M. Jean Desessard. Cet amendement vise à compléter la loi du 6 février 2014 par une interdiction pour les personnes publiques d’utiliser des produits phytosanitaires pour l’entretien des voiries, hors les exceptions déjà mentionnées dans la loi.
Cette extension du champ de l’interdiction est un impératif environnemental : les sols artificialisés et a fortiori les voiries étant imperméables, les produits épandus se dispersent rapidement dans l’environnement ou compliquent l’épuration des eaux usées.
Certains de mes collègues seront ici tentés de dire que l’on ne sait pas faire, que cela coûte trop cher, que cela demande plus de main-d’œuvre. Mais le conseil général de Haute-Garonne est d’ores et déjà passé en « zéro phyto » pour l’entretien des bords de route. De même, la Haute-Vienne a supprimé 95 % des volumes de pesticides dans ses opérations et accompagne les communes dans la démarche « zéro phyto ». Et je pourrais multiplier les exemples.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est faisable, cela se fait déjà, et c’est positif. Aussi devons-nous généraliser cette démarche.
Par ailleurs, je tiens à préciser que la loi Labbé prévoit des dérogations permettant de traiter exceptionnellement des zones en cas d’invasion par des ravageurs ou des espèces végétales invasives. Je sais que nombre de nos collègues s’inquiètent, notamment, du développement de l’ambroisie. Qu’ils soient donc rassurés sur ce point !
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Mon cher collègue, je vous annonce une bonne nouvelle : votre amendement est satisfait par le droit en vigueur, raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir le retirer ! (Sourires.)
En effet, l’arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, c'est-à-dire les produits phytosanitaires, encadre les règles d’épandage, notamment, concernant les zones non traitées. Il prévoit qu’il est interdit d’épandre, de vider ou rincer des produits phytosanitaires « à moins de 50 mètres des points d’eau, des caniveaux, des bouches d’égout ». La voirie est donc couverte par cet arrêté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Si cela est évident, monsieur le rapporteur, autant le préciser dans la loi, ce sera clair pour tout le monde !
Le Gouvernement soutient bien évidemment cet amendement. D’ailleurs, nous avons lancé une opération « zéro phyto » dans tous les espaces publics, non seulement sur la voirie, comme cela mérite d’être rappelé, mais également dans les jardins, les écoles et les espaces verts.
Il est très important d’envoyer ce signal. L’avis favorable du Gouvernement rejoint d’ailleurs le vôtre, monsieur le rapporteur, dans la mesure où vous avez vous-même souligné que cela figurait déjà dans les textes : n’hésitons donc pas à le répéter !
M. le président. L'amendement n° 291 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Filleul, Aubey, Camani et Cornano, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle, Miquel, Poher et Roux, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
I bis. – L’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le second alinéa est supprimé ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens, la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques pour lutter contre ce danger peut être autorisée temporairement par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé. » ;
I ter. – Le 1° du I bis entre en vigueur le 1er janvier 2016.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Cet amendement vise à rétablir les alinéas relatifs à l’interdiction de l’épandage aérien de pesticides, supprimés par la commission du développement durable du Sénat.
L’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les pulvérisations aériennes peuvent être autorisées par l’autorité administrative, pour une durée limitée, « lorsqu’un danger menaçant les végétaux, les animaux ou la santé publique ne peut être maîtrisé par d’autres moyens ou si ce type d’épandage présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement par rapport à une application terrestre ».
Or nous ne pouvons plus aujourd'hui occulter les dangers que représente ce type de pulvérisation, à commencer par le très fort risque de dissémination des produits répandus, qui vont bien au-delà de la zone visée, avec des conséquences pour la faune et la santé des habitants.
Il est donc temps de durcir cette législation, comme le prévoyait un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale, visant à n’autoriser les pulvérisations aériennes qu’en cas de danger sanitaire grave et par arrêté conjoint des ministres de l’agriculture et de l’environnement.
Par cet amendement, nous réaffirmons ainsi un principe clair, figurant à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, et repris lors de la conférence environnementale : la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques est interdite. Nous sommes attachés à ce principe, auquel on ne doit pouvoir déroger qu’à de rares exceptions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le présent amendement vise à ne permettre les dérogations qu’en cas de « danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens » et par arrêté interministériel.
Cela complexifierait inutilement une procédure qui reste essentielle pour lutter contre la propagation des organismes nuisibles, dans des cas extrêmement ponctuels - vingt-huit dérogations ont été accordées en 2013 pour le riz et la vigne.
Outre le caractère juridiquement flou de la notion, peut-on m’expliquer ce qu’est un « danger grave » ?
La rigidification administrative introduite par le recours à un arrêté interministériel risque de remettre en cause la capacité de réaction rapide des agriculteurs dans la lutte contre les dangers pour la santé et l’environnement.
Enfin, je rappelle qu’une diminution de 77 % des surfaces traitées par épandage aérien a été constatée en cinq ans.
Pour aller un peu plus loin encore dans mon argumentation, je constate que l’alinéa proposé mentionne un danger qui « ne peut être maîtrisé par d’autres moyens », reprenant en cela la première partie du second alinéa de l’article actuel. Toutefois, la seconde hypothèse de dérogation a disparu : « ou si ce type d’épandage présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement par rapport à une application terrestre ».
Madame la ministre, vous soutenez une rédaction qui supprime une possibilité d’autoriser ce type d’épandage même s’il présente des « avantages manifestes pour la santé et l’environnement ». (Mme la ministre le conteste.) C’est écrit noir sur blanc ! Vraiment, je ne comprends plus ! Pourtant, c’est du français !
Vous comprenez pourquoi la commission du développement durable, qui tient à la santé de nos concitoyens, a décidé d’émettre un avis négatif sur cet amendement !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. M. le rapporteur est très habile, mais l’épandage aérien de pesticides a vraiment des conséquences dramatiques. On ne peut pas reculer, même si nous savons toutes les pressions qui sont exercées pour que rien ne bouge.
À en écouter certains, on pourrait même continuer à utiliser des pesticides ou à procéder à un épandage aérien de pesticides à moins de 50 mètres des écoles. Il a fallu batailler pour obtenir cette limitation, mais l’interdiction de l’épandage de pesticides à 200 mètres des écoles et des maisons de retraite a été refusée,….
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Oui, oui…
Mme Ségolène Royal, ministre. … tout cela à cause des pressions exercées ! À l’heure actuelle, la distance minimale est de 50 mètres. Même une distance de sécurité de 200 mètres autour des hôpitaux n’a pas pu être mise en place. Et, lorsque des enfants sont intoxiqués, on invoque le hasard…
Aussi, rétablir une autorisation d’épandage aérien des pesticides, qui ont des effets sanitaires catastrophiques, reviendrait à envoyer un signal de faiblesse.
« En cas de danger sanitaire grave », on pourra procéder à l’épandage. Mais quel danger grave peut-il y avoir en France ? Il n’y en a pas. Quel danger grave justifierait tout d’un coup d’autoriser des avions à pulvériser de pesticides ? On ne cherche là qu’à prévoir une éventuelle possibilité d’intervention. Mais, vous le savez, l’épandage de pesticides ne saurait suffire à lui seul contre un danger grave.
Par ailleurs, la notion de « danger grave » est déjà un concept législatif.
C’est pourquoi il faut rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui est déjà une version a minima de ce qu’il faudrait faire en la matière.
M. Jean Desessard. Oui !
Mme Ségolène Royal, ministre. Je souligne d’ailleurs qu’il a fallu attendre des années pour obtenir, dans les territoires d’outre-mer, l’interdiction de l’épandage aérien de pesticides dans les bananeraies.
M. Jean Desessard. Tout à fait !
Mme Ségolène Royal, ministre. L’épandage se faisait même directement sur les ouvriers qui étaient en train de travailler !
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Ségolène Royal, ministre. Pour avoir respiré des produits phytosanitaires dégoûtants, certains souffrent toute leur vie de maladies dramatiques, qu’ils ont même transmises à leurs enfants.
M. Jean Desessard. Tout à fait !
Mme Ségolène Royal, ministre. Franchement, on ne peut pas reculer sur cette question.
D’ailleurs, dans la plupart des pays européens, la pulvérisation aérienne de pesticides est interdite ; la France est l’un des rares pays à y recourir encore. On doit donc aller plus loin.
L’interdiction de l’épandage aérien dans les 200 mètres a été complètement caricaturée. La profession agricole a prétendu que cette interdiction concernait toutes les habitations : elle avait calculé que des kilomètres carrés étaient interdits, ce qui était une désinformation totale. En réalité, il s’agissait de protéger les écoles, les maisons de retraite et les hôpitaux, donc des endroits sensibles.
Cette interdiction n’a pas pu être décidée, raison de plus pour ne pas aujourd’hui donner au lobby agricole, à quelques jours de l’ouverture du salon international de l’agriculture, la satisfaction symbolique d’avoir gagné.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est en étant fermes et clairs sur les principes que nous pouvons les faire respecter !
Ce n’est pas servir l’agriculture que de défendre de telles idées. Au contraire, cela dégrade son image et suscite la méfiance des consommateurs à l’égard de ce qu’ils mangent.
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur pour avis.
M. Louis Nègre, au nom de la commission des affaires du développement durable. Madame la ministre, le lobby dont vous parlez a été très intelligent : il n’a exercé aucune pression sur moi ; il ne m’a même pas abordé, et il a eu raison !
J’entends tout à fait ce que vous dites. En tant que maire, je suis sûr que, si un produit dangereux était épandu sur une cour d’école de ma commune, mes concitoyens réagiraient négativement, tout comme moi, d’ailleurs, qui suis aussi père et grand-père.
Mais la limitation des 50 mètres ou des 200 mètres n’est pas la question ici. Pour ma part, je me suis borné à analyser le corps du texte proposé. Or, je le répète, je ne comprends pas que vous supprimiez le membre de phrase « ou si ce type d’épandage présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement ». Si ce cas a été prévu, c’est qu’il doit se produire, même de façon exceptionnelle.
Vous avez relevé ma grande habileté, madame la ministre, mais la vôtre n’est pas moindre…
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Je comprends parfaitement votre préoccupation de limiter l’épandage à 50 mètres, 100 mètres ou 200 mètres de certains lieux sensibles, mais c’est la rédaction de l’amendement qui me pose problème.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Ce samedi commence bien… (Rires.)
J’ai apprécié le propos de Mme la ministre qui, outre une argumentation solide en faveur de l’amendement, a parlé de symbole.
En effet, on ne peut plus laisser perdurer des autorisations qui ne sont pas justifiées. Les cas sont très rares, il y a donc du symbolique dans tout cela. Si l’on maintient ces autorisations dans la loi, cela signifie que l’épandage aérien reste possible. Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, il est souhaitable d’affirmer que l’on ne peut plus laisser faire. Si l’on prévoit des exceptions, rien ne bougera.
Je vous remercie, madame la ministre, du volontarisme qui est le vôtre. Cette loi doit marquer un nouveau départ !
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Je voterai bien entendu cet amendement, puisque je l’ai présenté, et je pense que les explications de Mme la ministre finiront de convaincre un grand nombre de nos collègues.
J’ai beaucoup évolué sur ce sujet. J’ai commis il y a quelques années un rapport sur l’eau ; j’ai ainsi eu l’occasion d’aller en Guadeloupe et en Martinique.
J’ai vu comment l’on traitait les bananeraies : l’hélicoptère passait au-dessus des plants et arrosait purement et simplement les personnes qui travaillaient, avec du chlordécone, à l’époque. (Mme la ministre le confirme.)
J’ai vu l’état de la nappe phréatique. J’ai vu les unités de traitement à charbon actif destinées à récupérer ces produits, que l’on entassait dans des bennes. Quand il y en avait trop, on allait vider les bennes à la mer…
Comment obtenir la même précision d’épandage avec un hélicoptère et avec un tracteur ou une autre méthode de traitement terrestre ? Qu’il y ait un peu de vent, ces produits se dispersent et sont absorbés par d’autres plantes, ou par les êtres humains qui se trouvent à proximité.
Il ne faut donc utiliser ce mode d’épandage qu’en cas de force majeure, pour des situations bien précises, et avec des autorisations. Il faut l’interdire pour l’agriculture en général, et notamment pour la production extensive.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur pour avis.
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Je veux bien tout entendre, mais, en l’état de votre rédaction, mon cher collègue, vous autorisez l’épandage aérien « en cas de danger sanitaire qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens ». Quelle est la différence ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Avant, le préfet, maintenant l’arrêté interministériel ! Dans tous les cas de figure, vous maintenez la possibilité de recourir à l’épandage aérien. Il faudrait que vous alliez jusqu’au bout de votre logique et que vous écriviez : « L’épandage aérien est interdit. »
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Au moins, ce serait clair. Mais, là, vous maintenez la possibilité d’autoriser l’épandage aérien, en y mettant simplement un verrou un peu plus fort, un arrêté interministériel, ce qui, sur le fond, ne change rien.
Si on lit l’amendement comme il se doit, c’est ainsi qu’il faut le comprendre. Ou alors je ne sais plus parler français !
Madame la ministre, mes chers collègues, je comprends tout à fait que l’on souhaite interdire cette méthode d’épandage dont j’ai pu moi aussi constater les effets, notamment dans les bananeraies, mais alors allez jusqu’au bout de votre raisonnement !
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'article 18 bis.
(L'article 18 bis est adopté.)
Titre IV
Lutter contre les gaspillages et promouvoir l’économie circulaire : de la conception des produits à leur recyclage
Article additionnel avant l’article 19
M. le président. L'amendement n° 626 rectifié bis, présenté par Mme Jouanno, M. Tandonnet et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Avant l'article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement soumet au Parlement, tous les cinq ans, un plan de programmation des ressources nécessaires aux principaux secteurs d’activités économiques, qui permettra d'identifier les ressources stratégiques en volume ou en valeur, et de dégager les actions nécessaires pour protéger notre économie.
La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Trois dispositions nous tenaient particulièrement à cœur, l’une sur la liberté d’expérimentation des collectivités territoriales, une autre sur la pente de la contribution carbone – ces deux propositions n’ont pas été votées – et la dernière, que nous défendons avec cet amendement, sur la nécessité pour la France, parallèlement au plan de programmation des énergies, de se doter d’un plan de programmation des ressources.
J’attire une nouvelle fois votre attention sur ce sujet, totalement absent du projet de loi à ce stade, et de la plupart de nos discussions en général.
Plusieurs rapports montrent que la question de la disponibilité des ressources, singulièrement pour notre pays mais, au-delà, pour toute l’Europe, va se poser de manière cruciale dans les prochaines années : le rapport « France 2025 », le rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective sur l’enjeu des terres rares et deux rapports de la Commission européenne.
Cet enjeu concerne les ressources de base, notamment celles de construction, et les ressources agricoles. En Chine, le taux de croissance moyen de la consommation de produits tels que le nickel, le cuivre et l’acier est supérieur à 15 % par an. En 2025, la Chine consommera 50 % de ces matières premières à travers le monde.
J’évoquerai les ressources dites « mineures ». On les appelle ainsi, car leur volume est relativement faible ; elles ne sont pas recensées comme stratégiques, mais elles contiennent des matières qui, elles, le sont, comme les terres rares, le tantale, le gallium. Se pose à cet égard la question du monopole de quelques pays sur ces ressources et de notre incapacité à les récupérer par les dispositifs de recyclage, notamment.
Aujourd’hui, aucun pays en Europe n’a de vision prospective sur ses besoins et sur la disponibilité de ces ressources. Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective l’a dit explicitement dans ses conclusions : nous avons besoin d’un programme d’investissement, et nous devons nous en doter rapidement, sachant qu’il faut environ dix ans pour le mettre en œuvre.
De la même façon que nous nous engageons pour le plan de programmation de l’énergie, nous demandons très simplement par cet amendement que l’on s’engage en faveur d’un plan de programmation des ressources, afin d’identifier celles qui sont stratégiques pour notre économie. Quatre secteurs d’activité, qui représentent plus de 33 % de notre produit intérieur brut, dépendent directement des ressources mineures.
Il faut donc recenser les ressources stratégiques, envisager de manière prospective leur disponibilité mondiale et se doter d’un plan d’investissement. Par exemple, pour les terres rares, ce plan devrait intégrer le recyclage, notamment via les déchets d’équipements électriques et électroniques, dits « DEEE » ou « D3E », et la constitution éventuelle de stocks stratégiques. Dans le domaine du recyclage, la Chine, qui, elle, se dote de stocks stratégiques, paie des fortunes pour racheter le cuivre.
Soit nous continuons à subir, et à regarder la situation se détériorer, mettant ainsi en péril des secteurs stratégiques de notre économie, soit nous anticipons, au minimum en posant la question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. La commission a émis un avis défavorable.
Mme Chantal Jouanno. Nous n’avons pas vraiment débattu !
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. La question de la gestion des ressources est un enjeu central pour la transition progressive vers une économie circulaire. J’ai moi-même voulu intégrer dans le texte, avec l’appui de la commission, une hiérarchie dans l’utilisation des ressources.
Sur la forme, je pense que, dans la mesure où il prévoit qu’un plan est soumis tous les cinq ans au Parlement par le Gouvernement, votre amendement s’apparente à une demande de rapport, ces rapports dont vous dites par ailleurs qu’ils ne sont jamais remis par le Gouvernement et dont vous souhaitez la suppression tout au long du texte.
Je ne suis pas sûr que le plan quinquennal soit la bonne solution. En revanche, il pourrait être intéressant de mener ce travail, important et utile, de recensement et de suivi des ressources au sein du ministère, ou dans une autre agence étatique, comme l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME.
Il serait souhaitable d’avoir effectivement une vision précise sur ces ressources, qui peuvent se révéler stratégiques. Faut-il un plan quinquennal pour cela ? Nous en doutons.
Plus pour des raisons de forme que de fond, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je suggère le retrait de l’amendement, mais il faut prendre en considération ce qu’il porte.
Madame Jouanno, le ministère travaille à une stratégie nationale sur les ressources. Je ne suis pas certaine, moi non plus, qu’un plan de programmation tous les cinq ans soit judicieux, car les choses évoluent très vite dans ce domaine.
Le projet de loi contient d’importantes avancées dans le sens de cette stratégie nationale, notamment en ce qui concerne l’utilisation des matériaux bio-sourcés. La table ronde de la Conférence environnementale relative à l’économie circulaire prévoyait l’élaboration d’indicateurs, afin d’optimiser l’utilisation des ressources, et la mise en place d’une concertation entre les parties prenantes, pour préfigurer cette stratégie nationale sur les ressources. Ces travaux sont en cours.
Le bon concept est celui d’une stratégie nationale sur les ressources, établie par le Gouvernement, une stratégie qui soit évolutive, et non figée tous les cinq ans. Il faut en effet être très attentif à la spéculation sur les terres rares, faire un état des lieux très rapidement, et intégrer les mouvements et les évolutions sur ces sujets.
Peut-être pourrait-on remplacer votre plan de programmation des ressources par cette stratégie nationale sur les ressources, qui est le bon concept.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’orée de la discussion du titre IV, je souhaite m’exprimer sur l’économie circulaire.
Votre assemblée vient d’adopter le titre III, après plusieurs heures de délibérations, consacrant ainsi dans la loi le franchissement d’un pas important en faveur des transports propres.
Nous abordons le titre IV, et un article 19 qui inscrit pour la première fois dans notre droit le concept d’« économie circulaire », et qui le décline en objectifs quantifiés de prévention et de gestion des déchets, avec pour but de transformer les déchets en matières premières. C’est tout le sens de l’économie circulaire.
Sont ainsi prévues la réduction de 10 % de la quantité de déchets ménagers et assimilés par habitant en 2020 ; la réduction de 50 % de la quantité de déchets admis en décharge d’ici à 2025 ; la valorisation de 70 % des déchets du bâtiment ; l’augmentation de la quantité de déchets faisant l’objet d’une valorisation matière, pour les porter à 60 % en 2025 ; la réduction de 50 % de la quantité de produits manufacturés non recyclables mis sur le marché ; la tarification incitative du service public de gestion des déchets, avec un objectif de 25 millions d’habitants concernés en 2025.
L’article 19 prévoit également des actions de lutte contre l’obsolescence programmée, des expérimentations sur l’affichage de la durée de vie des produits et la généralisation progressive du tri à la source des déchets organiques en vue de leur valorisation.
C’est une mutation très importante, dans un secteur économique riche d’emplois et d’entreprises. Si nous établissons des règles claires, ce texte accélérera les créations d’emplois, la lutte contre le gaspillage, les économies d’énergie et de matière, pour transformer les déchets des uns en matière première des autres.
La France prend de l’avance : aujourd’hui, aucun pays au monde n’a inscrit la notion d’économie circulaire dans son droit positif.
Je voudrais une nouvelle fois saluer les travaux de votre commission et de votre rapporteur. Ils ont amélioré le texte du Gouvernement tel que l’a adopté l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Je souhaite répondre à la Mme la ministre.
Je me réjouis avec elle de la façon dont les débats sur ce titre III se sont déroulés. Nous avons bien avancé, nous avons fait du bon travail, avec le souci de l’intérêt général, le sens des responsabilités, et un certain pragmatisme.
Nous avons beaucoup apprécié, madame la ministre, votre écoute, et l’hommage que vous venez de rendre au Sénat, en cette période de « Sénat bashing ». Quand un membre éminent du Gouvernement salue la qualité du travail de notre Haute Assemblée, je ne peux que m’en réjouir.
Nous commençons à l’instant l’examen du titre IV, très important, puisqu’il porte sur l’économie circulaire. C’est le titre qui a été le plus enrichi par les travaux parlementaires. Dans le texte du Gouvernement, ce titre comportait à l’origine quatre articles, concernant essentiellement les déchets. À l’issue des travaux de l’Assemblée nationale et de notre commission, trente-huit articles sont à examiner, qui offrent une vision beaucoup plus globale de la problématique de l’économie circulaire.
Car, et nous l’avons toujours dit, ce texte ne concerne pas seulement le mix énergétique, c’est aussi et surtout un texte de transition écologique. Il prend en compte un nouveau mode de vie et de fonctionnement, plus respectueux des ressources dans leur ensemble, et garant d’une véritable sobriété.
Permettez-moi d’exposer brièvement les principales avancées dont la commission du développement durable est à l’origine au sein du titre IV.
Nous introduisons, et c’est une première, une hiérarchie dans l’utilisation des ressources, similaire à celle qui existe pour le traitement des déchets. Nous avons également inséré dans le projet de loi un objectif de réduction de 50 % des quantités de produits facturés non recyclables mis sur le marché, et nous avons amélioré la définition de l’obsolescence, qui était assez imparfaite, en nous référant à celle de l’ADEME, ce dont Mme Jouanno se félicite sans doute, même si la satisfaire n’était pas notre motivation principale ! (Sourires.)
Par ailleurs, nous avons inclus dans le cahier des charges des éco-organismes l’expérimentation des dispositifs de consigne. Nous avons aussi supprimé l’interdiction de la vaisselle jetable, mesure dont la mise en œuvre nous a paru trop compliquée, mais nous avons maintenu la suppression des sacs en plastique.
Nous avons satisfait un souhait formulé de longue date par M. Miquel en étendant la filière de recyclage du papier à la presse, à l’exclusion, bien sûr, de la presse d’information générale. À l’inverse, nous avons retiré de la filière de recyclage le secteur de la maroquinerie, qui y avait été introduit par l’Assemblée nationale, afin d’épargner un grand nombre de problèmes à notre industrie.
Enfin, nous avons fixé des objectifs d’achat de papier recyclé ou issu de forêts gérées durablement par les collectivités territoriales.
Au total, nous avons voulu prendre des mesures à la fois ambitieuses, conformes aux politiques menées au niveau européen, mais aussi inspirées par le réalisme et le pragmatisme.