Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote sur l'amendement n° 1028.
M. Joël Guerriau. Nous adhérons aux positions de la commission spéciale et du Gouvernement.
Les différents modes de transport permettent une véritable complémentarité. À mes yeux, croire que leurs usages se concurrencent revient à commettre une erreur. Bien au contraire, il faut renforcer toutes les capacités territoriales existant en la matière.
Cela étant, il me semble assez ahurissant de demander l’avis conforme des conseils départementaux et régionaux pour les conventions de service public. Je n’imagine pas qu’un service d’autocars en soit réduit à contourner un département qui aurait refusé d’accorder son avis conforme. Aussi, il me semble indispensable de garantir la cohérence du dispositif.
M. Olivier Cadic. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 155 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le ministre, je partage votre souhait d’élargir l’offre de transports proposée à nos concitoyens. Certains territoires souffrent en effet d’une pénurie. De plus, je n’oppose pas les bus et les cars aux trains, sauf, bien entendu, lorsqu’on fait tout pour fermer des lignes ferroviaires au motif que des bus sont en service… (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Voilà le problème !
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. C’est caricatural !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, j’ai du service public une vision extensive, laquelle, à mon sens, permet de garantir la cohérence de son organisation. Pour avoir connu en grande banlieue la cohabitation des réseaux de bus de la RATP et des lignes privées, je peux vous dire que, sur les lignes les plus attractives, la concurrence était féroce. A contrario, des territoires entiers, ne présentant qu’une faible rentabilité, n’étaient pas pris en compte. Or plus la RATP perdait d’argent pour des lignes rentables, moins elle était à même de garantir la continuité du service public dans des secteurs mal desservis.
Une loi a été adoptée. Ce texte n’a pas tué les entreprises privées – ces dernières se développent aujourd’hui en Île-de-France –, mais il a permis, dans le cadre de conventionnements de service public, la cohabitation de lignes privées et de lignes publiques. De deux choses l’une : soit on considère que cette disposition générale est suffisante et qu’il n’est pas nécessaire de déréguler ce secteur – c’est ce que j’ai tendance à penser –, soit on renforce la part de la concurrence. Dans ce dernier cas, il me semble nécessaire d’agir dans le cadre de conventions de service public.
Monsieur le ministre, je ne suis pas parvenue à vous convaincre. Pour autant, je reste persuadée que l’offre de transports, in fine, s’appauvrira dans certains territoires, notamment par la disparition des TET. Parallèlement, une grande concurrence s’exercera à coup sûr dans les secteurs qui présenteront une rentabilité bien plus grande. Or, si une ligne est rentable, je ne vois pas pourquoi le service public ne pourrait pas l’exploiter.
Quoi qu’il en soit, je vous le garantis, je n’ai en aucun cas déposé cet amendement en vue de mettre en concurrence le train et le car. On ne pourra pas faire du « tout-train ». Pour autant, il ne faut pas affaiblir nos réseaux ferroviaires. Il existe un espace pour les cars, mais, par cet amendement, qui tend à garantir une régulation publique, c’est l’esprit du service public que je tiens à défendre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour explication de vote.
Mme Delphine Bataille. Il ne s’agit nullement de dénigrer le car, mais d’insister, comme Mme Lienemann vient de le faire, sur le risque de dégradation qui plane sur certaines liaisons ferroviaires. Il ne s’agit pas non plus d’opposer les lignes de train aux lignes de car : l’ouverture de nouvelles liaisons par autocar permettra de compléter l’offre de transports existante et de désenclaver certains territoires.
Pour ma part, j’insiste sur le danger que représente, pour la SNCF, la tentation de fermer certaines lignes de trains d’équilibre du territoire pour favoriser l’exploitation des autocars, au motif qu’ils sont plus rentables. Ce risque a déjà été pointé du doigt au cours de nos débats. La SNCF pourrait anticiper cette opportunité en exploitant de manière incohérente ses TET, dans le but de décourager les usagers de ces trains.
M. Roland Courteau. C’est possible !
Mme Delphine Bataille. Au demeurant, la dégradation de certaines liaisons ferroviaires interroge vivement la stratégie suivie par l’opérateur historique. C’est le cas, par exemple, dans le département du Nord, où des trains, bondés il y a peu encore, voient leur fréquentation diminuer du fait des décisions incohérentes dont leurs horaires font l’objet ou par suite de l’allongement insupportable de la durée des trajets.
Monsieur le ministre, vous l’avez souligné, l’autocar est une solution alternative au train, pour des trajets ne disposant pas de dessertes ferroviaires ou lorsque les liaisons ferrées sont moins pratiques ou plus coûteuses. Toutefois, le car ne saurait l’emporter sur le train en termes de rapidité, de sécurité ou même de confort.
Par ailleurs, le retour d’expérience de certains pays, comme l’Angleterre ou l’Allemagne, mérite d’être pris en considération. Il est possible que la France connaisse, à court terme, une multiplication des dessertes et une guerre des prix, puis qu’elle subisse, à plus long terme, une consolidation du marché entre opérateurs et une rationalisation des dessertes. Ainsi, au fil du temps, l’offre de transports risquerait de ne plus venir qu’en complément du transport par train. Dès lors, la SNCF pourrait choisir de remplacer certaines liaisons ferroviaires plus contraignantes que d’autres, du fait de leurs aménagements structurels, au profit de lignes d’autocar plus rentables. Ainsi – nombre de nos collègues l’ont souligné –, le train serait privilégié dans les territoires les plus riches et le car, moins cher pour les usagers, prévaudrait dans les territoires les moins favorisés.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Delphine Bataille. Dans un contexte où l’État doit rester le garant de l’équilibre entre les territoires, j’appelle votre attention sur la nécessité d’assurer, pour l’ouverture de nouvelles lignes d’autocar, une régulation optimale en cohérence avec l’action des collectivités territoriales et en dialogue avec ces dernières. Il faut permettre l’accès du plus grand nombre à la mobilité. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Dominique Watrin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Pour ne pas allonger les débats, j’indique simplement que les membres du groupe écologiste voteront l’amendement de Mme Lienemann.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je suis très étonné par la tournure que prennent nos débats depuis hier. Le texte nous donne l’occasion de moderniser le fonctionnement des transports dans notre pays. Or, dans ce domaine, certains se montrent totalement rétrogrades (Protestations sur les travées du groupe CRC.),…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ça commence à bien faire !
Mme Éliane Assassi. Changez de logiciel !
M. Michel Canevet. … arc-boutés sur le principe que le service public peut répondre à tout.
Nous vivons, fort heureusement, dans un pays de libertés. Aujourd’hui, la régulation atteint un degré tel qu’une évolution se révèle indispensable dans ce domaine. À cet égard, M. le ministre souligne avec raison que cette réforme est une véritable opportunité, et je remercie M. le président de la commission spéciale du dispositif qu’il nous a présenté.
On le constate clairement, certains territoires de notre pays ne sont pas convenablement desservis.
Mme Laurence Cohen. Ça ne fait aucun doute !
M. Michel Canevet. Afin d’améliorer leur desserte, il est nécessaire d’apporter un peu de liberté. Parallèlement, on ne peut pas continuer à financer le service public par l’emprunt, par le crédit, comme ce fut le cas jusqu’à présent.
Je note que la SNCF reste une entreprise d’État. Si des problèmes de liaison persistent, le Gouvernement prendra ses responsabilités, puisqu’il est l’actionnaire principal de cette société, et la situation se rétablira.
Mme Laurence Cohen. Quel optimisme !
M. Michel Canevet. Mais, de grâce, n’attribuons pas la responsabilité de ces problèmes aux opérateurs. Le service de transports doit être amélioré dans notre pays, et il ne s’améliorera que si des initiatives sont prises en ce sens ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Filleul. Il est bon d’insister sur les diverses vérités que M. le ministre vient de rappeler.
Gardons à l’esprit que notre pays fait face à d’immenses besoins de mobilité : cette demande s’exprime partout sur notre territoire. Les besoins de mobilité ne sont pas assouvis par les TER et les TET.
Les autocars privés viendront compléter l’offre de transports. Dans tous les pays où une réforme similaire a été mise en place, en particulier en Allemagne – je fais abstraction de l’Angleterre, où ce chantier est un peu plus ancien –, on a établi ce constat : les autocars sont venus compléter l’offre de transports et le nombre de passagers des trains, en particulier des trains régionaux, n’a pas baissé.
Voyons les choses en face : les régions n’ont la capacité d’augmenter encore le nombre de TER actuellement sur les voies. Concernant les TET, je souhaite faire un rappel, car certains articles de presse ne sont pas conformes à la réalité. S’il est un jour décidé de les supprimer, cela ne sera pas le fait de la SNCF, mais de l’État, en tant qu’autorité organisatrice de transports pour les trains d’équilibre du territoire. Les études actuellement en cours ne vont cependant pas dans ce sens ; nous n’en sommes donc pas là.
Le développement des autocars est nécessaire à la mobilité. Je ne voterai donc évidemment pas les amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Tout le monde évoque la progression du nombre de passagers dans les transports ferroviaires au Royaume-Uni et en Allemagne. Dans ces deux pays, le système ferroviaire a été libéralisé : on compte cent soixante-dix ou cent soixante-quinze compagnies de transport en Allemagne et quelque soixante-quinze au Royaume-Uni.
Mme Éliane Assassi. Et il n’y a pas d’accidents, c’est ça ?
M. Olivier Cadic. Je n’irai pas plus loin, car je ne souhaite pas faire dérailler certains de nos collègues… (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Comparons ce qui est comparable. Je viens d’entendre évoquer les bienfaits de la situation en Grande-Bretagne. Il faudrait peut-être se souvenir des problèmes de sécurité qui sévissent là-bas grâce à Mme Thatcher, qui a démantelé le service public du chemin de fer. Ce n’est pas un modèle !
Les lignes de chemin de fer qui sont supprimées, les gares qui ne sont plus desservies, ce ne sont pas des affabulations de notre part, des articles de presse mensongers, c’est une réalité ! À travers le projet global d’aménagement des territoires et des métropoles, il semble que l’on ne souhaite desservir que des pôles d’excellence. Cela me fait songer à la situation que l’Île-de-France aurait connu sans la mobilisation des populations pour imposer plus de gares que ce que prévoyait le Grand Paris concocté par Nicolas Sarkozy.
Les amendements qui ont été déposés sont constructifs et devraient susciter l’intérêt. Même si nous avons présenté les nôtres, nous considérons que la proposition que vient de défendre Marie-Noëlle Lienemann est intéressante : elle cherche non pas à opposer les modes de transport entre eux mais à les rendre complémentaires. Toutefois, dans cette enceinte, on ne semble pas décidé à réfléchir, on se contente d’opposer les ringards aux modernes… (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Dès lors, il est difficile, sans jeu de mots, de cheminer ensemble.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergoz, pour explication de vote.
M. Michel Vergoz. Je viens d’une île qui ne connaîtra jamais ce type de débat un peu surréaliste.
Mme Éliane Assassi. On peut aussi parler de la route littorale !
M. Michel Vergoz. Chez nous, il n’y a plus de ferroviaire, le rail a été supprimé parce que l’économie dominante tendait vers le tout-voiture pour le plus grand profit de quelques familles. Les bus se meurent dans une sorte de coma circulatoire. Il n’y a pas de transports collectifs.
Chez vous(Exclamations sur diverses travées.),…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Chez nous !
M. Michel Vergoz. Certes ! Dans l’Hexagone, voulais-je dire, vous entrez dans des débats surréalistes ! Pensez-vous que ceux qui nous écoutent se reconnaissent dans vos propos ? Certains doivent se dire : « ils ne parlent pas pour moi, je ne peux pas me payer le TER ou le TET, mais je pourrais profiter de l’autocar ! »
Mme Laurence Cohen. Il existe des tarifications sociales : aux régions de les mettre en œuvre !
M. Michel Vergoz. Laissez-vous aller une seconde à penser que l’on ouvre de nouveaux espaces de mobilité à des gens qui en sont exclus.
Monsieur le ministre, mettez en place des lignes d’autocar, menez à bien cette réforme ! Ce n’est pas la révolution tout de même !
M. Bruno Retailleau. Nous sommes bien d’accord !
Mme Laurence Cohen. C’est même exactement le contraire !
M. Michel Vergoz. Le service public est indispensable, nous le défendons tous et vous plus que moi ce soir, au moins en apparence. Pourtant, je ne peux plus vendre à mes compatriotes l’idée qu’il existera coûte que coûte. Ce n’est pas vrai ! Dans mon petit village, j’ai perdu la poste. C’est un point de repère qui a disparu. On le sait, ce service public est en grande difficulté à cause du développement d’internet.
Mme Éliane Assassi. Bientôt, on y passera le permis de conduire ; vous verrez, ça ira mieux…
M. Michel Vergoz. Si le service public ne se remet pas lui-même en question, il ne pourra pas être sauvé. J’en suis un fervent partisan, mais vous semblez penser que, en le mettant en avant comme un mot magique, on trouvera de l’argent et que l’État, quel que soit demain le gouvernement, fera le nécessaire pour le sauver. Le service public ne sera sauvé que s’il est capable de s’adapter au nouvel environnement dans lequel il est appelé à évoluer. (Rires sur les travées du groupe CRC.)
Vous riez, parce que vous pensez que l’État providence, c’est encore pour demain. Depuis quelques jours, vous tenez des propos qui me semblent surréalistes, et pas seulement sur le sujet qui nous occupe maintenant. Comme socialiste, je suis un ardent défenseur du service public, mais il faut aussi parler de sa rentabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Alain Richard applaudit également.)
Mme Éliane Assassi. Tout va bien : la droite est d’accord avec vous !
M. Michel Vergoz. Je ne vais pas essayer de vous convaincre, ma chère collègue, mais cessons de faire croire aux Françaises et aux Français, d’ici ou d’outre-mer, qu’il suffit d’accoler à nos choix politiques le mot de service public pour que la réalité qu’il recouvre soit sauvée.
Comme d’autres, j’avais été terriblement peiné à l’époque de voir que nos banques, parce qu’elles étaient nationalisées, se permettaient des choses que les banques privées ne se permettent jamais. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Parlons-en, des banques !
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Michel Vergoz. Pensez à ceux qui n’ont pas les moyens de se payer le train,…
Mme Laurence Cohen. Je vous le répète, la solution c’est la tarification sociale !
M. Michel Vergoz. … et faites confiance à la concurrence saine et honnête qui se mettra en place. Ce n’est pas une grande révolution !
Mme Éliane Assassi. On a compris que vous étiez un social-libéral !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendlé. M. le ministre a cité la Suède et le Royaume-Uni, certains de nos collègues ont évoqué l’Allemagne. Pour ma part, je voudrais décrire un système parfaitement abouti, aux portes de la France : le système suisse.
M. Michel Bouvard. Très bien !
Mme Catherine Troendlé. La carte de la mobilité en Suisse est une toile d’araignée complète, qui pénètre jusqu’aux plus petites communes du pays. Au départ, il y a un réseau ferroviaire auquel on n’a pas touché – contrairement à la France – systématiquement prolongé par des lignes d’autocar jusqu’au fin fond du pays.
En France, nous avons déconstruit le rail. Je me souviens du maillage de petits trains qui couvrait le Sundgau alsacien et qui a été détruit par l’extension de la voiture sur ce territoire. Aujourd’hui, nous avons remis en place des autocars.
Monsieur le ministre, je voudrais vous parler de l’expérience menée dans le cadre de l’eurodistrict entre l’Allemagne, la France et la Suisse. Nous travaillons sur une plateforme de multimodalité qui nous permettra de circuler entre les trois pays par différents modes de déplacement : trains, autocars, etc. La France, c’est vrai, est un peu faible dans ce domaine, ce qui rend ces lignes d’autocar absolument nécessaires. Je vous propose en outre d’ajouter des plateformes de covoiturage, afin que, du fin fond des plus petites communes, on puisse se diriger sans utiliser trop longtemps la voiture vers les services d’autocar, puis, de là, vers le ferroviaire. Ce maillage me semble nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je voudrais expliquer pourquoi je ne voterai pas ces amendements.
J’ai présidé, après Jean-Jacques Filleul, le Conseil supérieur du service public ferroviaire, au moment où s’est posé le problème des trains d’équilibre du territoire. Nous nous étions alors livrés à une première réflexion pour étudier le financement de ces trains, qui sont d’abord victimes d’une baisse de fréquentation due à la progression du maillage autoroutier du pays. C’est un fait incontournable qu’il faut garder à l’esprit.
La vérité, c’est que ces trains seront de plus en plus déficitaires. Un jour, nous n’aurons plus les moyens d’entretenir un certain nombre d’infrastructures. Il est en effet illusoire de considérer que notre pays peut conserver la totalité du réseau ferré du XIXe siècle en gardant les moyens de financer celui du XXIe siècle. Voilà la réalité !
Le système ferroviaire reste pertinent et indispensable, mais là où se trouvent des bassins de population suffisants et dans les infrastructures de fret de longue distance. Une fois qu’on a dit cela, il faut admettre que des modes de transports alternatifs collectifs prennent progressivement la place.
Par ailleurs, la France est le pays qui dispose aujourd'hui de trois des plus grandes entreprises mondiales en matière de transport public, dont l’autocar.
Mme Nicole Bricq. Absolument !
M. Michel Bouvard. Keolis, filiale de la SNCF, Transdev ou la RATP commercialisent des liaisons par autocar dans le monde entier. Aussi, aux yeux de nombre de nos interlocuteurs étrangers, il est paradoxal que nous ne développions pas dans notre propre pays ce que nous leur vendons dans le cadre de délégations de service public ou de concessions,…
M. Alain Richard. C’est vrai !
M. Michel Bouvard. … d’autant qu’il y a là des marchés à prendre, des emplois à créer et des savoir-faire et des technologies à vendre.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Absolument !
M. Michel Bouvard. Enfin, je tiens à le dire, ce texte est en cohérence – la cohérence n’est pas toujours au rendez-vous de l’action des gouvernements en place – avec les dispositions du projet de loi NOTRe, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, avec le regroupement de la compétence ferroviaire vers les régions, le transfert des transports interurbains de voyageurs des départements vers les régions. D’ailleurs, si l’on veut dynamiser le service public de transport de voyageurs, il conviendra de toiletter la loi d’orientation des transports intérieurs, dite « loi LOTI ». Excellente en son temps, cette loi est aujourd'hui parcellisée pour ce qui concerne les autorités organisatrices.
C’est ainsi que l’on développera le service public et que l’on répondra aux besoins de la population et certainement pas en s’opposant à des dessertes par autocar, qui sont complémentaires, ont une utilité, sont profitables au tourisme, qui est aussi l’un des principaux secteurs en matière de créations d’emplois dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Comme ma collègue Catherine Troendlé, je voudrais évoquer le système suisse. Lorsque je suis allé dans ce pays il y a de nombreuses années, on m’avait conseillé d’essayer le tram-train. En pleine campagne, j’ai arrêté le train et j’ai pu me rendre au cœur de la ville. Nous devrions développer ce mode de transport dans notre pays.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À Strasbourg ?
M. Charles Revet. Je ne connais pas le maillage ferroviaire en Allemagne, pays dont on a beaucoup parlé ce soir, mais, en tant que rapporteur de la loi portant réforme portuaire, je suis allé à Hambourg où j’ai constaté que 50 % des containeurs partant pour de moyennes et longues distances empruntent le rail, contre 4 % en France. Notre pays a pourtant un maillage tout à fait exceptionnel. Une seule grande ville, me semble-t-il, n’est pas desservie par le transport ferroviaire.
Pour ce qui est de la complémentarité des modes de transport, honnêtement, je ne connais pas l’efficacité de la mesure proposée. Si elle marche, tant mieux ! Si elle apporte un service, tant mieux ! Je puis juste vous faire part de mon expérience dans la petite commune que j’administre : une quarantaine de personnes ont signé une pétition pour me demander de développer le transport par car. Or j’ai constaté qu’une seule personne, au final, prenait chaque jour le car, ce qui m’a conduit à suspendre ce service. Faisons attention à ce qu’il n’en soit pas de même ici.
Le transport ferroviaire présente de nombreux atouts : outre l’aspect social, il permet de diminuer le nombre de voitures, certaines familles ne seront plus obligées d’avoir deux véhicules. Aussi, dans la mesure où le maillage ferroviaire a été, dans l’ensemble, maintenu, ne devrait-on pas inciter, monsieur le ministre, la SNCF à développer le tram-train, qui a fait ses preuves ailleurs, dans les zones où la densité de population est assez forte ?
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Le débat porte sur la question de savoir s’il faut accepter une offre privée à côté de l’offre publique ? Est-ce choquant ? Est-ce possible ? À considérer le nombre de fermetures de lignes ferroviaires et de territoires qui ne sont pas desservis par les transports, l’avenir est non pas au tout-public ou au tout-privé, mais à une société mixte, dans laquelle un grand service public cohabitera avec des services privés, qui apporteront une autre dimension à la politique de mobilité.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Martial Bourquin. Au regard des problèmes que nous rencontrons aujourd'hui, le secteur public ne peut pas tout faire. Ceux qui gèrent des communautés d’agglomération ou des communautés de communes le savent bien : il faut parfois ouvrir une ligne pour desservir un nouveau lotissement, mais cela coûte cher.
Avancer l’idée selon laquelle le service public peut tout faire est, selon moi, une erreur. En revanche, il faut réguler. En effet, les services privés auront la tentation de s’occuper des lignes les plus rentables et tailleront des croupières aux grands opérateurs publics. C’est à ce niveau-là que la régulation est essentielle. Il faut permettre à la société mixte de se mettre en place en évitant toute concurrence déloyale.
Mes chers collègues, je ne veux pas que ce débat nous fasse oublier l’essentiel : le tout-voiture, le tout-camion ! Chaque fois que les transports collectifs peuvent contrecarrer le tout-voiture ou le tout-camion, je me dis que, d’une certaine manière, nous avons gagné. C’est pour cette raison que nous devons imaginer ensemble cette société mixte, en préservant les grands opérateurs publics, qui, dans un marché régulé, doivent travailler aux côtés d’opérateurs privés.
Ma collègue Catherine Troendlé a cité la Suisse. Il y a une volonté politique – je le reconnais, je suis à huit kilomètres de la frontière –, mais c’est aussi un paradis fiscal (Sourires.), même si ce pays revient un peu sur cette politique, avec des moyens assez extraordinaires.
La question de la mobilité est essentielle dans nos sociétés. Si nous n’examinons cette question que sous un angle idéologique, à courte vue, nous ne prendrons pas les décisions qui s’imposent en vue de contrecarrer le tout-voiture. La conférence sur le climat va avoir lieu ; il faut faire baisser le tout-voiture en France. Si nous y arrivons, nous aurons bien travaillé.
M. Joël Guerriau. Tout à fait d’accord !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Ce débat est évidemment passionnant ; nous comprenons bien sûr que tous nos collègues soient intéressés par cette question. Je remercie d’ailleurs tous ceux qui ont fait part de leur expérience et ont posé des questions en vue d’enrichir le débat. Toutefois, je fais observer que, en une heure vingt-cinq, nous n’avons voté que deux amendements. Quel que soit le mode de transport choisi, il faudrait songer à accélérer…
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Certes, ce n’est pas facile. Mais on a reproché au Gouvernement d’avoir abordé de nombreux sujets dans ce texte, alors essayons, pour ce qui nous concerne, de ne pas ouvrir trop de débats ! Je vous demande de faire un effort, car à ce rythme-là, nous allons déborder sur les vacances de Pâques.
M. Jean-Claude Lenoir. Elles sont menacées ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. C’est l’omnibus… et encore !
Mme la présidente. Monsieur Raison, l'amendement n° 336 est-il maintenu ?
M. Michel Raison. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Madame David, l'amendement n° 1019 est-il maintenu ?