Sommaire
Présidence de M. Hervé Marseille
Secrétaire :
Mme Catherine Tasca.
2. Stationnement des personnes en situation de handicap. – Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 1 de Mme Catherine Procaccia. – Retrait.
Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission.
4. Agence France locale. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Alain Anziani, coauteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des lois
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique
Clôture de la discussion générale.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
5. Protection de l'enfant. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Article additionnel après l’article 21
Amendement n° 19 de Mme Catherine Morin-Desailly. – Devenu sans objet.
Amendement n° 12 de M. François Pillet rapporteur pour avis. – Devenu sans objet.
Amendement n° 13 de M. François Pillet rapporteur pour avis. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l'article 22
Amendement n° 43 rectifié de M. Jacques Cornano. – Non soutenu.
Amendement n° 44 rectifié bis de M. Jacques Cornano. – Non soutenu.
Article 23 – Adoption.
Mme Michelle Meunier, rapporteur de la commission des affaires sociales
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État
6. Organisme extraparlementaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Hervé Marseille
vice-président
Secrétaire :
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Stationnement des personnes en situation de handicap
Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement (projet n° 126, texte de la commission n° 239, rapport n° 238).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voilà réunis pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi de votre éminent collègue, M. Didier Guillaume.
Ce texte a pour objectif de faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement. Il constitue, bien sûr, un acte supplémentaire en faveur de l’accessibilité universelle.
Je veux profiter de cette occasion pour réaffirmer, devant vous, que l’accessibilité universelle est une priorité du Gouvernement, dans une parfaite continuité avec les travaux qu’avaient engagés Jean-Marc Ayrault et Marie-Arlette Carlotti à partir de juin 2012.
L’accessibilité, c’est d’abord la faculté de s’approprier l’espace collectif : pouvoir se rendre à la mairie, par exemple pour se procurer des papiers, pouvoir aller dans les magasins, au restaurant ou chez un médecin, mais aussi, dans bien des cas, pouvoir stationner à proximité du lieu où l’on souhaite se rendre.
En matière d’accessibilité du bâti, nous le savons tous, la France est malheureusement loin d’être exemplaire, et ce malgré la loi de 2005, qui imposait que tous les établissements recevant du public fussent rendus accessibles avant le 1er janvier 2015. Or nous sommes le 11 mars 2015, et c’est loin d’être le cas. C’est pourquoi nous avons pris des mesures.
Comme je l’ai déjà indiqué plusieurs fois, l’accessibilité doit être une priorité, mais surtout elle doit être une réalité. Nous avons voulu trouver un consensus grâce aux agendas d’accessibilité programmée et nous aurons prochainement l’occasion d’en débattre de nouveau, ici même. Je suis convaincue que le Sénat enrichira le texte actuel de l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.
Lors de la conférence nationale du handicap qui s’est tenue en décembre 2014, le sujet de l’accessibilité universelle a été longuement évoqué, et je rappellerai quelques éléments concrets de l’action du Gouvernement en la matière.
L’accessibilité universelle, telle que les associations la définissent à juste titre, est « l’accès à tout et pour tous ». «Tous », cela inclut les personnes souffrant d’un handicap moteur, sensoriel, mais aussi psychique ou mental. « Tout », cela signifie le développement de l’accessibilité tous azimuts : accessibilité des logements, bien sûr, mais aussi accès à l’information ou à la consommation, entre autres.
Sur le sujet de l’information, les choses avancent. Nous avons signé en janvier dernier la charte de qualité pour l’usage de la langue des signes française élaborée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et nous continuons à encourager les travaux de la direction interministérielle de l’information et de la communication, pour rendre accessible, de façon pérenne, l’ensemble des sites internet publics.
L’accessibilité, c’est aussi être capable de communiquer. Or le téléphone, tel qu’il existe aujourd’hui, exclut de fait toutes les personnes malentendantes et sourdes. Pour corriger cette injustice, un système de relais téléphoniques est en cours d’expérimentation pour 500 personnes sourdes ou malentendantes. La députée Corinne Erhel, qui a bien étudié cette question, propose un certain nombre de solutions pour généraliser cette expérimentation. Ces propositions sont à l’étude.
L’accessibilité, c’est aussi l’accès à la consommation. La vente à distance par internet, si elle est un progrès pour les personnes à mobilité réduite, est malheureusement inaccessible pour les personnes aveugles.
De même, le numérique, qui améliore la performance de certains appareils électroménagers, peut les rendre inaccessibles pour certains types de handicaps si l’on n’y prend pas garde. Cette question fait l’objet de travaux menés conjointement avec l’Institut national de la consommation et la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance.
Avant d’aborder la question qui nous occupe aujourd’hui, celle du stationnement des personnes handicapées, je veux encore dire quelques mots sur la scolarisation des enfants handicapés, sur l’emploi des personnes handicapées, sur l’accompagnement médico-social et sur l’accès aux soins.
Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, cette initiative parlementaire doit être replacée dans un cadre plus large, celui de la politique en matière de handicap qui est menée par ce gouvernement et cette majorité.
L’une des priorités du Gouvernement est de lutter contre les inégalités à l’école. À cet égard, la première des injustices est celle qui est faite à un enfant handicapé lorsqu’il n’a tout simplement pas la possibilité d’être scolarisé avec les autres enfants.
En France, la scolarisation des enfants handicapés progresse de 10 % chaque année. Actuellement, il y a environ 240 000 enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire.
Ce résultat est positif, mais il reste insuffisant. C’est pourquoi le Gouvernement a développé une politique de professionnalisation et de résorption de la précarité des auxiliaires de vie scolaire, au travers de la transformation, à terme, de 28 000 contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée. Cette année, lors de la dernière rentrée scolaire, ce sont ainsi 3 000 auxiliaires de vie scolaire qui ont vu leur CDD se transformer en CDI. C’est pourquoi, également, nous ouvrons dans le cadre du plan autisme des unités d’enseignement maternel pour les enfants autistes dans toutes les académies.
Nous travaillons avec la ministre de l’éducation nationale à amplifier cette politique, avec de nouveaux objectifs. Nous allons donc prochainement transférer des classes des IME, les instituts médico-éducatifs, au sein de l’école, pour que cette dernière s’ouvre à tous et que les enfants en situation de handicap évoluent au sein de l’école avec les autres enfants.
M. Didier Guillaume. Excellent !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Vous le savez également, la situation de l’emploi des personnes handicapées n’est pas bonne. Leur taux de chômage s’élève en effet à 22 %, soit deux fois celui de la population générale.
L’un des freins à l’emploi des travailleurs handicapés est le manque de formation professionnelle, mais aussi d’accès à cette formation. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui comporte un volet handicap, doit permettre d’améliorer cette situation. De même, certaines dispositions du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques visent à favoriser le recours aux travailleurs handicapés auto-entrepreneurs.
S’agissant enfin de l’accompagnement médico-social, le Gouvernement a engagé deux réformes d’envergure.
La première est celle de la tarification des établissements médico-sociaux, qui était attendue depuis de nombreuses années. Actuellement, il n’existe pas de tarification homogène des services dispensés par les établissements accueillant des personnes handicapées, ce qui crée des disparités territoriales.
La seconde repose sur les propositions du rapport Zéro sans solution, qui a été remis au Gouvernement dans le courant de l’été dernier : nous cherchons les moyens d’éviter ce que l’on appelle les « situations critiques », c’est-à-dire les situations dans lesquelles des personnes lourdement handicapées se retrouvent privées d’un accompagnement adapté malgré une orientation par les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Ce travail est en cours, et des amendements seront déposés dans le cadre de la future loi de santé.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, les politiques publiques menées par le Gouvernement en matière de handicap visent un même objectif, à savoir l’inclusion des personnes handicapées dans la société, en agissant à la fois sur l’accessibilité à tout et pour tous et sur la compensation du handicap. Avec la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui, nous sommes donc bien au cœur du sujet.
Dès octobre 2012, l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, l’OBIAçU, présidé par Mme Claire-Lise Campion, rapporteur de la présente proposition de loi…
M. Didier Guillaume. Et excellente sénatrice ! (Sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … avait suggéré de réviser la législation relative au stationnement des véhicules des personnes handicapées et aux redevances afférentes, afin de limiter la fatigabilité des personnes et de favoriser leur accès à l’autonomie.
La proposition de loi que vous allez étudier aujourd’hui tend à apporter deux modifications à l’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et des familles.
D’une part, elle autorisera les titulaires de la carte de stationnement pour personne handicapée à stationner sur toutes les places, que celles-ci soient réservées ou non. Ce stationnement sera gratuit. Néanmoins, les parcs de stationnement concédés pourront continuer à être payants.
D’autre part, la durée du stationnement autorisé pour ces personnes sera étendue et ne pourra être inférieure à douze heures.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. J’ai bien sûr entendu ceux qui s’interrogent sur l’utilité de cette proposition de loi, car il y en a, aussi étonnant que cela puisse paraître… J’ai entendu également ceux qui pensent que ce texte revient à créer un système dérogatoire au droit commun au profit de quelques personnes. J’ai entendu, enfin, ceux qui redoutent le coût de ces mesures pour les collectivités.
Je veux vous dire que cette proposition de loi ne résoudra pas tous les problèmes. Elle est non pas une solution miracle, mais un texte pragmatique, et je tiens à remercier le sénateur Didier Guillaume du travail qu’il a effectué. (M. Jean-Claude Requier approuve.)
Ce texte constitue indéniablement une avancée, parce que tout ce qui contribue à améliorer le quotidien des gens en facilitant l’accès à la ville ou au village et, par extension, aux services, au travail et aux soins est toujours positif. En outre, ce texte prend en compte une situation problématique et s’emploie à y remédier. Cette proposition de loi va donc dans le bon sens, et je suis persuadé que, sur l’ensemble de ces travées, vous y êtes favorables.
Quant à la gratuité, il faut la voir comme un outil et une incitation à évoluer, plutôt que comme une fin en soi. Elle permettra d’éviter toutes les situations d’inaccessibilité des bornes de paiement.
Je sais que vous êtes nombreux à vous interroger sur la falsification potentielle des cartes de stationnement. (M. Didier Guillaume s’exclame.) Le Gouvernement conduit actuellement un travail visant à faciliter les démarches des personnes handicapées auprès des MDPH, grâce, notamment, à la poursuite de la dématérialisation des procédures et à la simplification des conditions d’attribution de la carte de stationnement.
Vous le savez, à l’heure actuelle, les MDPH ont beaucoup de peine à répondre à toutes les demandes de cartes de stationnement. En effet, nombre d’entre elles émanent de personnes ayant plus de soixante ans, qui sont souvent en GIR, les groupes iso-ressources, 1 ou 2. Or leurs demandes doivent passer devant les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, seules habilitées, au sein des MDPH, à délivrer les cartes de stationnement.
Dorénavant, cette procédure sera simplifiée, afin que l’attribution de la carte soit automatique pour toutes les personnes dépendantes, ce qui simplifiera le travail des MDPH.
M. Didier Guillaume. Bravo !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Les travaux se sont orientés prioritairement sur la fabrication des cartes de stationnement, afin de permettre une simplification du processus, tout en améliorant le service rendu à l’usager.
Le ministère a ainsi conduit l’ensemble des travaux nécessaires – étude de faisabilité, puis marché de développement – à la mise en production d’un système d’information dédié, qui est actuellement en phase de test et qui pourra être déployé en 2015, en direction prioritairement des services déconcentrés chargés de la cohésion sociale, puis des MDPH qui seraient intéressées. Toutes les questions relatives à la potentielle falsification des cartes sont examinées dans ce cadre.
Lors de la conférence nationale du handicap, toute une série de mesures qui étaient demandées par les directeurs et les directrices des MDPH pour simplifier le travail des agents et améliorer le service rendu ont été annoncées. Outre celle que j’ai évoquée, je mentionnerai, notamment, l’allongement de la durée de l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés, qui pourra être prolongée jusqu’à cinq ans, contre deux ans aujourd’hui, et celle de la durée des certificats médicaux, qui pourront être valables six mois, contre trois mois actuellement. Toutes ces mesures sont en préparation et seront mises en œuvre bien avant la fin de l’année 2015.
Enfin, la création d’une carte « mobilité inclusion », personnelle et sécurisée, est prévue pour remplacer à terme la carte de stationnement et la carte de priorité. Dans l’immédiat, la durée de validité des cartes sera prolongée pour éviter les ruptures de droit.
Pour conclure, je voudrais vous dire que cette proposition de loi améliorera – c’est bien là l’essentiel –, la vie quotidienne des personnes handicapées, si vous acceptez de l’adopter. Sa mise en œuvre sera rapide, puisque les collectivités territoriales auront deux mois pour se mettre en conformité avec les mesures.
Le Gouvernement est donc favorable à cette proposition de loi. En effet, notre volonté et notre mission, c’est d’abord et avant tout d’améliorer la vie quotidienne des Français. C’est cette ligne directrice qui doit guider chacune de nos décisions, au-delà des débats d’idées. Il vous appartient à présent, mesdames, messieurs les sénateurs, de débattre et d’adopter, ou non, ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, à l’heure où nous entamons nos débats, plus de deux cent cinquante communes françaises ont instauré la gratuité du stationnement pour les titulaires de la carte de stationnement pour personnes handicapées.
Ces initiatives sont très largement saluées, en ce qu’elles apportent une amélioration considérable à la vie quotidienne de nos concitoyennes et concitoyens en situation de handicap. En effet, trop souvent, l’accès à une place de stationnement relève, pour ces personnes, du parcours du combattant et peut constituer un obstacle à l’exercice d’une vie professionnelle, sociale et culturelle épanouie.
L’objet de la proposition de loi, que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, est de généraliser ces initiatives en fixant dans la loi un principe général de gratuité et de non-limitation de la durée du stationnement sur les places réservées aux personnes en situation de handicap. Nous en devons la paternité – comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État – à M. Didier Guillaume, qui s’est beaucoup engagé sur ce sujet et qui a déposé ce texte le 1er octobre 2013, accompagné par l’ensemble des membres du groupe socialiste.
Les travaux du Sénat en première lecture, qui ont été menés en particulier par notre ancien collègue Ronan Kerdraon et qui se sont déroulés en décembre 2013, ont apporté plusieurs améliorations à la proposition de loi initiale.
Il s’agissait, notamment, d’éviter le risque de pratiques abusives et de préserver la libre administration des collectivités territoriales. Le texte issu de nos travaux permet ainsi aux communes de fixer une durée maximale de stationnement, tout en les obligeant à respecter un seuil de douze heures minimum. Le phénomène, que nous connaissons tous, des « voitures ventouses » devrait ainsi être évité et la fluidité du stationnement préservée, ce qui se révèle essentiel, surtout dans les plus grandes agglomérations.
Dans le même temps, le Sénat a étendu les règles de gratuité et de non-limitation de la durée du stationnement à l’ensemble des places, que celles-ci soient ou non réservées.
Cette souplesse par rapport au texte initial tient compte du fait que les personnes en situation de handicap sont parfois contraintes de stationner sur des places non réservées, lorsque ces dernières sont en nombre insuffisant ou lorsqu’il n’en existe aucune à proximité du lieu où elles souhaitent se rendre. Elle s’inscrit, de surcroît, dans la droite ligne des recommandations qui avaient été formulées dans son rapport d’octobre 2012 par l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, l’OBIAçU, alors présidé par notre collègue Philippe Bas.
Les communes qui n’appliquent pas encore la gratuité devront disposer d’un laps de temps suffisant pour adapter leur politique de stationnement ; Mme la secrétaire d’État vient de le rappeler.
Un délai de deux mois a donc été fixé pour l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles. S’agissant des parcs de stationnement gérés dans le cadre de délégations de service public, la gratuité et la non-limitation de la durée du stationnement s’appliqueront à compter du renouvellement des contrats. Le risque de contentieux lié à la signature d’avenants aux contrats en cours nous semble ainsi évité.
Enfin, grâce à une proposition de notre ancienne collègue Muguette Dini, la situation particulière des aires de stationnement qui disposent de bornes d’entrée et de sortie directement accessibles depuis le véhicule a été prise en compte. Pour ces dernières, l’obstacle physique que représente l’accès à un parcmètre n’existe pas. Les autorités compétentes seront donc libres d’y appliquer, ou non, la gratuité.
En novembre dernier, lorsqu’elle s’est prononcée en première lecture, l’Assemblée nationale a pleinement adhéré aux objectifs de la proposition de loi, ainsi qu’à son dispositif. Elle a malgré tout jugé nécessaire d’adopter trois modifications rédactionnelles au texte issu de nos débats en séance publique.
Ces évolutions, si elles apportent des améliorations de forme à la proposition de loi, n’en modifient aucunement le fond. Notre commission des affaires sociales n’y est pas revenue le 21 janvier dernier, et nous sommes par conséquent appelés à nous prononcer aujourd’hui sur un texte quasiment identique à celui qui avait fait l’objet d’un très large consensus au Sénat voilà un peu plus d’un an.
J’entends parfaitement les interrogations qui peuvent s’exprimer quant aux risques de pratiques de stationnement abusives. Je pense malgré tout qu’une solution équilibrée a été trouvée au Sénat en première lecture. J’estime également que le bilan des expériences menées sur nos territoires ne peut que nous encourager à adopter cette proposition de loi.
Si une ville comme Saint-Etienne parvient à appliquer les principes de gratuité et de non-limitation de la durée du stationnement sur l’ensemble des places depuis 1988, et si deux cent cinquante communes, souvent de grande taille, ont fait le choix de la suivre dans cette voie, c’est qu’il s’agit là d’une mesure à la fois raisonnable et bénéfique pour l’ensemble de nos concitoyens en situation de handicap.
En généralisant ces bonnes pratiques, nous rendons hommage à des collectivités qui ont su se montrer précurseurs en la matière et nous offrons aux personnes en situation de handicap l’assurance de pouvoir stationner dans les mêmes conditions pratiques sur l’ensemble du territoire national.
Ce texte, en effet, ne résoudra pas toutes les difficultés relatives au stationnement des personnes en situation de handicap. Je pense en particulier à la question d’une éventuelle augmentation du quota de places réservées, ainsi – vous venez de l’évoquer, madame la secrétaire d’État – qu’à la sécurisation du processus de fabrication de cartes de stationnement pour personnes handicapées.
Sur ce dernier point, madame la secrétaire d'État, les engagements pris par le Président de la République le 11 décembre dernier, lors de la conférence nationale du handicap, sont mis en perspective par vos propos d’il y a un instant. Ils aboutiront à la création d’une nouvelle carte « mobilité inclusion », personnelle et sécurisée, qui viendra remplacer les cartes de priorité et de stationnement. Des évolutions sont donc en cours ; elles nous permettent d’avancer en parallèle de l’examen de cette proposition de loi.
S’agissant des questions plus générales de mise en accessibilité de l’ensemble du cadre bâti et des transports, sur lesquelles, à vos côtés, je me suis personnellement beaucoup impliquée, le Parlement aura l’occasion de débattre au cours des semaines et des mois à venir. En attendant, sachons accueillir les avancées proposées par ce texte. Elles sont limitées au regard de l’ensemble des enjeux relatifs à l’accessibilité universelle, mais elles sont concrètes et certaines, et je remercie encore M. Didier Guillaume d’en avoir eu l’initiative.
Pour l’ensemble de ces raisons, je forme le vœu que cette proposition de loi puisse recueillir, comme en première lecture, le consensus le plus large possible au sein de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, en décembre 2013, nous examinions en première lecture la proposition de loi de notre collègue Didier Guillaume, que je salue, visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement.
Lors du passage de ce texte à l’Assemblée nationale en novembre dernier, seuls trois amendements rédactionnels ont été insérés dans le texte. Celui-ci reste donc quasiment identique, et le groupe écologiste votera donc pour, comme il l’a fait l’an dernier.
Cette proposition de loi se donne comme objectif de renforcer l’accessibilité et la mobilité de nos concitoyens à mobilité réduite. Elle prévoit la gratuité, sans limitation de durée, pour les personnes titulaires de la carte de stationnement sur les emplacements réservés, ainsi qu’une application de cette obligation pour les parkings en délégation de service public au renouvellement du contrat.
Paradoxalement, la gratuité apparaît ainsi comme la solution technique la plus simple – on le comprend aisément –, mais aussi la moins coûteuse pour les collectivités territoriales. En effet, si les emplacements restaient payants, chaque commune devrait revoir l’ensemble du système des horodateurs, ce qui représenterait un coût important.
Au-delà de la question du stationnement, l’accessibilité est l’un des enjeux majeurs du handicap. Les difficultés de déplacement conditionnent la vie quotidienne du près de 1,2 million de handicapés moteurs que compte notre pays selon l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’Agefiph. Que ce soit pour se rendre au travail, partir en voyage ou simplement faire les courses, les difficultés de déplacement existent, et c’est le rôle des pouvoirs publics que de les atténuer dans un souci d’égalité.
À cet effet, le législateur a adopté plusieurs textes, qui ont défini un cadre juridique pour l’accessibilité. Principe de l’accessibilité aux installations ouvertes au public avec la loi de 1975, aménagement de la voirie dans la loi de 1991, objectif d’accessibilité complète des établissements et des espaces publics grâce à la loi de 2005 : notre arsenal législatif doit ainsi en théorie permettre de lutter efficacement contre l’exclusion des personnes à mobilité réduite.
Pourtant, les difficultés persistent, et selon la Délégation ministérielle à l’accessibilité, seulement 13 % des plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics ont été adoptés, couvrant à peine 30 % de la population.
Nos concitoyens en sont conscients, comme en témoigne un sondage de l’institut OpinionWay de juin 2013, selon lequel plus des trois quarts des Français jugent indispensable d’améliorer l’accès aux établissements publics, aux commerces de proximité, aux habitations, aux transports et aux lieux de culture.
Pour parvenir à cet objectif, les écologistes ont défini le concept de ville lente – une gageure pour le Parisien que je suis ! Il permet de passer d’une situation où l’accessibilité se fait par aménagements successifs à une situation où tous les déplacements au sein d’une ville sont prévus d’emblée.
La ville lente, c’est une conception de la ville au quotidien, pour les citoyens qui peuvent être confrontés à des problèmes de déplacement : outre les personnes en situation de handicap définitif ou conjoncturel, les personnes âgées, les dames – et les messieurs – avec leurs poussettes, les enfants, etc. Vous l’avez compris, mes chers collègues, le concept de ville lente s’adapte à tous.
Les modes de transports doux, comme le tramway, sont au cœur de cette vision, pour restructurer les espaces de mobilité.
Les trottoirs s’élargissent, les marches disparaissent peu à peu, les voitures se font moins nombreuses et chacun peut se déplacer en sécurité, à son rythme. La ville appartient à tous, et tout le monde doit pouvoir en profiter pleinement.
C’est cet objectif de ville lente qu’il nous faut viser, pour que la lutte contre l’exclusion et pour l’accessibilité s’inscrive dans nos politiques de droit commun. Dans l’attente de ce changement de paradigme, le groupe écologiste soutiendra toutes les initiatives, comme celle dont nous discutons, qui permettront de faciliter la vie des personnes à mobilité réduite.
Nous voterons donc cette proposition de loi, et remercions Didier Guillaume de l’avoir déposée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi constitue une avancée pour les personnes en situation de handicap ; elles pourront utiliser, à titre gratuit et pour une amplitude horaire ne pouvant être inférieure à douze heures, toutes les places de stationnement ouvertes au public, au lieu des seules places réservées.
Cette mesure reviendra à multiplier les places accessibles et donc à faciliter le droit à la ville des personnes en situation de handicap.
Il s’agit bien là, mes chers collègues, d’un impératif démocratique. Tout citoyen doit pouvoir s’épanouir dans une vie pleine et entière, ce qui passe nécessairement par des mesures spécifiques pour permettre à ces publics un réel accès au logement, au travail, à la culture ou aux activités sportives, par exemple.
Certains, y compris parmi les responsables associatifs les plus concernés, se sont émus d’une sorte de discrimination positive, qui pourrait selon eux conduire à pointer du doigt les personnes en situation de handicap. Il nous faut répondre à cette inquiétude.
On peut toujours rencontrer, comme dans le film Intouchables, des personnes handicapées qui, si elles ne sont pas millionnaires, disposent tout du moins de ressources confortables. Cela dit, c’est le premier argument en faveur de la gratuité, nous conviendrons tous ensemble, je suppose, qu’avec un taux de chômage s’élevant à plus du double de celui de la population totale en âge de travailler, les personnes en situation de handicap rencontrent souvent des difficultés financières. Il suffit d’ailleurs pour s’en convaincre de regarder les montants versés au titre de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, qui restent encore très modestes, même si cette allocation a connu plusieurs revalorisations ces dernières années.
Deuxième argument, la gratuité est une compensation concrète du manque d’accessibilité des transports en commun. L’usage individuel de la voiture coûte cher ; c’est pourtant un choix trop souvent imposé aux personnes en situation de handicap. En réalité, seules 42 % des lignes de bus étaient accessibles en 2011 aux handicapés moteurs. Si 63 lignes parisiennes sont entièrement aux normes, cette situation est loin d’être une généralité dans notre pays.
Nous sommes donc pleinement d’accord avec le principe de cette proposition de loi.
En revanche, nous nous montrons plus critiques sur la disposition introduite en première lecture au Sénat sur l’initiative de notre ancienne collègue Muguette Dini, et confirmée par l’Assemblée nationale, laquelle instaure un régime spécifique pour les parcs de stationnement disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles depuis leur véhicule par les personnes en situation de handicap.
J’ai pu constater que, dans un nombre non négligeable de parcs de stationnement, des bornes théoriquement accessibles aux personnes handicapées posent en réalité des problèmes pratiques. Il n’est pas rare qu’un automobiliste valide soit obligé de manœuvrer, voire de descendre de son véhicule, pour effectuer le paiement. (M. Didier Guillaume opine.) Dans ces cas-là, il pourrait y avoir des divergences quant à l’appréciation portée sur l’accessibilité effective de ces bornes, ce qui pourrait créer des situations conflictuelles.
Au reste, on sait que beaucoup de parkings privés ou confiés en concession sont en général équipés de ces dispositifs. Ils sont même de plus en plus présents au cœur de nos villes ; la gratuité pourrait donc rapidement devenir marginale. Le cas du parking payant des hôpitaux est probablement, de ce point de vue, le plus choquant.
M. Jean-Claude Requier. C’est vrai !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Ce n’est pas rare…
M. Dominique Watrin. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous nous interrogeons beaucoup sur cette disposition.
La loi de 2005 fait de l’accessibilité un principe auquel les acteurs économiques ne peuvent se soustraire. Nous pourrions donc considérer qu’il revient aux gérants de ces parcs de stationnement de financer eux-mêmes la gratuité du stationnement des personnes en situation de handicap.
Par ailleurs, comme lors de l’examen du texte en première lecture, nous tenons à rappeler au Gouvernement l’ampleur de la fraude à la fausse carte de stationnement, dont chacun s’accorde à dire qu’elle est en recrudescence, de même que l’utilisation indue des places réservées aux personnes en situation de handicap. Vous avez, madame la secrétaire d’État, partiellement répondu sur ce point.
Mes chers collègues, Isabelle Pasquet l’avait rappelé en première lecture au nom du groupe CRC, « nous serons particulièrement vigilants à ce que cette mesure ne soit pas de nature à justifier des dispositifs d’adaptation [au principe d’accessibilité universelle], qui seraient en réalité des renoncements ».
Or, non seulement les gouvernements précédents n’ont pas su trouver les financements nécessaires pour faire respecter les délais de mise en conformité prévus par la loi de 2005, mais le gouvernement actuel a aussi fait adopter un projet de loi d’habilitation qui permet de les repousser, par ordonnance, jusqu’à neuf ans supplémentaires, le tout sans offrir, lui non plus, les moyens financiers pourtant indispensables aux collectivités territoriales. Cela a été dit, nous aurons l’occasion d’en débattre dans le cadre de l’examen prochain du projet de loi de ratification.
Force est néanmoins de constater la colère des associations concernées, qui se mobilisent contre les trop grandes possibilités de dérogations offertes par l’arrêté du 8 décembre 2014 et contre des sanctions non dissuasives en cas de non-respect des obligations.
C’est pourquoi le groupe CRC votera ce texte, mais il rappelle sa réserve sur la disposition adoptée sur l’initiative de Muguette Dini, et alerte le Gouvernement sur la nécessité de trouver, dans les meilleurs délais possibles, les solutions pour la réalisation effective de l’accessibilité universelle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme je l’avais indiqué il y a plus d’un an en première lecture, la question de l’accessibilité est un facteur déterminant de l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées ; les membres du RDSE y sont profondément attachés.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui participe du vaste chantier législatif entrepris en 2005 avec l’adoption de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi, particulièrement ambitieuse, réaffirmait le principe d’accessibilité pour tous. Mais, nous le savons bien, malgré d’incontestables progrès, des efforts importants restent à faire. L’ensemble des établissements recevant du public et les transports en commun devaient être accessibles à tous en 2015. Nous en sommes très loin. Aujourd’hui encore, le handicap continue de se poser comme un défi majeur de notre société.
Comme vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, l’accessibilité, c’est d’abord la possibilité de s’approprier l’espace collectif : pouvoir se rendre à la mairie ou chez le médecin, faire les magasins, aller au restaurant… ou au café ! (Rires.)
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Jean-Claude Requier. C’est aussi pouvoir stationner à proximité du lieu où l’on souhaite se rendre. C’est une condition indispensable pour s’intégrer dans la société et participer aux activités sociales, éducatives ou professionnelles. C’est dans cet esprit qu’une politique de stationnement spécifique a été déployée sur l’ensemble du territoire afin de réserver des places aux seuls titulaires de la carte de stationnement pour personnes handicapées.
Pourtant, le stationnement est encore trop souvent un obstacle pour les personnes handicapées, victimes notamment de l’incivilité d’un certain nombre de conducteurs valides. Notamment, mais pas seulement : Ronan Kerdraon l’avait rappelé en première lecture, les contraintes auxquelles sont confrontés les automobilistes – comme retourner à son véhicule pour y déposer de nouveau un ticket d’horodateur – sont particulièrement dures pour les personnes à mobilité réduite.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Jean-Claude Requier. La proposition de loi déposée par Didier Guillaume n’est certes pas la solution miracle, mais elle devrait améliorer la mobilité des personnes handicapées et faciliter leur accès à l’autonomie, car, comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, elle comporte des dispositions pragmatiques.
Initialement, il s’agissait de permettre aux bénéficiaires de la carte européenne de stationnement de profiter d’un accès gratuit et sans limitation de durée aux places réservées. Sur proposition de la commission des affaires sociales du Sénat, nous avons étendu en première lecture le principe de la gratuité à toutes les places, qu’elles soient réservées ou non aux handicapés, tout en encadrant la non-limitation de la durée de stationnement. De son côté, l’Assemblée nationale a clarifié la rédaction de ces dispositions.
Je pense que le texte qui nous est présenté aujourd’hui va dans le bon sens. Il permettra aux personnes handicapées de se garer à proximité du lieu où elles doivent se rendre,…
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. … harmonisant ainsi des pratiques actuellement très différentes sur le territoire. La mise en place de cette mesure favorisera ainsi leur participation à des activités sociales, professionnelles, éducatives, culturelles ou sportives, sans qu’elles soient soumises à la contrainte parfois grande du stationnement, principalement lorsque toutes les places réservées sont déjà occupées ou qu’il n’en existe pas à proximité du lieu où ces personnes se rendent.
En cela, le présent texte reprend, d’ailleurs, une proposition faite en octobre 2012 par l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, visant à limiter la fatigabilité des personnes à mobilité réduite et à leur permettre de se mouvoir en toute facilité dans la cité.
Pour autant, cette proposition de loi soulève la question de la fraude, que j’avais déjà évoquée en première lecture. Selon l’Association des paralysés de France, une carte sur trois serait fausse ou utilisée de manière frauduleuse. Je crains qu’en offrant un accès gratuit à toutes les places, la carte de stationnement ne fasse l’objet d’une recrudescence de pratiques abusives et frauduleuses. Je sais que l’Imprimerie nationale travaille avec le ministère des affaires sociales (Mme la secrétaire d’État opine.) pour automatiser et sécuriser la délivrance de ces cartes. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous apporter quelques précisions sur ce point ? Il convient en effet d’éviter que ne profitent du dispositif ceux que j’appelle « les faux handicapés qui courent comme des lapins ». (Sourires.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est bien dit !
M. Jean-Claude Requier. Pour terminer, cette proposition de loi ne doit pas nous faire oublier l’impérieuse nécessité de poursuivre notre action en faveur d’une plus grande accessibilité, facteur déterminant de l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées. Je sais que certaines associations craignent que la gratuité du stationnement ne soit un argument pour freiner les aménagements nécessaires à l’accessibilité universelle de la voirie ou des transports en commun. Je pense qu’il est important de les rassurer, et de leur rappeler que l’accessibilité universelle est une priorité du Gouvernement. L’accès à tout et pour tous ne doit pas être un vain mot.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE, dans sa très grande majorité, soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’imagine que chacun d’entre vous se souvient de sa première prise de parole au sein de cet hémicycle ; c’est évidemment quelque chose que l’on n’oublie pas. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mmes Chantal Deseyne et Nicole Duranton applaudissent également.)
M. Yves Pozzo di Borgo. Bravo !
M. Olivier Cigolotti. En tant que nouveau sénateur – fraîchement élu – de la Haute-Loire, c’est ce moment que je partage avec vous.
Je suis particulièrement ému que ma première intervention porte sur un texte tel que celui-ci.
Cela s’explique, primo, par sa thématique. Toute ma vie, en effet, j’ai travaillé dans le secteur social. Mon parcours professionnel m’a amené à être confronté, et particulièrement sensibilisé, aux problématiques du handicap.
Secundo, il est singulièrement gratifiant d’intervenir pour défendre un texte qui consacre une avancée incontestable pour les personnes à mobilité réduite. Cette avancée, de surcroît, trouve son origine dans l’initiative municipale, ce dont tout représentant des collectivités et des territoires ne peut que se réjouir.
En effet, en généralisant à l’ensemble du territoire la gratuité des places réservées aux titulaires de la carte de stationnement, la présente proposition de loi sonne un peu comme la validation de l’expérience menée aujourd’hui par nombre de communes : près de 250, selon l’Association des paralysés de France.
Toutefois, la proposition de loi va beaucoup plus loin.
D’une part, en sus de la gratuité, elle traite de la durée du stationnement.
D’autre part, grâce à la commission des affaires sociales du Sénat, la gratuité et la non-limitation de la durée du stationnement ont été étendues à toutes les places de stationnement, qu’elles soient réservées ou non. Ce point est très important : le quota actuel de places réservées – 2% – paraît nettement insuffisant. Ainsi, à Paris, on compte 50 000 bénéficiaires de la carte pour 5 000 places réservées et aménagées. Le nombre de demandes de carte de stationnement croît en moyenne de 11 % par an depuis 2007. Avec le vieillissement de la population, la tendance ne pourra que s’accentuer.
Le texte présente donc une avancée réelle, qui est aussi réaliste et pragmatique. Afin d’éviter les abus de stationnement, la possibilité est ouverte aux municipalités de fixer une durée maximale à partir d’un seuil minimal de douze heures.
De même, la situation des parkings gérés par délégation de service public n’est pas oubliée, puisque la gratuité s’appliquera à la date du renouvellement des contrats.
Et je tiens à saluer l’apport de notre ancienne collègue Muguette Dini, qui avait fait adopter un amendement prévoyant un régime spécifique pour les parcs de stationnement disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles aux personnes titulaires de la carte de stationnement depuis leur véhicule.
Dans ce cas, le stationnement pourrait ne pas être gratuit.
Tout l’esprit du texte est concentré dans cet amendement. La gratuité ne vient pas ici compenser la situation de handicap. Elle n’est prévue que dans les cas où le paiement est difficile physiquement compte tenu de la mobilité réduite des personnes bénéficiaires de la carte.
Pour toutes ces raisons, nous sommes fondamentalement favorables à ce texte consensuel.
Mais, justement, puisqu’il s’agit d’un texte si consensuel, le nouveau sénateur que je suis ne peut pas s’empêcher de s’étonner de l’historique de la navette.
Le Sénat a adopté la présente proposition de loi à l’unanimité en première lecture le 12 décembre 2013.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Olivier Cigolotti. Or elle nous revient en deuxième lecture seulement aujourd’hui, 11 mars 2015, dans une version fondamentalement identique.
Dans ces conditions, la question s’impose : pourquoi avoir autant attendu ? (M. Didier Guillaume rit.) À vrai dire, rien ne semble devoir justifier une telle attente, pas même un motif politique : les auteurs du texte ne sont autres que notre collègue Didier Guillaume et les membres du groupe socialiste, principale composante de la majorité gouvernementale.
Le néophyte que je suis s’interroge donc. La longueur de la navette du présent texte est proprement incompréhensible, pour ne pas dire choquante. (Mme Catherine Génisson s’exclame.)
Et il est encore plus choquant de constater que la redécouverte de ce texte tombe à point nommé. À l’heure où les associations s’émeuvent de la directive du 26 septembre 2014, qui aménage les conditions de mise en accessibilité du bâti et de la voirie, et où elles doutent de la volonté réelle des pouvoirs publics d’améliorer la mobilité des personnes en situation de handicap, voilà un gage tout trouvé ! J’espère lourdement me tromper en soulignant l’étrangeté de la coïncidence.
En tout état de cause, il est difficilement admissible d’avoir attendu plus d’un an pour adopter définitivement la présente proposition de loi. Le signal adressé aux personnes en situation de handicap est très négatif.
Pour un regard encore extérieur, cela interroge aussi sur le fonctionnement même du Parlement.
M. Olivier Cigolotti. Par exemple, je ne peux m’empêcher de penser à la proposition de loi de mon collègue altiligérien Gérard Roche que le Sénat a adoptée le 25 octobre 2012. Ce texte apporte une vraie solution au problème lancinant de la compensation des dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie, ou APA, au département. Ici encore, la navette s’est, semble-t-il, grippée. Pourtant, la future loi sur l’adaptation de la société au vieillissement ne semble pas devoir elle-même régler la question.
Combien de propositions de loi sont ainsi en panne alors qu’elles pourraient réellement faire avancer les choses ? Encore une fois, le jeune sénateur que je suis s’interroge.
Pour conclure, il me faut tout de même évoquer l’aspect financier de la proposition de loi.
Évidemment, la mesure aura un coût. Comme cela a été rappelé, il est évalué entre 16 millions et 21 millions d’euros. Certes, rapporté à l’ensemble des dépenses communales, c’est peu. Mais ce n’est pas neutre sur le plan des principes. Et le Sénat, en tant que représentant des collectivités, devrait y être particulièrement sensible.
Une fois encore, une charge est transférée aux communes sans compensation. Une fois encore, c’est sur les collectivités que l’on compte pour mettre en œuvre ce qui est en réalité une politique nationale.
À l’heure où, parallèlement, les dotations ne cessent de rétrécir, une telle logique, tout comme celle des navettes gelées, interroge le nouveau parlementaire que je suis.
Cependant, le groupe de l'UDI-UC est, je le rappelle, tout à fait favorable à ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – Mmes Chantal Deseyne et Nelly Tocqueville applaudissent également.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez.
Mme Vivette Lopez. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, avant d’en venir plus précisément à la présente proposition de loi, j’aimerais avoir une pensée pour tous ceux qui ont perdu la vie lors du terrible drame en Argentine, en particulier pour nos trois sportifs français.
La mise en application de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées passe aussi par l’accessibilité et la mobilité des personnes en situation de handicap.
Parvenir à une société inclusive où les personnes en situation de handicap ont un emploi suppose que celles-ci aient la capacité de se déplacer et de stationner sans contrainte. Il y va du maintien de la cohésion sociale du pays.
En effet, l’accès des personnes en situation de handicap à une vie sociale, aux études, à un emploi, mais aussi aux loisirs, dépend avant tout de leur mobilité. Pourtant, les personnes en situation de handicap sont, nous le constatons, trop souvent contraintes et freinées par un espace public qui ne répond pas toujours à leur condition.
Le monde du handicap attend ce texte, qui élargit le principe de gratuité et de non-limitation de l’ensemble des places de stationnement, pour une durée maximale ne pouvant pas être inférieure à douze heures.
Ce principe de gratuité avait d’ailleurs été proposé par notre collègue Philippe Bas, ancien ministre. Mais il avait jusqu’à présent été rejeté par le Gouvernement.
En effet, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, avait émis un avis bien frileux, sous prétexte que la proposition de loi revenait à « déresponsabiliser les autorités communales » et faisait preuve d’une « défiance totale à l’égard des élus de France ». C’est tout de même regrettable.
Je me réjouis que le Gouvernement soit donc prêt aujourd’hui à un changement d’orientation ; son ancien positionnement était plutôt réticent.
Nous devons faire preuve de pugnacité, dans un contexte où la mise en place de l’accessibilité et de la mobilité des personnes en situation de handicap reste difficile.
D’une part, un certain nombre d’automobilistes peu scrupuleux ne respectent pas les droits des handicapés, et ce au-delà de tout civisme ; ils débordent, bloquent et stationnent sur leurs emplacements réservés. Les résultats du renforcement des contrôles et du passage de l’amende forfaitaire simple de 35 euros à une contravention de quatrième classe de 135 euros sur les places handicapés sont concluants.
D’autre part, la gratuité et la non-limitation à l’ensemble des places de stationnement imposent de nouvelles contraintes législatives qui, une fois de plus, incombent aux maires.
Pourtant, les enjeux en termes d’accessibilité sont fondamentaux pour les handicapés. Aujourd’hui, les personnes en situation de handicap préparent minutieusement leurs déplacements quotidiens, au regard des difficultés de stationnements. Elles doivent sortir de leur véhicule, se rendre à l’horodateur, payer et, enfin, revenir à leur moyen de transport pour y déposer le ticket de stationnement.
La gratuité généralisée des places de stationnement réduira leurs efforts et leur apportera une plus grande fluidité dans leurs déplacements.
Le manque à gagner pour les 36 000 communes de France a été évalué entre 16 millions d’euros et 21 millions d’euros. Les collectivités ne seront donc pénalisées financièrement qu’à la marge par la présente proposition de loi.
Au demeurant, l’exonération de la redevance est une pratique développée dans plus de 250 communes en France. La présente proposition de loi uniformise cette tendance, afin de réduire les inégalités de traitement sur l’ensemble du territoire national.
De tels efforts législatifs doivent être élargis de manière transversale à toutes les politiques publiques.
Je formule d’ailleurs le regret que cette proposition de loi n’aille pas plus loin et qu’elle ne traite pas du manque de places réservées et aménagées pour les personnes en situation de handicap, notamment dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD. Ces établissements manquent de places aménagées au regard du grand nombre de personnes à mobilité réduite qui les fréquentent. Je souhaiterais connaître votre sentiment à cet égard, madame la secrétaire d’État.
Quoi qu’il en soit, il faut saisir les occasions favorables, relever les défis, afin de tendre vers l’esprit de l’accessibilité et de la mobilité universelle. Pour les personnes en situation de handicap, accéder, c’est exister.
Je voterai, et la grande majorité de mon groupe avec moi, la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi a pour seul objectif d’instaurer une mesure pratique destinée à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap.
Notre assemblée, à travers les travaux de notre collègue Claire-Lise Campion, s’était saisie de la question de l’accessibilité et a incontestablement contribué à une nécessaire prise de conscience dix ans après l’adoption de loi du 11 février 2005.
En matière de prise en compte du handicap, il faut, me semble-t-il, rester humble et considérer que chaque pas, chaque avancée, aussi modeste soit-elle, permet de réduire l’écart pour tendre vers une société inclusive.
Ce concept de société inclusive doit guider toutes nos pensées lorsque nous évoquons le handicap. Il doit être notre objectif commun. À en juger par les interventions des orateurs qui viennent de se succéder à la tribune, je constate que c’est le cas.
Et c’est bien le seul objectif de ce texte que je vous ai proposé en première lecture.
Je connais bien la question du handicap et de l’accessibilité, non seulement comme président de conseil général, donc responsable de fait de la MDPH, mais également à titre personnel, car j’ai vécu cela dans le cadre familial pour l’un de mes très proches.
J’ai pu le constater, si un des maillons de la chaîne de déplacement est défaillant, c’est toute la chaîne qui est cassée. Le stationnement est un des maillons de cette chaîne. Il faut apporter un certain nombre de réponses.
Bien entendu, il s’agit ici de faire preuve non pas de condescendance, mais de compréhension des difficultés.
Le texte a pour objectif d’assurer la meilleure autonomie possible. Faciliter le stationnement en levant la limitation de temps ou en instaurant la gratuité n’est pas une mesure discriminatoire. Au contraire, c’est un facteur d’inclusion dans notre société.
D’abord, le stationnement est un élément important de la mobilité pour assurer l’accessibilité d’un parcours classique de déplacement dans la vie quotidienne.
Surtout, pour s’épanouir socialement, pour participer à des activités sociales, professionnelles, culturelles, sportives, éducatives, il faut être mobile et autonome. Il faut tout mettre en œuvre pour que chaque citoyen puisse prendre sa juste part dans notre société.
Cette proposition de loi ne changera évidemment pas la vie de ces personnes ; il faudrait prendre d’autres mesures. Mais peut-être leur permettrons-nous d’avoir une vie plus épanouie en améliorant et en résolvant certains petits soucis du quotidien.
En fait, ce constat relève uniquement du réalisme. Il s’agit de prendre acte de la réalité, voire des difficultés dans l’application d’une loi, sans abdiquer sur les principes.
Madame la secrétaire d’État, les agendas d’accessibilité programmée, ou Ad’AP, sur lesquels vous travaillez, auront, j’en suis convaincu, le mérite d’obliger les élus et maîtres d’ouvrage à figer, à orienter, à prendre des engagements dans le temps, à les formuler et, au final, à les respecter. Nous avons besoin non pas d’incantations, mais de réalisations concrètes, avec un calendrier !
La présente proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap est une modeste contribution au chantier de l’accessibilité partout et pour tous.
Ainsi, à l’éclairage de mon expérience de terrain, je sais que la mise en accessibilité des espaces publics et privés, des espaces commerciaux ou administratifs, n’est pas satisfaisante s’il n’est pas possible de se garer à proximité de ces lieux.
Je prendrai un exemple simple. Dans la Drôme, les locaux du conseil général et de la préfecture sont situés au même endroit, c'est-à-dire au centre-ville de Valence, où l’ensemble des parkings environnant sont à durée limitée et payants. Dans ces locaux, des réunions se tiennent régulièrement, par exemple celle de la commission départementale d’accessibilité chargée d’examiner la bonne application de la loi de 2005 dans les établissements recevant du public.
Dans ces commissions siègent des représentants de l’APF et de la FNATH. Comme il n’est pas discriminatoire de réserver des places de stationnement adaptées au plus près des espaces publics, il n’est pas plus discriminatoire de faciliter le stationnement des personnes handicapées lorsqu’il est limité dans le temps, l’objectif étant bien de ne pas soumettre les personnes en situation de handicap aux mêmes contraintes temporelles que les autres. Il est important de préciser que la gratuité est ici non pas la finalité, mais la conséquence de cette proposition.
De nombreuses municipalités se sont d’ailleurs d’ores et déjà engagées dans cette voie, certaines depuis très longtemps, comme l’a souligné Mme la rapporteur. Lorsque j’étais maire, j’ai moi-même été confronté à cette situation. Dans les petites villes de province, il est fréquent de donner des consignes à la police municipale afin qu’elle ne verbalise pas les personnes en situation de handicap. C’est le cas à Grenoble, comme l’a rappelé Claire-Lise Campion, où le stationnement est payant pour les personnes à mobilité réduite, avec néanmoins une tolérance de la police. À Bordeaux, le stationnement est gratuit pour les places en aérien, avec une tolérance pour les places non adaptées si le macaron GIC, grand invalide civil, est mis sur le pare-brise. À Saint-Étienne, toutes les places sont gratuites en surface pour les personnes à mobilité réduite.
Nous le constatons, la prise de conscience des élus locaux est là, la mécanique est enclenchée. Dans la mesure où nous sommes les représentants des collectivités, nous avons le devoir d’essayer d’aller plus loin. N’avons-nous pas tous reçu, au cours de nos mandats locaux, le témoignage de personnes directement concernées par le handicap qui nous disaient : « Vous qui avez le pouvoir de légiférer, faites quelque chose pour faciliter notre stationnement, car notre vie, que nous voulons la plus normale possible, est déjà compliquée » ?
Mes chers collègues, c’est pour l’ensemble de ces raisons que j’ai souhaité vous soumettre cette proposition de loi, il y a déjà bien longtemps ainsi que l’a souligné l’un des orateurs. Je n’ai qu’un seul objectif à travers cette mesure : qu’un parent âgé, un oncle, une tante, puisse continuer à faire ses courses de façon autonome, avec un accès aux commerces ou à la pharmacie ; que la personne en fauteuil puisse se garer facilement pour accéder au centre-ville, à la mairie ou au bureau de poste ; que notre voisin puisse suivre une scolarité la plus normale possible au sein de l’école de son quartier et que ses parents puissent se garer à proximité de son établissement scolaire ; que le sport soit accessible à tous, pratiquants ou spectateurs, quel que soit le handicap.
Tout simplement, mes chers collègues, je vous propose de voter cette proposition de loi pour qu’elle puisse être rapidement mise en œuvre. Comme l’a relevé Mme la rapporteur dans son rapport, cette initiative est destinée à franchir une étape supplémentaire vers l’accessibilité universelle, tel est notre objectif. Le pas que nous allons faire aujourd'hui, si notre assemblée adopte ce texte en deuxième lecture, sera important pour mettre en place une société inclusive et pour que la notion de vivre ensemble dans la cité soit une réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l’UDI-UC. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, j’accueille avec satisfaction, mais aussi avec une certaine curiosité, cette proposition de loi de M. Didier Guillaume, qui reprend l’amendement du président Philippe Bas, déposé à l’article 36 bis du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui était en discussion au Sénat en novembre 2013, amendement sur lequel Mme Marylise Lebranchu avait émis un avis défavorable.
Je tiens à saluer le travail du Sénat : les modifications que notre assemblée a apportées au texte ont été intégralement conservées par l’Assemblée nationale. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant...
Je profite de mon intervention pour attirer l’attention de chacune et de chacun d’entre nous sur l’orientation de notre réflexion quant aux questions d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, notamment en matière de stationnement. Je peux d’autant plus me le permettre que je suis vice-présidente du Grand Évreux Agglomération chargée de la mobilité et de l’accessibilité. Je salue cette proposition de loi, mais elle permet aussi d’élargir le débat. Il me semble nécessaire d’aller plus loin.
La loi du 11 février 2005 prévoit, à son article 2, et pour la première fois, une définition du handicap qui s’entend comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions ».
Cette loi dresse ensuite la liste des champs sur lesquels peut porter la perturbation, ils sont au nombre de six : les fonctions physiques, c’est-à-dire le handicap moteur, les fonctions sensorielles, mentales, cognitives, psychiques ou le polyhandicap. Faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap, à tout âge de la vie, c’est faciliter le stationnement de toutes ces personnes dont la limitation de déplacements est reconnue.
J’ai retenu en particulier une phrase de Jean-François Chossy, pour qui l’accessibilité est non pas la largeur des portes mais la grandeur d’esprit. Avec cette proposition de loi, allons-nous assez loin sur les questions d’accessibilité ? Allons-nous dans le sens voulu par une personne en situation de handicap ayant des déficiences auditives ou encore visuelles ? Respectons-nous sa volonté ?
Francine Maragliano, élue déléguée aux personnes en situation de handicap à la ville d’Évreux et représentante des usagers à l’observatoire régional de Normandie, avec qui je travaille en étroite collaboration sur les questions d’accessibilité au Grand Évreux, m’a fait part de ses réflexions. Ne serait-il pas plus approprié de faciliter en priorité le stationnement pour les personnes en situation de handicap à proximité des lieux d’accès aux soins, comme les pharmacies, les cabinets de médecin, les laboratoires ou tout autre point de santé ? Ne faudrait-il pas le faciliter également à proximité des lieux dont l’intérêt est grand dans la vie quotidienne, comme les banques, les assurances, les boulangeries ? Nous ferions alors un véritable pas en avant en faveur de l’accessibilité pour tous.
Nous devons avant toute chose entendre et écouter les personnes en situation de handicap. Ma collègue élue à Évreux m’a donné un exemple marquant : la signalétique. Lorsque l’on parle de stationnement pour personnes handicapées, nous pensons instantanément au logo bleu représentant une personne en fauteuil. Ce logo existe en France depuis les années soixante et a été créé par une étudiante danoise à l’occasion d’un concours de design. Plus de cinquante ans après, ce logo représente dans l’inconscient collectif l’ensemble des situations de handicap. Pourtant, aujourd’hui, les personnes en fauteuil ne représentent que 5 % de ceux qui sont en situation de handicap. Avoir une réflexion sur ce logo, c’est élargir le débat. Avoir une réflexion sur la notion de « personne en situation de handicap », c’est aussi élargir le débat.
Élargir le débat, c’est se préoccuper de tous les handicaps évoqués et définis dans la loi de 2005. Élargir le débat, c’est également retrouver le sens premier du droit en le rendant accessible à tout citoyen à tout âge de la vie. C’était d’ailleurs l’objectif initial de la loi du 11 février 2005 qui était sous-tendu par une seule et unique intention : « l’accès à tout pour tous ».
Élargir le débat, c’est aussi remettre les personnes en situation de handicap au cœur du débat. Souhaitent-elles vraiment être des citoyens à part ?
Je souhaite également aborder l’utilisation frauduleuse de cartes de stationnement pour personnes handicapées. Hélas ! la mise en place de la nouvelle carte européenne de stationnement n’a pas permis d’endiguer la circulation de faux documents, qui restent aisément accessibles sur internet. Les communes n’ont généralement pas les moyens de contrôler les titulaires de ces cartes, et ce sont finalement les titulaires de droit qui subissent ces incivilités ! Un vrai travail reste à faire concernant la sécurisation de ces cartes de stationnement.
Je souhaite sincèrement que cette proposition de loi nous permette d’aller plus loin, qu’elle soit l’occasion d’élargir le débat sur la prise en compte des six handicaps définis dans la loi de 2005.
Pour conclure, je citerai Marcel Proust : « le seul, le vrai, l’unique voyage c’est de changer de regard ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, étant la dernière à intervenir dans la discussion générale, je rappellerai les arguments qui doivent nous faire voter avec conviction en deuxième lecture cette proposition de loi.
C’est en effet en décembre 2013 que le Sénat a adopté, après un très large consensus, cette proposition de loi présentée par le président du groupe socialiste du Sénat, Didier Guillaume, que je remercie chaleureusement de son engagement fort, car il s’agit d’un enjeu important. L’Assemblée nationale a, à son tour, adopté cette proposition de loi le 25 novembre dernier, après quelques modifications rédactionnelles.
Ce texte a pour objectif de faciliter la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, il vise à retisser du lien social. En facilitant le stationnement des personnes handicapées titulaires de la carte de stationnement, le dispositif proposé répond en partie à une exigence de compensation concrète du handicap : permettre de mieux vivre tout ce qui compte pour la qualité du quotidien.
Comme l’a rappelé notre rapporteur, Claire-Lise Campion, que je veux ici saluer pour son engagement indéfectible auprès des personnes handicapées, le Sénat, en première lecture, a étendu les règles de gratuité et de non-limitation de la durée de stationnement à l’ensemble des places, qu’elles soient ou non réservées aux personnes handicapées.
Les personnes handicapées titulaires de la carte de stationnement pourront donc occuper gratuitement et sans limitation de durée toutes les places de stationnement, ce qui constitue une indéniable avancée concrète. Les communes disposeront d’un délai de deux mois, après la promulgation de la loi, pour s’adapter à ces nouvelles dispositions.
Le Sénat, dans sa sagesse coutumière, a entendu un certain nombre d’inquiétudes relatives, par exemple, au risque de stationnement abusif faute de limitation de durée. Ainsi, le Sénat a ouvert la possibilité aux autorités compétentes de fixer une durée maximale de stationnement en respectant le seuil de douze heures minimum.
De même, certains acteurs associatifs, politiques, se sont inquiétés de la gratuité, comme dérogation au droit commun, et notre président de groupe Didier Guillaume a légitimement insisté sur le fait que la gratuité n’était pas une fin en soi, mais constituait une incitation à aller plus loin, pour faciliter la vie quotidienne des personnes handicapées.
Des inquiétudes ont vu le jour sur l’impact pour les finances locales de la gratuité du stationnement – une de nos collègues a d’ailleurs mis l’accent sur la faible incidence d’une telle mesure. C’est une crainte qui pourrait paraître légitime, mais Mme la secrétaire d’État va certainement rappeler que le coût d’une telle disposition est tout à fait marginal. Je souligne que de nombreuses collectivités ont déjà octroyé la gratuité aux personnes handicapées titulaires d’une carte de stationnement.
Une autre source d’inquiétude pour les maires est l’augmentation du phénomène de falsification des cartes de stationnement. Madame la secrétaire d’État, vous êtes très au fait de ce sujet ; je ne doute donc pas que vous allez faire le point devant nous sur les actions menées pour lutter contre ces incivilités.
Cette proposition de loi est une étape importante, car pragmatique, mais c’est seulement une étape vers l’accessibilité universelle, qui est l’objectif du Gouvernement, objectif que nous partageons tous, j’en suis persuadée.
Le Président de la République s’est engagé à ce que le handicap soit une préoccupation majeure de la politique gouvernementale pendant l’ensemble du quinquennat. Ainsi, dès septembre 2012, le Premier ministre avait adressé une circulaire à tout le gouvernement lui demandant de prendre en compte le handicap dans l’ensemble des politiques publiques.
Cela a été le cas pour des textes majeurs de portée générale comme la loi portant création des emplois d’avenir ou la loi portant création du contrat de génération. Une autre illustration ô combien significative de cette volonté est la scolarisation des enfants en situation de handicap, qui est une priorité dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, car l’école doit viser à l’inclusion scolaire de tous les élèves.
Depuis la rentrée scolaire de 2012, 2 150 postes d’auxiliaires de vie scolaire individuels ont été créés. Un nouveau statut des accompagnants des élèves en situation de handicap a été institué, ce qui garantit une reconnaissance de leurs compétences et une continuité de l’accompagnement tout au long du parcours de l’élève. Ainsi, depuis 1er septembre 2014, 23 300 accompagnants des élèves en situation de handicap bénéficient d’un contrat à durée déterminée et pourront signer un contrat à durée indéterminée au terme de six années ; 4 700 postes sont d’ores et déjà en contrat à durée indéterminée.
Par ailleurs, dès 2012, le Gouvernement a fait le constat du retard pris dans la mise en œuvre de la loi de 2005. Nos deux collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré ont ainsi corédigé en juillet 2012 un excellent rapport d’information sénatorial sur l’application de la loi de 2005. Claire-Lise Campion a aussi été chargée par le Premier ministre d’une mission parlementaire afin de définir, avec l’ensemble des acteurs, les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés pour 2015. À la suite de la publication de son rapport Réussir 2015 ont été mis en place les agendas d’accessibilité programmée, les Ad’AP, qui permettront aux acteurs publics et privés qui ne sont pas en conformité avec la loi de 2005 de s’engager sur un calendrier précis et resserré de travaux d’accessibilité des bâtiments et des transports.
En conclusion de mon propos, je voudrais insister sur le fait que les crédits inscrits dans la loi de finances pour 2015 au titre du programme « Handicap et dépendance » s’élèvent à 11,6 milliards d’euros, soit une hausse de 2,4 % par rapport aux crédits de la loi de finances pour 2014. Ce signe très fort qu’envoie le Gouvernement montre sa volonté de favoriser le « vivre ensemble », tous ensemble.
La présente proposition de loi s’inscrit donc dans une politique active en faveur des personnes en situation de handicap menée depuis 2012. Cette proposition de loi – cela a été dit à plusieurs reprises – n’est qu’une étape, mais une étape nécessaire et importante. Aussi, j’invite tous mes collègues à la voter avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je ne reprendrai pas certains des propos de mon intervention liminaire par lesquels j’ai par avance répondu à plusieurs des questions qui pouvaient effectivement se poser. Néanmoins, je souhaite revenir sur la question – qui a été abordée par les représentants de tous les groupes de votre assemblée – de l’utilisation frauduleuse des cartes, afin de vous apporter des compléments d’information.
D’abord, je rappelle que cette utilisation frauduleuse est déjà réprimée par le code pénal. Des instructions régulières sont données aux forces de l’ordre au niveau national pour qu’elles contrôlent les utilisateurs de cartes de stationnement au moment où ils stationnent. Ce contrôle est évidemment plus efficace si les forces de police municipale font de même.
Par ailleurs, un autre aspect de l’utilisation frauduleuse a trait à la falsification des cartes. À cet égard, je souhaite revenir sur le système que nous sommes en train de mettre en place.
Il est souvent très compliqué pour les MDPH de fabriquer ces cartes, et cela prend beaucoup de temps. C’est la raison pour laquelle le ministère des affaires sociales a souhaité travailler sur un nouveau système qui soit informatisé. Ce système informatique, intitulé Go Carte, qui est déjà en cours de tests et sera disponible d’ici à la fin de 2015, permettra d’uniformiser et de simplifier la délivrance des cartes. Il sera mis à disposition à la fois des services de la cohésion sociale puisque, dans certains départements, ce sont eux qui délivrent les cartes, ainsi que des MDPH. Les MDPH qui le souhaitent pourront aussi disposer de ce système d’information qui leur permettra de fabriquer ces cartes.
Ce système permettra de fabriquer, dans un premier temps, les cartes de stationnement et, dans un second temps, la fameuse carte commune dont je vous ai parlé, qui regroupera carte de stationnement et carte de priorité.
Alors que nous sommes dans une période de mutation où se met en place un nouveau système de fabrication des cartes, nous avons été très attentifs, lors de tout le processus d’élaboration du système d’information, à ce qu’il n’y ait pas de falsification possible.
Néanmoins, ayant entendu vos inquiétudes, je vous propose que le ministère des affaires sociales, tout le temps de cette mutation, crée un groupe de travail avec le ministère de l’intérieur et avec l’Assemblée des départements de France, puisqu’ils sont concernés via les MDPH. Nous pourrons ainsi, tout au long de la mise en place de ce nouveau système de création des cartes, sensibiliser de façon très régulière les forces de l’ordre (M. Yves Pozzo di Borgo s’exclame.) afin qu’elles vérifient que la mise en œuvre de ces cartes ne se solde pas par plus de fraude.
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait d’accord !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Cette sensibilisation permanente des forces de l’ordre au niveau national pourra se faire avec l’aide du ministère de l’intérieur mais il sera intéressant qu’une sensibilisation s’effectue également au niveau municipal.
Voilà la réponse que je voulais vous donner sur cette question de la fraude. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement
Article 1er
(Non modifié)
I. – L’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée :
« La carte de stationnement pour personnes handicapées permet à son titulaire ou à la tierce personne l’accompagnant d’utiliser, à titre gratuit et sans limitation de la durée de stationnement, toutes les places de stationnement ouvertes au public. » ;
b) Après cette même phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement peuvent fixer une durée maximale de stationnement qui ne peut être inférieure à douze heures. » ;
c) Au début de la seconde phrase, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La carte de stationnement » ;
2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes autorités peuvent également prévoir que, pour les parcs de stationnement disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule, les titulaires de cette carte sont soumis au paiement de la redevance de stationnement en vigueur. »
II. – (Non modifié)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l'article.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, nombreuses sont les villes françaises qui appliquent la gratuité du stationnement réservé aux personnes en situation de handicap par décision du conseil municipal.
C’est pourquoi il pourrait paraître étonnant qu’une loi soit votée pour étendre cette pratique sur l’ensemble du territoire national alors que cela est parfaitement possible au niveau local.
Beaucoup de nos compatriotes pensent d’ailleurs que la gratuité est déjà effective partout. Or, dans chaque ville de France, la disparité des conditions de stationnement des personnes en situation de handicap diffère en fonction des arrêtés municipaux.
Une expérience concrète récente me conduit à vous exprimer combien l’application de cette loi attendue est urgente.
Une personne âgée en fauteuil roulant est venue à ma permanence pour me faire part de son indignation. Originaire de Bordeaux, elle avait coutume de se garer sur les places « handicapés » gratuitement. Elle ne comprenait pas qu’à Nantes elle soit redevable d’une amende pour stationnement irrégulier, amende qui fut maintenue malgré plusieurs courriers de réclamation de sa part. Car, à Nantes, le stationnement est payant sur les 778 emplacements réservés aux personnes handicapées.
Si cette même personne se rend à Lille, elle peut stationner gratuitement sur les places réservées. Mais si elle se gare sur un emplacement ordinaire sans payer, elle peut être sanctionnée par un procès-verbal de 135 euros et une mise en fourrière. Je vous laisse imaginer les complications pour une personne en fauteuil roulant dans ce type de situation.
Si cette personne vient à Paris, elle bénéficiera d’un stationnement gratuit sur tous les emplacements de voirie, réservés ou ordinaires, sans durée limite de stationnement, hormis celle du code de la route, à savoir sept jours consécutifs. À Paris, on compte 50 000 bénéficiaires de la carte européenne de stationnement pour simplement 5 000 places réservées.
Voici quatre situations différentes dans quatre grandes villes de France : Bordeaux, Nantes, Lille et Paris, et je ne reviens pas sur les exemples cités par mon collègue Guillaume.
Cet exemple illustre que l’autonomie et la mobilité de celles et ceux qui ont le plus de difficulté doivent être facilitées en harmonisant, au plan national, les conditions du stationnement. Toutes ces différences entretiennent, vous l’aurez compris, une confusion nationale.
Un conducteur, par définition, se déplace et stationne. S’adapter aux réglementations de chaque ville qu’il traverse est une gageure à laquelle s’ajoute la difficulté d’accéder aux points de paiement, qui eux-mêmes nécessitent parfois des modes de règlement différents. Devoir se rendre à un bureau de tabac, par exemple, pour se procurer une carte de stationnement peut compliquer encore les choses pour la personne handicapée.
Se garer à la place des personnes à mobilité réduite est déplorable, tout le monde l’a dit. Permettez-moi d’illustrer mon propos par un cas concret.
Dans ma commune, il n’y a pas de stationnement irrégulier sur les places « handicapés ». Cela vous surprend, avant de vous dire comment nous sommes parvenus à un tel résultat, je vous fais patienter quelques secondes ; c’est du teasing. (Sourires.) Depuis 1998, le conseil municipal des enfants a mené une campagne de sensibilisation. Il a créé des panneaux spécifiques où ce sont les enfants qui s’adressent à la population afin qu’elle respecte les emplacements réservés. Donc, sur chaque emplacement, se trouvent ces panneaux qui interpellent les automobilistes. Résultat, lorsque des automobilistes sont interpellés par des enfants, je peux vous l’assurer, l’action s’avère très efficace. En 2000, l’Association des paralysés de France leur a décerné le prix Victoire sur le handicap.
Depuis quinze ans, nous ne constatons pratiquement aucune infraction, ce qui prouve que la sagesse vient aussi parfois de nos plus jeunes. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
Il nous appartient de mieux faire savoir que les places adaptées sont soumises à des normes particulières, dont les contrevenants ne mesurent pas toujours l’importance. On devrait peut-être faire un Sénat des enfants. (Exclamations sur plusieurs travées.)
L’avancée majeure de cette proposition de loi est d’organiser la gratuité du stationnement pour les personnes handicapées dans toutes les villes pour un délai d’au moins douze heures.
La seconde avancée est une innovation qui permet le stationnement gratuit des conducteurs handicapés sur les places payantes ordinaires.
Ces deux avancées dont nous débattons aujourd'hui nous obligeront néanmoins à renforcer notre vigilance parce que la gratuité peut provoquer une flambée des demandes de carte européenne de stationnement. Madame le secrétaire d'État, vous l’avez dit à l’instant, il faudra lutter contre les fraudes encore davantage, renforcer le contrôle des demandes liées au vieillissement naturel de la population, ainsi qu’à la convoitise que la gratuité risque d’occasionner.
De même, comment pourrons-nous assurer la sécurité et éviter des complications liées à l’ouverture des portières ou le passage du fauteuil sur des emplacements ordinaires ? On le sait, les personnes en fauteuil ont besoin d’espace et de temps, parfois incompatibles avec le trafic urbain.
En résumé, la proposition de loi initiale se limitait à la gratuité des places réservées. Le texte actuel a évolué jusqu’à la gratuité et la quasi-absence de limitation dans le temps du stationnement sur l’ensemble des places ouvertes au public. Cela répond davantage aux attentes et aux besoins des personnes en situation de handicap. Il s’agit là d’un progrès humaniste à l’initiative du Sénat, et nous pouvons en être fiers.
La gratuité n’est pas un avantage accordé, mais une réponse adaptée aux difficultés à se déplacer pour des personnes en situation de handicap.
Après le débat de cet après-midi et celui qui a eu lieu le 12 décembre 2013, nous validons finalement une expérience déjà appliquée par beaucoup de communes et nous clarifions, pour nos concitoyens, une situation trop disparate.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera cette proposition de loi sans la moindre modification, donc dans son intégralité. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées de l’UMP et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, cette année, nous fêtons les dix ans de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a incontestablement donné un nouveau souffle à la politique en faveur du handicap. Elle a permis de nombreuses avancées depuis la loi précédente de 1975, en termes d’emploi, de compensation, d’accessibilité, de citoyenneté. Elle a permis aussi un changement notable du regard porté sur le handicap.
Aujourd’hui, nous examinons une proposition de loi tendant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap. Elle est d’apparence effectivement très consensuelle.
Depuis la loi de 2005, chaque commune, ou si la compétence a été transférée, chaque EPCI, doit élaborer un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, PAVE. Ce document doit permettre d’assurer une répartition homogène de l’ensemble des emplacements réservés aux personnes en situation de handicap sur le territoire de la commune.
Lorsqu’il existe un plan de déplacements urbains, ou PDU, le PAVE fait partie intégrante de celui-ci. La problématique du stationnement des personnes handicapées est donc déjà connue et traitée par de nombreuses communes, comme cela a été rappelé. Celles-ci aujourd’hui organisent donc un plan de stationnement et octroient ou non la gratuité du stationnement en vertu de l’article L. 2213–6 du code général des collectivités territoriales.
Or l’article 1er de la proposition de loi tend à rendre gratuit ce stationnement. Je souhaiterais apporter un bémol à cette généreuse proposition, au nom du principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par la Constitution.
En effet, je suis convaincue que cette proposition de loi vient restreindre le pouvoir du maire de choisir ou non d’assurer la gratuité du stationnement. Figer dans la loi cette obligation de gratuité ôte un outil qui relève d’un choix politique effectué par chaque municipalité.
Au Havre, où je suis particulièrement chargée de ces questions de politique du handicap, la municipalité, en lien avec l’ensemble des associations, qui sont nos partenaires, et avec qui nous discutons régulièrement, a décidé depuis vingt-cinq ans de mener une politique très volontariste en matière de stationnement pour les personnes handicapées. C’est un vrai choix politique de la commune, qui s’inscrit dans une démarche globale d’accessibilité des lieux.
Les personnes titulaires d’une carte de stationnement peuvent donc se garer gratuitement sur les places réservées, mais aussi sur toutes les places standard du parc de stationnement havrais. De plus, depuis quelques années, la mairie a mis en place la géolocalisation des places disponibles permettant aux personnes handicapées d’anticiper et de pouvoir se déplacer plus librement.
Il me paraît évident que rendre gratuit l’ensemble des parcs de stationnement ne permettra pas d’augmenter le nombre de places. Véritablement, la demande des associations, c’est la multiplication des places dédiées aux personnes handicapées. En effet, ces places ne sont pas assez nombreuses. Il est donc nécessaire d’étendre leur nombre.
Il faut faire confiance aux collectivités et à leurs représentants pour définir cette politique en matière de stationnement, notamment des personnes handicapées. Les mairies sont l’échelon le plus proche des citoyens, des associations. Elles sont capables de construire un dialogue pour créer les conditions de vie favorables à leurs administrés. Cessons de légiférer, de surajouter des normes et faisons confiance aux maires pour qu’ils puissent développer une politique en faveur des handicapés, notamment en leur permettant de stationner gratuitement, comme cela se pratique déjà dans de nombreuses communes de France, ainsi qu’on l’a vu aujourd’hui.
Élue d’un département où de nombreuses petites communes maillent le territoire, je crains que ces nouvelles normes ne fragilisent encore ces dernières et n’imposent des contraintes supplémentaires aux maires.
Je souhaite donc que les communes restent maîtresses de leur politique et demeure très réservée sur cette proposition de loi. (M. Daniel Gremillet et Mme Françoise Gatel applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, sur l'article.
M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la secrétaire d'État, j’aimerais vous faire part de quelques observations pour que vous puissiez agir plus efficacement sur certains points. À Paris, comme dans toutes les grandes métropoles, il est vrai que le quota des places réservées est insuffisant au regard de l’augmentation du nombre de titulaires de la carte, qui s’explique notamment par l’élargissement des critères d’éligibilité. Les chiffres ont déjà été cités.
La carte donne accès au stationnement réservé à des personnes atteintes de pathologies aux conséquences invalidantes, mais pas nécessairement visibles. À Paris, la ville ne dispose que de 5 000 places de stationnement réservées, alors que le nombre de bénéficiaires de cette carte est de 50 000, auquel on peut ajouter les handicapés de la périphérie parisienne qui viennent dans la capitale.
Mme Catherine Procaccia. Il faut qu’ils puissent venir tout de même !
M. Yves Pozzo di Borgo. Bien sûr !
À Paris, le problème vient du fait que, depuis de nombreuses années, nous avons diminué la place de la voiture. Nous assumons cette politique, mais les questions de stationnement restent les mêmes. Par conséquent, nous avons maintenant plus de 150 000 motos par jour, lesquelles peuvent également se garer sur des stationnements résidentiels, pour 30 000 places !
En tant qu’élu d’arrondissement, j’ai fait installer, sur la place où je vis, quatre places de stationnement pour handicapés sur un total de vingt places. Ce type de place prend en réalité une place et demie, car il faut prévoir un espace pour permettre à la personne handicapée, surtout si elle souffre d’un handicap moteur, de descendre de son véhicule.
J’ai constaté que ces places sont très souvent occupées par des personnes qui ont de fausses cartes. Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, il n’y a pas de police municipale à Paris depuis messidor an VII : c'est l’État qui gère la police dans notre ville. Or il n’arrive jamais qu’un agent verbalise pour détention de fausse carte. On voit pourtant très bien que ces titres sont faux !
Les personnes handicapées ne peuvent donc pas se garer. Cette question est très importante. J’étais heureux que vous y ayez prêté attention dans votre intervention liminaire et dans votre réponse.
Un important travail doit être conduit avec le ministère de l’intérieur sur ce point. Les agents ne sont pas formés à ce type de fraude. Il faut aussi soulever la question des critères d’attribution de la carte, qui sont importants, et le problème des fausses cartes.
À Paris, le phénomène est grave. Nous sommes la ville la plus grande de France, et les questions de stationnement sont vraiment problématiques. Pour trouver une place, c'est le « struggle for life » !
J’aimerais aussi pointer l’attention sur un autre problème. La gratuité des places pour handicapés est une très bonne chose ; je suis d’accord avec l’esprit du texte et je soutiens l’initiative de Didier Guillaume. Mais il ne faudrait pas que, dans certaines villes, on supprime les places de stationnement déjà réservées aux handicapés. Nous devons conserver ces places, et j’interviendrai en ce sens au Conseil de Paris.
Car, malgré tous les efforts que le ministère de l’intérieur et vous-même allez faire, on sait très bien que la fraude va continuer. Je souffre profondément de voir, dans mon arrondissement, des personnes handicapées qui ne peuvent pas se garer parce que, sur les places réservées, stationnent des voitures avec de fausses cartes.
Madame la secrétaire d'État, je m’adresse à vous pour que l’action du Gouvernement, celle du ministère de l’intérieur, celle des services sociaux dans l’attribution des cartes permette d’aboutir à un dispositif beaucoup plus rigoureux. C'est la rigueur qui permettra, à Paris, que l’esprit de ce texte puisse s’appliquer de façon vraiment parfaite. (M. Loïc Hervé et Mme Nicole Duranton applaudissent.)
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les communes et les collectivités peuvent cependant limiter la durée de stationnement à moins de douze heures sur les places de stationnement situées à proximité immédiate d'établissements, de locaux ou de commerces liés à la santé publique.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Mme la rapporteur est parfaitement informée de cet amendement qui vise à attirer l’attention sur le cas des zones urbaines très denses – Yves Pozzo di Borgo évoquait Paris ; je veux, pour ma part, parler de la région parisienne très proche.
La disposition instaurant un stationnement gratuit de douze heures minimum peut poser problème aux handicapés eux-mêmes, lorsque les villes ont spécialement créé des places réservées à côté d’établissements recevant du public, de pharmacies ou de centres de soins.
Sans même évoquer les fausses utilisations de cartes, si l’on autorise une personne handicapée à stationner pendant douze heures sur une place, cela signifie que d’autres handicapés ne pourront accéder à la pharmacie ou se rendre chez le médecin de garde – je pense au système de médecin de garde que nous avons institué jusqu’à minuit.
Je sais que ce texte doit être voté conforme, mais j’aurais aimé obtenir des précisions sur ce point. Si cette loi devait être suivie d’un décret ou d’un arrêté, ne pourrait-on pas prévoir que, dans des cas marginaux de rotation et d’accès à des services de santé, les communes puissent prévoir des places réservées gratuites, mais pour une durée inférieure à douze heures ? Après tout, il n’y a pas pléthore de cas comme ceux que je viens de décrire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. La préoccupation exprimée par Catherine Procaccia, au travers de cet amendement, est légitime.
Ma chère collègue, l’adoption de cette proposition de loi ne doit pas conduire à des situations de blocage dans des zones où, comme vous venez de l’expliquer, une rotation régulière des véhicules sur les places de stationnement doit pouvoir être assurée.
Le Sénat était conscient de cet enjeu lors de la première lecture, puisqu’il a prévu que les communes pourraient limiter à douze heures la durée de ce stationnement. Faut-il aller plus loin ? Je ne le pense pas, et ce pour trois raisons.
La première est pragmatique. Elle est liée au fait que le risque de pratiques abusives apparaît en pratique limité. Le stationnement gratuit et illimité s’applique d’ores et déjà – nous l’avons les uns et les autres souligné lors de nos prises de parole au cours de la discussion générale – dans de nombreuses villes de France, sans que cela pose de difficultés majeures.
La deuxième raison est d’ordre plus général. La proposition de loi de notre collègue Didier Guillaume est porteuse, rappelons-le, de deux principes forts : la gratuité et la non-limitation de la durée du stationnement. Ce second principe a été tempéré par le seuil des douze heures que nous avons fixé, comme je viens de le signaler, en première lecture. Je crains que, si nous allions plus loin, nous n’arrivions à dénaturer la proposition de loi. N’oublions pas que nous avons un but précis : aider nos concitoyens en situation de handicap pour qui l’accès à l’horodateur représente un véritable obstacle à l’exercice de leurs activités quotidiennes. Il me semble que ce délai de douze heures, tel qu’il a été proposé et voté en première lecture, est pertinent et équilibré.
Enfin, troisième raison, le dispositif tel qu’il est prévu dans cet amendement est un peu trop imprécis pour être totalement opérationnel. De quelle manière pourra-t-on déterminer et définir la proximité immédiate de structures liées à la santé publique ? On peut également se demander pourquoi limiter cette possibilité à ces seules structures.
Je crains donc que, en l’état, votre amendement ne soit davantage source de contentieux que de sécurisation pour les communes concernées et leur population. C'est la raison pour laquelle, ma chère collègue, la commission vous demande de retirer votre amendement, afin de ne pas devoir émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je comprends bien l’intention, tout à fait louable, de cet amendement. Néanmoins, je partage toutes les objections qui ont été soulevées par Mme la rapporteur.
Madame la sénatrice, vous m’avez demandé s’il était envisageable qu’un texte réglementaire prévoit des dérogations. À partir du moment où, dans le texte de loi, il est écrit noir sur blanc que la durée ne peut pas être inférieure à douze heures, aucun texte réglementaire ne peut a posteriori modifier ce point. C'est vous qui écrivez la loi, et les textes réglementaires doivent forcément être conformes à la loi.
Mon avis est donc le même que celui qui a été exprimé par Mme la rapporteur. Malgré votre intention, qui, je le répète, est louable, en l’état, l’amendement serait extrêmement difficile à introduire dans le texte. Il risquerait d’y avoir des imprécisions. Ainsi, l’expression « à proximité immédiate » est difficile à appréhender. De plus, pourquoi prévoir uniquement les établissements de soins ? De nombreux autres problèmes se poseraient.
Pour toutes ces raisons, si vous maintenez votre amendement, le Gouvernement y sera défavorable.
M. le président. Madame Procaccia, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. Je l’ai dit très clairement, je ne voulais pas m’opposer au texte, car je sais que l’on veut qu’il soit adopté conforme. Néanmoins, j’attendais tout de même une autre réponse que celles qui m’ont été apportées : j’ai vraiment l’impression que l’on m’a répondu sans vraiment aborder le problème que j’ai soulevé.
Dans ma ville, nous avons une maison de santé avec des médecins de permanence, y compris le week-end, quand il n’est pas possible d’avoir accès à un autre praticien. Certaines pharmacies ouvrent très tôt le matin ou fonctionnent en continu. Pour ces structures, on a créé des places de stationnement gratuites « rotatives » réservées aux personnes handicapées, pour lesquelles le stationnement est limité à une ou deux heures. Avec cette proposition de loi, il sera interdit de prévoir de telles places. C’est une aberration !
On me dit que douze heures, ce n’est pas très long. Or, si l’on a visé les structures de soins, c’est justement parce que se rendre chez le médecin ou à la pharmacie, ce n’est pas comme aller à la bibliothèque ou dans un autre équipement municipal.
Je voulais retirer mon amendement, mais il se trouve que je n’ai pas obtenu la réponse que j’attendais. Je ne sais pas si l’auteur de la proposition de loi peut répondre à ma question, mais, j’insiste, le délai de douze heures ne correspond absolument pas aux besoins des personnes handicapées.
Ma ville est la deuxième plus dense de France. Si l’on permet le stationnement des véhicules pendant douze heures, on empêchera des personnes handicapées de se rendre chez le médecin en cas d’urgence !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Chère Catherine Procaccia, l’objet de cette proposition de loi est d’essayer de globaliser les choses et de faire un pas en avant. On sait qu’il y aura toujours des situations qui n’entreront pas dans le cadre général, en particulier en Île-de-France, à Paris ou chez vous. Mais ce texte concerne l’ensemble des autres communes de notre pays. Je le rappelle, 250 communes appliquent la gratuité sur les 36 700 que l’on dénombre en France ou, si l’on enlève les villages, sur 20 000 villes. Notre texte permet de généraliser cette gratuité à ces 20 000 communes.
Initialement, je n’avais pas fait figurer dans le texte de la proposition de loi cette durée de douze heures. Elle a été ajoutée pour éviter les « voitures tampons ».
Comme l’ont dit Mme la rapporteur et Mme la secrétaire d'État, l’objectif est double : d’une part, rendre ces places gratuites – lors des auditions, la plupart de mes interlocuteurs étaient persuadés qu’elles l’étaient déjà, alors qu’elles sont payantes pratiquement partout – ; d’autre part, prévoir la possibilité pour des personnes handicapées, lorsque la place réservée est prise, de se garer à côté sans payer, pour éviter les discriminations.
Stationner pendant longtemps sur une place réservée aux handicapés doit permettre d’aller à une réunion ou chez des amis sans être obligé de sortir pour se rendre à l’horodateur ou tourner le disque de stationnement. Car s’il est facile de le faire rapidement même s’il pleut quand on est valide, c’est plus compliqué pour une personne à mobilité réduite sur un fauteuil roulant. Voilà l’état d’esprit dans lequel nous avons élaboré ce texte.
S’agissant de votre question, la proposition de loi ne peut pas y répondre, car il y a de nombreux cas particuliers. C'est peut-être le cas dans ma commune, où nous avons installé deux places réservées aux handicapés devant la pharmacie : si elles sont prises, il sera très compliqué de se garer à côté.
Nous avons apporté une réponse générale pour réaliser une avancée. C’est une bouffée d’oxygène, me semble-t-il, très bien perçue. Il faudra sûrement aller plus loin, avec d’autres lois. Cependant, cette proposition de loi peut répondre à votre préoccupation. Certes, rien ne pourra être fait si toutes les places sont occupées, que ce soit dans une petite commune ou dans une grande ville d’Île-de-France.
Mais il faut voir les choses de façon positive : les personnes handicapées ne vont pas volontairement garer leur véhicule avec l’intention de ne jamais le bouger. Il ne faut pas considérer qu’elles chercheront volontairement à gruger la loi ou à embrouiller l’affaire, simplement parce qu’elles peuvent disposer d’une possibilité de stationnement. Je n’y crois pas. Ce qu’elles veulent, c'est une société inclusive et, dans le même temps, c'est être considérées comme des personnes à part entière, qui ont des activités comme les autres.
Tel était vraiment l’objectif de cette proposition de loi, et je remercie l’ensemble des intervenants et des groupes politiques, qui, très majoritairement, la voteront dans le texte adopté par l’Assemblée nationale. Grâce à ce vote conforme, le texte pourrait être appliqué assez rapidement.
Je veux insister sur les deux cliquets que constitueront la gratuité du stationnement et la limitation de durée, même si l’on pourrait débattre de la durée de douze heures qui a été retenue. Une personne handicapée doit pouvoir laisser sa voiture sans risquer un procès-verbal.
L’idée du texte était vraiment d’aider les personnes handicapées. C’est pierre après pierre, marche après marche, que l’on construira une société inclusive, pour aboutir à l’accessibilité universelle, qu’évoquait Mme la rapporteur tout à l'heure. À cet égard, nous venons de loin et, malgré la loi de 2005, il y a encore beaucoup à faire.
Il faut vraiment remercier Mme la secrétaire d'État, parce que les Ad’AP permettront d’aller encore plus loin et de fixer des choses.
Le débat est ouvert. Tous les élus locaux disent que nous n’avons pas les moyens de rendre tous nos bâtiments accessibles. Dans le même temps, les associations nous demandent pourquoi nous n’avançons pas. Nous sommes pris entre ces deux feux.
Dans le cadre des Ad’AP, nous pourrons définir les projets que nous allons réaliser dans deux ou trois ans. Je pense que, petit à petit, nous y arriverons.
Chère Catherine Procaccia, je ne sais pas si je vous ai convaincue, mais je pense que le texte va dans le sens de ce que vous souhaitez.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d'abord rassurer Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Je ne suis pas inquiet !
M. André Reichardt. Je l’ai bien vu, cher collègue ! Je veux quand même vous confirmer que cette proposition de loi recueillera naturellement nos suffrages.
Permettez-moi cependant de voler au secours de Catherine Procaccia, même si c’est surtout son amendement qui en a besoin… (Rires.)
On sait bien que les places de stationnement réservées aux personnes handicapées ne sont pas assez nombreuses. Elles manquent toujours lorsqu’on les cherche.
Pour avoir un ami lourdement handicapé, je vois la difficulté que représente, pour lui, le simple fait de trouver une place réservée qui soit disponible. Précisément parce qu’il n’y en a pas beaucoup, les places pour les personnes handicapées ont été placées à des endroits naturellement judicieux, qui doivent permettre à ces personnes d’accéder, dans des conditions correctes – si je puis m’exprimer ainsi –, aux établissements où elles veulent se rendre.
À cet égard, je veux dire que la préoccupation de ma collègue Catherine Procaccia répond vraiment à un besoin. Il est clair que, si, demain, les places réservées aux personnes handicapées, pensées pour accueillir de nombreux véhicules, grâce à une rotation importante, ne sont plus disponibles parce qu’une même personne peut y laisser son véhicule stationné pendant douze heures – et, de fait, c’est ce qui se passera –, cet effet mécanique ira à l’encontre de ce que l’on recherche en termes d’accessibilité, tout particulièrement au travers de la présente proposition de loi.
À ce sujet, il y a donc, à tout le moins, une réflexion à mener. Pour ma part, je suis persuadé que, si nous ne la menons pas aujourd'hui, nous y serons contraints plus tard. En effet, les places de stationnement situées à côté des établissements de santé énumérés, de manière strictement limitative, dans cet amendement – on aurait pu l’ouvrir beaucoup plus… – ne suffiront naturellement pas à couvrir tous les besoins.
Si, comme l’a dit Mme la rapporteur, la rédaction actuelle n’est pas assez claire, nous pouvons peut-être essayer de l’améliorer. Je veux insister sur le fait que nous donner un peu de temps, sans s’éloigner de la position générale du Sénat en matière d’adaptabilité – que traduit, notamment, la proposition de loi de M. Didier Guillaume –, permettrait de faire œuvre utile. Je sais bien que l’on recherche un vote conforme, mais, pour le coup, cela vaudrait la peine que l’on y réfléchisse encore un moment.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je crois qu’il faut regarder les choses de façon très pratique.
En fait, votre crainte, c’est que les places réservées devant les maisons de santé, sur lesquelles, pour l’instant, les véhicules ne restent guère plus stationnés qu’une heure ou deux, soient occupées de façon inopportune pendant douze heures par une même voiture – celle, par exemple, d’une personne handicapée habitant à proximité ou faisant ses courses dans le quartier.
Plusieurs possibilités doivent être envisagées.
Premièrement, la personne occupant la place de stationnement peut être réellement handicapée. Elle aura alors le droit d’y stationner douze heures.
D’ailleurs, à ceux qui, tout à l'heure, s’inquiétaient des critères de délivrance des cartes de stationnement, je veux préciser que ce sont les médecins des maisons départementales des personnes handicapées qui décident de l’opportunité de délivrer ces cartes aux personnes handicapées. Je veux aussi rappeler à certains et certaines d’entre vous qu’il est des handicaps qui ne sont pas visibles à l’œil nu et que certains handicapés sont incapables de marcher quelques mètres, sans pour autant être en fauteuil. Par conséquent, le système existant, qui fonctionne très bien, ne doit pas être remis en cause.
Deuxièmement, la personne qui stationne sur l’emplacement réservé peut avoir utilisé frauduleusement la carte de stationnement. On retombe alors sur le cas que l’on a longuement évoqué. Comme je vous l’ai dit, je suis bien consciente des utilisations abusives qui peuvent exister. Toutefois, en réponse aux inquiétudes formulées çà et là, je veux dire que des contrôles sont déjà effectués par les forces de l’ordre. Je peux vous assurer que les services de mon ministère reçoivent un certain nombre de courriers émanant de personnes handicapées titulaires d’une carte de stationnement qui se sont fait verbaliser pour avoir mis sous leur pare-brise une photocopie de leur carte, plutôt que la carte elle-même. Cela veut bien dire qu’il y a des contrôles ! Je suppose que les personnes qui utilisent frauduleusement les cartes font elles aussi l’objet de contrôles. (M. Yves Pozzo di Borgo s’exclame.)
Au reste, je pense que l’existence d’un nouveau modèle de carte, moins falsifiable, et la sensibilisation en cours des forces de l’ordre à ce problème conduiront à démultiplier les contrôles et, surtout, à diminuer le nombre de fausses cartes en circulation.
Reste le cas où une personne handicapée qui habite à proximité d’une maison de santé profite du stationnement attenant à celle-ci. Je vous accorde que c’est une vraie question.
M. Jean Desessard. Ce n’est quand même pas courant !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Néanmoins, la seule façon de résoudre le problème consisterait à revenir sur le fait que la durée maximale de stationnement ne peut être inférieure à douze heures. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est ce que vous avez voté en première lecture, et c’est également ce qui a été voté à l’Assemblée nationale. À vous de décider ce que vous voulez faire !
En tout état de cause, il sera délicat de prévoir des exceptions. Pour l’heure, la rédaction que vous proposez, madame Procaccia, ne vise que les places de stationnement situées à proximité immédiate d'établissements, de locaux ou de commerces liés à la santé publique. Cela fera forcément germer des idées chez d’autres parlementaires. Votre amendement ouvre une porte. Je pense que vous en êtes vous-même consciente.
Au reste, le fait qu’un certain nombre de villes aient déjà mis en œuvre la gratuité du stationnement sans limitation de durée sans qu’aient surgi les problèmes que vous redoutez est quand même rassurant.
Je pense que les personnes en situation de handicap, qui connaissent bien la difficulté de trouver une place de stationnement, n’iront pas « emboliser » une place qu’elles savent utile en cas d’urgence. Il y va de leur responsabilité de citoyens ! Je crois qu’il faut leur faire confiance sur cette question.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. Je veux redire à notre collègue Catherine Procaccia que la préoccupation exprimée à travers son amendement est totalement légitime. En même temps, je veux de nouveau la rassurer sur le fait que le constat que nous pouvons faire dans les villes qui pratiquent déjà la gratuité du stationnement nous amène à ne pas trop nous inquiéter.
Surtout, je veux lui redire que cette proposition de loi vise à améliorer encore la vie quotidienne de nos concitoyens, notamment à simplifier considérablement leur vie sociale – Didier Guillaume a eu raison d’y insister il y a un instant.
Dès lors, si votre interrogation nous semble, à terme, fondée, nous pourrions sans doute reconsidérer la question dans un autre contexte, à un autre moment.
En tout état de cause, il serait vraiment dommage de reculer maintenant, alors que nous sommes tout près du but avec cette proposition de loi, qui marque une évolution importante, le texte pouvant être appliqué dans quelques mois à peine et pouvant être voté aujourd'hui à une très large majorité par notre Haute Assemblée, ce qui serait tout à notre honneur.
Dans ces conditions, chère collègue, le retrait de votre amendement, si vous en étiez d’accord, serait vraiment bienvenu.
M. le président. Madame Procaccia, qu’advient-il de l'amendement n° 1 ?
Mme Catherine Procaccia. Je le retire, monsieur le président, en attendant le prochain texte de Didier Guillaume… (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées.)
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Les autres dispositions ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que le vote sur l’article 1er, qui constitue désormais l’article unique de la proposition de loi, vaudra vote sur l’ensemble de celle-ci.
Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, que de progrès dans nos débats en deux ans !
En effet, je me souviens que, lorsque j’ai présenté, sur un texte qui était défendu par Mme la ministre en charge de la décentralisation, des dispositions tendant à permettre la gratuité du stationnement pour les personnes handicapées, le Gouvernement m’avait alors opposé qu’elles auraient constitué un obstacle à la libre administration des collectivités territoriales et qu’il appartenait au maire et au conseil municipal de prendre ce type de décision. À l’époque, hélas ! la Haute Assemblée, dans sa majorité, avait suivi le Gouvernement dans son refus d’avancer.
C’est dire si je me réjouis aujourd'hui que tant le Sénat que l’Assemblée nationale et le Gouvernement aient évolué, pour nous permettre d’adopter cette disposition, qui est de bon sens.
En effet, beaucoup de personnes handicapées réussissent à conduire leur voiture, donc à être mobiles, mais ne peuvent se déplacer jusqu’aux horodateurs puis, de nouveau, jusqu’à leur voiture pour placer sous leur pare-brise la preuve du paiement de leur stationnement. Par conséquent, ne pas laisser à la seule initiative de nos communes la mise en place de la gratuité sur les emplacements de stationnement réservés ou non aux personnes handicapées constituera un progrès.
Il me semble que le système actuel, auquel nous voulons mettre fin, entrave la circulation en voiture des personnes handicapées d’une ville à l’autre en France. En effet, si la gratuité n’est pas instituée partout, aucun voyageur handicapé ne pourra être sûr que le stationnement est réellement gratuit dans la ville où il s’est rendu tant qu’il ne se sera pas déplacé jusqu’à l’horodateur – déplacement que nous voulons, précisément, éviter.
Dès lors, l’uniformité en la matière est très importante. Comme c’est ce que prévoit la proposition de loi, je souscris pleinement à ses dispositions et je m’apprête donc à la voter !
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement.
(La proposition de loi est définitivement adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC. – M. Philippe Bas applaudit également.)
3
Dépôt de documents
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de nouvel hôpital Charles-Nicolle du centre hospitalier universitaire de Rouen accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement sur ce projet, la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de source européenne de spallation, ESS, accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement sur ce projet, la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de pôle Nation de l’université Sorbonne Nouvelle accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement sur ce projet, la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de pôle biologie-pharmacie-chimie de l’université Paris-Sud du plateau de Saclay accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement sur ce projet, la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de reconstruction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement sur ce projet.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires économiques ainsi qu’aux commissions intéressées.
4
Agence France locale
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi sur la participation des élus locaux aux organes de direction des deux sociétés composant l'Agence France locale, présentée par M. Gérard Collomb et plusieurs de ses collègues (proposition n° 536 [2013-2014], texte de la commission n° 316, rapport n° 315).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Anziani, coauteur de la proposition de loi et rapporteur.
M. Alain Anziani, coauteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’Agence France locale a été créée le 22 octobre 2013 pour répondre aux besoins de financement des collectivités territoriales. En raison de la rareté des liquidités, du changement d’orientation du Crédit agricole, de la disparition de Dexia, du poids des emprunts toxiques dans les budgets locaux, des règles prudentielles du comité de Bâle qui imposaient aux établissements bancaires d’augmenter leurs fonds propres, les collectivités territoriales ne parvenaient plus, ou en tout cas plus suffisamment, à financer leurs projets. Certaines sont allées directement sur les marchés financiers pour lever des fonds. C’était une bonne solution, mais elle était uniquement accessible aux collectivités territoriales les plus grandes. C’est la raison pour laquelle la plupart des associations d’élus ont porté un autre projet.
L’Agence France locale a comme particularité d’être détenue à 100 % par des collectivités territoriales. Elle a été créée par et pour les collectivités. Pour y adhérer, une collectivité doit obtenir une note de 1 à 5,99 sur une échelle allant de 1 à 7. À cela s’ajoute le fait que leur investissement ne pourra pas être financé en totalité par des fonds levés par l’Agence.
L’Agence France locale est scindée en deux sociétés anonymes : la société territoriale, qui est chargée du pilotage et de la gestion stratégique, et la société financière, qui est en quelque sorte le bras séculier puisqu’elle exerce de façon autonome l’activité de levée de fonds sur les marchés. Les créateurs de l’Agence ont essayé de bien distinguer les deux fonctions : d’un côté, la fonction d’orientation avec la présence des élus ; de l’autre, la fonction de gestion opérationnelle confiée, notamment, à un directoire constitué uniquement de banquiers nommés par le conseil de surveillance.
La proposition de loi de Gérard Collomb – je vous demande d’ailleurs de bien vouloir excuser notre collègue qui a été retenu à Lyon par des obligations – vise à clarifier le statut des élus locaux au sein de cette agence et à éviter que ceux-ci ne rencontrent des difficultés que nous connaissons bien. J’ajoute qu’une proposition de loi rédigée dans les mêmes termes est portée par Jacques Pélissard à l’Assemblée nationale et qu’une seconde proposition de loi, à caractère organique celle-ci, a été déposée sur le bureau du Sénat mais n’a pas encore été inscrite à notre ordre du jour.
La proposition de loi modifie plusieurs dispositions du code général des collectivités territoriales et, par voie de conséquence, du code électoral. Vous trouverez les détails dans mon rapport écrit ; je ne m’y attarderai donc pas. L’idée est la suivante : appliquer aux membres siégeant au sein de l’Agence les mêmes dispositions que celles qui s’appliquent aux élus siégeant dans les instances des sociétés d’économie mixte ou des sociétés publiques locales. Initialement, l’article unique contenait trois points : la commission a conservé les deux premiers, mais le troisième a été supprimé, et j’indiquerai pourquoi.
Premier point : un élu municipal, départemental ou régional siégeant au sein d’une instance de l’Agence peut-il être considéré comme intéressé à l’affaire lors de l’adoption, par sa propre collectivité, d’une délibération portant sur les relations de cette même collectivité avec l’une des deux instances dirigeantes ? Le risque est très limité, mais, pour éviter d’entacher d’illégalité la délibération, la proposition de loi vise à préciser que l’élu n’est pas intéressé à l’affaire. Je précise que cette notion n’a rien à voir avec la prise illégale d’intérêts.
Deuxième point : l’élu qui lève des fonds pour sa collectivité risque-t-il de se voir qualifié d’« entrepreneur de service local » ? Oui, c’est possible ! Nous proposons donc d’écarter cette éventualité en exonérant l’élu de toute présomption de qualification d’entrepreneur de service local.
Dernier point : l’élu peut-il être poursuivi dans le cadre de sa responsabilité civile ? Même s’il est faible, le doute existe. Cependant, en accord avec Gérard Collomb, la commission a supprimé de la proposition de loi la disposition qui écartait toute responsabilité civile personnelle de l’élu, car elle est contraire à la directive Résolution, qui précise la notion de responsabilité civile et pénale.
Mes chers collègues, je crois que le texte est tout à fait équilibré : il vise à protéger les membres de l’Agence dans des conditions extrêmement précises. En tant que rapporteur et coauteur de la proposition de loi avec Gérard Collomb, je vous invite donc à l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à la mobilisation du Gouvernement, des parlementaires et des élus locaux, les collectivités territoriales disposent depuis le début de l’année 2015 d’un instrument de financement solidaire de leurs investissements : l’Agence France locale.
La gestation de cette agence a été très longue. Il nous a fallu franchir de nombreuses étapes : l’adoption de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, l’adoption de l’acte constitutif de l’Agence et de son pacte d’actionnaires, l’installation dans les locaux lyonnais, que j’ai eu l’honneur de visiter, l’avis de la Commission européenne relatif à la conformité du dispositif par rapport au droit des aides d’État et l’autorisation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Aujourd’hui, cette agence est pleinement opérationnelle. Elle procédera d’ailleurs dans les tout prochains jours à sa première émission groupée.
Cette nouvelle structure, il nous faut en mesurer la portée. Car, dans un modèle comme le nôtre, au sein duquel les finances publiques restent largement centralisées, la création d’une telle agence de financement constitue un approfondissement important pour le mouvement de décentralisation. Elle témoigne de la confiance qu’a le Gouvernement dans les collectivités locales. Elle témoigne également de la capacité d’initiative du monde local, de son aptitude à construire de manière coordonnée des projets innovants, professionnels et solidaires au service de l’action publique.
Cette agence, créée et pilotée par les collectivités, leur permet, quelle que soit leur taille, d’accéder de manière simple et mutualisée au marché obligataire. Ainsi, les collectivités bénéficient à la fois de taux attractifs et de bonnes garanties de sécurité, ce qui est de nature à favoriser l’investissement public local dans des projets utiles à l’ensemble de nos concitoyens.
L’Agence apporte par ailleurs une réponse adaptée aux défaillances du marché du financement des collectivités territoriales. La crise du crédit intervenue en 2012 ne nous a que trop montré les effets engendrés par de telles défaillances. L’Agence France locale apportera une garantie structurelle aux collectivités territoriales qui choisiront d’en être membres. N’oublions pas que la situation des taux d’intérêt et de la disponibilité du crédit que nous connaissons aujourd’hui est conjoncturelle !
Par la proposition de loi dont nous allons débattre cet après-midi, vous souhaitez sécuriser les conditions de participation des élus représentant leur collectivité territoriale dans les instances dirigeantes de l’Agence France locale. C’est un objectif auquel le Gouvernement souscrit également. En effet, il semble évident que l’une des conditions de réussite de la nouvelle Agence France locale réside dans une participation effective des élus locaux au sein de ses instances dirigeantes, que ce soit le conseil d’administration de la société territoriale ou le conseil de surveillance de la société financière. La création du statut protecteur particulier que vous proposez semble ainsi à même de garantir l’exercice efficace par les élus locaux de leur mandat social, au nom de la collectivité territoriale ou du groupement qu’ils représentent.
Le Gouvernement ne voit pas de raison de s’opposer aux dispositions dérogatoires introduites par cette proposition de loi, qui s’inspirent de celles aujourd’hui applicables aux élus mandataires siégeant au sein d’une société publique locale. Il a donc décidé de vous soutenir.
Par ces dispositions, les élus siégeant au sein d’une instance de l’Agence ne peuvent être considérés comme intéressés à l’affaire lors de l’adoption, par leur collectivité, d’une délibération portant sur les relations de cette même collectivité avec l’une des deux instances dirigeantes. Cela signifie également qu’ils sont protégés du risque de se voir qualifiés d’« entrepreneur de service local », sujet qui nous avait intéressés au plus haut point lors du premier débat organisé par l’Association des maires de France sur l’Agence.
Le Gouvernement est également satisfait de la suppression de l’alinéa 4 par votre commission des lois : cette disposition sur l’exonération des élus locaux de leur responsabilité civile au titre de leur fonction était effectivement contraire à une disposition de la directive européenne Résolution, dont la transposition devrait intervenir très prochainement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, le Gouvernement souscrit aux objectifs qui sont les vôtres. Avec l’Agence France locale, nous allons garantir un accès stable, durable et important à des financements de qualité pour l’ensemble de nos collectivités. Nous allons faciliter l’investissement local et le développement de services publics pour nos concitoyens. Je me réjouis donc de voir que les élus nationaux et locaux sont fortement mobilisés et impliqués dans ce dossier.
Je me permets d’ajouter un mot sur un sujet ne figurant pas à l’ordre du jour de cette discussion, mais sur lequel un certain nombre de sénateurs – sans parler des élus locaux – nous ont déjà interrogés. Si je souhaite en parler à la tribune, c’est que nous allons prochainement avoir l’occasion d’y réfléchir collectivement. Il s’agit des incompatibilités entre mandat exécutif et présidence d’une organisation locale, notamment lorsque l’élu est président de droit. C’est dans ce cas que des problèmes existent. Il nous faut regarder précisément quelles conséquences cette situation entraîne.
Peut-être pourrions-nous profiter de la commission mixte paritaire relative à la proposition de loi Sueur-Gourault pour réfléchir aux conditions d’exercice du mandat local. Il me semble que ce sujet pourrait être réglé facilement, ce qui éviterait bien des inquiétudes à nos élus locaux.
Quoi qu’il en soit, je tiens à vous remercier de cette proposition de loi, à même d’aplanir les dernières difficultés et de permettre à l’Agence de travailler sereinement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui vise à permettre aux élus locaux, membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance des deux sociétés composant l’Agence France locale, de participer aux délibérations sans être inquiétés dans l’exercice de leur mandat local ou de leurs responsabilités au sein même de l’Agence. Il ne s’agit donc pas d’exprimer un vote favorable ou non sur l’existence de l’Agence France locale, dont nous avons soutenu la création lors des débats organisés par l’Association des maires de France. Il s’agit ici de voter un texte visant un nombre certes infime d’élus, mais portant sur des enjeux et des sommes inversement proportionnels à ce petit nombre.
Cela nous invite à nous interroger sur la pertinence d’un statut dérogatoire aux pratiques actuelles. Ce peut être parfois compliqué, mais le principe de réalité fait qu’aujourd’hui un élu se déporte systématiquement lors du vote, par exemple, d’une subvention pour une association dont il est membre ou qu’il préside. Dans le cas présent, l’élu prendrait part à une décision à laquelle on ne peut dire qu’il n’a aucun intérêt direct. Même si les élus sont responsables, rigoureux et toujours soucieux de l’intérêt général, être juge et partie est une position inconfortable, à laquelle nous ne pouvons adhérer.
Parler de l’Agence France locale c’est, de fait, poser la question du financement de nos collectivités. Alain Anziani rappelle dans son rapport que nos collectivités territoriales sont aujourd’hui confrontées à la « crise des leviers traditionnels de financement des investissements locaux » : depuis 2008, les banques ne prennent quasiment plus aucun risque. Même si certains nous disent aujourd’hui que les signaux reviennent au vert, nous constatons sur le terrain que les banques continuent à ne prendre aucun risque pour aider les collectivités territoriales, sinon des risques réduits. Comme le souligne encore le rapport, le volume moyen proposé par les établissements de crédit ne représente que 28 % des sommes demandées.
M. le rapporteur met également en évidence la situation des collectivités confrontées à la fois à la fin de Dexia et aux emprunts toxiques souscrits avant 2009. L’envol du cours du franc suisse met chaque jour un peu plus en péril les finances du millier de communes, départements ou régions ayant souscrit ce type d’emprunts. En effet, plus de la moitié de ces collectivités territoriales – près de 900 sur 1 600 – ont contracté des emprunts indexés sur cette devise. On ne peut que partager l’inquiétude grandissante des élus concernés.
La commune de moins de 9 000 habitants, dans le département de la Loire, dont j’ai été l’élue jusqu’en 2011, fait face à un taux d’intérêt de 27,65 % depuis janvier dernier. Cela revient pour elle à rembourser annuellement, et ce jusqu’en 2035, 951 000 euros, soit neuf fois le capital restant dû de 2,5 millions d’euros ! Quand on sait qu’une somme de 800 000 euros équivaut à 10 % du budget de fonctionnement de cette commune, on comprend qu’il s’agit d’une situation impossible, sauf à ne plus assurer certaines missions essentielles telles que, par exemple, la cantine scolaire ou le déneigement.
Nous regrettons, madame la ministre, que vous ne fassiez pas preuve du même volontarisme dans la recherche d’une solution évitant aux contribuables de payer la note des errements passés – notamment ceux des banques – que celui que vous avez montré pour soutenir le développement de l’Agence France locale. Allez-vous enfin – nous vous avions déjà interpellée sur ce sujet à la fin de l’année dernière – solliciter les autres acteurs impliqués dans ce scandale, dont ils tirent toujours d’importants bénéfices financiers ? Je pense bien évidemment aux banques d’investissement – françaises ou étrangères –, qui sont nombreuses et bien souvent célèbres… Ces établissements doivent aujourd’hui prendre leurs responsabilités et contribuer à l’assainissement des budgets de nos collectivités, en contrepartie des emprunts toxiques. Ils doivent régler une partie de la note. C’est aussi de cette façon que nous redonnerons un peu de souffle à nos collectivités territoriales.
Il faudrait que la Société de financement local, la SFIL – donc l’État –, qui a hérité des prêts de Dexia, menace d’attaquer en justice ces banques d’investissement pour avoir caché leurs marges à Dexia au moment de la construction de ces emprunts structurés, dits toxiques. Or, pour l’instant, elles ne sont toujours pas inquiétées.
Vous l’aurez compris, notre groupe ne votera pas la proposition de loi, même si nous sommes à la veille de la tenue de l’assemblée générale de l’Agence. Nous pensons que ce statut particulier ne répond pas aux besoins de financement de nos collectivités territoriales et qu’il ouvre beaucoup d’autres questions sans y apporter de réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, le coauteur et interprète de cette proposition de loi ayant présenté ses différents aspects, la structure de l’organisation de l’Agence et ses modalités d’intervention, je ferai l’économie d’un long discours.
S’il était attendu et qu’il coule de source, ce texte n’en est pas anodin pour autant. Il vient mettre un point final à une histoire commencée en 2008 et qui s’est poursuivie avec la chute de la maison Dexia, laquelle finançait près de 40 % des prêts aux collectivités territoriales. Et ne parlons pas des aventures exotiques de certains banquiers, comme cela a été souligné en langage plus diplomatique, qui ont préféré aller s’enrichir ailleurs plutôt que de prêter aux collectivités territoriales ! Si ces banquiers ne prêtaient pas aux collectivités à l’époque et qu’ils y sont encore réticents, ce n’est pas pour des raisons de prudence, mais parce que ces opérations ne sont pas assez lucratives. Il était donc urgent – Mme la ministre a dit avec élégance que la réponse à cette urgence avait un peu tardé – de reconstituer un système de financement des collectivités territoriales. Ce système repose donc désormais sur deux piliers.
Après une période de bricolage durant laquelle la Caisse des dépôts et consignations débloquait au cas par cas quelques milliards d’euros pour faire face aux échéances, avec le concours de la Banque postale, la création de la SFIL et de sa filiale, la Caisse française de financement local, ou CAFFIL, en charge des refinancements, a permis l’émergence d’un système bancaire dédié au financement des collectivités territoriales.
Reste, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen du texte en commission, que la fameuse CAFFIL a hérité de Dexia tout un ensemble de créances pourries qui demeurent dans les bilans. D’où l’exercice de prestidigitation ayant présidé à la mise en place d’un certain nombre de dispositions visant à atténuer les effets, sur les finances de l’État, des emprunts toxiques. Toutefois, rien ne dit que nous sommes à l’abri d’une nouvelle catastrophe…
M. Pierre-Yves Collombat. C'est la raison pour laquelle j’ai toujours pensé qu’il était utile – ce qui semble un peu exotique en France, alors qu’un tel système est très courant dans d’autres pays, notamment aux États-Unis – de permettre aux collectivités territoriales d’emprunter directement sur les marchés, d’émettre des obligations.
Tel est l’objet de l’Agence de financement des collectivités, devenue Agence France locale, dont la création a été autorisée par un amendement à la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires. C’est certainement tout ce qui restera de cette loi…
M. André Reichardt. C’est sévère ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. Cette création est une très bonne idée. Elle a d'ailleurs été soutenue par l’essentiel des associations – l’Association des maires de France, au premier chef, mais je suis content de pouvoir dire que l’Association des maires ruraux de France a modestement appuyé le projet. Je me félicite aussi que l’on ait fait en sorte que l’Agence ne soit pas un outil réservé aux grandes collectivités : les petites pourront en bénéficier sous certaines conditions de température et de pression… Je n’y insiste pas. Je pense que ce système nous permettra de faire face aux prochaines échéances.
L’objet strict de la proposition de loi est de sécuriser les élus qui auront un rôle de décideurs au sein de l’Agence. Je n’y insiste pas non plus.
Je souhaite revenir sur le problème de la responsabilité des élus, que j’ai déjà abordé en commission. Madame la ministre, vous avez évoqué la commission mixte paritaire sur ce qui ressemble un peu, de très loin, dans le brouillard, à un statut de l’élu. Bien que M. Anziani nous ait rappelé qu’il ne s’agit pas du problème de la prise illégale d’intérêts, mais de quelque chose de tout à fait différent, j’aimerais que l’on sécurise le statut des élus qui agissent non pas en leur nom personnel mais au nom de leur collectivité, afin qu’ils ne soient pas ennuyés alors qu’ils n’ont aucune intention de nuire ni aucune volonté d’enrichissement personnel.
C’est avec plaisir que notre groupe soutiendra unanimement la proposition de loi. Sous ses dehors anodins, elle nous rappelle que nous revenons de loin. Il est heureux que nous soyons sortis de cette période où nous avons tâtonné pendant trop longtemps. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites sur cette proposition de loi, qui est très spécifique, puisqu’elle a pour objet de préciser le statut des élus qui siégeront dans les instances dirigeantes de l’Agence France locale.
La création d’une agence de financement des collectivités locales a été décidée par le biais d’un amendement gouvernemental au projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. M. Collombat estime que c’est tout ce qui restera du texte. En tout cas, c’est un élément important, qui, selon moi, n’a pas été suffisamment débattu. L’amendement gouvernemental ayant été adopté il y a presque deux ans jour pour jour, on peut en effet considérer que la gestation a été longue, madame la ministre…
L’Agence répond à l’attente qu’avaient exprimée un certain nombre de collectivités dans une période de panique conjoncturelle au sujet de leur financement : disparition de l’opérateur historique et principal Dexia, emprunts toxiques affectant beaucoup de budgets locaux – ils en affectent toujours beaucoup, d'ailleurs –, note de la France abaissée, contraintes supplémentaires imposées aux banques par le comité de Bâle... Reste que je ne connais aucune collectivité confrontée à ce type de problème dans mon département. Mais, après tout, proposer un système de financement complémentaire, pourquoi pas ?
Les objectifs initiaux étaient très ambitieux : 50 % des collectivités devaient adhérer à l’Agence ; 4 milliards d'euros de financement étaient prévus. J’ignore si ces objectifs sont toujours d’actualité, mais, pour le moment, nous en sommes très loin : seules soixante-dix-huit collectivités adhèrent à l’Agence, qui ne possède que 36 millions d'euros de fonds propres. L’Agence n’en est cependant qu’à ses premiers pas. On peut considérer qu’elle va grossir et attirer d’autres collectivités.
Je ne reviendrai pas sur le choix des collectivités qui peuvent accéder aux financements de l’Agence. Je ne connais pas le détail des notations. Je sais qu’il faut obtenir une note allant de 1 à 5,99 sur une échelle de 1 à 7 pour pouvoir adhérer à l’Agence, mais j’ignore si 50 % des collectivités pourraient en bénéficier.
Le problème de la mutualisation du risque inhérente au fonctionnement de l’Agence doit être regardé de très près. Je pense que les élus qui piloteront l’Agence y feront attention. C’est nécessaire, car toutes les collectivités ne sont pas gérées de la même façon.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Vincent Delahaye. J’en viens à l’objet de la proposition de loi : faut-il prévoir un statut particulier pour les élus qui siégeront au sein de l’Agence ? Le groupe UDI-UC s’est posé la question. Nous sommes contents que la partie relative à la responsabilité civile ait été retirée du texte, car son opportunité n’était pas évidente. La commission des lois a travaillé sur ce sujet ; nous aurions aimé que la commission des finances y travaille également. Un avis juridique du Conseil d'État n’aurait pas non plus été inutile.
Il est évident que les élus qui représentent leur collectivité dans les instances dirigeantes de l’Agence ne doivent pas être considérés comme des entrepreneurs de services locaux. En revanche, je me demande s’il est légitime qu’ils ne soient pas considérés comme étant intéressés à l’affaire quand leur collectivité délibère sur un financement accordé par l’Agence. Lorsqu’on étudie les comptes administratifs, les ordonnateurs doivent sortir de la salle et ils ne participent pas au vote. De même, les élus membres du conseil d'administration d’une société d’économie mixte ne participent pas au vote lorsque leur collectivité délibère sur des sujets relatifs à cette SEM ; en tout cas, c’est ainsi que les choses se passent dans ma collectivité. Je ne comprends pas pourquoi les élus qui représentent leur collectivité dans les instances dirigeantes de l’Agence n’adoptent pas cette attitude. Nous pourrions ainsi résoudre le problème sans avoir besoin d’affirmer qu’ils ne sont pas considérés comme étant intéressés à l’affaire.
Même si le groupe UDI-UC s’interroge sur ce point – nous espérons avoir des réponses aux observations que je viens de formuler –, il a décidé de voter la proposition de loi. En effet, nous ne voulons pas entraver les premiers pas de l’Agence, dont la création répond à la demande d’un certain nombre de collectivités. Nous souhaitons les encourager à avancer dans cette direction. Nous les appelons toutefois à gérer l’Agence avec prudence, car le système peut comporter des risques ; je le dis à l’intention des auteurs de la proposition de loi, mais aussi de tous les membres de l’Agence.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en première lecture a l’avantage, si rare qu’il faut le souligner, d’être consensuelle. Il faut dire qu’il n’y a guère de difficulté à veiller à sécuriser les conditions de participation des élus représentant leur collectivité territoriale dans les instances dirigeantes de l’Agence France locale. La commission des lois a toutefois adopté un amendement sur lequel je reviendrai dans un instant.
Aussi l’intérêt de ce débat me paraît-il résider surtout dans le point qu’il nous permet de faire sur l’action de l’Agence. Créée et pilotée par les collectivités territoriales, cette agence a été conçue pour permettre à ses membres de réaliser des emprunts sécurisés et simplifiés grâce à un accès mutualisé au marché obligataire.
Plusieurs collectivités avaient expérimenté dès 2004 le financement direct sur les marchés, via des opérations groupées d’appel au marché obligataire. À la suite de la tourmente de 2008, plusieurs grands élus locaux ont pris l’initiative de créer, en avril 2010, l’Association d’étude pour l’Agence de financement des collectivités locales afin de poursuivre et d’approfondir cette démarche. Enfin, la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a autorisé la création de ce qui est devenu l’Agence France locale.
À la fin de l’année 2013, les deux sociétés nécessaires au fonctionnement du groupe Agence France locale ont été créées. Au départ, on ne comptait que onze membres fondateurs, mais plusieurs augmentations de capital ont permis de porter le nombre de membres à quatre-vingt-onze. C’est ainsi que – permettez au sénateur alsacien que je suis de le relever – l’eurométropole de Strasbourg a adhéré à l’Agence à la fin du mois de novembre 2014, de même que trois autres collectivités territoriales haut-rhinoises. Il s’agit d'ailleurs de collectivités plutôt petites, ce qui contredit l’idée selon laquelle l’Agence s’adresse essentiellement aux grandes collectivités.
Dans le même temps, différents chantiers ont été engagés par l’Agence : recrutement des équipes, choix et mise en place du système d’information bancaire, préparation de l’émission obligataire inaugurale, dépôt d’un dossier d’agrément auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Celle-ci a délivré à l’Agence un agrément d’établissement de crédit le 22 décembre 2014 afin de lui permettre de lever des fonds sur les marchés obligataires et d’octroyer – je me permets de dire « enfin », car ce fut long – les premiers prêts aux collectivités. Récemment, une autre étape a été franchie : l’Agence a fait l’objet d’une notation financière par l’agence Moody’s.
L’ambition de l’Agence est d’être durablement au service des collectivités et de leurs besoins de financement, en complément du secteur bancaire. Qu’en est-il vraiment ? Nous le savons, l’Agence a été créée sur les ruines de Dexia dans un contexte financier difficile – Pierre-Yves Collombat l’a rappelé –, notamment pour les collectivités territoriales, dont beaucoup étaient engluées dans des emprunts toxiques. Ces collectivités avaient des difficultés à faire face à leurs obligations ; nombre d’entre elles, voire toutes, ne trouvaient plus les liquidités suffisantes pour financer d’éventuels projets.
Aujourd’hui, la situation n’est naturellement plus la même. Les liquidités sont revenues, la Caisse des dépôts et consignations participe à nouveau au financement des collectivités et les taux des emprunts sont à un niveau historiquement bas. Pour l’eurométropole de Strasbourg, qui a souscrit au capital de l’Agence à hauteur de 2 437 053 euros payables en trois fois – en 2014, 2015 et 2016 –, l’Agence a-t-elle encore un véritable intérêt ?
Présentée à l’origine comme une alternative aux prêts toxiques, l’adhésion à l’Agence ne poursuit assurément plus le même objectif. Il existe actuellement un large panel de solutions et de produits de financement à taux intéressants et sécurisés. Dès lors, l’adhésion à l’Agence France locale ne paraît plus être une opportunité de crédits supplémentaires pour des collectivités qui ont à faire face à une situation financière difficile, comme c’est le cas de l’eurométropole, qui connaît une envolée de sa dette très importante depuis 2008. Ce n’est malheureusement pas fini, puisque, selon mes informations, la situation va encore se dégrader de façon considérable d’ici à 2017.
Dans de telles situations, il est bien évidemment indispensable de porter une attention soutenue aux taux de refinancement pratiqués par l’Agence afin de les comparer aux taux proposés par le secteur bancaire traditionnel. Sur ce plan, je dois dire que nous sommes encore dans le flou le plus total, puisqu’aucune émission n’a encore eu lieu. Il faudra y être d’autant plus attentif que, comme certains l’ont rappelé, l’Agence France locale met en œuvre un dispositif de garantie solidaire, c’est-à-dire que si une collectivité est défaillante, ce sont les autres membres qui en supporteront les conséquences. En commission des lois, nous avons abordé le sujet…
Pour le reste, comme je l’ai déjà dit, la proposition de loi ne pose guère de problème. Elle vise deux objectifs précis : sécuriser les conditions de participation des élus représentant leur collectivité et les protéger du risque de qualification d’entrepreneur de service local. Sur ces points, le groupe UMP est d’accord. Il est naturellement utile de souligner que les élus n’agissent pas pour leur compte, mais pour leur collectivité.
Certes, comme M. le rapporteur l’a rappelé, un dernier objectif de la proposition de loi, à savoir la responsabilité civile liée à la mission de représentation des élus, a été discuté en commission. Le texte initial disposait que cette responsabilité devait pouvoir incomber à la collectivité territoriale que ces élus représentent. Or ce transfert de responsabilité civile doit être exclu, cette disposition étant incompatible avec la directive européenne Résolution, qui sera prochainement transposée. Sur ce point, la commission des lois s’est donc conformée au droit européen, avec l’accord de notre collègue Gérard Collomb, auteur de la proposition de loi.
Dès lors, avec cette modification, le texte ne pose plus de problème aux membres du groupe UMP, qui le voteront. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si la proposition de loi fait l’objet d’un quasi-consensus, elle mérite que nous en parlions.
Lorsque j’étais président de la communauté urbaine de Strasbourg et, à ce titre, comme Michel Delebarre, membre de l’Association des communautés urbaines de France, la question de mettre en place en France ce qui existait dans d’autres pays européens, c’est-à-dire la possibilité pour les collectivités territoriales d’obtenir directement des financements sur le marché obligataire, sans intermédiaire, s’est posée. À ce moment-là, la situation de Dexia, mais pas seulement, nous préoccupait. L’idée est ensuite venue de mutualiser la démarche.
Monsieur Reichardt, je tiens à vous préciser que l’eurométropole de Strasbourg, à l’époque communauté urbaine, a directement souscrit lors du mandat précédent des emprunts obligataires. La démarche faite à l’époque, qui était extrêmement complexe, n’a pu que me conforter dans l’idée qu’il valait mieux mutualiser et se doter ensemble – aujourd’hui à cent collectivités, demain, peut-être, à davantage – des outils pour intervenir sur le marché obligataire. Comme Mme la ministre l’a souligné, cela n’a pas été simple. Il a fallu convaincre un certain nombre d’administrations, mais, heureusement, nous y sommes arrivés.
Même si le contexte est un peu différent aujourd’hui, permettre à des collectivités territoriales de mutualiser la démarche pour arriver ensemble à obtenir des financements, ce qui profitera aux plus petites d’entre elles, est certainement quelque chose de sain. Ce système suppose que les représentants des collectivités territoriales au sein de l’Agence soient extrêmement vigilants et que les banquiers membres du directoire soient très compétents pour que ne se renouvelle pas ce qui s’est passé avec les emprunts toxiques. En effet, rien ne nous garantit que des erreurs de gestion ne puissent plus être commises. Veillons à ce que les expériences du passé nous servent !
J’ai pris note que cette agence est globalement plutôt bien saluée et que la seule question qui se pose, à mon grand étonnement d’ailleurs, est celle de la responsabilité des élus mandataires. Mieux valait donc préciser les choses.
Madame Cukierman, la situation d’un élu qui représente sa collectivité au sein d’une société publique locale ou d’une société d’économie mixte n’est en rien la même que celle d’un élu membre ou président d’une association. La collectivité n’a pas d’intérêt dans l’association. En revanche, dans une SEM ou une SPL, elle a un intérêt.
Monsieur Delahaye, si, dans un certain nombre de collectivités, il est prudemment conseillé aux élus qui siègent dans une SEM de ne pas prendre part à certains votes, c’est en méconnaissance de la loi, qui prévoit clairement qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts pour les élus qui siègent comme représentants de leur collectivité au sein de la société d’économie mixte ou de la société publique locale. C’est d’ailleurs encore plus vrai pour une SPL, qui est une société in-house. Il est donc logique que nous adoptions la même disposition pour cette agence de financement. À cet égard, Gérard Collomb a eu le nez creux en se disant qu’il fallait tout de suite le faire avant que des situations difficiles n’arrivent un jour devant des tribunaux et que l’un de nos collègues soit mis en cause.
Adopter cette proposition de loi permettra de rassurer ceux de nos collègues qui vont prendre de telles responsabilités, qui sont lourdes et importantes, comme l’histoire l’a montré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi sur la participation des élus locaux aux organes de direction des deux sociétés composant l'agence france locale
Article unique
L’article L. 1611-3-2 du code général des collectivités territoriales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales délibère sur ses relations avec la société publique visée au premier alinéa ou avec sa filiale, les élus locaux, agissant en tant que représentant de leur collectivité territoriale ou de leur groupement au sein du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de cette société ou de sa filiale et exerçant les fonctions de membre, de vice-président ou de président du conseil d’administration, de membre, de vice-président ou de président du conseil de surveillance, ne sont pas considérés comme étant intéressés à l’affaire, au sens de l’article L. 2131-11 du présent code.
« Les élus locaux agissant en tant que représentant de leur collectivité territoriale ou de leur groupement au sein du conseil d’administration de la société publique visée au premier alinéa ou du conseil de surveillance de sa filiale et exerçant, à l’exclusion de toute autre fonction dans l’une ou l’autre des deux sociétés, les fonctions de membre, de vice-président ou de président du conseil d’administration, de membre, de vice-président ou de président du conseil de surveillance ne sont pas considérés comme entrepreneurs de services municipaux, départementaux, ou régionaux au sens des articles L. 207, L. 231 et L. 343 du code électoral.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais revenir sur deux points.
À ceux qui s’interrogent sur l’intérêt de cette agence, dans la mesure où les temps ont changé, je veux répondre que, au-delà des bienfaits de la mise en concurrence, rien ne dit que les temps difficiles ne reviendront pas. Ce qui m’inquiète dans ce substitut bancaire mis en place pour le financement des collectivités territoriales, c’est le fait que la CAFFIL a dans son bilan tout un tas d’emprunts et de produits bizarres. Nous ne sommes donc pas du tout à l’abri d’une difficulté.
Pour des raisons de sécurité, la création de l’Agence France locale est une bonne idée, même si, au départ, sauf erreur de ma part, elle n’avait pas de lien avec l’existence d’emprunts toxiques. Certes, le problème était sous-jacent, mais ce n’est qu’après, finalement, qu’il a véritablement été mis au jour.
Des appels à la prudence et à la responsabilité des élus ont également été lancés. Je veux bien, mes chers collègues, mais rappelez-vous ce qui s’est passé pour les banquiers qui nous ont mis dans la situation que nous connaissons.
Mme Cécile Cukierman. Rien !
M. Pierre-Yves Collombat. Si, ils ont eu une retraite, confortable d’ailleurs, même si certains ont dû consentir un petit rabais…
Encore une fois, cessons de nous mortifier. Les élus, dans leur immense majorité, essaient de travailler pour l’intérêt général.
C’est une bonne chose que nous ayons un système reposant sur deux piliers : le système bancaire traditionnel et une agence qui peut directement emprunter sur le marché obligataire – une importation qui me paraît bienvenue.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi sur la participation des élus locaux aux organes de direction des deux sociétés composant l’agence France locale.
(La proposition de loi est adoptée.)
5
Protection de l'enfant
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, présentée par Mme Michelle Meunier et plusieurs de ses collègues (proposition n° 799 [2013-2014], texte de la commission n° 147, rapport n° 146, avis n° 139).
Je rappelle que nous avions commencé l’examen de ce texte le 11 décembre 2014 et que nous l’avions continué le 28 janvier 2015.
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Titre III (suite)
Adapter le statut de l’enfant placé sur le long terme
M. le président. Au sein du titre III, nous en sommes parvenus à un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 21.
Article additionnel après l’article 21
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié ter, présenté par MM. Milon, Trillard, Gilles, Mandelli, Cardoux, Bouchet, D. Laurent et B. Fournier, Mmes Mélot et Canayer, MM. César, P. Leroy et Savary, Mme Debré, MM. Lefèvre et Cadic, Mme Giudicelli, M. Dériot, Mme Micouleau et M. del Picchia, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article 21-12 du code civil est ainsi rédigé :
« 1° L'enfant qui, depuis au moins deux années, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; ».
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Actuellement, un enfant qui est recueilli et élevé par une personne de nationalité française ne peut pas réclamer la qualité de Français avant un délai de cinq ans. Les enfants recueillis par kafala dans des pays qui ne connaissent pas l’adoption ne peuvent pas bénéficier d’une adoption simple ou plénière avant de devenir Français, en application du deuxième alinéa de l’article 370-3 du code civil.
Aux termes de la proposition n° 30 du rapport intitulé 40 propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption aux réalités d’aujourd’hui, élaboré par le groupe de travail mis en place par la ministre de la famille à la fin de l’année 2013, il serait opportun, dans l’intérêt de l’enfant recueilli, de réduire le délai lui permettant d’acquérir la nationalité française en vertu de l’article 21-12 du code civil.
Ce délai de cinq ans pourrait être réduit à deux ans. Il conviendrait alors d’aligner la situation des mineurs étrangers recueillis par l’aide sociale à l’enfance, en réduisant pour eux le délai de trois à deux ans. L’enfant devenu français pourrait alors être adopté.
M. le président. Le sous-amendement n° 45 rectifié bis, présenté par Mmes Lepage et Conway-Mouret et MM. Leconte, Yung et Guerriau, est ainsi libellé :
Amendement n° 38 rectifié ter, alinéa 4
Supprimer les mots :
en France
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. L’amendement que propose notre collègue Alain Milon va dans le bon sens. En effet, de nombreux enfants ressortissants de pays ne connaissant que la kafala, procédure spécifique de recueil, se voient privés aujourd’hui de la possibilité de demander la nationalité française durant cinq longues années. Ramener ce délai à deux ans est parfaitement légitime, quand on réalise combien le statut de ces enfants est précaire.
Les difficultés sont évidentes pour les enfants recueillis par les Français vivant dans l’Hexagone, mais elles le sont bien davantage encore pour les Français résidant à l’étranger. Il suffit de voir les difficultés qui existent parfois dans les relations avec les autorités consulaires, notamment pour l’obtention d’un visa permettant de rendre visite à la famille en France.
En outre, sans la nationalité française, ces enfants ne peuvent prétendre à l’obtention d’une bourse pour effectuer leur scolarité dans un établissement français.
Nous souhaitons donc l’alignement de la situation des enfants recueillis par kafala par des ressortissants français, que ceux-ci résident en France ou à l’étranger. Il paraîtrait en effet injuste de ne pas ouvrir les mêmes droits aux Français établis à l’étranger qu’à leurs concitoyens résidant en France. Nous proposons donc de supprimer la référence au lieu de résidence de nos compatriotes recueillant ces enfants par kafala en adoptant ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement et le sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Les auteurs de cet amendement et de ce sous-amendement abordent une question dont personne ne nie l’importance, à commencer par la commission des lois. Pour autant, celle-ci n’a pas pu se saisir de cette question qui semble relever de sa compétence ; or elle aurait souhaité l’étudier de manière plus approfondie.
Je relèverai un autre point formel : cette disposition dépasse le cadre de cette proposition de loi qui concerne principalement l’enfance en danger, ce qui n’est pas forcément le cas des enfants de kafala. Elle aurait davantage vocation à s’inscrire dans une réflexion globale sur l’adoption, dont vous avez explicitement admis la nécessité, mes chers collègues, lorsque vous avez rejeté un certain nombre d’amendements portant sur l’adoption simple ou l’adoption plénière lors de l’examen des précédents articles.
Je vous invite donc à rejeter l’amendement n° 38 rectifié ter et le sous-amendement n° 45 rectifié bis, mais cette prise de position ne vise pas à exclure définitivement et radicalement l’étude de cette disposition. En effet, l’institution de la kafala, je le rappelle, est une curiosité, car il s’agit d’une institution de droit coranique. En adoptant cet amendement, nous donnerions l’impression de faire échec, par le biais du droit français, à une volonté du droit coranique, ce qui pose de nombreuses difficultés à mes yeux.
Tout d’abord, je crains que, dans le cadre de cette institution, beaucoup moins d’enfants ne soient à l’avenir confiés à des ressortissants français.
Ensuite, il faut envisager les difficultés qui pourraient surgir en matière de droit international privé. Imaginons que l’oncle, qui a vocation, en droit coranique, à devenir celui qui recueille l’enfant, réside en Algérie, au Maroc ou dans un autre pays. Vous allez créer un conflit de lois entre l’application du droit coranique et l’application du droit français.
Cet amendement et ce sous-amendement procèdent tous les deux d’une excellente initiative, mais ils méritent un débat beaucoup plus approfondi, qui justifierait peut-être même que nous engagions une réflexion avec des partenaires internationaux. Je vous suggère donc de ne pas adopter ces dispositions pour préparer une réflexion beaucoup plus large.
Mes chers collègues, puisque vous avez décidé, lors de la séance du 28 janvier 2015, de renvoyer toutes les dispositions qui touchaient à l’adoption simple et à l’adoption plénière à un débat d’ensemble, nécessaire pour garantir la cohérence de notre dispositif juridique, pourquoi ne pas intégrer à ce débat la réflexion sur un autre système, celui de la kafala, qui constituerait une troisième possibilité d’adoption ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Ce délai a été fixé à cinq ans pour deux raisons. La première est d’éviter un contournement des règles relatives à l’adoption internationale. La deuxième est une harmonisation avec les règles d’acquisition de la nationalité pour les enfants nés en France de parents étrangers et résidant régulièrement sur le territoire français, où le délai est de cinq ans. Il ne paraît pas juste au Gouvernement d’instaurer un délai différent et plus court pour les enfants relevant du mécanisme de la kafala. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite réagir aux propos de M. le rapporteur pour avis. Pour s’opposer à l’adoption de cet amendement et de ce sous-amendement, il nous rappelle que la proposition de loi ne porte pas sur l’adoption. Cet argument est recevable.
Cependant, il nous indique également que l’adoption de ces dispositions nous mettrait en difficulté par rapport au droit international. Je voudrais simplement rappeler que, parmi les pays européens qui pratiquent l’adoption, la France est le seul qui respecte la kafala. En Belgique, en Espagne ou ailleurs, les enfants nés sous kafala prennent au bout de deux ans la nationalité des parents adoptants. Tous les autres pays sont donc en désaccord avec nous, et je ne vois pas pourquoi la France ne s’alignerait pas sur eux.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 45 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié ter, modifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 21.
Article 22
I. – Avant l’article 222-31-2 du code pénal, il est rétabli un article 222-31-1 du code pénal ainsi rédigé :
« Art. 222-31-1. – Les viols et les autres agressions sexuelles définis aux paragraphes 1 et 2 de la présente section constituent des incestes lorsqu’ils sont commis sur un mineur par :
« 1° Son ascendant ;
« 2° Son oncle ou sa tante ;
« 3° Son frère ou sa sœur ;
« 4° Sa nièce ou son neveu ;
« 4° bis (nouveau) Son grand-oncle ou sa grand-tante ;
« 4° ter (nouveau) Son cousin germain ou sa cousine germaine ;
« 5° le conjoint ou le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° à 4°, ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une de ces personnes. »
II. – Avant l’article 227-27-3 du même code, il est inséré un article 227-27-3A ainsi rédigé :
« Art. 227-27-3A. – Les infractions définies aux articles 227-25 à 227-27 constituent des incestes lorsqu’elles sont commises sur un mineur par :
« 1° Son ascendant ;
« 2° Son oncle ou sa tante ;
« 3° Son frère ou sa sœur ;
« 4° Sa nièce ou son neveu ;
« 4°bis (nouveau) Son grand-oncle ou sa grand-tante ;
« 4° ter (nouveau) Son cousin germain ou sa cousine germaine ;
« 5° Le conjoint ou le concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° à 4°, ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une de ces personnes. »
III. – (Supprimé)
IV. – (Supprimé)
V. – (Supprimé)
VI. – (Supprimé)
VII. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Pillet, rapporteur pour avis. Nous en arrivons à l’examen d’un article concernant l’inceste. Je dois vous dire, à cette occasion, comment j’ai personnellement évolué. Le juriste que je reste pensait – ce qui est d’ailleurs exact en droit – que l’inceste recevait une sanction dans notre code pénal et qu’il n’était pas utile d’en rajouter. Pour autant, j’ai parfaitement compris la position des personnes qui souhaiteraient que le mot « inceste » figure dans le code pénal. Je pense effectivement qu’il faut que la loi soit adaptée, le plus souvent possible, au vocabulaire courant.
Hier, lors de l’examen dans cet hémicycle d’une proposition de loi concernant le signalement, par les médecins, des cas de maltraitance sur les enfants et tendant à les exonérer de toute responsabilité pénale, civile ou disciplinaire, je vous ai dit que ce texte ne modifiait pas le fond du droit, mais qu’il présentait l’avantage de l’éclairer par une rédaction nouvelle.
Dans le cas de l’inceste, je vous dirai la même chose. Je suis tout à fait prêt à réétudier la question afin que le mot « inceste » figure dans notre code pénal. Pour autant, nous ne pouvons pas négliger la dernière décision du Conseil constitutionnel sur ce point. Nous ne pouvons pas, me semble-t-il, intégrer immédiatement la notion d’inceste dans le code pénal sans engager au préalable une réflexion très large, que les rapporteurs n’ont pas pu mener dans le cas présent, puisqu’ils n’ont pas pu organiser d’auditions sur ce point. C’est tellement vrai que, si nous l’intégrions sous la forme de cet article 22, nous prévoirions une répression pénale de l’inceste commis entre cousins germains. Or j’appelle votre attention sur le fait, d’une part, que l’inceste n’est pas forcément une violence sexuelle et, d’autre part, que les cousins germains peuvent se marier : si l’article 22 était adopté tel quel, ils se trouveraient alors en situation d’inceste.
Vous voyez donc que la réflexion n’est pas du tout aboutie dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle tant la commission des lois que la commission des affaires sociales avaient décidé que ces dispositions seraient discutées en séance publique, afin que nous puissions débattre de cette situation, mais qu’il ne s’agirait que d’un débat préalable à un débat beaucoup plus technique sur l’incorporation du mot « inceste » dans le code pénal. Aujourd’hui, tout le monde est prêt a priori à franchir ce pas, mais nous ne le ferons que si notre démarche est bien assurée.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de différer l’inscription de cette infraction dans notre code pénal. J’ajoute que, dans un amendement qui viendra ensuite en discussion, le mot « inceste » a été affublé d’un pluriel, ce qui pourrait laisser entendre qu’il existe plusieurs types d’infraction répréhensible dans les situations d’inceste, entraînant donc plusieurs types de répression. Vous voyez bien que la réflexion n’est absolument pas aboutie.
Pour autant, même si vous me suivez en adoptant cet amendement de suppression, nous aurons indiqué à ceux qui souhaitent cette évolution que nous les avons entendus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michelle Meunier, rapporteur. Je remercie M. le rapporteur pour avis de ses explications nuancées. Néanmoins, la commission a émis un avis défavorable sur son amendement, pour des raisons évidentes.
L’article 22 permet de reconnaître enfin la spécificité des violences endurées par les victimes d’inceste, sans pour autant changer les peines encourues par les coupables. Il s’agit donc d’une avancée extrêmement importante pour les victimes qui subissent ces violences. Celles-ci attendent depuis très longtemps que le code pénal reconnaisse l’inceste en tant que tel et que celui-ci ne soit plus traité comme n’importe quel viol ou atteinte sexuelle. Quel signe le législateur leur enverrait-il en supprimant cet article ?
Je précise que l’article 22 prend en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui impose de définir précisément les personnes susceptibles d’être condamnées pour inceste.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage la préoccupation de la commission des affaires sociales, qui est aussi, j’imagine, celle de l’ensemble des sénateurs, même ceux de la commission des lois, de rendre justice aux victimes de l’inceste et de prévenir cette agression sexuelle d’une nature toute particulière.
Cependant, l’article 22, dans sa rédaction actuelle, pose un certain nombre de problèmes. Tout d’abord, cette modification de notre droit pénal mériterait qu’une réflexion plus approfondie soit engagée, en particulier avec la Chancellerie. Ensuite, le législateur a été censuré plusieurs fois par le Conseil constitutionnel, nous sommes donc un peu « échaudés ». Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à ce qu’un travail soit réalisé pour parvenir à la meilleure définition possible. Il souhaiterait en particulier pouvoir soumettre une nouvelle rédaction au Conseil d’État.
Madame la rapporteur, vous avez évoqué la portée symbolique qu’aurait, pour les victimes, l’adoption par le Sénat de cet amendement de suppression. Permettez-moi d’appeler aussi votre attention sur la portée symbolique qu’aurait une troisième décision de censure du Conseil constitutionnel.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement de suppression.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 107 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 139 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 22 est supprimé et les amendements nos 19, 12 et 13 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes.
L'amendement n° 19, présenté par Mme Morin-Desailly, était ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Après le paragraphe 2 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, il est inséré un paragraphe 2 bis ainsi rédigé :
« Paragraphe 2 bis
« De l’inceste
« Art. 222-31-1. - Les viols et les agressions sexuelles définis aux paragraphes 1 et 2 de la présente section constituent des incestes lorsqu’ils sont commis sur un mineur par :
« 1° L’un de ses ascendants ;
« 2° L’un de ses oncles ou l’une de ses tantes ;
« 3° L’un de ses frères ou l’une de ses sœurs ;
« 4° L’un de ses neveux ou l’une de ses nièces ;
« 5° Le conjoint ou l’ex-conjoint, ou le concubin ou l’ex-concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° à 4°, ou le partenaire ou l’ex-partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une de ces personnes. »
II. - Après l’article 227-27-1 du même code, il est inséré un article 227-27-1-... ainsi rédigé :
« Art. 227-27-1-... - Les infractions définies aux articles 227-25, 227-26 et 227-27 constituent des incestes lorsqu’elles sont commises sur un mineur par :
« 1° L’un de ses ascendants ;
« 2° L’un de ses oncles ou l’une de ses tantes ;
« 3° L’un de ses frères ou l’une de ses sœurs ;
« 4° L’un de ses neveux ou l’une de ses nièces ;
« 5° Le conjoint ou l’ex-conjoint, ou le concubin ou l’ex-concubin d’une des personnes mentionnées aux 1° à 4°, ou le partenaire ou l’ex-partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l’une de ces personnes. »
III. - Le 4° de l’article 222-24 du même code est remplacé par des 4° et 4° bis ainsi rédigés :
« 4° Lorsqu’il est commis par une personne ayant autorité sur la victime ;
« 4° bis Lorsqu’il est incestueux ; ».
IV. - Le 2° de l’article 222-28 du même code est remplacé par des 2° et 2° bis ainsi rédigés :
« 2° Lorsqu’elle est commise par une personne ayant autorité sur la victime ;
« 2° bis Lorsqu’elle est incestueuse ; ».
V. - Le 2° de l’article 222-30 du même code est remplacé par des 2° et 2° bis ainsi rédigés :
« 2° Lorsqu’elle est commise par une personne ayant autorité sur la victime ;
« 2° bis Lorsqu’elle est incestueuse ; ».
VI. - Le 1° de l’article 227-26 du même code est remplacé par des 1° et 1° bis ainsi rédigés :
« 1° Lorsqu’elle est commise par une personne ayant autorité sur la victime ;
« 1° bis Lorsqu’elle est incestueuse ; ».
VII. - Le 1° de l’article 227-27 du même code est remplacé par des 1° et 1° bis ainsi rédigés :
« 1° Lorsqu’elles sont commises par une personne ayant autorité sur la victime ;
« 1° bis Lorsqu’elles sont incestueuses ; ».
L'amendement n° 12, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, était ainsi libellé :
Alinéas 7 et 16
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 13, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, était ainsi libellé :
Alinéas 8 et 17
Supprimer ces alinéas.
Articles additionnels après l'article 22
M. le président. L'amendement n° 43 rectifié, présenté par M. Cornano, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
1° Le code civil est ainsi modifié :
a) Au dernier alinéa de l’article 62, la référence : « et 371-2 » est remplacée par les références : « , 371-2, 372 et 373-2 » ;
b) Le titre II du livre Ier est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« De la publicité des actes de l’état civil
« Art. 101-1. – La publicité des actes de l’état civil est assurée par la délivrance des copies intégrales ou d’extraits faite par les officiers de l’état civil.
« Le contenu et les conditions de délivrance des copies intégrales et des extraits sont fixés par décret en Conseil d’État.
« La procédure de vérification sécurisée des données à caractère personnel contenues dans les actes de l’état civil peut être mise en œuvre aux fins de suppléer à la délivrance des copies intégrales et des extraits, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. 101-2. – La publicité des actes de l’état civil est également assurée par le livret de famille, dont le contenu, les règles de mise à jour et les conditions de délivrance et de sécurisation sont fixés par décret en Conseil d’État. Son modèle est défini par arrêté. » ;
c) L’article 371 est ainsi rédigé :
« Art. 371. – Les parents et les enfants se doivent mutuellement respect, considération et solidarité. »
d) Le premier alinéa de l’article 372 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils s’informent réciproquement de l’organisation de la vie de l’enfant et prennent ensemble les décisions qui le concernent. » ;
e) Après l’article 372, sont insérés deux articles 372-1 et 372-1-1 ainsi rédigés :
« Art. 372-1. – Tout acte de l’autorité parentale, qu’il ait un caractère usuel ou important, requiert l’accord de chacun des parents lorsqu’ils exercent en commun l’autorité parentale. Cet accord n’est pas présumé pour les actes importants.
« Constitue un acte important l’acte qui rompt avec le passé et engage l’avenir de l’enfant ou qui touche à ses droits fondamentaux.
« En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales, en référé le cas échéant. Le juge statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant et en prenant en considération les éléments mentionnés à l’article 373-2-11.
« Art. 372-1-1 – Le changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités de résidence de l’enfant ou le droit de visite de l’autre parent, et le changement d’établissement scolaire sont des actes importants.
« Le juge peut dispenser le changement de résidence ou d’établissement scolaire de l’enfant de l’accord de l’autre parent, si ce changement est motivé par les violences exercées par ce dernier.
« Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. » ;
f) Le dernier alinéa de l’article 373-2 est supprimé.
g) L’article 373-2-6 est ainsi modifié :
- Au deuxième alinéa, après le mot : « prendre », sont insérés les mots : « , le cas échéant sous astreinte, » ;
- Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut également, lorsqu’un parent fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale prévues à l’article 372-1 ou lorsqu’un parent ne respecte pas une décision ou une convention homologuée fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le condamner, par une décision spécialement motivée, au paiement d’une amende civile d’un montant qui ne peut excéder 10 000 €. L’amende est proportionnée à la gravité de l’atteinte aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale et aux facultés contributives du parent. » ;
h) Le début du deuxième alinéa de l’article 373-2-1 est ainsi rédigé : « Il fixe la résidence de l’enfant au domicile du parent qui exerce l’autorité parentale et détermine le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, qui ne peut être refusé que... (le reste sans changement). » ;
i) Le deuxième alinéa de l’article 373-2-2 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le montant de cette pension peut être modifié par le juge si le non-respect par l’un des parents de la convention homologuée ou de la décision du juge aux affaires familiales a pour effet de modifier la répartition entre les parents de la charge effective d’entretien et d’éducation de l’enfant. Le versement de la pension alimentaire par virement sur un compte bancaire peut être prévu par la convention homologuée ou par le juge. » ;
j) L’article 373-2-9 du même code est ainsi modifié :
- Les trois premiers alinéas sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« En application des articles 373-2-7 et 373-2-8, la résidence de l’enfant est fixée au domicile de chacun des parents, selon les modalités de fréquence et de durée déterminées d’un commun accord entre les parents ou, à défaut, par le juge.
« À titre exceptionnel, le juge peut fixer la résidence de l’enfant au domicile de l’un des parents. Dans ce cas, il statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent. Si les circonstances l’exigent, ce droit de visite peut être exercé dans un espace de rencontre qu’il désigne. » ;
- Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ces différentes modalités peuvent être ordonnées par le juge à titre provisoire pour une durée qu’il détermine. Au terme de celle-ci, il statue définitivement. » ;
2° Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la première partie du code de l’éducation est complété par un article L. 131-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-13. – L’inscription d’un enfant soumis à l’obligation scolaire dans un établissement d’enseignement public ou privé ou la déclaration faite au maire de la commune de résidence qu’il lui est donné l’instruction dans la famille doit être effectuée d’un commun accord par chacun des parents exerçant l’autorité parentale.
« Le premier alinéa s’applique en cas de changement de résidence ou de choix d’instruction.
« À défaut d’accord entre les deux parents intervenu avant la rentrée scolaire ou dans les huit jours qui suivent tout changement de résidence, l’enfant est scolarisé dans l’établissement d’enseignement public dont dépend le domicile où il réside majoritairement ou, lorsque sa résidence est partagée à égalité entre les domiciles de chacun de ses parents, dans l’établissement d’enseignement public le plus facilement accessible à partir des deux domiciles.
« Sauf en cas d’accord de chacun des deux parents, les modalités de scolarisation résultant de l’application des trois premiers alinéas ne peuvent être modifiées, en cours d’année scolaire, que par décision du juge aux affaires familiales.
« Le présent article est applicable aux enfants scolarisés dans les classes enfantines ou les écoles maternelles ainsi qu’à ceux qui poursuivent leurs études à l’issue de la scolarité obligatoire. » ;
3° L’article 373-2-12 du code civil est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge peut également ordonner une expertise en vue de recueillir des éléments médicaux ou psychologiques. » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « ou celles de l’expertise » et, après le mot : « contre-enquête », sont insérés les mots : « ou une contre-expertise » ;
c) Le début du troisième alinéa est ainsi rédigé : « Les conclusions de l’enquête sociale ou de l’expertise ne peuvent être utilisées... (le reste sans changement). » ;
4° Hors le cas prévu au premier alinéa de l’article 227-5 du code pénal et sous réserve des cas prévus aux trois derniers alinéas du même article, le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni de l’amende prévue à l’article 131-13 du même code pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue aux articles 529 à 529-2 du code de procédure pénale ;
5° Le code pénal est ainsi modifié :
a) L’article 227-5 est ainsi modifié :
- Le début est ainsi rédigé : « Lorsque la personne concernée a déjà fait l’objet d’une contravention pour un fait identique au cours des deux années précédentes, le fait… (le reste sans changement). » ;
- Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Ne peut donner lieu à des poursuites pénales le fait de refuser de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer :
« 1° Si la représentation de l’enfant ferait courir un danger à celui-ci ;
« 2° En cas de manquement grave et habituel du titulaire du droit de réclamer l’enfant aux obligations qui lui incombent en application du second alinéa de l’article 373-2 du code civil. » ;
b) Au premier alinéa de l’article 227-9, les mots : « Les faits définis par les articles 227-5 et 227-7 » sont remplacés par les mots : « Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer et le fait défini à l’article 227-7 » ;
6° Au premier alinéa de l’article 378-1 du code civil, après le mot : « traitements », sont insérés les mots : « physiques ou psychologiques » ;
7° L’article 34-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est ainsi rédigé :
« Art. 34-1. – Le procureur de la République veille à l’exécution des décisions de justice rendues en matière civile.
« Sous réserve des dispositions applicables aux procédures civiles d’exécution, le procureur de la République peut requérir directement la force publique pour faire exécuter ces décisions de justice.
« Pour les décisions, rendues sur le fondement des instruments internationaux et européens, relatives au déplacement illicite international d’enfants, les conditions du recours à la force publique par le procureur de la République sont définies par décret en Conseil d’État. »
8° L’article 145-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le juge d’instruction ne peut refuser ce permis de visite à un enfant mineur de la personne placée en détention provisoire que pour des motifs graves relatifs au secret de l’instruction ou à l’intérêt supérieur de l’enfant. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À partir de l’âge de seize ans révolus, un enfant de la personne placée en détention provisoire peut demander et exercer ce permis de visite sans l’accord du titulaire de l’autorité parentale. » ;
9° Le code civil est ainsi modifié :
a) À la fin de l’article 372-2, les mots : « relativement à la personne de l’enfant » sont remplacés par les mots : « ou quand il autorise un tiers à accomplir un tel acte » ;
b) Après l’article 373-2-1, il est inséré un article 373-2-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 373-2-1-1. – Sans préjudice de l’article 372-2, le parent peut, avec l’accord de l’autre parent, donner un mandat d’éducation quotidienne à son concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou conjoint avec lequel il réside de façon stable pour chacun des enfants vivant avec le couple. Le mandat, rédigé par acte sous seing privé ou en la forme authentique, permet au concubin, partenaire ou conjoint d’accomplir les actes usuels de l’autorité parentale pour la durée de la vie commune.
« Le mandat peut être révoqué à tout moment par le mandant. Il prend fin de plein droit en cas de rupture de la vie commune, de décès du mandant ou du mandataire ou de renonciation de ce dernier à son mandat. » ;
c) L’article 373-3 est ainsi modifié :
- À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « choisi de préférence dans sa parenté » sont remplacés par les mots : « parent ou non » ;
- La première phrase du troisième alinéa est ainsi modifiée :
i. Les mots : « celui d’entre eux qui exerce cette autorité » sont remplacés par les mots : « l’un d’eux » ;
ii. Sont ajoutés les mots : « mais à un tiers, choisi dans sa parenté ou non, selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant » ;
d) L’article 373-4 est ainsi modifié :
- Au premier alinéa, les mots : « accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « peut accomplir tous les actes usuels de l’autorité parentale. À titre exceptionnel, le juge peut également l’autoriser à accomplir, lorsque l’intérêt de l’enfant le justifie, un acte important de l’autorité parentale. » ;
- Le second alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de conflit entre le tiers et le ou les parents, chacun peut saisir le juge, qui statue en considération de l’intérêt de l’enfant. » ;
e) La section 3 du chapitre Ier du titre IX du livre Ier est ainsi modifiée :
- L’intitulé est ainsi rédigé : « Du partage et de la délégation de l’exercice de l’autorité parentale » ;
- Au début, il est inséré un paragraphe 1 intitulé : « Principes généraux » et comprenant les articles 376 à 376-3 ;
- Après l’article 376-1, il est inséré un article 376-2 ainsi rédigé :
« Art. 376-2. – Lorsqu’il statue sur le partage ou la délégation de l’exercice de l’autorité parentale, le juge règle les différentes questions qui lui sont soumises en application du présent chapitre. Il peut être saisi des difficultés nées de l’exercice partagé ou délégué par les parents, l’un d’eux, le tiers qui exerce l’autorité parentale ou le ministère public. » ;
- Les articles 377 et 377-2 deviennent, respectivement, les articles 377-2 et 377-3 ;
- Après l’article 377-1, il est inséré un paragraphe 3 intitulé : « De la délégation de l’exercice de l’autorité parentale » et comprenant les articles 377-2 et 377-3, tels qu’ils résultent de l’alinéa précédent ;
- L’article 377-3 devient l’article 376-3 et est complété par les mots : « ou partagé ».
10° Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
a) Au 3° de l’article L. 222-5, les références : « 377, 377-1 » sont remplacées par la référence : « 377-2 » ;
b) Au 3° de l’article L. 228-3, les références : « des articles 377 et 377-1 » sont remplacées par la référence : « de l’article 377-2 » ;
11° Le code civil est ainsi modifié :
a) L’article 377-1 est remplacé par un paragraphe 2 ainsi rédigé :
« Paragraphe 2
« Du partage de l’exercice de l’autorité parentale
« Art. 377. – Les parents qui exercent conjointement l’autorité parentale peuvent saisir le juge aux affaires familiales, afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent le partage de tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale avec un tiers.
« Le juge peut également être saisi par l’un des parents qui exercent l’autorité parentale. Le partage nécessite l’accord des deux parents.
« La même faculté appartient au parent qui exerce seul l’autorité parentale. L’avis de l’autre parent doit être recueilli.
« Dans tous les cas, le juge homologue la convention, sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement du ou des parents n’a pas été donné librement.
« Art. 377-1. – Le partage prend fin par une convention homologuée par le juge ou, en cas de désaccord, par un jugement à la demande du tiers ou de l’un des parents.
« Si la demande émane d’un parent qui exerce l’autorité parentale, le juge y fait droit, sauf circonstances exceptionnelles. » ;
b) Au deuxième alinéa de l’article 377-2, tel qu’il résulte du e du 9° du présent article, après le mot : « manifeste », sont insérés les mots : « ou si les parents s’abstiennent ou refusent, de façon répétée, d’effectuer des actes importants en application du deuxième alinéa de l’article 375-7 » ;
12° Après la section 2 du chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, est insérée une section 2 bis ainsi rédigée :
« Section 2 bis
« La médiation familiale
« Art. 22-4. – Les différends entre époux ou entre parents peuvent faire l’objet d’une mesure de médiation familiale en vue de leur résolution amiable.
« Art. 22-5. – La médiation familiale, qui a pour finalité d’apaiser le conflit et de préserver les relations au sein de la famille, est un processus structuré et confidentiel de résolution amiable des différends familiaux. Avec l’aide du médiateur familial, tiers qualifié, impartial et indépendant, les personnes tentent de parvenir à une solution mutuellement acceptable, qui tient compte de l’intérêt de chacune et de celui de leurs enfants éventuels et qui peut prendre la forme d’accords susceptibles d’être homologués par le juge.
« Art. 22-6. – Les sections 1 et 2 du présent chapitre sont applicables à la médiation familiale. » ;
13° Le code civil est ainsi modifié :
a) Les deux derniers alinéas de l’article 373-2-10 sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« À l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, le juge peut :
« 1° Leur proposer une mesure de médiation familiale et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;
« 2° Leur enjoindre de rencontrer un médiateur familial, qui les informe sur l’objet et le déroulement de cette mesure ;
« 3° Leur enjoindre de prendre part à une ou deux séances de médiation familiale, sauf si des violences ont été commises par l’un des parents sur la personne de l’autre parent ou sur la personne de l’enfant. » ;
b) L’article 373-2-13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un accord sur les modifications à apporter à la convention homologuée ou aux décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale, le juge peut leur enjoindre de prendre part à une ou deux séances de médiation familiale, sauf si des violences ont été commises par l’un des parents sur la personne de l’autre parent ou sur la personne de l’enfant. » ;
c) L’article 388-1 est ainsi modifié :
- Au premier alinéa, les mots : « capable de discernement » sont supprimés ;
- Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il doit être entendu selon des modalités adaptées à son degré de maturité. » ;
- Le deuxième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande et ne peut, par exception, être écartée que si son intérêt le commande et par une décision spécialement motivée.
« Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus.
« Le mineur peut être entendu seul ou avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne. » ;
d) Après le mot : « mère », la fin du deuxième alinéa de l’article 413-2 est ainsi rédigée : « , de l’un d’eux ou du mineur lui-même. » ;
e) L’article 413-3 est complété par les mots : « ou du mineur lui-même » ;
14° L’article 21 de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’article 515-7 du code civil, le pacte civil de solidarité conclu postérieurement à ce mariage est dissous de plein droit à compter de la date de cette transcription. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre…
Autorité parentale
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 44 rectifié bis, présenté par M. Cornano, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
a) Après la troisième phrase de l'article L. 121-1 du code de l'éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils enseignent la pratique de la résolution non violente des conflits. » ;
b) Après la section 10 du chapitre II du titre Ier du livre III, est insérée une section ainsi rédigée :
« Section 11 : L'éducation à la résolution non violente des conflits
« Art. L. 312-18-1. – Une éducation à la résolution non violente des conflits est mise en œuvre à tous les niveaux du système éducatif français, avec un programme prévoyant une progression, des outils et des méthodes pédagogiques adaptés à ce type d'enseignement.
« Le contenu et les modalités de mise en œuvre du programme pour l'éducation à la résolution non violente des conflits sont précisés par décret après avis du Haut Conseil de l'éducation. » ;
c) À l'article L. 401-2, après les mots : « le règlement intérieur », sont insérés les mots : « affirme l'interdit de la violence sous toutes ses formes et » ;
d) L'article L. 511-1 est complété par les mots : « et notamment l'obligation de n'user d'aucune violence à l'égard d'aucun membre de la communauté éducative » ;
e) L'article L. 511-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les élèves ont droit à la sécurité et, conformément à l'article 19 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, à être protégés contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalité physique ou mentale. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 23
(Non modifié)
Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente proposition de loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Après un cheminement assez long, nous arrivons, avec cette troisième séance, au terme de la discussion de cette proposition de loi interrompue à deux reprises.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, le rapport que Mmes Meunier et Dini ont élaboré va dans le bon sens. Nous l’avions d’ailleurs adopté en commission. Néanmoins, notre groupe aurait souhaité une étude d’impact un peu plus approfondie pour préciser certains points, compte tenu notamment des charges nouvelles qui vont être supportées par les départements sur les plans humain et financier.
Au fil de cette discussion, notre groupe a fait adopter certains de ses amendements, ce qui nous a permis, au bout du compte, d’obtenir des modifications assez sensibles du texte pour l’orienter dans le sens que nous souhaitions.
Parmi ces modifications, je citerai la suppression du conseil national de la protection de l’enfance, qui faisait doublon avec d’autres organismes et dont la disparition contribue à limiter l’empilement des structures nationales.
Nous nous sommes employés à éviter la création de contraintes supplémentaires pour les départements en faisant voter la suppression de l’obligation faite au président du futur conseil départemental de mettre en place une nouvelle commission pluridisciplinaire pour examiner les situations des enfants de moins de deux ans tous les six mois.
Nous avons fait en sorte de mieux articuler les compétences du juge et de l’aide sociale à l’enfance en respectant leur domaine d’intervention propre.
Enfin, la Haute Assemblée a refusé les modifications des règles de l’adoption. Si la question d’une réforme globale de l’adoption peut être examinée, il n’est en effet pas apparu pertinent de procéder, dans le cadre de l’examen de ce texte, à des modifications significatives des principes qui la régissent.
Compte tenu de cette discussion vivante et riche, étalée dans le temps, compte tenu des dispositions que la Haute Assemblée a adoptées sur proposition du groupe UMP, nous voterons le texte.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Avant d’en venir à mon explication de vote, il me tient à cœur de rendre hommage au travail mené par notre défunt collègue Claude Dilain.
Parlementaire estimé de tous, inlassable défenseur des territoires oubliés de la République, Claude Dilain aura également, par son engagement et son expertise de médecin pédiatre, grandement contribué à irriguer nos réflexions en matière de protection de l’enfance. C’est avec le souci qui était le sien de placer l’intérêt de l’enfant au cœur du dispositif qu’il nous éclairait encore tout récemment ici sur le texte dont l’examen s’achève en cette fin d’après-midi. J’espère que son analyse sur la prise en compte du degré de maturité de l’enfant et non plus de l’âge de discernement cheminera et trouvera une traduction juridique au cours de la navette parlementaire.
Si la nécessité de protéger les enfants relève de l’évidence, force est de constater les divergences qui existent quant au choix des modalités permettant d’assurer cette protection. J’en veux pour preuve les débats qui ont animé cet hémicycle. Je remercie Michelle Meunier, rapporteur et coauteur de cette proposition de loi avec notre ancienne collègue Muguette Dini, de les avoir initiés. Je salue le travail qu’elle a mené et sa volonté forte d’aboutir.
Sept ans après la promulgation de la loi réformant la protection de l’enfance, le texte dont nous avons débattu vise à apporter une réponse satisfaisante aux problèmes d’instabilité des parcours, de prise en charge de certains enfants et à encourager l’adaptation des pratiques professionnelles tout en améliorant la gouvernance nationale et locale de la protection de l’enfance.
Parmi les motifs de satisfaction à l’issue de cette première lecture, je retiens d’abord les précisions apportées au projet pour l’enfant afin d’en faire un véritable instrument au service de l’intérêt supérieur du mineur. Il me paraît ensuite important de souligner la sécurisation du parcours de l’enfant placé en permettant à l’assistant familial qui en a la responsabilité de pouvoir exercer certains actes usuels de l’autorité parentale. Je ne doute pas que les mesures adoptées vont dans le bon sens et amélioreront la vie courante des enfants et de ceux qui les accueillent.
Je veux aussi rappeler la désignation dans chaque département d’un médecin référent dont le rôle sera de coordonner la transmission des informations. Cette mesure contribuera à renforcer la coopération entre les professionnels.
Je tiens enfin à souligner l’amélioration de la formation des professionnels avec l’attribution aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance de la mission de programmation et d’évaluation.
À l’inverse, nous regrettons que certaines propositions clés n’aient pas reçu l’assentiment d’une majorité de nos collègues, notamment celles visant à mieux coordonner les acteurs ou à harmoniser les pratiques. Pour autant, le diagnostic que la proposition de loi a permis d’opérer sur notre législation relative à la protection de l’enfance est important. Il est indispensable – je pense qu’il y va de notre responsabilité – de faire évoluer dans l’intérêt de l’enfant notre dispositif, qui demeure perfectible.
Le groupe socialiste votera la proposition de loi avec l’espoir de la voir enrichie au gré de son parcours législatif.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Comme l’a dit ma collègue Laurence Cohen lors de la discussion générale, le groupe CRC considère que cette proposition de loi va dans le bon sens. Elle poursuit trois objectifs que nous partageons : améliorer la gouvernance nationale et locale, sécuriser le parcours des enfants protégés et adapter le statut de l’enfant placé sur le long terme.
Nous avons apprécié, madame la secrétaire d’État, la façon dont les débats se sont déroulés et vos efforts pour nous convaincre au cours d’un échange franc et courtois. Nous tenons également à saluer Michelle Meunier et François Pillet pour la qualité de leur contribution.
Nous regrettons cependant que nos trois amendements n’aient pu être adoptés, car ils visaient à enrichir la proposition de loi en comblant des manques ; je pense notamment à la prise en charge des fratries et à la sécurisation du statut du tiers digne de confiance. Nous espérons que le débat que nous avons suscité concernant les parrainages sera suivi d’effet dans un autre cadre puisque vous avez manifesté, madame la secrétaire d’État, votre intérêt face à cette proposition.
Nous regrettons également que la proposition de loi n’aborde jamais la question des moyens nécessaires à son application. Être obligé de légiférer dans un cadre de restriction budgétaire des dépenses publiques empêche malheureusement de développer des politiques ambitieuses, notamment en ce qui concerne la prévention, ciment de toute politique de protection de l’enfance.
Nous regrettons encore plus fortement la façon dont la proposition de loi a parfois été dénaturée par l’adoption d’amendements venant de la droite, notamment quelques amendements de suppression. Nous trouvions déjà que ce texte manquait d’ambition et devons malheureusement confirmer ce constat.
Après nous être interrogés sur notre vote final, nous avons décidé de suivre Mme la rapporteur afin de permettre à la proposition de loi d’être étoffée et enrichie par la lecture à l’Assemblée nationale. Nous considérons plus que jamais que ce texte est un premier pas et qu’il est indispensable d’aller plus loin encore dans le domaine éminemment important de la protection de l’enfance. Notre vote sera donc positif, quoique critique, dans l’attente de la suite du parcours législatif.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Michelle Meunier, rapporteur. J’ai moi aussi une pensée émue pour Claude Dilain, qui a beaucoup travaillé sur ce texte et que j’avais personnellement commencé à connaître un peu mieux ces derniers mois.
J’ai également une pensée pour notre ancienne collègue Muguette Dini, qui suit très certainement nos travaux. Elle n’a pas souhaité venir assister à nos séances en tribunes, mais elle sait pouvoir compter sur certaines et certains ici pour défendre ses propositions, qui avaient été sinon unanimement, du moins très largement approuvées par la commission des affaires sociales.
Au cours des séances publiques, j’ai pu constater des prises de position parfois un peu différentes de celles qui avaient été exprimées en commission des affaires sociales. Qu’importe, ce que j’ai envie de dire, c’est « Nous y sommes ! ». Même si le texte issu de nos travaux est amputé de parties importantes et indispensables pour l’intérêt de l’enfant, la protection de l’enfance et l’aide sociale à l’enfance, je fais confiance au travail de nos collègues de l’Assemblée nationale et surtout au Gouvernement pour compléter, enrichir et améliorer la proposition de loi. Je salue d’ailleurs Laurence Rossignol pour son écoute et le travail qu’elle mène avec les professionnels, les anciens de la protection de l’enfance, les élus des conseils généraux, quelle que soit leur sensibilité.
Avoir pu accomplir ce travail de bout en bout, dans l’intérêt de l’enfant, c’est pour moi tout à la fois une belle leçon et une « première ». J’ai bien conscience que nous n’en avons pas terminé.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. La protection de l’enfance est souvent un travail de l’ombre, mais une démocratie se distingue par le fait qu’elle protège ses enfants. Je regrette donc que ce sujet essentiel ait été « saucissonné » en trois séances.
Même si la loi du 5 mars 2007 avait apporté de grands changements et entraîné une véritable révolution de la protection de l’enfance, nous savions tous qu’il fallait y apporter des améliorations. Ce débat nous a permis de le faire. J’espère que nous aurons d’autres occasions de compléter ce travail, non seulement parce que les enfants le méritent, mais aussi parce que la société bouge. Nous devons donc, nous aussi, évoluer et regarder loin devant pour ne pas voir nos ennuis de près.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative à la protection de l’enfant.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Je souhaite remercier le Sénat pour ce vote unanime et me féliciter du résultat auquel nous sommes parvenus. Certes, vous l’avez dit, madame Doineau, nous y sommes revenus à trois reprises, mais c’est bien la preuve de notre détermination commune à faire aboutir cette proposition de loi.
Je tiens également à remercier Michelle Meunier et Muguette Dini pour le travail qu’elles ont réalisé en amont. Sans leur rapport et leur précédente proposition de loi, nous n’aurions pas pu examiner le présent texte dans les mêmes délais. Je profite de cette occasion pour saluer plus particulièrement Muguette Dini, qui a dû suivre à distance l’adoption de ce texte et se réjouir du vote unanime auquel il a donné lieu.
Je veux saluer aussi les deux rapporteurs, l’engagement du président de la commission des affaires sociales et la bienveillance de celui de la commission des lois, M. Philippe Bas, à l’égard de ce texte qui prolonge, d’un certain point de vue, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance dont il était l’initiateur.
Un vote unanime, rassemblé, exprimé après un travail d’écoute et d’échange sur la protection de l’enfance, c’est le meilleur signe que le Sénat puisse adresser aux enfants relevant de la protection de l’enfance. Je ne répéterai pas les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale, mais, j’y insiste, ce travail va se poursuivre.
La concertation que je mène, parallèlement, avec l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance – conseils généraux, professionnels de la protection de l’enfance, magistrats, associations, médecins, personnels sanitaires, assistants familiaux, anciens de l’ASE, parents d’enfants placés – nous permettra de continuer à améliorer le texte et de l’enrichir. Nous nous retrouverons donc pour poursuivre le débat en deuxième lecture, après son adoption par l’Assemblée nationale.
Ce débat se prolongera, par ailleurs, au travers des échanges que nous aurons à l’occasion du contrôle par le Parlement de l’action du Gouvernement. Cette prérogative du Sénat, je m’y livrerai bien volontiers.
Je remercie, enfin, l’ensemble des groupes pour ce travail commun et les auteurs des propos aimables qui m’ont été adressés. Nous venons de vivre un beau moment parlementaire ! (Applaudissements sur la plupart des travées.)
6
Organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur pour siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.
La commission des affaires économiques a été invitée à présenter un candidat.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, conformément à l’article 9 du règlement.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 12 mars 2015 :
De neuf heures à treize heures :
Proposition de loi visant à supprimer les franchises médicales et participations forfaitaires (n° 262, 2014-2015) ;
Rapport de Mme Laurence Cohen, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 320, 2014-2015) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 321, 2014-2015).
Débat sur le thème : « Dix ans après le vote de la loi du 11 février 2015, bilan et perspectives pour les personnes en situation de handicap ».
De quinze heures à quinze heures quarante-cinq : questions cribles thématiques sur les services à la personne.
De seize heures à vingt heures :
Suite de la proposition de loi, renvoyée en commission, tendant à interdire la prescription acquisitive des immeubles du domaine privé des collectivités territoriales et à autoriser l’échange en matière de voies rurales (n° 292, 2013-2014) ;
Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 317, 2014-2015) ;
Texte de la commission (n° 318, 2014-2015).
Débat sur l’avenir de l’industrie agroalimentaire.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART