compte rendu intégral

Présidence de M. Thierry Foucaud

vice-président

Secrétaire :

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve.

Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, je souhaite faire une rectification au sujet de votes qui ont eu lieu lors de l’examen de la proposition de loi visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l’accompagnement des personnes prostituées, au cours des scrutins publics nos 112 et 115 du lundi 30 mars 2015.

Lors du scrutin public n° 112 portant sur l’amendement n° 1 rectifié, visant à rétablir le délit de racolage passif, M. Navarro et moi-même souhaitions voter contre. La consigne n’a pas été suivie, et c’est d’autant plus dommageable que cela a inversé le sens du vote.

Lors du scrutin public n° 115 portant sur l’ensemble du texte, le délit de racolage passif ayant été rétabli, M. Navarro et moi-même souhaitions voter contre.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, je souhaite également faire une mise au point au sujet d’un vote : lors du scrutin n° 115 portant sur l’ensemble de la proposition de loi visant à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, contre le proxénétisme et pour l’accompagnement des personnes prostituées, Mme Doineau souhaitait voter pour et Mme Gourault s’abstenir.

M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.

3

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence française de développement.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Sylvie Goy-Chavent pour siéger en tant que membre suppléant au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

Demandes de création d’une mission d’information et d'une commission d'enquête

M. le président. Par lettre en date du 30 mars 2015, M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et apparentés, a fait connaître à M. le président du Sénat que son groupe exerçait son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une mission d’information sur la commande publique.

Par lettre en date du 31 mars 2015, M. Jacques Mézard, président du groupe du RDSE, a fait connaître à M. le président du Sénat que son groupe exerçait son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes.

La conférence des présidents sera saisie de ces demandes de création lors de sa prochaine réunion.

5

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 1er avril 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État avait adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 2121 21 du code général des collectivités territoriales (Vote au conseil municipal ; n° 2015 471 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi tendant à permettre la célébration de mariages dans des annexes de la mairie
Discussion générale (suite)

Célébration des mariages dans des annexes de la mairie

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi tendant à permettre la célébration de mariages dans des annexes de la mairie, présentée par M. Roland Courteau et les membres du groupe socialiste et apprentés (proposition n° 556 [2012-2013], texte de la commission n° 368, rapport n° 367).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à permettre la célébration de mariages dans des annexes de la mairie
Article unique

M. Roland Courteau, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à donner un fondement législatif à une pratique résultant d’une instruction générale de l’exécutif : la possibilité de célébrer un mariage dans des annexes de la mairie. Surtout, elle vise à conférer aux dispositions actuelles la souplesse que commande le pragmatisme.

L’article 75, alinéa 1, du code civil pose, en principe, l’obligation, pour l’officier de l’état civil, de célébrer un mariage « à la mairie ». Le deuxième alinéa de cet article permet cependant de déroger à cette règle, en célébrant le mariage au domicile ou à la résidence de l’une des parties, dans deux hypothèses uniquement : soit « en cas d’empêchement grave » – c’est au procureur de la République qu’il appartient alors de requérir l’officier de l’état civil, afin qu’il se transporte au domicile ou à la résidence de l’un des futurs mariés –, soit « en cas de péril imminent de mort de l’un des futurs époux ». Dans ce cas, l’officier de l’état civil peut s’y transporter avant toute réquisition ou autorisation du procureur de la République.

Il résulte de ces dispositions que, à ce jour, un mariage ne peut être célébré ailleurs qu’au sein de la mairie ou, en cas d’empêchement grave ou de péril imminent de mort, au domicile ou à la résidence de l’un des époux. Le code civil ne permet pas une célébration dans une annexe de la mairie, quand bien même elle serait à proximité immédiate de celle-ci.

Cet état de fait n’est pas sans poser des difficultés, notamment lorsque les salles sont exiguës. Il pose également de nombreux problèmes lorsque les salles consacrées à la célébration des mariages ne sont pas adaptées à l’accueil du public, notamment aux personnes handicapées.

Toutefois, l’instruction générale relative à l’état civil reconnaît formellement au conseil municipal la possibilité d’affecter une annexe de la maison commune à la célébration des mariages lorsque, « en raison de travaux à entreprendre sur les bâtiments de la mairie ou pour toute autre cause, aucune salle ne peut être utilisée pour les mariages pendant une certaine période ».

En une telle hypothèse, le conseil municipal peut « prendre, après en avoir référé au parquet, une délibération disposant que le local extérieur qui paraît propre à suppléer l’habituelle salle des mariages rendue indisponible recevra l’affectation d’une annexe de la maison commune […] et que les mariages pourront y être célébrés ».

Néanmoins, bien qu’il soit, en pratique, fréquemment fait usage de cette faculté, celle-ci n’est formellement reconnue que par une simple instruction de l’exécutif. Elle ne repose sur aucune disposition législative expresse claire, ce qui n’est pas sans poser des difficultés au regard des principes de sécurité juridique et de clarté de la loi.

Par ailleurs, la possibilité ainsi reconnue au conseil municipal de désigner une annexe comme salle de célébration des mariages semble générale : en effet, elle vise « les mariages », et non « des mariages ».

Le conseil municipal qui voudrait user de cette faculté, par exemple en raison de l’exiguïté de la salle de mariage de la mairie, prendrait donc une décision applicable ipso jure à tous les mariages, quand bien même certains d’entre eux pourraient effectivement se tenir dans la maison commune. Une telle rigidité n’aurait pas de raison d’être, et il conviendrait, comme je l’ai déjà dit, de conférer clairement à ce dispositif la souplesse que commande le pragmatisme.

Enfin, la mention « pendant une certaine période », qui figure dans l’instruction générale, donne à penser que cette faculté ne peut être que temporaire. Elle ne permet donc pas de résoudre le cas, très fréquent dans les petites communes, où les locaux de la mairie ne sont manifestement pas adaptés à la célébration de mariages, sauf à ce que le conseil municipal réitère régulièrement sa décision de « délocalisation », avec les conséquences qui en résultent, en termes de lourdeurs, tant pour les services municipaux que pour ceux du parquet, notamment dans les petites communes.

En effet, de plus en plus de jeunes couples issus du milieu urbain s’installent dans les villages situés à la périphérie des grandes agglomérations dans lesquelles ils travaillent. Les maires de ces petites communes, qui sont amenés à célébrer des mariages plus souvent, mais, surtout, à accueillir un public aujourd’hui très nombreux, rencontrent des difficultés du fait de l’exiguïté de leurs locaux. En effet, chacun le sait, le public doit être admis librement à la célébration du mariage.

D’ailleurs, l’article 165 du code civil dispose que le mariage doit être célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine par l’officier d’état civil. Les locaux étant parfois exigus, les célébrations de mariages dans une annexe de la mairie sont – et seront – de plus en plus demandées, ce qui nécessite – et nécessitera de plus en plus régulièrement – que le conseil municipal demande au procureur de la République l’autorisation d’affecter tel ou tel autre local à cette célébration. Bref, ce type d’autorisation est contraignant lorsque le besoin est permanent.

Dès lors, des considérations tant juridiques que pratiques peuvent justifier que des mariages soient célébrés dans un autre local que la mairie, désigné à cette fin par le conseil municipal. Il semble donc important de donner un fondement législatif à cette pratique désormais courante, afin de la rendre pérenne et, ainsi, de faciliter la gestion municipale et d’alléger la charge de travail du parquet.

C’est en ce sens que nous avons décidé, mes chers collègues, de soumettre à votre examen cette proposition de loi, qui vise à modifier l’article 75 du code civil.

Le rapporteur, notre collègue Simon Sutour, a proposé un amendement, qui a été examiné et adopté par la commission des lois mercredi dernier. Cet amendement tend à insérer dans le code général des collectivités territoriales, plutôt que dans le code civil, les dispositions relatives à la possibilité de célébrer des mariages hors de la mairie.

Personnellement, je n’y vois que des avantages, dès lors qu’une telle démarche relève, notamment, d’une délibération du conseil municipal. Cette initiative est donc pertinente.

Les membres de la commission, notamment son rapporteur, m’ont convaincu que le rôle du procureur était de veiller scrupuleusement à ce que les locaux proposés ne soient pas inappropriés et que le lieu choisi réponde à la solennité attachée à la cérémonie du mariage.

C’est pour cette raison que j’étais, dans un premier temps, favorable à la proposition du rapporteur précisant que « le conseil municipal peut après autorisation du procureur affecter tout local adapté à la célébration des mariages ».

Toutefois, on peut en effet redouter que les délais de réponse du procureur soient dans certains cas extrêmement longs, surtout si plusieurs conseils municipaux font en même temps de telles demandes.

Dans la rédaction initiale de la proposition de loi, j’avais tenté d’éviter cet écueil en proposant que le conseil municipal se contente de transmettre la délibération au procureur. Néanmoins, je reconnais que cette proposition n’était pas totalement satisfaisante, pour les raisons que je viens de donner.

Dès lors, les dispositions de l’amendement proposé par nos collègues Reichhardt et Danesi me semblent répondre à la fois aux préoccupations de sécurité, de solennité, et d’accessibilité des locaux, tout en évitant que ladite autorisation soit accordée par le procureur après des délais excessivement longs. En effet, aux termes de l’amendement, le conseil municipal peut, « sauf opposition du procureur », affecter tout local adapté à la célébration de mariage. Cette rédaction me paraît tout à fait pertinente, et j’y suis donc favorable.

Pour conclure, je voudrais d’abord remercier M. Simon Sutour, rapporteur, ainsi que la commission des lois et sa présidente, d’avoir adopté, ainsi amendée, la proposition de loi que j’ai présentée avec mes collègues du groupe socialiste. Ce texte a essentiellement pour objectif de répondre aux préoccupations des maires et des élus municipaux en donnant plus de souplesse au dispositif législatif actuel.

Me croirez-vous, monsieur le secrétaire d’État, si je vous dis que ce texte est très attendu par les maires de ce pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Claude Bérit-Débat. C’est vrai !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est tout à fait exact !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Simon Sutour, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons cette après-midi la proposition de loi tendant à permettre la célébration de mariages dans des annexes de la mairie proposée par M. Roland Courteau, qui vient de s’exprimer, et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Cette proposition de loi répond effectivement à une forte attente exprimée à plusieurs reprises par les parlementaires, bien sûr, mais aussi et surtout par les élus locaux, en particulier par les maires.

Elle entend répondre aux difficultés rencontrées par de nombreuses communes, qui souhaiteraient, pour des raisons pratiques – une salle des mariages exiguë ou difficilement accessible aux personnes à mobilité réduite, par exemple –, pouvoir célébrer des mariages en dehors de la mairie.

En plus du texte qui nous est présenté aujourd’hui, deux propositions de loi ayant le même objet ont également été déposées sur le bureau du Sénat au cours de ces dernières années par nos collègues Philippe Nachbar et Alain Gournac, et plusieurs questions écrites abordant cette problématique ont été adressées au Gouvernement.

Actuellement, le droit en vigueur impose que les mariages soient célébrés à la mairie, au sens strict du terme, c’est-à-dire dans le bâtiment de l’hôtel de ville lui-même ou dans les dépendances qui font partie du même ensemble immobilier. Les dérogations à ce principe sont très peu nombreuses et strictement encadrées.

À cet égard, l’article 75 du code civil prévoit la possibilité de célébrer le mariage au domicile ou à la résidence de l’un des époux dans deux situations seulement : en cas d’empêchement grave ou en cas de péril imminent de mort de l’un des futurs époux.

À ces deux cas s’ajoute une troisième hypothèse prévue par l’instruction générale relative à l’état civil : l’impossibilité pendant une certaine période d’utiliser une salle de la mairie en raison de travaux sur les bâtiments de la mairie ou pour toute autre cause. L’interdiction de principe de la célébration des mariages hors de la mairie s’explique essentiellement par la volonté d’éviter tout déplacement des registres de l’état civil, limitant ainsi les risques de perte ou de destruction.

Cependant, cet obstacle lié à la conservation des registres doit être reconsidéré, au regard, notamment, du développement de l’utilisation de feuilles mobiles du registre par les officiers d’état civil, qui ne transportent donc plus l’intégralité du registre, et de la dématérialisation de la conservation de ces données. Il n’y a plus, aujourd’hui, de raisons valables de refuser de faire évoluer les textes sur ce sujet.

Dès 2012, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, la commission des lois avait donné un avis favorable à un amendement qui visait à permettre la célébration de mariages dans une annexe de la mairie pour les communes de moins de 3 500 habitants. Néanmoins, cet amendement avait ensuite été retiré avant la séance par ses auteurs.

À nouveau saisie de cette question, la commission des lois a adopté le présent texte, après lui avoir apporté plusieurs modifications.

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi prévoyait d’autoriser les mariages dans des annexes de la mairie par délibération du conseil municipal transmise au procureur de la République.

En premier lieu, la commission des lois a choisi d’inscrire ces dispositions dans le code général des collectivités territoriales, plutôt que dans le code civil, estimant qu’elles concernaient principalement les modalités d’affectation par le conseil municipal d’un local à la célébration de mariages.

Elle a ainsi entendu préserver la portée symbolique qui s’attache à l’article 75 du code civil relatif au déroulement de la célébration du mariage, en n’y introduisant pas de distinction entre les mariages célébrés dans le bâtiment de la mairie et ceux qui sont célébrés dans un autre local choisi à cet effet. Par conséquent, tout mariage sera célébré, quel que soit le lieu choisi, dans la « maison commune », lors d’une cérémonie républicaine, en présence de l’officier d’état civil.

En second lieu, la commission a remplacé la notion d’« annexe de la mairie » par les termes « local adapté à la célébration de mariages », car, dans le code général des collectivités territoriales, la notion d’annexe de mairie recouvre des structures bien particulières : les annexes des communes déléguées créées au sein de communes nouvelles et les annexes de quartier des communes de plus de 100 000 habitants.

Autoriser les mariages dans les « annexes » de la mairie seulement aurait limité de manière importante la portée de la présente proposition de loi. Aucun mariage n’aurait pu être célébré hors de l’hôtel de ville dans des communes qui n’ont pas d’annexes au sens du code général des collectivités territoriales, c’est-à-dire dans de nombreuses collectivités territoriales, notamment, et bien entendu nous y sommes tous très sensibles, dans les plus petites de nos communes.

En troisième lieu, la proposition de loi ne prévoyait qu’une simple transmission de la délibération du conseil municipal au procureur de la République. La commission des lois, après un débat sur ce point, a décidé de prévoir une autorisation donnée par le procureur de la République en amont de la décision d’affectation.

En effet, dans la mesure où l’affectation d’un autre local à la célébration de mariages pourrait désormais être décidée librement par le conseil municipal, alors que, à l’heure actuelle cette possibilité est strictement encadrée, il nous a semblé nécessaire de prévoir un contrôle préalable par le procureur de la République du lieu choisi, au regard du caractère solennel qui s’attache à ce type de cérémonies et de l’exigence d’une certaine pérennité de l’affectation.

Mes chers collègues, au bénéfice de ces observations liminaires, la commission des lois vous propose donc d’adopter le présent texte, tel qu’il est rédigé à l’issue de ses différents travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser Marylise Lebranchu, qui ne pouvait être présente cette après-midi pour l’examen en première lecture par votre assemblée de la proposition de loi tendant à permettre la célébration des mariages dans les annexes de la mairie.

L’objectif de cette proposition de loi est, pour citer son auteur, de « faire en sorte que l’ensemble des mairies de France sur tous les territoires disposent d’une salle de célébration des mariages adaptée, de dimension suffisante, et accessible à tous ». Il s’agit donc de garantir à l’ensemble des citoyens qui le souhaitent de pouvoir se marier dans de bonnes conditions, et ce quelle que soit leur commune de résidence.

Aujourd’hui, certaines mairies sont confrontées à des difficultés en raison de leur exiguïté ou parce que la salle de célébration des mariages ne permet pas un accueil adéquat au public. C’est le cas, notamment, lorsque la salle des mariages se trouve au premier étage, ce qui rend son accès difficile, par exemple pour les personnes à mobilité réduite. Ces difficultés, les maires et les élus municipaux souhaitent les surmonter, afin de pouvoir offrir à l’ensemble de leurs administrés une cérémonie de qualité.

Toutefois, en l’état du droit, les solutions à leur disposition sont peu nombreuses et, surtout, parfois quelque peu complexes à mettre en œuvre. En outre, il apparaît que le droit existant n’est pas d’une nature très sécurisante.

Certes, il existe des dispositions visant à autoriser des célébrations de mariages dans un endroit extérieur à la mairie, voire au domicile des époux, comme l’a rappelé l’auteur de la proposition de loi.

M. Roland Courteau. Absolument !

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Toutefois, ces exceptions au droit commun concernent seulement des cas rarissimes, dans lesquels l’officier de l’état civil est autorisé à se rendre à la résidence de l’une des parties en cas d’empêchement grave ou de péril imminent de mort de l’un des futurs époux.

À l’exception de ces cas rares, le code civil envisage la possibilité de célébrer les mariages à l’extérieur de la mairie, mais uniquement de manière temporaire, lorsqu’aucune salle ne peut être utilisée au sein de la mairie pendant une certaine période, notamment, par exemple, en raison de travaux de rénovation.

Le conseil municipal prend alors, après en avoir référé au parquet, une délibération disposant qu’un local extérieur, recevant à l’affection d’une annexe de la maison commune, peut être utilisé comme salle de célébration de mariages.

En revanche, une telle disposition n’existe pas pour les situations régulières, comme l’inaccessibilité – je l’ai évoquée – ou la taille trop restreinte de la salle des mariages de la mairie. Avec cette proposition de loi, c’est justement à ces problèmes que votre assemblée souhaite apporter une réponse.

En rendant possibles de façon permanente les célébrations de mariages à l’extérieur du bâtiment principal de la mairie, une telle mesure permettrait de résoudre les difficultés que je viens d’évoquer. Elle serait également utile dans le cas spécifique des communes nouvelles, puisqu’elle rendrait possible la célébration des mariages dans les mairies déléguées sur le territoire des anciennes communes.

Comme l’a très justement souligné la commission des lois, les considérations qui justifiaient le caractère strict des dérogations au principe du mariage à la mairie, telle que la volonté d’éviter tout déplacement des registres d’état civil, ne sont plus d’actualité aujourd’hui. En effet, la dématérialisation n’impose plus l’application de règles aussi contraignantes qu’à l’époque où Internet n’existait pas.

Le Gouvernement partage donc avec votre assemblée l’objectif de la proposition de loi déposée par M. Roland Courteau et son groupe. Ce texte prévoyait, dans sa version initiale, que soit simplement inscrite à l’article 75 du code civil l’autorisation de célébrer les mariages au sein d’annexes de la mairie préalablement désignées comme telles par une délibération du conseil municipal, elle-même transmise au procureur de la République.

Ainsi, sans conduire à la délocalisation de l’ensemble des mariages dans un autre lieu que l’hôtel de ville, la proposition de loi rendait possible la célébration de certains mariages dans les annexes de la mairie.

Votre commission des lois a approuvé l’assouplissement proposé. En revanche, elle a souhaité modifier plusieurs points du dispositif envisagé en apportant des précisions qui sont, me semble-t-il, bienvenues.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Premièrement, la commission a choisi – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – d’inscrire les dispositions de la proposition de loi dans le code général des collectivités territoriales, plutôt que dans le code civil. Il s’agit d’une bonne chose : il n’y aura ainsi aucune distinction, dans le code civil, entre les mariages, qu’ils soient célébrés à la mairie ou au sein de ces annexes. Quel que soit le lieu choisi, ils seront tous célébrés dans la maison commune.

Ce choix apparaît d’autant plus pertinent que l’affectation d’une nouvelle salle relève de la seule compétence du conseil municipal et d’aucune autre instance. De fait, les aspects matériels de la célébration sont détachables de la procédure qui doit être respectée par l’officier d’état civil pour le mariage : lecture des articles du code civil – et il y en a ! – et échange des consentements, par exemple.

Deuxièmement, votre commission a voulu renforcer la sécurité juridique du dispositif par la mise en place d’une autorisation préalable du procureur de la République. Cette garantie concernant le choix des lieux apparaît tout aussi essentielle ; le Gouvernement y souscrit. Nous nous posons toutefois la question de savoir si les garanties ainsi apportées suffiront dans les faits à supprimer le risque de discrimination, sujet sur lequel je reviendrai.

Enfin, votre commission des lois a souhaité remplacer le terme « annexe » par celui de « local », estimant que la référence aux annexes limitait de manière trop importante la portée de la proposition de loi, puisque le dispositif ne serait alors pas accessible aux communes ne disposant pas d’annexes au sens du code général des collectivités territoriales. Le Gouvernement entend et comprend cette position.

Reste que cette modification, en élargissant le champ des possibilités pour les maires, nécessite de facto des précisions et garanties supplémentaires. Il apparaît en effet nécessaire de mieux définir le type de salle susceptible d’être retenu pour la célébration des mariages. Il apparaît aussi nécessaire de poser des conditions pour que cette ouverture voulue, souhaitée par cette proposition de loi, ne soit pas détournée, dans certains cas, par certains esprits mal intentionnés et n’aboutisse pas à des stigmatisations. Je veux dire par là qu’il ne faudrait pas que, pour certains mariages, on ne propose que l’annexe, et non le bâtiment principal.

Mme Cécile Cukierman. Tout à fait !

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Si le Gouvernement souscrit aux finalités de cette proposition de loi, reconnaît l’intérêt d’un assouplissement des textes en vigueur et approuve certaines des modifications introduites par votre commission des lois, il estime que le texte, en son état actuel, ne permet pas d’apporter toutes les garanties nécessaires aux futurs époux. D’où son avis de sagesse bienveillante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)