M. Jean Desessard. Mettez les statistiques en ligne !
M. François Rebsamen, ministre. Je viens justement de vous apporter un élément de réponse avec l’enquête « Offre d’emploi et recrutement » qui est en préparation. Elle permettra d’avoir cette vision que vous appelez de vos vœux.
Je le redis : tant que les employeurs ne déposeront pas leurs offres au même endroit – ce que personne ne peut imposer –, nous ne disposerons pas d’un outil statistique parfait.
Nous préférons apporter des réponses rapides, notamment grâce aux formations. Cela marche très bien ! J’en veux pour preuve le fait que 466 000 formations ont été suivies l’année dernière sur l’ensemble du territoire. Nous poursuivons les formations prioritaires pour apporter une meilleure réponse à la question des offres d’emploi non pourvues sur un territoire.
Je vous remercie d’avoir pris toute votre part à ce débat très intéressant. Sur la proposition de résolution qui est présentée, le Gouvernement s’en remet à la sagesse bien connue de la Haute Assemblée. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution pour un guide de pilotage statistique pour l’emploi
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Prenant acte des conclusions du conseil d’orientation pour l’emploi qui estime le nombre d’emplois vacants en France à plus de 800 000 ;
Reconnaissant les raisons multiples qui expliquent ce chiffre : formation et compétences inadaptées, attractivité limitée du poste, éloignement des demandeurs d’emploi du lieu de travail, abandon du projet de recrutement ;
Prenant acte de l’absence de statistiques, aussi bien nationales que locales, permettant de chiffrer le nombre de postes vacants imputables à chacune de ces causes ;
Estimant que l’existence de postes non pourvus dans une société où le chômage est élevé laisse libre cours à toutes les interprétations et accusations, le plus souvent à l’encontre des chômeurs ;
Affirmant que l’objectif de l’emploi pour tous doit être inscrit au cœur de toutes les politiques publiques ;
Souhaite que le Gouvernement prenne les mesures nécessaires pour mettre en place un guide de pilotage statistique pour l’emploi (GPS-Emploi), référençant au niveau local et national les offres d’emploi non pourvues ainsi que leurs causes.
Mme la présidente. Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Débat sur la préparation de la révision de la loi de programmation militaire
M. le président. L’ordre du jour appelle un débat sur la préparation de la révision de la loi de programmation militaire, organisé à la demande du groupe UMP.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge, au nom du groupe UMP. Monsieur le président, monsieur le ministre de la défense, mes chers collègues, l’UMP a souhaité ouvrir ce débat pour deux raisons.
En premier lieu, l’article 6 de la loi de programmation militaire – LPM – prévoit que celle-ci sera actualisée avant la fin de l’année 2015 afin de « vérifier, avec la représentation nationale, la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la (…) loi et les réalisations ».
En second lieu, à la suite des attentats terroristes que nous avons connus sur notre sol, le Président de la République a annoncé un certain nombre de mesures qui doivent trouver leurs traductions concrètes dans le budget dès cette année et qui sont susceptibles de modifier les objectifs de la LPM.
Le groupe UMP a toujours soutenu la politique de défense, quel que soit le gouvernement. Il n’y a donc pas de débat sur le fond entre nous, monsieur le ministre. Toutefois, une chose est de partager des objectifs et une autre est de se donner les moyens de les atteindre.
C’est sur ce point que portera mon propos, et je m’attacherai à poser des questions concrètes sur cinq sujets.
Le premier est l’engagement de nos forces.
Lorsque la LPM a été votée, notre retrait d’Afghanistan était acté, notre engagement au Mali aussi, mais notre engagement en Centrafrique ou en Irak n’était pas à l’ordre du jour. L’opération Barkhane, dans la bande sahélo-saharienne, se déroule désormais sur trois théâtres d’opérations : Mali, Tchad et Niger. En outre, la mobilisation d’effectifs sur le territoire national n’avait pas été décidée. Cela me conduit, monsieur le ministre, à vous poser plusieurs questions.
Compte tenu de cette modification du périmètre de nos engagements et alors qu’aucune perspective de retrait, hélas ! ne se dessine, envisagez-vous de revoir le contrat opérationnel de la LPM ?
Dès lors, pensez-vous que la trajectoire budgétaire de 31,4 milliards d’euros pour la période 2014 à 2016, tant en fonctionnement qu’en investissement, est toujours réaliste au regard des besoins ? Et y a-t-il lieu de considérer que la légère augmentation du budget, qui est passé de 31,7 milliards d’euros en 2017 à 32,5 milliards d’euros en 2019, sera suffisante ?
Le deuxième sujet est le dispositif de sécurité mis en place à la suite des événements du début de l’année.
Le Président de la République a annoncé, en janvier, la mise en œuvre de l’opération Sentinelle sur le territoire national et, concomitamment, une révision à la baisse de la déflation des effectifs, mais sans préciser si cette dernière était liée à une mobilisation sur notre territoire ou constituait une réponse au prolongement de notre présence sur les théâtres extérieurs. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
Nous avons été saisis d’un décret d’avance pour le financement de l’opération Sentinelle, afin de doter les ministères de l’intérieur et de la justice de moyens renforcés. Très curieusement, bien que votre ministère – avec 10 000 personnes et les moyens dont elles disposent – soit fortement mobilisé, il n’est pas concerné par ce décret. Pouvez-vous nous dire pourquoi ?
Qu’en est-il exactement de la diminution des effectifs ? Initialement, la déflation devait être de 24 000 postes sur la période 2014-2019, en sus de ceux qui avaient été supprimés par la précédente LPM. Elle ne serait plus maintenant que de 16 500 postes, voire de 13 000 postes. Quelle est la traduction budgétaire de cette évolution ? La question se pose d’autant plus que, lors du vote de la LPM, il avait été indiqué que la baisse des effectifs permettrait de financer des équipements. Qu’en est-il au juste, car plus d’hommes c’est aussi plus d’équipements ?
On peut penser que ces moindres réductions vont toucher les sous-officiers et les hommes du rang, ce qui rend encore plus problématique le dépyramidage. Quelles armes vont être affectées par cette mesure ?
Enfin, devons-nous considérer ce nouveau format des effectifs comme un aménagement de la baisse des effectifs sans en remettre en cause le volume à l’horizon 2019, soit au terme de la LPM, ou bien s’agit-il d’une donnée nouvelle, qui s’inscrira au-delà de la LPM ?
Le troisième sujet concerne les OPEX, les opérations extérieures.
Tous les ans, nous avons le même débat. Une provision est inscrite, mais elle se révèle toujours insuffisante : 450 millions d’euros en 2013 pour 1,1 milliard d’euros de dépenses, 450 millions d’euros en 2014 pour vraisemblablement 1,2 milliard d’euros de dépenses, 450 millions d’euros en 2015 pour une somme qui, en fin de compte, avoisinera celle des années précédentes.
Ce n’est pas nouveau, mais peut-on continuer indéfiniment à sous-estimer la réalité financière et la réalité tout court ?
Je sais que la LPM prévoit que les surcoûts sont financés par la réserve interministérielle, présentée comme la garantie selon laquelle les autres ministères vont payer. Cela m’amène à trois considérations.
Au-delà des subtilités budgétaires et autres artifices de présentation, je ne vois pas l’intérêt de continuer, tant pour le budget des armées que pour celui de l’État dans son entier, à inscrire des crédits dont on sait qu’ils représentent le tiers seulement de la dépense réelle, qu’il faudra bien acquitter d’une façon ou d’une autre.
Je conteste la notion même de réserve interministérielle pour financer les OPEX, non seulement parce qu’il s’agit d’une dépense certaine, mais aussi parce qu’elle est constituée par le budget de chaque ministère au prorata de son importance dans le budget général. Chacun sait que, après l’éducation nationale et la charge de la dette, c’est le budget des armées qui pèse le plus lourd. Ainsi, on aboutit au paradoxe suivant : plus la défense est sollicitée, plus les moyens budgétaires qui lui sont alloués sont proportionnellement réduits.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Dominique de Legge. Autrement dit, peut-on continuer à ignorer la contribution annuelle de la défense pour la seule couverture des OPEX, qui s’élève à près de 300 millions d’euros par an, sans en tirer les conséquences sur la LPM ?
Mes chers collègues, entre 2013 et 2015, c’est près d’un milliard d’euros qui auront manqué à la LPM. Dans ces conditions, je ne suis pas certain que l’on puisse parler encore de « sanctuarisation ».
Enfin, sans ouvrir le débat complexe d’une défense européenne, il faut bien reconnaître que nos engagements extérieurs sont approuvés par les pays de l’Union européenne, qui en perçoivent le bien-fondé pour leurs propres intérêts.
La présence de nombreux chefs d’État ou de gouvernement le 11 janvier à Paris nous a fait chaud au cœur. Mais n’était-ce pas l’occasion d’appeler à une solidarité plus tangible que celle qui passe simplement par les mots et par l’image ?
Le terrorisme, c’est l’affaire de l’Europe, et pas seulement de la France. Le Premier ministre a eu raison de rappeler récemment à M. Juncker que la défense de l’Europe était principalement assurée par l’armée française.
Pensez-vous qu’une initiative pourra être prise afin que nous ne soyons plus les seuls à supporter la majeure partie des coûts des OPEX ? Il ne s’agit pas de nous affranchir de la norme comptable des 3 %, car il faudra bien payer les factures, mais d’espérer et d’exiger un peu plus de solidarité.
Le quatrième sujet a trait aux conséquences des ventes récemment réalisées, notamment auprès de l’Égypte.
La frégate qui devait être livrée à nos armées sera finalement vendue à ce pays. Quelles seront les conséquences pratiques de cette décision sur le plan financier et opérationnel ? Y aura-t-il reversement au budget militaire ? Cette vente affecte-t-elle le programme de livraison des autres frégates, tant en volume qu’en délai ?
M. André Trillard. Bonne question !
M. Dominique de Legge. Sur le plan opérationnel, que devient l’équipage formé qui devait embarquer à bord de ce nouveau navire ? Est-ce que cela conduit à prolonger la durée de service d’une frégate pour laquelle les travaux de maintenance n’avaient pas été programmés ?
Par ailleurs, quelle est la conséquence de la vente des Rafale sur le cadencement et le prix de nos livraisons ?
Enfin, le cinquième sujet est celui des recettes exceptionnelles.
L’inscription de ces recettes au budget de l’État n’est pas une innovation, mais j’accuse Bercy de vouloir, aujourd’hui comme hier, financer les armées avec de la monnaie virtuelle alors que les besoins et les dangers sont réels.
Bercy, depuis de nombreux mois, sait que les recettes exceptionnelles censées provenir de la vente de fréquences et qui ont été inscrites au budget de 2015 ne se réaliseront pas. Il ne peut l’ignorer, le rapport rédigé conjointement par l’IGF, – Inspection générale des finances –, la DGA – Direction générale de l’armement – et le Contrôle général des armées le confirme.
Je déplore que M. le Président de la République, en réponse aux interrogations formulées lors du vote du budget de la défense pour 2015 par M. Gérard Larcher, président du Sénat, et par M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ait feint de croire que les recettes de la vente de fréquences seraient au rendez-vous en 2015.
Je déplore que M. le Premier ministre, en réponse à la lettre que lui adressait encore M. Raffarin le 17 mars, affirme que la vente de fréquences en 2015 pour assurer les recettes exceptionnelles est toujours d’actualité, alors que vous-même,, monsieur le ministre, déclariez la semaine dernière devant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques que le recours à des sociétés de projet résultait de ce que ces ventes ne seraient pas réalisées en temps utile.
Je condamne le fait que ce soit au détour de ce projet de loi, qui n’a rien à voir avec un sujet aussi grave et aussi régalien, que l’on ait tenté d’éluder la difficulté. Le dépôt par le groupe UMP d’un amendement de suppression de l’article 50 de ce texte ne préjuge en rien, je le dis très clairement, notre vote final sur les sociétés de projet. Nous voulons seulement un débat et un arbitrage sur ce dossier.
Monsieur le ministre, nous le savons, la situation internationale est préoccupante. Sans doute n’avons-nous jamais vécu dans un monde aussi complexe, où les menaces et les dangers sont aussi diffus. Nous en appelons à la responsabilité de tous. Vous pouvez compter sur la nôtre. Encore faut-il que cesse l’improvisation entre Bercy, qui ne veut ni des sociétés de projet ni de crédits budgétaires, sans fournir pour autant la moindre solution, et votre ministère, qui propose des sociétés de projet les contours – et ce n’est pas vous faire offense de le dire – restent flous. Nous aimerions en particulier savoir s’il s’agit d’une mesure temporaire ou d’un montage pérenne ?
Alors qu’il y a urgence à régler le problème avant l’été, le Premier ministre a écrit dans sa réponse à M. Raffarin, déjà évoquée : « Il m’est difficile d’apporter les éléments techniques de réponse à vos questions et je vous invite à vous rapprocher des ministres concernés sur ces sujets précis. » (M. Charles Revet s’exclame.)
M. Christian Cambon. Mais qui est le chef du Gouvernement ? C’est incroyable !
M. Dominique de Legge. Je laisse à chacun le soin d’apprécier ces propos… Je serais tenté de dire au Premier ministre que, sauf son respect, les questions posées ne sont pas techniques, mais politiques, et que, jusqu’à preuve du contraire, un Premier ministre, c’est fait pour arbitrer entre ses ministres, non pour botter en touche.
Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous pourrez nous apporter. Formons le vœu que le chef suprême des armées, le Président de la République, ne se contente pas d’assurer que les moyens des armées sont sanctuarisés, mais qu’il nous dise enfin comment elles le sont, c’est-à-dire qu’il rende ses arbitrages et que le Premier ministre mette un terme aux déclarations contradictoires de son gouvernement. Ils le doivent à nos armées, dont les hommes risquent leur vie. Ils le doivent à la représentation nationale, qui vote les lois et qui incarne l’unité nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de programmation militaire de décembre 2013 a traduit le souhait du Gouvernement d’assurer l’évolution de notre outil de défense pour faire face à de nouvelles menaces tout en tenant compte de la forte contrainte budgétaire.
Ce souhait, nous l’avons largement partagé au sein de notre commission des affaires étrangères et dans cet hémicycle. Toutefois, depuis l’automne dernier, soit moins d’un an après l’entrée en vigueur de la LPM, les projections financières et humaines sont devenues incompatibles avec les interventions de nos forces armées à l’extérieur, mais aussi sur notre sol.
Fort heureusement, l’article 6 de la LPM prévoit une première actualisation de cette trajectoire avant la fin de l’année 2015. Cette rectification, annoncée dès janvier dernier pour cet été, devra relever deux défis majeurs : il s’agit, d’une part, de renforcer notre capacité financière, d’autre part, d’ajuster notre stratégie de défense à moyen terme. Ce sont les deux points que j’aborderai.
Le premier défi pose la question de la crédibilité budgétaire.
Sous votre impulsion, monsieur le ministre, la LPM tendait à sanctuariser les crédits alloués à notre outil de défense. Le chiffre annoncé était de 31,4 milliards d’euros par an, pour toute la durée d’application de cette loi. Cette enveloppe financière devait être composée de crédits budgétaires votés en loi de finances et de 2,4 milliards d’euros de recettes exceptionnelles, les REX, issues de cessions immobilières et de cessions de bandes de fréquences hertziennes. Ce compromis budgétaire devait être respecté sous le contrôle des commissions des affaires étrangères et de la défense des deux assemblées.
En théorie, le montage était crédible. Malheureusement, l’exécution de cette orientation a été bien différente. À ce jour, nous n’avons pas vu le premier centime des fameuses recettes exceptionnelles annoncées. La cession de bandes hertziennes n’est toujours pas réalisée, alors qu’elle est évoquée depuis plus de deux ans.
Parallèlement, les opérations extérieures sont toujours sous-budgétisées, à 450 millions d’euros, alors que nous savons qu’elles représenteront un coût potentiellement supérieur à un milliard d’euros. L’effet de ciseau est là ! Il manque près de 3 milliards d’euros à notre défense pour la seule année 2015.
La sonnette d’alarme avait déjà été tirée en décembre dernier par la commission des finances et la commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées du Sénat. Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, le compte n’y était pas ; cela nous a conduits à rejeter les crédits de la mission « Défense ».
Aujourd’hui, nous craignons que de très fortes tensions dans le financement de la défense nationale n’apparaissent dès le mois de septembre. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la France est la première puissance militaire de notre continent et contribue ainsi à sa sécurité.
L’urgence vous amène à conduire une politique au cas par cas. J’en veux pour preuve l’article 50 A du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui tend à créer des sociétés de projet dont la finalité serait de doter notre outil de défense en matériel par crédit-bail, en passant par un montage juridique discutable.
Le calendrier étant contraint, la mise en place des sociétés de projet et la réalisation des opérations financières devraient se réaliser en quelques semaines. N’est-ce pas déjà trop tard ? À quelle échéance, et pour quelle part, des capitaux privés intégreraient-ils ces sociétés ? Quelles sont les implications en matière de disponibilité du matériel ? Quelles sont les incidences juridiques ?
Le ministère de l’économie et des finances évoquerait même une troisième piste financière, différente des sociétés de projet et des cessions de bandes hertziennes.
Autant de flou a convaincu la commission de supprimer l’article 50 A. Vous le comprendrez, monsieur le ministre, nous serions tout à fait intéressés par de plus amples informations à ce sujet.
Il apparaît clairement que le Gouvernement cherche de nouvelles sources de financement, y compris des recettes de trésorerie. L’addition est lourde ; vos efforts, monsieur le ministre, suffiront-ils pour la régler ?
Notre pays faisant face à de nouvelles menaces, notre armée conduit de nouvelles missions. Cela implique que nous soyons en mesure de les financer. Pour l’heure, sans nouvelles propositions budgétaires, nous ne pourrons que rester inquiets.
Le second défi a trait à la stratégie de défense.
Est-il responsable, quand la décision est prise d’intervenir militairement, de faire le premier pas si nous ne sommes pas capables de financer le dernier ? Je rappelle que 8 500 militaires sont actuellement engagés sur des opérations extérieures, dans différents milieux : terrestre, naval et aérien. Nous menons notamment des opérations aériennes en Irak et des interventions au sol en Centrafrique et au Mali. Le rôle de la France est primordial, d’autant qu’aucun pays européen ne s’investit avec la même ampleur. Pourtant, c’est pour la sécurité de tous que nous intervenons.
De plus, la menace terroriste a durement frappé notre pays, en janvier. Elle conduit au déploiement d’une très vaste opération intérieure, l’opération Sentinelle, qui mobilise près de 10 000 personnes.
Monsieur le ministre, nous approuvons le choix de maintenir un niveau élevé de présence sur la scène internationale, tout en garantissant la protection de nos concitoyens. Mais la conséquence de la conjonction de ces deux engagements est simple : nous avons besoin d’hommes, de matériels et de financements. Or, en l’état actuel, la LPM n’est pas en phase avec cette politique. Les dépenses augmentent quand les financements sont absents.
Il ne reste, selon nous, qu’une seule alternative : soit nous limitons nos interventions extérieures en recentrant nos forces, soit nous accroissons les moyens mis à la disposition de notre défense en trouvant des financements.
M. Jeanny Lorgeoux. Au détriment de quoi ?
M. Joël Guerriau. Concernant la multiplication de nos interventions à l’extérieur, le Président de la République donne l’impression de prendre des décisions parfois hâtives. Sa politique d’actions au coup par coup fragilise l’équilibre technique et financier voté par le Parlement. Prendre de la hauteur sur le plan stratégique demande du temps.
Nos forces armées sont surexposées au danger. Nos militaires assurent la défense de notre nation dans un contexte complexe. À trop mobiliser nos troupes sans contreparties professionnelles, nous courons le risque de fragiliser notre outil de défense et l’engagement du monde combattant.
À ce titre, nous avons le devoir de veiller à assurer un meilleur traitement de la situation de nos militaires, notamment en corrigeant les ravages causés par le logiciel Louvois et en prenant en considération les carrières contrariées par la déflation des effectifs.
Lors de votre audition par la commission des affaires étrangères du Sénat, vous aviez déclaré, monsieur le ministre, que la révision de la LPM devrait mettre fin au cycle de la réduction des effectifs. Pouvez-vous nous le confirmer ?
Vous présenterez vos décisions lors du prochain conseil de défense. Quelles seront vos nouvelles propositions pour redéfinir la question des effectifs ? Nous en avions prévu la baisse régulière, au rythme de 7 000 par an. Compte tenu du contexte, ce choix évoluera-t-il, et comment ?
La LPM prévoit des efforts d’économie significatifs sur la masse salariale ainsi que sur les coûts de structure. Seront-ils possibles si les interventions extérieures se multiplient, entraînant la hausse des charges salariales et de nouveaux investissements ?
La rectification de la LPM se profile. Elle conduira, ou non, à trancher entre deux conceptions de la défense de notre pays : une défense recentrée sur notre sol et nos besoins les plus immédiats, qui respecte ainsi la trajectoire financière initiale ; ou bien une défense plus ambitieuse à l’échelle mondiale, soutenue par l’Europe, ce qui pose le problème de son financement.
Si notre pays doit être, avec le Royaume-Uni, le bouclier de l’ensemble du continent européen, il semble impératif que nous poursuivions un dialogue avec le Conseil européen, la Commission européenne et le Parlement européen, afin d’obtenir un soutien financier qui fait aujourd’hui cruellement défaut. Sommes-nous en mesure de convaincre les États-membres de l’Union européenne à participer au soutien de notre engagement militaire ? Sans cela, en effet, nous serons contraints de recentrer nos efforts.
Pour que nos interventions portent, il faut que nous soyons aptes à les mener jusqu’au bout. Rappelons que Colin Powell voulait dissuader le président Bush d’intervenir en Irak et que Jacques Chirac avait pris la sage décision de ne pas suivre l’injonction américaine.
M. Jeanny Lorgeoux. Il aurait donc fallu ne pas intervenir au Mali ou en Centrafrique ? Il faut être logique, mon cher collègue !
M. Joël Guerriau. Devons-nous n’être qu’un petit contributeur, aux côtés des États-Unis ? Il leur appartient d’assumer leurs responsabilités en Irak.
M. Gérard Larcher. Veuillez conclure, monsieur Guerriau.
M. Joël Guerriau. En suremployant l’armée française, nous risquons de l’épuiser, sans même en tirer le moindre bénéfice politique. Vous le savez bien, monsieur le ministre, il n’y a d’intérêt stratégique que si notre influence sur la sortie du conflit est réelle et si les bénéfices sont concrets.
Nous ne devons pas mobiliser toutes nos forces militaires, d’autant que rien ne nous permet d’affirmer qu’il n’y a pas d’autres dangers qui nous attendent.
Monsieur le ministre, vous bénéficiez, auprès des sénateurs de la commission des affaires étrangères, d’une écoute attentive. Nous avons su vous suivre, à l’unanimité, dans l’intérêt de l’unité nationale. Il ne faudrait pas, cependant, surestimer la capacité de notre pays à tout entreprendre, sans en avoir réellement l’envie ni les moyens, et sans disposer de soutiens. L’argent est le nerf de la guerre, et la détermination seule ne suffit pas quand les recettes font défaut. À trop entreprendre, nous diluons nos capacités et perdons en efficacité.
Pour conclure, je veux néanmoins souligner que, fidèle à ses convictions, le groupe UDI-UC approuve toute action qui contribue à soutenir l’armée française. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, la France est présente sur de nombreux théâtres extérieurs, où ses militaires font preuve de leur professionnalisme et de leur engagement pour leur pays, parfois jusqu’au sacrifice suprême.
Depuis les attentats de début janvier, la défense de notre pays se déroule aussi sur le territoire national, dans le cadre de l’opération Sentinelle, qui, par la volonté du Président de la République, s’inscrit dans la durée, certainement jusqu’à l’élection présidentielle de 2017.
Comme toujours, la défense a répondu présent, en mobilisant plus de 10 000 hommes en trois jours pour assurer la sécurité des lieux de culte, d’écoles ou de points sensibles. Il faut saluer cette réactivité, due à son expérience de la projection.
Dès le 11 mars, à la suite du Président de la République, vous dressiez, monsieur le ministre, le constat de la montée en puissance des menaces, y compris sur le sol national, et évoquiez « l’incursion soudaine, mais sans aucun doute durable, de cette menace terroriste dans l’environnement sud de l’Europe et jusqu’au cœur de nos sociétés ».
Cette aggravation des attentats et attaques terroristes en Tunisie, au Sahel, au Nigéria, en Libye, en Irak, en Syrie, mobilise déjà nos forces armées dans la durée. Mais il est clair qu’en additionnant opérations extérieures, forces de souveraineté et de présence et opération Sentinelle, nous avons fait exploser les capacités de notre armée. Ce qu’il était possible de faire pendant quelques semaines, dans le cadre du plan Vigipirate élevé au niveau « alerte attentat », ne l’est plus dans la durée.
Le Président de la République et vous-même en avez tiré les conclusions : une réduction de la déflation des effectifs a été engagée. On parle du maintien de 18 000 hommes sur les 24 000 qui auraient dû voir leur poste supprimé sur trois années. On ne peut que s’en féliciter.
Mais tout cela a un prix ; ces décisions pourraient représenter un coût de plus de 600 millions d’euros en année pleine, et près de 1,3 milliard d’euros sur le triennal. Or les économies permises par la déflation des effectifs ont déjà été prises en compte dans le budget de la défense, calibré au plus juste.
Autant le dire haut et fort à cette tribune, il n’est pas question que Bercy, encore une fois, utilise un stratagème comptable pour priver votre ministère d’un complément de crédits budgétaires indispensable.