité de parvenir à un meilleur équilibre économique et commercial, notamment sur le territoire de La Réunion, dans le domaine de la distribution.
L’examen de ce projet de loi constitue une occasion de faire prendre en compte les préoccupations spécifiques des Réunionnais et des ultramarins en général.
À La Réunion, aux Antilles et en Guyane, le constat est le même : certains groupes commerciaux représentent plus de la moitié des surfaces de distribution et, malgré les efforts engagés, les écarts de prix entre les outre-mer et la métropole demeurent excessifs.
Dès lors, il semble évident que l’on doit chercher à assurer une concurrence équilibrée et maintenir une stratégie économique favorisant la baisse du coût de la vie.
Pour l’heure, en l’absence de réglementation, il conviendrait que les parts de chiffre d’affaires soient prises en compte et déterminées selon d’autres procédures.
Il convient également de prendre en compte les critères et facteurs influant sur toute politique économique appliquée à des territoires insulaires comme ceux de La Réunion ou d’autres outre-mer.
Parmi ces facteurs figurent les phénomènes de concentration et de position commerciale monopolistique ou dominante, qui ont provoqué la disparition ou la mise en danger de commerces de proximité, notamment dans les zones rurales et les centres-villes.
La dépendance à l’égard d’un petit nombre de fournisseurs en position dominante, situation qui est de nature à fragiliser la sécurité d’approvisionnement des outre-mer, est un autre facteur à prendre en considération.
Par conséquent, il est nécessaire de lutter réellement contre les situations de monopole ou de position dominante dans les économies ultramarines, qui entraînent, de fait, la mise sous tutelle des producteurs locaux. Toutefois, cette lutte ne doit pas nuire aux activités et aux services rendus à la population sur tous les territoires ultramarins.
Dès lors, il convient de garantir le meilleur équilibre commercial dans le secteur de la distribution des outre-mer, notamment sur le territoire de La Réunion. Cela passe, en premier lieu, par la limitation des positions monopolistiques ou dominantes.
Les ultramarins en général et les Réunionnais en particulier attendent donc que soient réellement mises en œuvre les dispositions du quatrième alinéa de l’article 11, qui fait explicitement référence à l’existence de positions dominantes.
Mme la présidente. Ma chère collègue, pour vous être agréable, je vous ai laissé prononcer cette explication de vote. Je rappelle cependant que le règlement du Sénat stipule que l’on ne peut s’exprimer au nom d’un collègue absent.
M. Jean Desessard. M. Placé m’avait laissé un mot… (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11, modifié.
(L’article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 11
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 689 rectifié ter est présenté par MM. Marseille, Guerriau et Pozzo di Borgo, Mmes Morin-Desailly et Gatel, M. Cadic, Mme Goy-Chavent et M. Kern.
L’amendement n° 1450 rectifié est présenté par MM. Dallier et G. Bailly, Mme Bouchart, MM. Buffet, Calvet et Cambon, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon et Commeinhes, Mme Deromedi, M. Doligé, Mme di Folco, MM. B. Fournier, J. Gautier, Gremillet, Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Longuet, Malhuret et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pellevat, Mme Primas et M. Retailleau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 121-17 du code des assurances, il est inséré un article L. 121-... ainsi rédigé :
« Art. L. 121-... - L’expertise amiable contradictoire est obligatoire. L’évaluation des dommages et pertes est réalisée de gré à gré. Toutefois, lorsque l’assureur décide de se faire assister d’un expert, l’assuré pourra également se faire assister d’un expert de son choix, dont les honoraires seront à la charge de l’assureur dans la limite des 5 % du montant des dommages. »
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° 689 rectifié ter.
M. Olivier Cadic. L’objet de cet amendement est d’abord de rendre obligatoire l’expertise amiable prévue dans le contrat socle de tous les contrats, mais qui a été écartée par les mutuelles pour réduire le montant des primes.
Il s’agit ensuite de rétablir l’équilibre entre la compagnie d’assurance et les assurés. Lorsque la compagnie mandate un expert, qui ne défend que les intérêts de son client, l’assuré doit pouvoir être en mesure d’apporter la contradiction en étant également assisté d’un professionnel disposant des mêmes compétences.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l’amendement n° 1450 rectifié.
Mme Jacky Deromedi. Je fais miens les propos tenus par M. Cadic. Certains assureurs prétendent que les experts qu’ils désignent sont indépendants et que, par conséquent, l’intervention d’un second expert est inutile. Cet argument n’est bien évidemment pas recevable : les experts désignés par les assureurs étant complètement sous l’emprise économique de ces derniers, ils ne sont aucunement indépendants.
Cette situation justifie pleinement la présence d’un autre expert au côté de l’assuré afin de garantir un équilibre, les honoraires de ce second expert devant être mis à la charge de la compagnie d’assurance, à qui appartient l’initiative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, corapporteur. Les amendements nos 689 rectifié ter et 1450 rectifié visent d’abord à affirmer que l’expertise amiable contradictoire est obligatoire, avant de préciser que recourir à un expert est une simple faculté ouverte à l’assureur et à l’assuré. Il me semble qu’il y a là une contradiction.
Lorsqu’une expertise est nécessaire pour évaluer un dommage, en vue de permettre à l’assureur et à l’assuré de se mettre d’accord sur un montant d’indemnisation, la logique du contrat d’assurance veut que la compagnie d’assurance désigne un expert, lequel n’est pas pour autant dans une position de subordination à l’égard de celle-ci.
Aux termes de ces amendements, l’assuré pourrait imposer l’intervention d’un autre expert de son choix, dont les honoraires seraient pris en charge par la compagnie d’assurance. Il semble difficile d’accepter une telle disposition, dont la mise en œuvre modifierait singulièrement le coût de gestion du contrat d’assurance.
Lorsqu’il y a un désaccord sur l’évaluation réalisée par l’expert désigné par la compagnie d’assurance, ce qui est rare, l’assuré a toujours la possibilité de la contester. Il peut même, par voie de référé, faire nommer un expert judiciaire, dont le coût de l’intervention sera pris en charge par la compagnie d’assurance s’il apparaît que l’assuré était parfaitement fondé à formuler une telle demande, qui se fonde généralement sur l’article 145 du code de procédure civile.
Afin de rassurer définitivement les auteurs des amendements, j’ajoute que si l’expert, fût-il désigné par la compagnie d’assurance, a mal évalué les dommages, sa responsabilité professionnelle se trouve engagée. Dans ce cas, le recours à l’expertise amiable est encore possible.
L’adoption de ces amendements pourrait permettre à certains experts de faire prospérer leur activité, mais elle risquerait de susciter des problèmes importants, notamment de porter atteinte à la relation de confiance entre l’assuré et l’assureur.
Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souscris aux arguments de M. le corapporteur. En effet, la mise en œuvre de telles dispositions aurait pour conséquence d’accroître le recours à un deuxième expert. Immanquablement, le coût serait répercuté sur les primes d’assurance, ce qui n’est pas l’objectif visé par les auteurs des amendements. Je sollicite donc, moi aussi, le retrait de ceux-ci.
Par ailleurs, je voudrais souligner à cet instant que l’attitude du Gouvernement, depuis le début de l’examen de ce texte, s’inscrit dans une démarche de co-construction législative. Je crois avoir manifesté à plusieurs reprises un esprit d’ouverture. Ainsi, sensible à l’émotion qu’avait pu susciter le dépôt de certains amendements tendant à rétablir la rédaction initiale, j’en ai retiré certains de moi-même. Il me semble que la décision de la commission d’appliquer une procédure quelque peu formelle pour écarter un sous-amendement du Gouvernement n’est pas tout à fait conforme à cet esprit. Il ne faudrait pas raviver inutilement les tensions qui avaient marqué le début de nos échanges sur ce projet de loi.
M. Jean Desessard. Eh bien, il y a de la bagarre !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je rappelle que nous travaillons sous l’empire d’un règlement. La commission n’a fait que jouer son rôle, dans un climat tout à fait apaisé, qui nous a permis d’échanger utilement.
Que M. le ministre se rassure, comme les rapporteurs l’ont indiqué de manière extrêmement claire lors de la discussion générale, le Sénat entend examiner ce projet de loi dans un esprit constructif, en excluant les postures politiciennes. Nous voulons apporter notre pierre à l’élaboration d’une loi de la République, en y consacrant le temps qu’il faudra.
Il n’y a pas lieu, me semble-t-il, de s’étonner que, à certains moments, nos débats prennent un tour plus ou moins vif. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) À propos de l’application légitime d’un point du règlement, nous en sommes d’ailleurs restés à un degré très modeste sur l’échelle de Richter… Ce qui importe, c’est le débat de fond. Je souhaite que nous y revenions, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. J’observe, monsieur le président de la commission spéciale, que votre souci du règlement ne se manifeste pas avec la même rigueur dans tous les cas de figure. Ainsi, la commission spéciale aurait dû, aux termes du règlement, être réunie en d’autres occasions au cours de cette journée, mais elle ne l’a pas été. Nous l’avons accepté, estimant que, sur le fond, cela ne soulevait pas de difficulté.
En revanche, vous vous êtes appuyé sur le règlement pour écarter un sous-amendement déposé par M. le ministre qui aurait mérité un débat de fond. Il n’y a pas de parallélisme des formes ! Un peu de courtoisie et d’objectivité seraient bienvenues, y compris dans l’application du règlement, qui ne doit pas être à géométrie variable.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 689 rectifié ter et 1450 rectifié.
Mme Catherine Procaccia. Je trouve un peu choquant que l’on puisse ainsi mettre en doute l’indépendance des experts : ce n’est pas parce qu’ils sont mandatés par une compagnie d’assurance qu’ils ne sont pas indépendants.
J’ai apprécié les réponses du rapporteur et du ministre : le coût de l’intervention d’un second expert, que les auteurs des amendements entendent mettre à la charge des assureurs, serait in fine répercuté sur les primes d’assurance. L’ensemble des assurés se trouveraient ainsi pénalisés, alors que seule une infime minorité d’entre eux contestent les évaluations des experts mandatés par les assureurs.
Mme la présidente. Madame Deromedi, l’amendement n° 1450 rectifié est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1450 rectifié est retiré.
Monsieur Cadic, l’amendement n° 689 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Dans un souci d’apaisement qui me semble à propos, je le retire également.
Mme la présidente. L’amendement n° 689 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 1451 rectifié bis, présenté par MM. Dallier et G. Bailly, Mme Bouchart, MM. Buffet, Calvet et Cambon, Mme Cayeux, MM. César, Chaize, Charon, Commeinhes et Delattre, Mmes Deromedi et di Folco, MM. Doligé, B. Fournier et J. Gautier, Mme Gruny, MM. Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Imbert, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Leleux, Longuet et Mayet, Mmes Mélot et Micouleau et MM. Milon, Morisset, Pellevat, Perrin, Raison et Saugey, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 121-17 du code des assurances, il est inséré un article L. 121-… ainsi rédigé :
« Art. L. 121-…En cas de sinistre si, dans les trois mois à compter de la remise de l’état des pertes par l’assuré, l’expertise n’est pas terminée, l’assuré a le droit de faire courir les intérêts par sommation ; si elle n’est pas terminée dans les six mois, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à l’assuré produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.