M. le président. Mes chers collègues, avant d’entamer l’examen du titre III du projet de loi, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte d’une décision rendue le 13 février 2015, par laquelle le Conseil constitutionnel a rejeté une requête concernant les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 28 septembre 2014 pour l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Acte est donné de cette communication.
4
Décision du Conseil constitutionnel relative à une question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du vendredi 13 février 2015, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les conditions de prise de possession d’un bien ayant fait l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique (II, n° 2014-451 QPC).
Acte est donné de cette communication.
5
Transition énergétique
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
La parole est à M. le président de la commission du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire. Madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de m’exprimer avant la discussion du titre III du projet de loi, dont l’examen a été délégué au fond à la commission du développement durable.
Ce titre relatif aux transports propres présente une grande importance, puisque les déplacements sont à l’origine dans notre pays de 35 % de la consommation d’énergie et de 27 % de la production de gaz à effet de serre.
Je me réjouis que la Haute Assemblée ait décidé, sur l’initiative de son président, que le projet de loi serait examiné au fond par la commission des affaires économiques et par la commission du développement durable.
L’option consistant à le porter devant une commission spéciale, que l’Assemblée nationale a choisie, aurait posé quelques problèmes dans notre assemblée, dans la mesure où, aux termes du règlement du Sénat, les commissions spéciales comportent trente-sept membres. Aussi, certains membres des deux commissions intéressés par des aspects de la transition énergétique n’auraient pas pu participer aux travaux relatifs à ce projet de loi. La solution choisie par le Sénat a permis aux membres des deux commissions de participer pleinement à l’examen de celui-ci.
Quatre-vingt-trois articles, soit à peu près la moitié du projet de loi, ont été délégués au fond à la commission du développement durable. Ces articles traitent de sujets importants : les déplacements, dont nous commencerons de débattre dans quelques instants, mais aussi l’économie circulaire et le problème particulier des déchets, qui font l’objet du titre IV, ainsi que les questions liées aux énergies renouvelables, aux territoires et à la gouvernance.
En vérité, comme M. le président du Sénat l’a souligné, ce projet de loi a été co-écrit par les deux commissions !
Je tiens à saluer le travail considérable accompli par notre collègue Louis Nègre, rapporteur pour avis. Celui-ci a procédé à l’audition de plus de cent quatre-vingts personnes, pendant cinquante-cinq heures, et organisé plusieurs tables rondes, dont l’une, consacrée à la pollution liée aux moteurs diesel, va connaître des suites.
En effet, nous avons décidé de mettre en place un groupe d’experts et de scientifiques chargé de mesurer la réalité de la pollution causée par les nouveaux moteurs diesel : nous savons que les anciens moteurs ont des conséquences très graves sur la santé et sur l’environnement, mais nous ne disposons pas encore de données totalement fiables en ce qui concerne les nouveaux.
M. Charles Revet. Très bonne initiative !
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Les travaux que M. Nègre a menés ont été guidés par le pragmatisme, le sens de l’intérêt général et le sens des responsabilités.
Ces qualités, du reste, l’ensemble des membres de notre commission en a fait preuve ; M. Jean-Jacques Filleul, qui est en quelque sorte le chef de file du groupe socialiste au sein de la commission, peut en témoigner. À la faveur de cet état d’esprit, de nombreux amendements ont été adoptés à l’unanimité, dont plusieurs ne venaient pas de la majorité sénatoriale, ce dont je me félicite.
Ainsi, nous avons confirmé celles des orientations définies par l’Assemblée nationale qui nous ont paru bonnes. En particulier, nous avons entériné la définition large du véhicule propre, car il nous a semblé pertinent de ne pas favoriser une motorisation ou un type d’énergie en particulier. Nous avons également maintenu l’indemnité kilométrique pour les déplacements domicile-travail à vélo, qui avait été inscrite dans le projet de loi par les députés.
Nous avons aussi introduit dans le projet de loi des dispositions nouvelles. Par exemple, à l’article 13, nous avons proposé un dispositif d’identification des véhicules propres que le Gouvernement a peu après repris à son compte, ce qui est très bien. Par ailleurs, nous avons fait évoluer la définition du covoiturage et prévu l’élaboration sur l’ensemble du territoire de schémas de développement du covoiturage.
Enfin, lorsque la nécessité s’en faisait sentir, nous avons allégé des dispositifs qui nous paraissaient quelque peu contraignants ; la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sera certainement très sensible à ce travail. (M. Philippe Mouiller acquiesce.)
Nous avons notamment supprimé l’obligation pour les entreprises les moins importantes de définir des plans de mobilité, l’incitation nous paraissant préférable ; nous avons maintenu cette obligation uniquement pour les entreprises de plus de deux cent cinquante salariés situées en zone couverte par un plan de protection de l’atmosphère.
Nous avons également supprimé l’écodiagnostic, la création d’un volet environnemental au sein du diagnostic technique nous paraissant suffisante.
Enfin, nous avons supprimé la limitation de durée dans les zones de circulation restreinte, l’expérience ayant montré que cette limitation avait sans doute empêché le succès des zones d’action prioritaire pour l’air, les ZAPA.
Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les observations que je souhaitais présenter avant le début de l’examen du titre III du projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Je tiens à souligner à mon tour l’importance des dispositions que nous nous apprêtons à examiner et le caractère tout à fait remarquable des travaux menés par la commission du développement durable.
Les questions que nous allons aborder ne sont pas simples, parce qu’elles sont à la fois nationales, européennes et mondiales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que les transports sont le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre, puisqu’ils représentent 30 % du total des émissions ; cet enjeu global, décisif pour la lutte contre le réchauffement climatique et contre l’asphyxie des villes au niveau mondial, sera au cœur de la conférence de Paris sur le climat.
Ce secteur soulève un problème majeur, mais il offre aussi des potentialités de développement économique et industriel ; or la France est en bonne position pour en bénéficier, à condition qu’elle accélère sa transition énergétique et qu’elle investisse dans l’ingénierie des transports propres, ce dont je suis persuadée que nos industriels sont capables ; je pense au transport de marchandises comme au transport de personnes, notamment aux voitures électriques et hybrides.
En vérité, nos entreprises ont dans ce domaine un marché mondial à conquérir, car toutes les mégalopoles du monde sont confrontées au problème des émissions de gaz à effet de serre. De fait, le transport routier est un contributeur important à la pollution de l’air, puisqu’il est responsable de 15 % des émissions nationales de particules et de 56 % des émissions nationales d’oxyde d’azote.
Ce problème touche non pas seulement à la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi à la santé publique ; de ce point de vue, il représente un enjeu majeur, auquel nos concitoyens sont extrêmement sensibles. Et je crois que ceux-ci sont prêts à agir, pour peu que nous fixions un cadre législatif.
Un autre enjeu majeur est la réduction de notre dépendance aux hydrocarbures, au service de notre indépendance énergétique.
Telles sont les principaux aspects des questions très importantes que nous allons commencer de traiter, et au sujet desquelles la commission du développement durable a accompli un travail de grande qualité.
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre III.
Titre III
Développer les transports propres pour améliorer la qualité de l’air et protéger la santé
Chapitre Ier A
Priorité aux modes de transport les moins polluants
Article additionnel avant l’article 9 A
M. le président. L'amendement n° 286 rectifié, présenté par MM. Madec, Filleul et Aubey, Mme Bonnefoy, MM. Camani et Cornano, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Madrelle, Miquel, Poher et Roux, Mme Tocqueville et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 9 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des transports est ainsi modifié :
1° L’article L. 1231-1-14 devient l’article L. 1231-14 ;
2° Le dernier alinéa de l’article L. 1241-1 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le syndicat assure les missions et y développe les services mentionnés à l’article L. 1231-8.
« Le syndicat peut délivrer un label "autopartage" aux véhicules affectés à cette activité. À cet effet, il fixe les caractéristiques techniques des véhicules au regard, notamment, des objectifs de réduction de la pollution et des gaz à effet de serre qu’il détermine et les conditions d’usage de ces véhicules auxquelles est subordonnée la délivrance du label.
« Il peut également organiser des services publics de transport de marchandises et de logistique urbaine, d’autopartage et de location de bicyclettes selon les modalités définies aux articles L. 1231-1, L. 1231-14 et L. 1231-16 sous réserve de l’inexistence de tels services publics et de l’accord des communes et établissements publics de coopération intercommunale sur le ressort territorial desquels le service est envisagé. Quand de tels services existent, le syndicat est saisi pour avis en cas de développement ou de renouvellement desdits services.
« Le syndicat peut, seul ou conjointement avec des collectivités territoriales ou groupement de collectivités intéressées, en cas d’inexistence, d’insuffisance ou d’inadaptation de l’offre privée, mettre à disposition du public des plates-formes dématérialisées facilitant la rencontre des offres et demandes de covoiturage. Il peut créer un signe distinctif des véhicules utilisés dans le cadre d’un covoiturage. Dans ce cas, il définit au préalable les conditions d’attribution du signe distinctif. »
La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.
M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, madame la ministre, permettez-moi, tout d'abord, de rendre hommage en quelques mots à Mme Geneviève Jean, qui n’est plus notre collègue à la suite d’une décision rendue hier par le Conseil constitutionnel. Mme Jean a accompli au sein de la commission du développement durable un très bon travail. (M. le président de la commission du développement durable acquiesce.) Elle était une excellente collègue et nous regrettons qu’elle ne siège plus parmi nous.
J’en viens à la présentation de l'amendement n° 286 rectifié. Le service Vélib’ a été mis en place par la Ville de Paris en 1997. La loi, en alignant le régime du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, sur celui des autres autorités organisatrices de transport, a privé Paris de sa compétence à l’égard de ce service. Or le STIF n’est pas aujourd’hui en mesure de gérer cette activité.
Intervenant en février 2017, le renouvellement du contrat Vélib’ doit être préparé dès à présent. Il y a donc urgence : en l’état actuel du droit, la ville n’est pas compétente pour renouveler le contrat, et le STIF n’est pas en mesure de le faire. Nous risquons donc de voir le service Vélib’ s’interrompre.
Quant au service Autolib’, il a été mis en place par la Ville de Paris, en association avec d’autres collectivités franciliennes. Un syndicat mixte a été créé pour en assurer la gestion. C’est donc ce syndicat, Autolib’ Métropole, qui gère le service ; le STIF est dans l’incapacité de s’y substituer.
Pour remédier à ces difficultés, cet amendement vise à rendre les compétences Vélib’ et Autolib’ à la Ville de Paris. Sa rédaction est équilibrée et apporte les garanties suivantes : le STIF peut créer de nouveaux services lorsqu’il n’en existe pas ; il est saisi pour avis en cas de développement ou de renouvellement des services existants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. La commission avait émis un avis défavorable sur cet amendement, suivant en cela un certain nombre de remarques formulées par mes soins.
Ma préoccupation était tout simplement d’assurer une coordination avec la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « MAPTAM ». Il fallait être cohérents avec ce que nous venions de voter !
Cela étant, des remarques m’ont été adressées et, surtout, des éléments ont été portés à ma connaissance après la réunion de la commission. Aujourd'hui, il apparaît donc, non seulement que le STIF n’est, en apparence, pas demandeur, mais en plus qu’il n’aurait pas les moyens de le faire, le tout avec des délais extrêmement courts de renouvellement. Nous courrons donc le risque d’une interruption du fonctionnement des services de Vélib’ et d’Autolib’ sur Paris.
C’est évidemment un risque que nous ne pouvons prendre, au regard du bon fonctionnement de ces services. Par conséquent, si un consensus se dégage sur la question, et compte tenu des arguments portés à ma connaissance, je suis prêt, à titre personnel, à m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Pour employer un terme pudique, des « discussions » ont manifestement lieu entre la ville de Paris et la région d’Île-de-France. Je ne crois pas qu’il incombe au Gouvernement de gérer les relations entre ces deux collectivités. Celles-ci doivent discuter entre elles, passer des conventions ou des partenariats, mais ce n’est certainement pas à la loi de choisir entre les deux !
Je m’en remets donc, moi aussi, à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Effectivement, les discussions entre la Ville de Paris et la région ne sont pas toujours très simples, comme en témoignent, d’ailleurs, les réactions suscitées par le plan de lutte contre la pollution de la mairie.
J’entends bien, compte tenu de la difficulté rencontrée en ce qui concerne le renouvellement des concessions, que l’on risque de bloquer le système en maintenant les dispositions existantes. Toutefois, je suis franchement très hostile à l’idée de prolonger l’existence de deux syndicats séparés : le STIF, d’un côté, et un syndicat mixte gérant spécifiquement Vélib’ et Autolib’, de l’autre.
L’avenir, en effet, est à la multimodalité. L’avenir, c’est précisément de nous permettre d’avoir accès, grâce à la même carte, non seulement aux métros, au réseau express régional – le RER - et aux bus, mais aussi à Autolib’, à Vélib’ et à tous les autres services de transport !
Si, par la loi, nous maintenons une distinction entre les services offerts par le STIF et les services Autolib’ et Vélib’, nous interdisons, freinons ou pénalisons cette évolution. Le vrai sujet est plutôt, aujourd'hui, de savoir comment développer un dispositif Autolib’ et Vélib’ à l’échelle du STIF.
Sans doute faut-il trouver, dans ce projet de loi, des solutions temporaires pour permettre un renouvellement du service sans interruption, mais cela ne doit pas interdire que ces services soient réintégrés, à l’avenir, dans le STIF.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Filleul. Il y a évidemment une urgence à laquelle il faut faire face, et je remercie M. le rapporteur pour avis de l’avoir bien comprise. Par ailleurs, il est aussi clairement établi que la Ville de Paris, une fois la métropole créée, étudiera la possibilité de prendre elle-même en charge le service Vélib’.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 9 A.
Article 9 A
(Non modifié)
Afin de réduire les impacts environnementaux de l’approvisionnement des villes en marchandises, des expérimentations sont soutenues et valorisées pour créer des espaces logistiques et pour favoriser l’utilisation du transport ferroviaire ou guidé, du transport fluvial et des véhicules routiers non polluants pour le transport des marchandises jusqu’au lieu de la livraison finale.
M. le président. L'amendement n° 370 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
I. - Au début de cet article, insérer les mots :
À titre expérimental pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, renouvelable une fois,
II. - Remplacer les mots :
des expérimentations sont soutenues et valorisées
par les mots :
une collectivité territoriale peut mettre en œuvre des expérimentations
III. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à préciser la rédaction de l’article 9 A, qui prévoit, dans le cadre des transports de marchandises, la mise en place d’expérimentations pour créer des espaces logistiques ou favoriser des modes de transport de substitution aux transports routiers, ferroviaires ou fluviaux, et cela afin de réduire les pollutions atmosphériques.
En effet, la rédaction actuelle nous paraît trop abstraite.
Il convient de préciser qu’il revient aux collectivités territoriales qui le souhaitent de mettre en place des expérimentations de logistique urbaine non polluante, au sens large – espaces logistiques à l’entrée des villes, développement des transports autres que routiers –, dans le cadre du « dernier kilomètre de livraison ». Ce dernier, essentiellement routier, demeure le parcours le plus polluant, à l’origine de 20 % des émissions de dioxyde de carbone et de 30 % des émissions d’oxydes d’azote. Il est également le plus coûteux, représentant environ 20 % du coût total de la chaîne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission du développement durable ?
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Vous parlez d’or, monsieur Requier ! Le dernier kilomètre en zone urbaine est effectivement le plus polluant, et les chiffres que vous venez de citer sont parfaitement exacts, mais aussi préoccupants.
Toutefois, votre amendement tend à prévoir que les collectivités territoriales peuvent mettre en place des expérimentations dans ce domaine, ce qui, je vous rassure, est déjà possible.
D’ailleurs, de nombreuses collectivités sont déjà engagées dans des actions volontaristes en matière d’aires de logistique urbaine et de desserrement logistique. À Paris, par exemple, une charte en faveur d’une logistique urbaine durable a été adoptée en septembre 2013 ; elle a permis de créer ces fameux espaces logistiques que nous appelons tous de nos vœux.
L’adoption de cet amendement n’apporterait donc rien de nouveau et viendrait juste soutenir – moralement, dirai-je – l’action menée par les collectivités locales. Dans la mesure où il est en grande partie satisfait par les dispositions actuellement existantes, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je trouve moi aussi l’idée très bonne, car le dernier kilomètre est effectivement le plus polluant et le plus problématique. À ce titre, certaines innovations technologiques très intéressantes méritent d’être signalées. Je pense par exemple à l’embarquement, sur les camions, d’un petit véhicule électrique qui effectuera les livraisons sur le dernier kilomètre. Sur ce sujet très important, l’évolution technologique est vraiment formidable.
Les dispositions de l’amendement soulèvent toutefois une difficulté, dans la mesure où elles prévoient la publication d’un décret d’application. Paradoxalement, les expérimentations, qui sont aujourd'hui possibles, même sans dispositions incluses dans ce projet de loi, seront donc rendues beaucoup plus complexes par l’obligation faite au ministère de rédiger un décret d’application pour encadrer la démarche, laquelle, en définitive, est assez libre à l’heure actuelle.
Je serai donc favorable à cet amendement si son III, qui exige ce décret, est supprimé. Ainsi, nous donnerions une simple indication, permettant d’insister sur l’importance de ce sujet, sans soumettre les expérimentations à des contraintes réglementaires qui, aujourd'hui, n’existent pas.
M. le président. Monsieur Requier, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 370 rectifié dans le sens suggéré par Mme la ministre ?
M. Jean-Claude Requier. Je n’y vois pas d’inconvénient, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 370 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, et ainsi libellé :
I. - Au début de cet article, insérer les mots :
À titre expérimental pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, renouvelable une fois,
II. - Remplacer les mots :
des expérimentations sont soutenues et valorisées
par les mots :
une collectivité territoriale peut mettre en œuvre des expérimentations
La parole est à M. Hervé Poher, pour explication de vote.
M. Hervé Poher. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire remarquer, les syndicats et les regroupements de communes ne figurent pas parmi les collectivités territoriales. Or de nombreux syndicats interviennent dans le domaine du transport. Il faut donc absolument conserver l’ancien libellé !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 370 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9 A.
(L'article 9 A est adopté.)
Article 9 B
Le développement et le déploiement des transports en commun à faibles émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques constituent une priorité tant au regard des exigences de la transition énergétique que de la nécessité d’améliorer le maillage et l’accessibilité des territoires.
En zone périurbaine notamment, la politique nationale des transports encourage le développement d’offres de transport sobres et peu polluantes, lutte contre l’étalement urbain et tient compte du développement du télétravail.
Le développement de véhicules sobres ayant, sur leur cycle de vie, un très faible niveau d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, est un enjeu prioritaire de la politique industrielle nationale et est encouragé notamment par des facilités de circulation et de stationnement, par l’évolution du bonus-malus et en faisant de l’objectif national de 2 litres aux 100 kilomètres la norme de référence.
Pour le transport des personnes, l’État encourage le report modal du transport routier par véhicule individuel vers le transport ferroviaire, les transports collectifs routiers et les transports non motorisés.
Pour le transport des marchandises, l’État accorde, en matière d’infrastructures, une priorité aux investissements de développement du ferroviaire, des voies d’eau et des infrastructures portuaires. Il soutient le développement des trafics de fret fluvial et ferroviaire, encourageant ainsi le report modal nécessaire pour réduire le trafic routier.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte fixe des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et, dans son titre III, propose plus particulièrement des mesures à mettre en œuvre dans le secteur des transports.
À côté des dispositions qu’il contient, nous estimons nécessaire, pour développer la mobilité durable sur l’ensemble du territoire, de renforcer les actions de l’État en direction des transports collectifs, notamment parce que le transport de personne par voie ferrée, ainsi que le fret ferroviaire ou fluvial pour les marchandises, a le plus faible bilan carbone.
En ce sens, je voudrais évoquer une première contradiction entre le projet de loi dont nous débattons ici et le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dit « Macron », discuté en ce moment même à l’Assemblée nationale. En effet, ce dernier texte, dans son article 2, prévoit que « les entreprises de transport public routier de personnes établies sur le territoire national peuvent assurer des services réguliers non urbains ».
Confrontée au présent projet de loi, cette disposition soulève selon nous plusieurs interrogations. D’une part, la question se pose de la concurrence entre ces nouvelles lignes et les trains régionaux, pour lesquels les régions ont beaucoup investi. D’autre part, il paraît assez douteux que ces autocars supplémentaires sur nos routes soient des véhicules propres.
Pour apporter une réponse sur ce dernier point, le ministre de l’économie a indiqué que « depuis le 1er janvier dernier, tout autocar neuf commercialisé en France ou en Europe doit respecter la norme Euro 6, qui impose une réduction supplémentaire des valeurs limites de 80 % pour les oxydes d’azote, de 50 % pour les particules et de plus de 70 % pour les hydrocarbures ». Toutefois, aujourd’hui, rien ne nous garantit que ces véhicules-là seront ceux qui emprunteront nos routes !
Enfin, la libéralisation et l’instauration de lignes privées ne régleront assurément pas la question du manque de desserte de certains territoires. Les entreprises, comme d’habitude, ne s’occuperont que des secteurs rentables.
Pour conclure, je souhaiterais évoquer une seconde contradiction : alors que la réussite de la transition énergétique exige de rompre avec les politiques d’austérité, l’examen de la dernière loi de finances nous a permis de constater, une fois encore, une réduction des moyens financiers. Les projections budgétaires pour les années 2016 et 2017 confirment, hélas, ce désengagement budgétaire.
Les financements existent pour promouvoir le développement de modes de transports plus propres et pour augmenter le maillage du territoire. Néanmoins, de nouveau, les choix retenus remettent en cause ces objectifs.
Je pense à l’abandon de l’écotaxe ou à la privatisation des concessions d’autoroutes, qui a privé l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, à peine créée, de ressources significatives et pérennes : seulement 4 milliards d’euros lui sont revenus après la vente. J’espère que nous aboutirons, dans le cadre du groupe de travail mis en place par Matignon, à une solution permettant de mettre un terme à la rente autoroutière et de rétablir l’équilibre en faveur des usagers et des politiques publiques de développement de transports collectifs.
Je tenais à évoquer ces deux points, car ce texte n’est pas isolé d’autres décisions ou d’autres projets de loi. Il ne faudrait pas que la transition énergétique et la croissance verte s’arrêtent sur le seuil du ministère de l’économie et des finances !