compte rendu intégral
Présidence de Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Secrétaires :
M. Claude Dilain,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, hier après-midi, lors du scrutin public n° 92 sur l’ensemble de la proposition de résolution relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l’environnement et de la santé, j’ai été comptabilisé comme ayant voté contre, alors que je voulais voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Candidature à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur désigné pour siéger au sein du conseil d’administration de l’agence Business France, en application de l’article 7 du décret n° 2014-1571 du 22 décembre 2014.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Alain Chatillon.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
4
Débat sur la politique du logement
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur la politique du logement, organisé à la demande du groupe UMP.
La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, orateur du groupe auteur de la demande.
M. Jean-Claude Lenoir, au nom du groupe UMP. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir brièvement sur l’annonce qui vient d’être faite concernant le sénateur désigné pour représenter notre assemblée au sein du conseil d’administration de l’Agence Business France. Ce nom m’interpelle en effet !
J’ai signé hier, au nom de la commission des affaires économiques, le courrier proposant la candidature de M. Alain Chatillon pour siéger au conseil d’administration de l’organisme qui est le fruit de la fusion entre Ubifrance et l’Agence française des investissements internationaux. Mais quand j’ai vu le nom dudit organisme, à savoir « Agence Business France », j’ai bondi ! Je me demande s’il ne faudra pas choisir une autre appellation… (Sourires.)
Mais j’en reviens au sujet qui fait l’objet de ce débat. Madame la ministre, vous n’en serez sans doute pas étonnée, nous dressons un constat sévère de la politique actuellement menée en matière de logement. Et c’est presque une sonnette d’alarme que nous tirons ce matin ! L’initiative du groupe UMP vise à vous demander de prendre rapidement les mesures qui s’imposent pour que les logements attendus par les Français puissent être construits en nombre suffisant.
J’avais déjà eu l’occasion de dire à votre prédécesseur, Mme Duflot, qu’une sorte de malédiction pesait sur les gouvernements de gauche en matière de logement. Nous nous apercevons en effet que, pour des raisons qui nous échappent, le nombre de logements construits diminue quand la gauche est au pouvoir.
Une telle baisse s’est vérifiée entre 1997 et 2002 ; un redressement s’est produit au cours des années suivantes, redressement qui s’est d’ailleurs accentué après l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, même si le nombre de mises en chantier de logements se situait en deçà des objectifs et ambitions de celui-ci. Mais la crise de 2008 était arrivée. Malgré cela, 430 000 logements par an ont été construits en France dans les années ayant suivi l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Élysée.
De 2007 à 2012, deux millions de logements neufs ont été construits, dont 600 000 dans le secteur social, alors que, entre 1997 et 2001, le chiffre était singulièrement plus bas :1,6 million au total.
Pourtant, j’entends encore le discours tenu pendant la campagne présidentielle de 2012 par les opposants à Nicolas Sarkozy : ces derniers critiquaient le nombre insuffisant de logements construits par rapport aux promesses faites. Le candidat François Hollande s’était engagé, quant à lui, à construire 500 000 logements par an, dont 150 000 dans le secteur social.
Or que voit-on ? Au cours de la dernière année de référence, 2014, précisément 297 500 logements ont été ouverts, soit moins 10 % par rapport à 2013, année où la construction était encore inférieure de 14 % par rapport à 2012. Le nombre de permis de construire délivrés a lui-même été en diminution : moins 11 %.
Bien entendu, il s’est ensuivi un certain nombre de conséquences sur les entreprises et les emplois : 30 000 emplois ont été perdus, nonobstant ceux qui ont affecté les artisans dans le secteur du bâtiment.
Pour étayer sa politique ambitieuse, le Gouvernement a choisi de faire voter des lois. Il y en a eu trois depuis le début du quinquennat.
D’abord, la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement social et au renforcement des obligations de production de logement social, qui commence maintenant seulement à donner quelques résultats – il faut être très objectif.
M. Daniel Raoul. La faute à qui ?
M. Jean-Claude Lenoir. Ensuite, la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction.
Enfin et surtout, il y a eu la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, véritable monument législatif…
M. Philippe Dallier. Monument... monument… On sait ce qu’il en reste !
M. Jean-Claude Lenoir. … présenté par Cécile Duflot, avec les dispositifs que nous connaissons. Le résultat de cette dernière loi est plus que modeste.
M. Joël Guerriau. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Jean-Claude Lenoir. Je dirai même qu’il est quasiment nul, voire pis ! Nous avons entendu des membres éminents du Gouvernement – à commencer par le Premier ministre – expliquer qu’il fallait remettre en cause un certain nombre de ses dispositifs.
Je me permets de rappeler que toute politique, dès lors qu’elle est instable, incertaine et incohérente, mène tout droit à l’échec.
Qu’avons-nous dit au moment où cette loi ALUR a été discutée ? Nous avons commencé par souligner que le dispositif de garantie universelle des loyers, la GUL, était tellement complexe qu’il ne serait pas opérant.
Ensuite, nous avons dit que l’encadrement des loyers serait lui-même soumis à une procédure extrêmement complexe et que les pouvoirs publics ne seraient pas en mesure de mettre en œuvre cette disposition.
Aujourd’hui, ce que nous avions annoncé se confirme. Premièrement, la garantie universelle des loyers ne fonctionne pas. Deuxièmement, s’agissant de l’encadrement des loyers, Paris semble aujourd’hui être le seul territoire où cette mesure s’appliquerait. Une autre agglomération, au nord de la France, Lille, a manifesté son intérêt pour ce dispositif.
M. Philippe Dallier. Et encore !
M. Jean-Claude Lenoir. Ailleurs, on ne se bouscule pas pour en demander l’application ! En fait, la loi ALUR a sclérosé le marché tout simplement parce que la confiance n’est plus là. Les investisseurs ont littéralement fui ce secteur d’activité. Actuellement, l’investissement est complètement découragé, ce qui a entraîné une diminution du nombre de logements neufs construits de l’ordre de celle que j’ai rappelée tout à l’heure.
Aujourd’hui, la GUL intéresse exclusivement les jeunes salariés et les personnes vivant en situation de précarité. Quand on se souvient des déclarations tonitruantes faites à cette tribune sur les perspectives bénéfiques à attendre de cette loi ALUR, on mesure le décalage entre les rêves et la réalité et, parfois, entre l’idéologie et le pragmatisme !
Un point de repère nous est fourni aujourd’hui par le rapport établi par trois organismes d’État : le Conseil général de l’environnement et du développement durable, l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des finances.
Le coût de la politique menée par le gouvernement actuel est connu : il est de 46 milliards d’euros, chiffre considérable qui devrait appeler des résultats. Le rapport précité fait apparaître un éclatement des responsabilités, qui entraîne un manque de cohérence de la politique. Les dispositifs et les objectifs sont si nombreux que l’horizon est brouillé. On ne sait plus trop où l’on va !
Cette politique a des effets inflationnistes, notamment du fait de la majoration des loyers entraînée par l’aide apportée à la location. Finalement, le résultat pour le locataire est complètement nul !
J’ajouterai à ce constat une mauvaise appréciation des politiques par rapport à la demande et à l’offre. On s’aperçoit aujourd’hui qu’on a construit des logements qui ne correspondent pas aux besoins et que les logements manquent là où il y a des besoins.
Bien sûr, le Gouvernement annonce quelques mesures concernant le prêt à taux zéro, qui serait élargi. Bien sûr, il y a le dispositif initialement appelé Duflot, qui porte maintenant votre nom, madame la ministre. Pour vous être complètement agréable, je dirai que le dispositif Pinel donne des signes de frémissements positifs. Si ce dispositif peut finalement permettre quelques résultats, il reste toutefois bien en deçà de ce qu’il faudrait faire pour atteindre les objectifs que vous vous êtes vous-même fixés.
S’agissant de l’encadrement des loyers, vous avez envisagé un certain nombre de mesures tendant à la limitation.
Il y a aussi l’abattement de 30 % sur les plus-values des cessions de terrains.
Au-delà des mesures que je viens de décliner, nous nous interrogeons sur divers points, madame la ministre. Ainsi, qu’envisagez-vous de faire par rapport à l’aide personnalisée au logement, l’APL ? Que pensez-vous faire pour réduire l’impôt supporté par l’investisseur ? Qu’envisagez-vous, s’agissant des régimes de locations en meublé, dont l’offre est aujourd’hui supérieure aux besoins exprimés ? Il faut d’ailleurs souligner que les jeunes se tournent maintenant plutôt vers le marché privé, ce qui est absolument extraordinaire et illustre le décalage entre l’offre et la demande !
Et naturellement, qu’envisagez-vous de faire en ce qui concerne les aides à la pierre ?
Nous voyons donc, madame la ministre, que les mesures auxquelles vous vous êtes attachés pendant la période électorale ont donné lieu à des lois qui, si elles nous ont occupés pendant plusieurs semaines, ont donné fort peu de résultats ; et je modère mes propos...
Or un certain nombre de catégories sociales et de territoires expriment des demandes très fortes en faveur de logements décents et adaptés aux situations que connaissent de nombreuses familles. Ainsi est-il nécessaire de prévoir la construction de logements plus modestes en nombre de pièces, lesquels sont difficiles à trouver dans l’offre disponible.
Ce débat, je l’ai dit d’emblée, est destiné à tirer la sonnette d’alarme. Il vous donnera également l’occasion, madame la ministre, de préciser les corrections que le Premier ministre envisage d’apporter à la fameuse loi ALUR. Il vous permettra, enfin, de transmettre à l’ensemble des professionnels du bâtiment un certain nombre d’informations destinées à favoriser le retour, attendu et nécessaire, de la confiance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, débattre de la politique du logement, c’est, hélas ! débattre surtout du mal-logement.
Soixante ans après l’appel de l’abbé Pierre, si de nombreux plans de construction et de nombreuses lois ont été adoptés en matière de logement, force est de constater que le sujet demeure d’une cruelle actualité. Si le droit au logement opposable institué en 2007 a permis quelques avancées, il n’a malheureusement pas réussi à enrayer l’ensemble des demandes.
Par ailleurs, dans le contexte de crise que nous traversons, le nombre de demandes de logement social ne cesse de croître et, aujourd’hui, moins d’un quart des 1 800 000 demandes enregistrées sont satisfaites. C’est bien trop peu !
Le 115, numéro d’urgence pour les personnes sans abri, voit également les demandes d’hébergement d’urgence exploser, alors que ses capacités d’accueil stagnent autour de 140 000 places, et recourt ainsi de plus en plus aux nuitées d’hôtel : près de 40 000 en 2014.
Le rapport de la Fondation Abbé Pierre paru ces derniers jours ne fait, malheureusement, que confirmer ce constat.
Madame la ministre, mes chers collègues, comment ne pas s’indigner devant la précarité et le mal-logement qui touchent un trop grand nombre de nos concitoyens, et notamment les plus jeunes d’entre eux ?
Comment ne pas s’indigner lorsque l’on constate en 2015 que des gens meurent encore de froid sur les trottoirs ou les bancs publics de nos villes ?
Vous venez, madame la ministre, d’annoncer un nouveau plan triennal pour réduire le recours aux nuitées hôtelières qui, en plus d’être coûteux, ne constitue qu’une réponse partielle et provisoire à la détresse des personnes sans abri. Vous ne manquerez pas de nous en dire davantage sur ce sujet.
Par ailleurs, face à la crise du logement, et afin de faciliter l’accès au logement – tel est bien l’enjeu, en effet –, le Gouvernement multiplie les actions sur plusieurs fronts : construction de 500 000 logements par an d’ici à 2017, création de la garantie universelle des loyers, qui a pour but de répondre aux craintes des bailleurs en matière d’impayés de loyers, création de 5 000 logements supplémentaires à très bas niveau de loyer, dans les trois prochaines années, et, dans le cadre du dispositif des prêts locatifs aidés d’intégration, mise en place des « super PLAI » et des « PLAI adaptés ».
Il convient également d’agir sur le plan des expulsions locatives, en prévenant ces procédures, et de sortir de cette politique de gestion « au thermomètre » que constitue la trêve hivernale, afin de répondre aux besoins des personnes tout au long de l’année.
Les difficultés de certains de nos concitoyens à s’acquitter de leur loyer constituent un sujet majeur. Si, comme je l’ai rappelé, la garantie universelle des loyers, la GUL, est un outil que nous soutenons et que nous avons approuvé, elle doit être accompagnée de mesures volontaristes visant à encadrer les loyers, notamment dans le parc privé.
Cette mesure ne s’adresse pas seulement aux plus jeunes, aux étudiants, dont on ne connaît que trop bien les difficultés qu’ils rencontrent pour se loger. En effet, de plus en plus nombreux sont nos concitoyens, y compris ceux qui travaillent et bénéficient à ce titre de revenus, qui peinent à assumer les diverses charges liées à la vie quotidienne. Ainsi consacrent-ils parfois plus de la moitié de leurs revenus à leur loyer, ce qui devient alors une charge insupportable. En moyenne, plus de 30 % des revenus sont consacrés au logement ; or, selon les chiffres de l’INSEE, qui sont inchangés depuis la guerre, ce pourcentage est de 8 % ! Il conviendrait de corriger cette erreur afin de mieux répondre à la situation actuelle.
L’encadrement des loyers, qui a fait l’objet de nombreux débats, est un sujet que nous devons avoir le courage de traiter. Il ne s’agit pas de montrer du doigt les propriétaires, mais de considérer qu’il s’agit d’un enjeu indissociable de la question générale de l’accès au logement.
Je veux aussi évoquer le problème des inégalités, lequel est notamment manifeste à Paris, où ceux qui sont logés dans le parc privé, à logement égal, paient à peu près 1 000 euros de plus que ceux qui ont la chance de bénéficier d’un appartement du parc HLM.
Madame la ministre, je connais l’attachement qui est le vôtre à la solidarité et à la question de la lutte contre les inégalités. Aussi, je vous remercie de bien vouloir nous donner des précisions sur les orientations du Gouvernement relatives à la question du mal-logement en France. Le groupe du RDSE, pour sa part, vous fait toute confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Rachline.
M. David Rachline. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, disposant d’un temps de parole de seulement trois minutes, je ne m’attarderai pas sur le constat que tout le monde connaît : la politique du logement coûte cher et ne fonctionne pas vraiment. Je suis certain que les intervenants qui monteront à cette tribune développeront cet aspect. J’en viens donc directement à nos propositions en matière de logement, lesquelles ne risquent pas vraiment d’être abordées par l’un de nos collègues...
On commence à se rendre compte, aujourd’hui, que le communautarisme qui menace notre société est notamment dû aux politiques du logement et aux politiques de la ville, malgré les dizaines, voire les centaines, de milliards d’euros que celles-ci ont engloutis. En matière de logement, le clientélisme voire l’électoralisme ont trop souvent été la règle, au détriment du vivre ensemble. L’absence de mixité sociale, issue d’un discours faussement égalitariste tenu depuis des décennies, est aujourd’hui un fléau pour notre pays.
Ma première proposition, la plus symbolique et surtout la plus pragmatique, est donc la priorité nationale : toute action publique en matière de logement doit, d’abord et avant tout, être prioritairement menée en faveur des Français !
Oui, le devoir de l’État est, d’abord, de s’occuper de ses citoyens. Finalement, c’est ce que vous faites à une autre échelle : en toute logique, vous vous préoccupez, en premier lieu, de savoir comment loger vos enfants avant de chercher à loger ceux des autres ! La France doit donc se préoccuper d’abord de loger ses propres enfants.
Si des acteurs économiques veulent s’occuper des autres citoyens, pourquoi pas ? Je dirai même : tant mieux ! D’ailleurs, je développerai ultérieurement une proposition en ce sens.
Mais, aujourd’hui, la France n’a pas les moyens de ses ambitions. Elle ne peut pas continuer à se laisser imposer, entre autres par l’Union européenne, l’obligation de loger toutes sortes de gens, notamment les clandestins.
Ma deuxième proposition vise à réfléchir sérieusement à l’idée d’un chèque logement.
Le logement est en effet une problématique à prendre en compte dans la perspective, notamment, de la compétitivité de nos entreprises, en particulier celles de services. Ces dernières, aujourd’hui gisement d’emplois, peinent parfois à recruter à cause de cette question du logement : en région parisienne, pour des raisons de coût et de transport ; dans les activités saisonnières, du fait de la pénurie de logements dans les zones touristiques ; au niveau des intérimaires, en raison de la discrimination liée au contrat de travail.
Source d’attractivité pour recruter, source de mixité sociale, car le cadre et l’ouvrier pourraient habiter dans les mêmes quartiers, source d’économie, car ce financement serait tripartite, la part des pouvoirs publics prenant la forme d’une exonération de charge, voire d’une défiscalisation, le chèque logement serait utilisable aussi bien pour de la location que pour du remboursement de crédit.
Il faudra définir les conditions pour pouvoir en bénéficier, selon que le demandeur sera primoaccédant, salarié en CDD, salarié intérimaire... Ce type de solution est, selon moi, un moyen de mettre fin à la politique de logement d’assistanat telle qu’elle existe aujourd’hui et de redonner de la fierté à nos compatriotes les plus pauvres. Nous préférons en effet aider les personnes en leur donnant de l’argent pour se loger, plutôt que de leur faire croire, comme c’est trop souvent le cas, que cela ne coûte rien à personne.
En outre, cela limiterait de facto les abus dont les politiques ne sont pas toujours exemptes...
Le sujet est vaste, mais, je le répète, mon temps de parole est court... On peut d’ores et déjà, en l’état actuel du droit, prendre des mesures efficaces. Nous, élus locaux, réfléchissons ainsi à la mise en œuvre d’autres politiques en termes de logement. Il convient, dans ce domaine, de mener une action de terrain. L’État ferait mieux, en l’occurrence, d’aider les responsables publics locaux à proposer des politiques adaptées à leurs problèmes spécifiques et aux attentes de leur population, plutôt que de les contraindre régulièrement en leur imposant des mesures qui ne font malheureusement que compliquer davantage la situation.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous devons prendre en considération les chiffres alarmants figurant dans le rapport de la Fondation Abbé Pierre : 3,5 millions de personnes sont mal logées en France et 2,8 millions vivent dans des habitations inconfortables ou surpeuplées.
Ces personnes en situation de détresse sont de plus en plus souvent des familles avec enfants, des jeunes de moins de vingt-cinq ans non éligibles au RSA ou des personnes en souffrance. On compte 494 200 ménages en situation d’impayés et 141 000 personnes sans domicile. Les capacités d’accueil en hébergement temporaire ou en logement social sont saturées. Et pourtant, la politique du logement représentait 46 milliards d’euros en 2014, soit plus de 2 % du PIB.
Vous le constatez, mes chers collègues, les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Comment expliquer que, pour la première fois depuis dix-sept ans, la construction de logements neufs soit passée sous la barre symbolique des 300 000 logements pour un objectif de 500 000 constructions annuelles ?
Les mises en chantier ont chuté de 10 %. Le secteur de la construction espère une reprise, mais les chefs d’entreprise de PME du secteur du bâtiment et des travaux publics sont pessimistes, un tiers d’entre eux craignant une détérioration de leur trésorerie dans les six mois à venir. Seuls 9 % des patrons envisagent de recruter. C’est tout le tissu économique local qui se détériore. L’artisanat du bâtiment devrait connaître au cours de l’année un recul de la construction neuve.
Permettez-moi d’aborder un autre sujet : dans le projet de loi relatif à la transition énergétique, quels moyens et dispositifs comptez-vous mettre en œuvre pour atteindre l’objectif de rénovation de 500 000 logements par an à compter de 2017 ?
Je veux aussi aborder la question de l’application de la loi ALUR.
S’agissant de l’encadrement des loyers, nous regrettons la manière dont Manuel Valls a fait volte-face sur le texte validé par le Parlement : il était prévu que l’encadrement des loyers s’applique dans vingt-sept agglomérations. Vous avez finalement limité le dispositif à titre expérimental à la ville de Paris.
Vous aviez confirmé au mois de novembre votre volonté de faire paraître, début 2015, le décret qui fixera les loyers médians. Nous sommes en février : allez-vous tenir vos engagements et dissiper la confusion qui règne autour de ce dossier et de son calendrier ?
Pour ce qui concerne la GUL, notre groupe soutenait la nécessité de mettre en place un dispositif efficace de garantie universelle locative qui aurait permis de tirer les leçons de l’échec de la garantie des risques locatifs, la GRL. Nous avions proposé un mécanisme assurantiel obligatoire unique, dont le pilotage aurait été confié à une Haute autorité indépendante.
L’accompagnement social aurait été géré par un organisme spécialisé. Il s’agissait de faire face à l’urgence du logement des jeunes, mais aussi de répondre au problème suivant : 500 000 emplois sont refusés chaque année par des demandeurs d’emploi, faute d’avoir trouvé un logement.
En décembre dernier, l’État a signé avec l’UESL-Action Logement une convention quinquennale 2015-2019 qui prévoit la mise en place d’un nouveau dispositif de sécurisation locative remplaçant la GRL. Nous saluons le ciblage des publics les plus fragiles que sont les jeunes salariés de moins de trente ans et les salariés précaires, que notre groupe avait lui-même identifiés.
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur la mise en œuvre de cette mesure ? Existe-t-il une volonté de généralisation de cette garantie ?
J’en viens à l’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou loi SRU, laquelle – permettez-moi de vous le dire – est totalement inadaptée aux spécificités locales.
Les objectifs pour le logement social découlent d’une application uniforme, déconnectée des réalités locales. Or nous constatons une inégalité entre les communes, dont certaines disposent d’importantes réserves foncières cédées par l’État.
Dans ma commune, une politique contribuant à faciliter l’acquisition sociale a été conduite avant la mise en œuvre de la loi SRU. Aujourd’hui, nous comptons plus de 2 200 habitants par kilomètre carré. La densité de population est forte, avec pratiquement pas de foncier disponible. Nous avons réussi à augmenter le parc de logements sociaux de 56 % en dix ans.
Souhaitons-nous continuer ? Oui, mais en fonction de nos possibilités ! Or la nouvelle contrainte du seuil qui nous tombe brutalement dessus – 25 % au lieu de 20 % – entraîne des sanctions financières très lourdes et profondément injustes.
M. Michel Canevet. Tout à fait !
M. Joël Guerriau. La pénalité grève le budget municipal dans des proportions inadmissibles et diminue notre capacité à investir.
Certaines villes accumulent les contraintes : peu de foncier, localisation géographique excentrée, mauvaise desserte par les transports en commun. Elles sont dans l’incapacité d’atteindre l’objectif que vous leur imposez, madame la ministre.
Ailleurs, d’autres communes doivent construire des logements sociaux, alors que la croissance démographique est faible ou nulle, que le marché de la location privée est au même prix que la location sociale et que de nombreux logements restent vacants.
Madame la ministre, pourquoi l’État oblige-t-il à investir de l’argent public pour des centaines de logements dans des villes qui se dépeuplent quand bien même l’offre de logement augmente ? De la même manière, il est incohérent d’encourager l’investissement dans le neuf défiscalisé si l’investisseur ne trouve pas de locataires.
Dans les métropoles, les plans locaux d’urbanisme devront intégrer le programme local de l’habitat. Est-il logique que les objectifs de production de logements restent de la seule compétence des communes ?
Le seuil de 25 % ne devrait-il pas s’appliquer obligatoirement à l’échelle de la métropole, laquelle contractualiserait avec les communes en fonction des possibilités foncières et de sa politique de dessertes en transport en commun ?
Développer les communes, offrir un logement à tous : oui, c’est une préoccupation majeure des maires. Cette logique décentralisée se heurte toutefois à des incohérences de la politique du logement qui oblige à construire, qu’on le puisse ou non, qu’on le veuille ou non, qu’on en ait besoin ou non. C’est une politique qui ne tient pas compte des réalités et qui pénalise quand il faudrait comprendre et aider. Nous en mesurons le caractère utopique et en constatons plus que jamais l’inefficacité.
J’aurais pu soulever un autre frein à la production de logements locatifs ou en accession : le coût de la construction, qui est en inflation constante du fait de l’empilement incessant des normes. Les mesures de simplification des procédures de permis de construire que vous avez engagées pour relancer la filière logement – nous vous en félicitons, madame la ministre – se heurtent aujourd’hui aux lenteurs administratives. En trois ans après le dispositif Scellier, la filière a perdu 60 000 emplois en raison d’une baisse de 35 000 ventes.
On constate un recul net des acquisitions par des propriétaires occupants en raison du coût trop élevé des travaux – taxations, normes, charges qui pèsent sur les entreprises – et d’un foncier trop cher du fait de sa rareté.
Pour le groupe UDI-UC, la priorité réside dans la relance de la construction de logements et le redémarrage de ce secteur essentiel de notre économie. Cela implique une meilleure appréciation des réalités locales. Nous devons mettre en œuvre des mesures adaptées à la diversité des situations, des besoins et des territoires. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)