M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. L’article 1er du projet de loi élargit le champ de compétence de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF – qui deviendra l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER –, pour y inclure les entreprises de transport public routier de personnes et les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Cet article précise également les cas de saisine de l’Autorité de la concurrence, ainsi que la nature des affaires sur lesquelles celle-ci pourra être consultée par l’ARAFER.
La création d’autorités administratives accompagne, on le sait, la libéralisation et la dérégulation des services concernés. Le désengagement de l’État de secteurs essentiels pour le développement économique et social, tels que l’énergie, les télécommunications, les transports, amène légitimement à s’interroger sur sa capacité à défendre l’intérêt général dans un système de concurrence prétendument libre et non faussée.
De plus, le projet de loi ne donne pas les moyens à l’ARAFER de garantir une concurrence honnête, au service de l’intérêt général. En l’état actuel du texte, il ne s’agit que d’affichage. On verra si les moyens suivront.
D’une part, en effet, comme le montre le rapport de la commission spéciale, aucun financement n’a été prévu pour accompagner l’extension des missions de l’ARAFER.
L’absence de moyens, notamment en termes de personnel, constitue un grief sérieux que l’on peut formuler à l’encontre de l’article 1er.
L’une des recettes dégagées pour financer l’ARAFER est assise sur les sociétés d’autoroutes, c’est-à-dire que la dépense sera supportée par les usagers de celles-ci. C’est totalement injuste et injustifiable !
D’autre part, les nouvelles missions confiées à l’ARAFER concernent des domaines larges pour lesquels il faudra réunir de nombreuses expertises. C’est pourquoi il existe selon nous un risque sérieux de noyer cette autorité sous de trop lourdes missions, et donc de l’affaiblir.
Depuis l’adoption de la réforme ferroviaire, les missions de l’ARAF ont été largement étendues. À titre d’exemple, en plus de ses missions traditionnelles, elle rend un avis conforme sur la fixation des redevances d’infrastructures ferroviaires, ainsi que sur celles qui sont liées à l’accès aux infrastructures de services. Son avis est également requis pour la fixation des redevances relatives aux prestations régulées offertes dans les gares de voyageurs et les autres infrastructures de services. C’est encore elle qui constatera si SNCF Réseau a manqué à ses obligations contractuelles envers l’État ou si la trajectoire financière s’est écartée de celle prévue dans le contrat et qui, le cas échéant, en analysera les causes, etc.
Enfin, face au monopole privé des autoroutes, à l’expertise juridique, financière et économique dont disposent les sociétés concessionnaires d’autoroutes, l’ARAFER aura beaucoup de mal à jouer son rôle.
Je pense ici aux montages juridiques et financiers des contrats de concession, qui manifestement ont été rédigés en faveur des concessionnaires, au détriment de l’État et des usagers. Nous nous sommes tous émus de ce que les différents rapports de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence nous ont appris. Il s’agira également de contrôler le respect par les sociétés concessionnaires d’autoroutes des obligations qui leur incombent.
Concernant les autoroutes, plus que le rôle de régulateur, c’est celui de contrôleur que l’organisme et son collège vont devoir tenir, dans des domaines aussi techniques et sensibles que ceux de la justification des augmentations de péage ou du contrôle de la passation des marchés de travaux par les concessions autoroutières. C’est d’ailleurs en ce sens que Pierre Cardo, l’actuel président de l’ARAF, avait demandé qu’une partie des nouvelles missions dévolues au futur régulateur lui soient retirées.
L’article 1er s’inscrit donc dans la logique de l’ouverture à la concurrence. C’est à ce titre que nous ne pouvons pas l’approuver. Cependant, en raison des dysfonctionnements lourds inhérents au système des concessions et devant la nécessité d’y regarder de près, nous aurions pu considérer que la création de l’ARAFER était un mal nécessaire dans l’état actuel des choses.
C’est d’ailleurs dans cet esprit que nous avons déposé des amendements à l’article 5. Mais, monsieur le ministre, vous ne mobilisez pas les moyens nécessaires : on a l’impression que vous instituez une autorité par avance vouée à l’impuissance, ce que nous ne pouvons accepter.
Comme je l’ai déjà dit, en l’état, cet article ne relève donc que d’un affichage et ne procède pas d’une réelle volonté de faire la transparence. Si vraiment on veut introduire de la transparence, il faut donner à l’ARAFER les moyens de fonctionner et d’exercer des contrôles. C’est d’ailleurs ce que vous avez déclaré lors de votre audition par la commission spéciale du Sénat, monsieur le ministre. Je vous demande donc aujourd’hui de confirmer ces propos.
Nous avions l’intention de déposer des amendements visant à donner à l’ARAFER les moyens de travailler, mais ils auraient été immédiatement écartés au nom de l’article 40 de la Constitution. C’est pourquoi nous y avons renoncé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bosino. Nous considérons que l’un des principaux reculs de ce projet de loi concerne l’extension des compétences de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires aux activités routières. Il s’agit d’accorder encore plus de pouvoir à une autorité indépendante qui joue déjà aujourd’hui le rôle que l’État a renoncé à tenir depuis longtemps.
Les obligations d’information, en particulier du Parlement, avant la conclusion des contrats de concession et le suivi du volet économique de ces derniers ont été renforcées.
Des clauses de partage des profits devraient être inscrites lors de la remise à plat des contrats existants, ainsi que dans les contrats futurs. L’ARAFER exercerait un pouvoir de contrôle en matière de rentabilité des contrats. Cette autorité serait consultée sur tout allongement de la durée des concessions. Elle pourrait aussi contrôler les marchés de travaux et la transparence des marchés de sous-concession passés, par exemple, pour les stations-service.
Rappelons que c’est l’Autorité de la concurrence qui a formulé cette suggestion, tandis que, dans le même temps, de nombreux parlementaires ont soutenu des propositions fortes pour répondre à l’exigence d’encadrement des concessions futures, voire pour remettre en cause le régime des concessions présentes.
Le Gouvernement fait donc le choix d’une autorité de régulation indépendante, et non d’un réengagement de l’État, y compris en ce qui concerne les tarifs des autoroutes et les différents contrôles. A priori, le contrôle des sociétés d’autoroutes ne relèverait donc plus du ministère, mais de l’ARAFER, ce qui représente une délégation supplémentaire de puissance publique que nous ne pouvons cautionner.
Au-delà de ces considérations spécifiques, cet article 1er est révélateur de la cohérence globale de ce projet de loi, qui est inspiré par la volonté de laisser faire les acteurs du marché, animés par la seule recherche du profit. L’idée sous-jacente est donc que les acteurs privés pourraient être les garants de l’intérêt général et de la cohérence de l’aménagement du territoire, alors que nous savons pertinemment que, dans l’ordre naturel des choses, cela est antinomique.
Voyez-vous, monsieur le ministre, nous sommes convaincus que, comme le disait un philosophe que vous appréciez beaucoup, « une société où l’économique domine le politique – et dans l’économique, la compétition donc le calcul et l’appétit du gain, ce qui est la définition même d’une économie de marché – est une société qui crée des inégalités insupportables ». (M. le ministre sourit.) Votre sourire indique que vous avez reconnu l’auteur de cette citation ! Votre projet de loi tend précisément à l’instauration d’une telle société.
Aussi n’abordons-nous qu’avec une extrême méfiance cet article, notamment en ce qui concerne l’évolution des compétences de l’ARAFER, qui accompagne un bouleversement de l’organisation de la mobilité sur notre territoire et fait écho au renforcement d’autres autorités indépendantes par le biais du présent texte.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. L’article 1er ouvre ce projet de loi par une demande d’autorisation à prendre des ordonnances en vertu de l’article 38 de la Constitution.
Vous nous répondrez, monsieur le ministre, qu’il s’agit de ne prendre par cette voie que des dispositions rédactionnelles. Cet article n’en demeure pas moins symptomatique d’une pratique désormais trop courante de dessaisissement du Parlement au profit de l’exécutif et de l’administration. De plus, lors des débats à l’Assemblée nationale, on a constaté qu’une simple ordonnance rédactionnelle pouvait ensuite se révéler être un texte de modification du droit positif.
Non seulement cela ajoute de la complexité à la complexité, mais c’est aussi une source d’opacité. Nous ne pensons donc pas qu’il y ait des ordonnances simplement rédactionnelles.
De plus, cet article 1er, selon vos propres termes, monsieur le ministre, reflète les nouvelles compétences de l’ARAF. C’est surtout là que le bât blesse, et les sénateurs et sénatrices du groupe CRC ne sont pas favorables à une extension du champ des compétences de l’autorité de régulation des activités ferroviaires.
Appelée à se transformer en autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAF va ainsi s’occuper de deux nouveaux domaines : le secteur des autocars et les autoroutes.
Dans le secteur des autocars, l’ARAFER sera amenée à donner son autorisation préalable pour l’ouverture de certains services infrarégionaux, à jouer le cas échéant les arbitres sur les autres liaisons et à veiller à un accès équitable des gares routières.
Concernant les autoroutes, le rôle de l’ARAFER sera celui d’un contrôleur. Il s’agira notamment pour elle de vérifier que les investissements intégrés aux contrats de concession qui ont un impact sur le niveau des péages sont justifiés.
L’ARAFER va aussi devoir contrôler la passation de chaque marché de travaux publics par les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
Nous sommes très réservés quant à l’extension des compétences de l’ARAF. À nos yeux, la mise en place d’une autorité de régulation commune des transports ferroviaire et routier ne peut avoir pour conséquence que de favoriser la compétition concurrentielle frontale entre rail et route, compétition fondée essentiellement sur le critère du prix.
De plus, nous ne pensons pas que l’ARAF devenue ARAFER soit suffisamment armée pour prendre en charge de nouvelles missions qui relèvent de la responsabilité ministérielle, qu’il s’agisse d’aménagement équilibré du territoire, de mobilité réelle, de protection de nos infrastructures ferroviaires et de contrôle des concessions autoroutières.
C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’extension des compétences de l’ARAF au secteur autoroutier et au secteur du transport par autocar va dans le bon sens puisqu’elle lui permettra effectivement d’avoir une vision globale sur deux secteurs qui sont souvent en concurrence.
Cette mesure avait d’ailleurs été préconisée à deux reprises par l’Autorité de la concurrence.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Si l’objectif des auteurs du présent amendement est de supprimer l’autorisation que sollicite le Gouvernement de légiférer par ordonnance, je précise que celle-ci ne sera effectivement que rédactionnelle et qu’elle aura pour seul objet d’insérer dans le code des transports et le code de la voirie routière les missions confiées à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières par le présent texte.
Par ailleurs, je leur rappelle qu’il appartient aux parlementaires, d’une part, de fixer le cadre de l’habilitation, d’autre part, de voter la loi de ratification.
Par conséquent, si le projet d’habilitation vous paraît trop vague – ce n’est pas mon sentiment –, il ne tient qu’à vous, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, d’en préciser les termes.
Par cet amendement, vous entendez supprimer l’article 1er et donc la création de l’ARAFER. Mais ce n’est pas à une moindre régulation que conduira la création de cette nouvelle instance ; au contraire, celle-ci n’en sera que meilleure puisque seront désormais mieux régulés un secteur qui, à ce jour, n’est pas développé, celui des autocars, et un secteur qui est insuffisamment régulé, celui des sociétés concessionnaires d’autoroutes.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Avec cet article 1er, on entre dans cette logique libérale que nous dénonçons. En effet, à travers cet article, il s’agit d’adapter une instance, l’ARAF, au projet de libéralisation des transports en la transformant en ARAFER. L’ajout de ces deux petites lettres va, en fait, profondément modifier notre paysage des transports, et ce dans la mauvaise direction.
Je me permets tout d’abord de refaire un court historique de l’ARAF et de rappeler notre position lorsqu’elle fut créée, en 2009. Nous avions alors dénoncé le fait que ce nouveau gendarme ferroviaire serait en réalité là pour accompagner l’ouverture à la concurrence. Les pouvoirs importants qui lui ont été confiés étaient destinés à garantir l’arrivée des nouveaux entrants dans des conditions favorables.
Nous avions d’emblée fait part de notre inquiétude quant à un dessaisissement de l’État de ses propres responsabilités.
Pour nous, la régulation du système ferroviaire doit être la mission de l’État ; elle ne saurait relever d’une structure prétendument indépendante, mais en réalité éloignée de la notion de service public.
Cela étant posé, j’en reviens au contenu de cet article 1er. Celui-ci s’inscrit dans la continuité de la création de l’ARAF en étendant ses missions à deux nouveaux secteurs, celui des transports par autocar et celui des concessions autoroutières, afin, officiellement, de doter l’autorité de régulation d’une vision d’ensemble sur les transports terrestres, qui sont parfois en concurrence.
Pour notre part, nous ne sommes absolument pas convaincus de la réalité d’une régulation où tout se passerait pour le mieux, les uns et les autres jouant leur rôle, si je puis dire, à armes égales. Comment ne pas croire, au contraire, que tout cela va favoriser la compétition concurrentielle frontale entre le rail et la route ? Comment nier que seul le critère du prix sera déterminant, au bénéfice de la route puisque le coût des infrastructures n’y sera même pas intégré ?
Où sont passés les critères environnementaux ? Aux oubliettes ! Et cela quelques semaines après le vote d’un texte pourtant emblématique pour le Gouvernement, le projet de loi relatif à la transition énergétique.
Où sont passés les critères d’égalité du territoire ? Aux oubliettes, eux aussi !
On voit très bien que ce rôle de régulation sera biaisé puisqu’il sera fonction de la grille de lecture qu’on aura bien voulu donner à l’ARAFER. À partir de là, celle-ci considérera très probablement que la création d’une nouvelle liaison par autocar ne représente pas une menace, d’un point de vue économique, pour le secteur ferroviaire.
Quant au seuil des deux cents kilomètres, il ne suffit pas, selon nous, à protéger les lignes ferroviaires concernées.
En résumé, nous considérons que cet article, s’il était adopté, participerait au démantèlement du système ferroviaire et au désengagement de l’État au profit du secteur privé. Cette remise en cause est, selon nous, grave et dangereuse.
C’est pour toutes ces raisons que le groupe CRC votera contre cet article 1er, contre l’extension des missions jusqu’ici confiées à l’ARAF, qui n’est que l’arsenal administratif de la libéralisation des transports.
Le groupe CRC défend au contraire la nécessité d’une politique d’investissements massifs en faveur du secteur ferroviaire.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiendrai cet amendement du groupe CRC.
Avec cet article 1er, le ferroviaire est une fois de plus menacé. Monsieur le ministre, dans l’intitulé de votre projet de loi, il est question d’« égalité des chances économiques ». En juillet 2014, le Sénat examinait la loi portant réforme ferroviaire. Personnellement, je me suis abstenu lors du vote sur l’ensemble du texte.
On le voit tous les jours, le ferroviaire est abandonné, cassé. On nous explique sans cesse que l’entretien de l’infrastructure ferroviaire, désormais gérée par SNCF Réseau, coûte cher. Régulièrement, lors des séances des questions orales sans débat, des collègues interrogent le secrétaire d'État chargé des transports sur l’état des voies ferrées.
Le groupe CRC, en défendant cet amendement de suppression de l’article 1er, a le mérite de soulever un problème.
Pourquoi privilégier constamment la route ? Combien de voies ferrées sont fermées, combien de TER sont remplacés par des bus avant que, sous prétexte d’une moindre fréquentation des lignes, celles-ci ne soient définitivement supprimées ?
Oui, on casse l’outil ferroviaire ! Et le mal est profond, il faut en avoir conscience.
Certes, le système des TER est fondé sur une organisation régionalisée, mais, quand une ligne ferroviaire nécessite 30 millions d’euros d’investissements, on la ferme ! En revanche, on n’a jamais fermé une seule route !
M. François Patriat. Sur la route, il y a des usagers, alors que beaucoup de trains sont au moins à moitié vides !
M. Marc Laménie. À un moment, il faut être cohérent et clair !
Je le répète, je voterai cet amendement du groupe CRC, ainsi que d’autres qu’il a déposés et qui visent également à défendre le ferroviaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1000, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Mes chers collègues, certains d’entre vous peuvent se demander pourquoi notre groupe a déposé cet amendement de suppression du deuxième alinéa de l’article 1er, qui prévoit l’extension des compétences de l’ARAF aux questions de transport routier.
La compétence des membres de cette autorité indépendante et de ses services – moins de quarante personnes, à l’heure actuelle, rappelons-le – n’est nullement en cause. Ce qui fonde notre amendement, c’est d’abord notre opposition de principe au développement des compétences d’autorités indépendantes, dont la vocation est de réduire toujours plus la raison d’être et le pouvoir de la représentation nationale démocratiquement élue au profit d’experts supposés indépendants.
Il n’existe pas d’hommes parfaits, et sans doute pas de femmes parfaites non plus,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quoique… (Sourires.)
M. Michel Le Scouarnec. … sans contradictions ni faiblesses ! Néanmoins, ce qu’on peut attendre de chacun, c’est qu’il fasse preuve de tolérance. Or, hier soir, j’ai eu le sentiment que certains ici en manquaient ; j’espère que ce ne sera plus le cas dans les jours qui viennent.
Au fond, il ne saurait y avoir d’erreur acceptable que si elle vient du peuple. Celui-ci peut se tromper, certes, et élire de temps en temps des représentants pour mener telle politique sans que celle-ci soit finalement menée… Car tous les engagements sont loin d’être tenus ! En vérité, le fossé ne cesse de s’approfondir et de s’élargir ; les derniers scrutins l’ont montré.
Prenons garde, améliorons l’écoute, soyons plus tolérants, plus respectueux de la démocratie.
La compétence de l’ARAF n’est pas en question, mais constatons tout de même que rien n’a véritablement avancé depuis quinze ans sur la question de l’endettement du secteur ferroviaire.
En 1997, nous avions annoncé qu’il en serait ainsi, que le service public du transport ferroviaire continuerait d’être marqué par la réduction des liaisons et des services, que le fret ferroviaire continuerait de subir un déclin, un déclin au demeurant organisé, faute de la volonté politique de l’enrayer et, au contraire, d’encourager un nouveau développement du transport de marchandises par rail.
Certes, si l’ARAF s’occupe de transport routier, l’approche systémique du transport pourra s’en trouver renforcée, de même que la cohérence conduisant à l’intermodalité. Mais le problème est qu’il va devenir extrêmement facile d’ouvrir une ligne d’autocars sur longue distance, puisque cela sera possible par une simple procédure déclarative allégée, qui n’a strictement rien à voir avec la procédure d’enquête publique – du reste légitime – applicable à la moindre liaison ferroviaire, le « barreau de Gonesse » ou la liaison Charles-de-Gaulle Express, pour ne prendre que ces deux exemples franciliens.
En lieu et place d’une approche réfléchie du devenir du transport, qui s’appuierait, par exemple, sur un schéma national des infrastructures de transport quelque peu revisité, nous allons assister au développement d’une forme de rescrit administratif, l’autorité de régulation se retrouvant dans l’incapacité matérielle de répondre à toutes les sollicitations.
Pendant ce temps-là, on pourra poursuivre le processus de tassement des effectifs du ministère des transports et l’on renverra à la publication de rapports particuliers ou de rapports sans suite l’évaluation sociale, géographique, environnementale et économique de ce développement libéralisé du transport de voyageurs.
Pour tous ces motifs, nous ne pouvons que préconiser la suppression de cet alinéa tendant à l’extension des compétences de l’autorité de régulation.
M. le président. L'amendement n° 528 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1001, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Pierre Bosino. C’est autant le fond que la forme de l’alinéa 3 qui nous conduit à en proposer la suppression.
Nous l’avons dit et nous le dirons encore, nous sommes opposés à la pratique des ordonnances. En effet, l’article 38 de la Constitution crée un moyen, pour le Gouvernement, de contourner les règles usuelles de la démocratie, notamment celles qui concernent l’élaboration et l’adoption de la loi par le Parlement. Si les ordonnances doivent, in fine, faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé devant le Parlement, elles n’en constituent pas moins un empiètement du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif et donc une atteinte au principe de séparation des pouvoirs, fondement de l’état de droit.
Le Gouvernement peut donc passer outre le rôle du Parlement, sans que l’article 38 de la Constitution limite son domaine d’intervention puisqu’il est simplement question de « l’exécution de son programme », ce qui n’exclut a priori aucun secteur. De plus, si le Conseil constitutionnel effectue un contrôle a posteriori, ce dernier n’est pas suffisant.
Constituant une procédure dérogatoire à l’élaboration de la loi qui permet de contourner l’examen par les deux chambres du Parlement, les ordonnances privent les élus de la République que nous sommes de leur droit à modifier par amendement les textes proposés par le Gouvernement. Pour constitutionnelle qu’elle soit, cette pratique n’est, à notre sens, ni légitime ni souhaitable dans un État de droit.
Nous mettons d’autant plus en garde contre la banalisation du recours aux ordonnances que celui-ci concerne des domaines de plus en plus larges et tend à devenir systématique. On pourrait éventuellement concevoir cette procédure dans une situation d’urgence, mais nullement de manière régulière, comme nous le constatons avec le gouvernement actuel et ainsi que l’illustre parfaitement ce projet de loi : le recours aux ordonnances y est omniprésent, au point qu’un article sur sept y fait référence.
M. le président. L'amendement n° 1002, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 42
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Comme nous l’avons déjà indiqué, nous ne souhaitons pas que soient confiées à une autorité indépendante des missions aussi importantes que la cohérence des politiques de transport dans notre pays ou la réalisation d’infrastructures dédiées, a fortiori si aucun garde-fou n’a été réellement mis en place pour éviter les éventuels conflits d’intérêts.
À cet égard, de nombreux parlementaires ont souligné le manque de moyens de cette autorité et le risque de capture par des opérateurs autrement puissants.
Malgré cela, monsieur le ministre, le Gouvernement veut revenir par voie d’amendement sur une disposition qui prévoit de nouveaux financements pour l’ARAF. Vous comprendrez que cela nous conforte dans l’idée que cette extension de compétences n’est qu’une mesure d’affichage permettant au Gouvernement de se soustraire à ses responsabilités. Je pense ici, notamment, au fiasco qu’a entraîné la vente des participations de l’État dans les sociétés concessionnaires d’autoroutes et au manque de contrôle réel sur la tarification des péages.
Vous dites partager l’idée selon laquelle le secteur des autocars et celui des autoroutes doivent contribuer au financement de leur régulation. Pourquoi, dès lors, renvoyer cette question à une loi ultérieure alors même que les nouvelles compétences de l’ARAFER entreront en vigueur dans un délai de six mois ?
Vous nous parlez de latitude pour mener ces discussions budgétaires, mais la logique voudrait que, en même temps que les compétences, vous donniez à cette autorité les moyens financiers de les mettre en œuvre. N’avez-vous pas entendu les réserves du président de l’ARAF quant à la capacité de cette autorité à mener à bien ces nouvelles missions ?
L’ARAF fonctionnant actuellement grâce à un pourcentage prélevé sur les péages ferroviaires, la logique voudrait que de nouvelles ressources soient prélevées sur le secteur des autocars et des autoroutes. Évidemment, cette perspective ne plaît pas à l’Association des sociétés françaises d’autoroute !
Mes chers collègues, face à ce flou sur les moyens de cette autorité et à l’impossibilité pour elle de mener à bien ces nouvelles missions, nous vous proposons de voter notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 1366, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après les mots :
des autoroutes
insérer une phrase ainsi rédigée :
. Les interdictions prévues ci-dessus s’appliquent pour une durée de trois ans à compter de la cessation des fonctions justifiant l’interdiction.
La parole est à Mme Évelyne Didier.