Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative du groupe du RDSE et à vous remercier, les uns et les autres, d’avoir suivi ce débat, témoignant ainsi de votre attachement, qui est aussi celui de nos concitoyens, à notre système de santé. Les interventions, d’une grande qualité, ont permis d’en souligner les atouts et d’explorer des pistes d’amélioration.
Notre système de santé, ce sont des professionnels qualifiés et engagés au service de la population, médecins généralistes ou spécialistes de ville, qui reçoivent quotidiennement des dizaines de milliers de patients. Ce sont également des médicaments performants, sécurisés et distribués par un réseau dense d’officines de pharmacie, y compris dans les zones les plus rurales. Ce sont enfin des établissements de santé, des hôpitaux publics répartis dans toute la France, qui déploient une offre de soins diversifiée, grâce à des professionnels engagés dans leur mission au service de tous.
Je profite d’ailleurs de ce débat pour saluer l’ensemble des professionnels français qui participent à la lutte contre le virus Ebola, en France ou en Afrique, ainsi que ceux qui sont intervenus au moment des attentats, au début de l’année.
Notre système de santé est-il le meilleur du monde ? Je résumerai en une phrase ma conviction à cet égard, qui est aussi celle du Gouvernement : notre système de santé est excellent. Et il le restera parce qu’il est capable d’évoluer pour mieux répondre aux besoins des Français.
Le travail de concertation qui a été mené dès 2012 par le Gouvernement a fait ressortir que ce constat était partagé par l’ensemble des professionnels de la santé, mais aussi par les associations de patients ; n’oublions pas, en effet, que le système de soins est d’abord et avant tout fait pour les patients.
C’est sur ce constat que reposent notre stratégie nationale de santé et le projet de loi de santé qui viendra en discussion prochainement au Sénat.
Vous avez été nombreux à le souligner, mesdames, messieurs les sénateurs, notre système de santé fait notre fierté. Il nous est envié à l’étranger, il est une force pour notre pays. N’oublions pas que, si bon nombre de ressortissants étrangers viennent se faire soigner en France et paient pour cela, c’est bien parce qu’ils considèrent que notre système de santé est excellent.
M. Gilbert Barbier. Avec des dépassements d’honoraires !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Il n’est évidemment pas parfait, mais il est néanmoins excellent.
Nos concitoyens savent pouvoir compter sur des établissements et des professionnels de santé qualifiés, disponibles et dévoués pour leur offrir des soins de qualité.
L’excellence de notre système de santé tient d’abord au haut niveau de formation et de qualification des professionnels de santé. Les médecins et tous les professionnels de santé qui interviennent auprès des Français bénéficient d’une formation de qualité. Les études de médecine sont parmi les plus longues des études supérieures. Elles sont aussi parmi les plus complètes, incluant une formation pratique qui est unique en son genre, malgré quelques imperfections que M. Barbier a signalées.
Cela me donne l’occasion de dire à M. Fortassin que le niveau de formation est le même pour les femmes et pour les hommes. Rendre les femmes responsables du fait que les médecins souhaitent moins travailler qu’auparavant, c’est sous-entendre que les femmes ne seraient pas capables de la même puissance de travail ou, tout simplement, ne voudraient pas travailler autant que les hommes,…
M. Jacques Mézard. Nous n’avons jamais dit cela, voyons ! (Sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … n’auraient pas besoin des mêmes revenus, car il ne leur faudrait finalement qu’un salaire d’appoint ! (Mmes Laurence Cohen, Patricia Schillinger et Françoise Laborde applaudissent.)
Je me contenterai de rappeler une donnée factuelle. Quand on additionne en France, pour l’ensemble de la population, le temps de travail et le temps domestique, on relève que les femmes travaillent plus que les hommes et ont moins de temps de loisir.
Mme Patricia Schillinger. Bravo !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Cela concerne toutes les femmes en France, qu’elles soient médecins ou non.
Mmes Françoise Laborde et Patricia Schillinger. Très bien !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Si les études longues sont nécessaires pour acquérir le savoir et former des soignants de qualité, cela ne suffit pas pour assurer la qualité d’un système de soins.
Ce qui fait la particularité du nôtre et son excellence, c’est avant tout son universalité dans l’accès aux soins, vous l’avez souligné, madame Cohen. C’est un système qui accueille et qui soigne tout le monde, sans distinction. Cette universalité est garantie par l’assurance maladie, qui traduit la solidarité à laquelle nous sommes tous attachés. La sécurité sociale, qui fête cette année ses soixante-dix ans d’existence, atténue, à défaut de supprimer, l’injustice des inégalités lorsque la maladie survient. Elle permet de pourvoir aux besoins de santé de millions de nos concitoyens.
Cet accès universel à la santé, principe fondamental de notre République, doit sans cesse être conforté, réaffirmé, défendu. Il l’a été lors de la création de la couverture maladie universelle.
L’excellence de notre système de santé tient aussi à un large accès aux nouveaux traitements, aux essais cliniques, aux nouvelles techniques diagnostiques. C’est loin d’être le cas partout dans le monde. En France, n’importe quel malade peut être inclus dans un protocole d’essai clinique et avoir accès à des techniques extrêmement performantes. Nos établissements de santé possèdent des plateaux techniques de pointe, dotés des dernières avancées technologiques. L’innovation, l’enseignement et la recherche sont au cœur de l’exercice médical à l’hôpital public, en particulier dans les centres hospitaliers universitaires.
L’excellence de notre système de santé est un bien commun de l’ensemble des Français. Il nous revient aujourd’hui de le préserver pour lui permettre de continuer, à l’avenir, de garantir une bonne santé au plus grand nombre.
Comment faire ?
Préserver l’excellence de notre système de santé, c’est d’abord lutter contre les inégalités en matière de santé, vous l’avez tous souligné, mesdames, messieurs les sénateurs. Or ces inégalités sont d’abord liées aux inégalités territoriales. C’est pourquoi la lutte contre les déserts médicaux est une priorité de ce gouvernement. Cette lutte n’est pas facile, les solutions ne sont pas évidentes.
Dès 2012, Marisol Touraine a lancé le pacte territoire-santé, qui donne déjà des premiers résultats. Ainsi, plusieurs centaines de praticiens territoriaux se sont installés et sont rémunérés en fonction de leur lieu d’installation. Des dizaines, voire des centaines de maisons de santé pluridisciplinaires ont été créées, dont les mérites ont été vantés par certains orateurs. Par ailleurs, des centaines d’étudiants choisissent désormais le système des bourses publiques pour s’installer ensuite en zone désertifiée.
Lutter contre les déserts médicaux suppose aussi de trouver l’équilibre entre proximité et sécurité. Nombre d’entre vous l’ont fait remarquer, notamment à propos des maternités, sujet ô combien difficile. Comment conserver des établissements de santé nombreux, au plus près de la population, tout en assurant la sécurité au sein de ces structures, par un nombre suffisant de praticiens et par un exercice des pratiques médicales suffisamment régulier ? Les choix sont faits en fonction des territoires, en fonction des établissements. C’est l’un des axes importants de notre politique.
Ces inégalités peuvent également être liées aux inégalités de revenus. Certains patients renoncent à aller consulter, tout simplement parce qu’ils n’ont pas les moyens d’avancer le prix de la consultation. C’est aussi l’une des raisons de l’engorgement des services d’urgence. En effet, à l’hôpital, on n’avance pas d’argent, alors que l’on doit le faire chez le médecin.
C’est pourquoi la généralisation du tiers payant n’est pas seulement utile : elle est indispensable si nous voulons préserver l’universalité du droit à la santé. Chacun doit pouvoir consulter son médecin traitant quand il en a besoin.
Ceux qui pensent encore que la généralisation du tiers payant risque d’entraîner une inflation du nombre de consultations se trompent. Cela n’a pas été le cas dans les pays européens qui ont mis en œuvre le tiers payant généralisé, et ce pour une raison très simple : aussi sympathique que soit son médecin traitant, on ne va pas le consulter pour le plaisir ; on le fait parce que l’on est malade.
Lutter contre les inégalités de santé, c’est aussi remettre le patient au centre de l’organisation du système de soins. Cela implique de faciliter le parcours entre médecine de ville et médecine hospitalière, entre les consultations, les rendez-vous d’examen. Cela implique aussi de donner davantage d’informations, de prendre le temps d’expliquer. C’est pourquoi nous avons souhaité diversifier les modes de rémunération des médecins libéraux et prévoir des rémunérations au forfait pour la prise en charge des malades chroniques et pour la prévention. La rémunération à l’acte rend impossible ce temps d’explication.
J’ai bien entendu les propos de plusieurs d’entre vous déplorant la surconsommation de médicaments en France. Précisément, pour prendre le temps d’expliquer qu’il n’est pas nécessaire de prendre un médicament, alors que les patients attendent une réponse immédiate, il faut modifier les modes de rémunération, car la rémunération à l’acte ne permet pas de faire ce travail pédagogique.
Remettre le patient au centre de l’organisation du système de soins, cela passe aussi par l’amélioration de la coopération entre les professionnels. Certes, cette coopération existe déjà, mais elle est perfectible. C’est d’ailleurs l’un des objectifs du projet de loi de santé.
Pour améliorer notre système de soins, pour lutter contre les inégalités, il faut également améliorer le système de tarification des établissements de soins. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a supprimé la convergence tarifaire entre établissements publics et établissements privés, qui était injuste. C’est aussi pourquoi la ministre de la santé a lancé un travail de concertation pour proposer de sortir, dans un certain nombre de cas, d’une tarification uniquement basée sur le nombre d’actes dans les établissements de santé.
Mieux informer les patients est un autre moyen de lutter contre les inégalités de santé. À cet égard, je vous indique que l’article 47 du projet de loi de santé prévoit l’ouverture des données de santé de l’assurance maladie et des hôpitaux, et ce dans des conditions garantissant l’anonymat. Je ne doute pas, monsieur Barbier, que vous êtes, vous aussi, très attaché à ce principe.
Vous avez évoqué le manque de statistiques sur la mortalité par service. Pour ma part, je pense qu’il faut être extrêmement vigilant sur de telles statistiques, qu’il faut pondérer en fonction du type de patients accueillis. Si l’on classait les établissements, en particulier les services, uniquement en fonction du taux de mortalité, on prendrait le risque non négligeable d’amener les services à sélectionner les patients qu’ils accueillent afin de ne pas afficher de mauvais chiffres. Ils n’accepteraient alors que des patients allant le mieux possible et ne souffrant que d’une seule pathologie. (M. Gilbert Barbier fait une moue dubitative.)
Le même biais peut exister concernant notamment les infections nosocomiales. À l’évidence, les patients qui cumulent un diabète et des problèmes cardiaques, qui doivent en permanence porter un cathéter, par exemple, présentent un risque beaucoup plus important de contracter une infection nosocomiale qu’un patient qui est en bonne santé avant son hospitalisation.
Ces statistiques sont utiles, mais il faut savoir les interpréter et les manier avec une extrême prudence.
Lutter contre inégalités de santé suppose, par ailleurs, d’améliorer nos connaissances épidémiologiques et notre système de prévention.
Il faut, bien sûr, combattre les mauvaises habitudes de consommation pour permettre à chacun de vivre en bonne santé. Il faut ainsi empêcher les jeunes de tomber dans l’addiction au tabac. C’est d’ailleurs l’un des objectifs majeurs du projet de loi de santé, qui contient également des dispositions permettant de prévenir la malnutrition et le surpoids en étiquetant mieux les aliments, afin que les consommateurs puissent connaître les risques qu’ils présentent pour leur santé.
Par ailleurs, en matière de connaissances épidémiologiques et de prévention, l’article 42 du projet de loi de santé autorisera la création d’un nouvel institut, lequel ne viendra pas alourdir notre dispositif institutionnel puisqu’il remplacera trois instituts existants : l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS. L’objectif de la réunion de ces établissements est de simplifier et de rendre plus efficace la veille épidémiologique afin d’apporter les réponses sanitaires appropriées, notamment en termes de prévention.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure, je vous dirai que notre système de santé est et reste notre fierté à tous, comme cela a été dit sur toutes les travées.
M. Gilbert Barbier. Pourquoi faire un projet de loi, alors ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Même si vous avez, chacun, évoqué les défauts de notre système de santé, vous avez tous reconnu d’une façon ou d’une autre que nous pouvions en être fiers.
Conforter l’excellence de notre système de santé, c’est lui permettre de continuer à protéger des millions de Français, mais aussi de corriger ses imperfections. Tel est bien l’objectif que nous poursuivons ensemble.
Le Gouvernement compte sur le Parlement, sur le Sénat en particulier, sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, …
M. Jacques Mézard. Ce n’est plus d’actualité ! (Sourires.)
M. Philippe Mouiller. Sur notre sagesse ! (Sourires.)
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … et sur votre sagesse légendaire, bien entendu, pour enrichir et améliorer le projet de loi de santé qui viendra prochainement en discussion devant la Haute Assemblée et qui sera défendu par Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
C’est bien là l’essentiel du message que je souhaitais vous transmettre aujourd'hui : vous êtes là, mesdames, messieurs les sénateurs, pour enrichir et améliorer les projets de loi. (Applaudissements.)
M. Jacques Mézard. On va le dire à Claude Bartolone !
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Décisions du Conseil constitutionnel sur trois questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 29 janvier 2015, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- l’acceptation des libéralités par les associations déclarées (n° 2014 444 QPC) ;
- l’exonération de taxes intérieures de consommation pour les produits énergétiques faisant l’objet d’un double usage (n° 2014 445 QPC) ;
- la détention provisoire - examen par la chambre de l’instruction de renvoi (n° 2014 446 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, à titre exceptionnel, avant d’aborder les questions d’actualité au Gouvernement, et alors que notre séance est retransmise par France 3 et Public Sénat, je vais donner la parole à certains d’entre vous, qui souhaitent formuler un rappel au règlement.
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Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour un rappel au règlement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Retailleau. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en déclarant ce matin qu’il était favorable à la suppression de notre assemblée, « en tant que Sénat tel qu’on le connaît aujourd'hui », le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a commis une faute.
Ses propos sont d’une extrême gravité.
Tout d’abord, ils laissent entendre que le travail du Sénat ne vaut rien. Faut-il rappeler au président de l’Assemblée nationale que quelque 73 % des amendements élaborés et votés dans cet hémicycle sont repris par les députés ? Faut-il lui rappeler que nous remettons sur l’ouvrage nombre des textes en provenance de l’Assemblée nationale, afin de les rendre plus précis sur le plan juridique ?
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. Faut-il lui rappeler que de nombreux élus de droite et de gauche ont souligné la qualité du travail réalisé par le Sénat sur le dernier texte de la réforme territoriale ? Visiblement, M. Bartolone a beaucoup de mal à supporter que nos travaux soient de qualité !
Toutefois, ses propos sont également graves dans la mesure où il se contredit lui-même. En avril dernier, à l’occasion d’un colloque sur le bicamérisme, et alors que le Sénat était de gauche, le président de l’Assemblée nationale s’était déclaré tout à fait satisfait de la situation, notre Haute Assemblée ayant connu l’alternance.
Si je comprends bien son raisonnement, dès lors qu’il est de gauche, le Sénat n’est plus une anomalie démocratique. Mais qu’il revienne à droite, et il faut le supprimer ! Décidément, M. Bartolone a une conception toute personnelle de la démocratie. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Enfin, de tels propos sont graves, car, en attaquant le Sénat dans son existence même, et cela de façon tout à fait spectaculaire, violente et frontale, M. Bartolone rompt l’unité nationale, pourtant souhaitée par le Président de la République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. Le Sénat ne sera jamais docile, vis-à-vis d’aucune majorité, car c’est dans ses gènes ! Enraciné dans nos territoires, il demeurera exigeant dans ses raisonnements intellectuels et dans son activité législative.
Tel est le Sénat que nous aimons. Tel est le Sénat que nous voulons. Tel est le Sénat qu’il faut à la République française ! (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour un rappel au règlement.
M. Jacques Mézard. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme tant d’autres ici, j’ai été particulièrement choqué par les propos de Claude Bartolone.
Toutes les idées, toutes les expressions sont recevables en démocratie, mais, dans le cas présent, c’est le président de l’Assemblée nationale qui s’est exprimé. Une telle intervention ne peut être neutre, et ce d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une première. C’est même répétitif ! Depuis des mois et des mois, je ne cesse de dénoncer ici une volonté présente au sein de l’exécutif – peut-être n’est-elle pas l’expression d’une majorité, mais elle existe bel et bien – de supprimer la Haute Assemblée.
Soyons clairs, car il est des moments de vérité. Si tel est bien le cas, mesdames, messieurs les ministres, dites-le, et nous apprécierons ! D’autres ont essayé de supprimer le Sénat, à d’autres époques… (Marques d’approbation sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.)
Je m’exprime aujourd'hui en qualité de président d’un groupe qui regroupe certes un petit nombre de sénateurs, mais dont la vie se confond avec celle de la Haute Assemblée. Il l’a longtemps présidée et il a su résister dans les périodes où ce fut nécessaire.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. Le Sénat, c’est l’expression de la liberté, une liberté à laquelle nous sommes tous attachés et – je le précise à l’intention de mes collègues socialistes – une liberté que nous avons souvent l’occasion d’exprimer par-delà nos sensibilités diverses. Nous l’avons fait, ensemble, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ou encore à l’occasion de l’examen de certains textes financiers, comme le budget de l’État, que j’ai voté.
M. Jean-Louis Carrère. Et nous le referons !
M. Jacques Mézard. Je ne sais pas, cher collègue, car nous risquons de nous opposer sur un élément fondamental. Pour notre part, nous sommes profondément attachés au bicamérisme ! (Vifs applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Il est dramatique que, quelques heures après la diffusion d’une émission qui n’honore pas le service public,…
M. Philippe Dallier. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Jacques Mézard. … le président de l’Assemblée nationale s’exprime de la sorte, alors même que la période est au rassemblement consensuel autour des valeurs fondamentales de la République. Et je ne puis imaginer qu’il s’agisse d’un simple écart de langage devant des journalistes, tant M. Bartolone a l’habitude de côtoyer ces derniers !
Ces propos traduisent une volonté, et, comme d’autres l’ont fait dans cette enceinte, en des périodes encore plus difficiles, nous allons combattre cette volonté avec force et conviction. On ne peut constamment remettre en cause les institutions ; ce n’est pas bien !
En outre, mes chers collègues, il nous faut être cohérents dans nos expressions. Je l’avais déjà signalé à l’occasion de la réforme territoriale, mais je le rappelle ici. Vous avez été nombreux à faire campagne au mois de septembre dernier ; je n’en connais pas beaucoup qui ont parcouru nos territoires en appelant à la suppression du Sénat ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Lorsque Jean-Pierre Bel a été élu à la présidence du Sénat – j’avais voté pour lui –, vous n’avez pas hésité, chers collègues du groupe socialiste, à magnifier l’image de l’institution.
M. Jean-Claude Lenoir. Et bruyamment !
M. Jacques Mézard. Permettez-moi, aujourd'hui, de vous lire un extrait du discours d’investiture du président Bel : « Nous avons tous entendu l’appel des grands électeurs pour confirmer le Sénat dans son rôle de représentant et de défenseur des libertés publiques, des libertés individuelles, des libertés locales ». Nous souscrivons totalement à ces propos !
Quant au président Claude Bartolone, il déclarait ici même, en avril 2014 : « Le bicamérisme est l’alliance de la puissance quasi sacrée du suffrage universel direct et de la richesse de nos territoires ; il est la vie et l’histoire des individus ancrées dans la diversité de notre géographie. Ainsi, le bicamérisme est la traduction institutionnelle de ce qui caractérise notre pays : l’unité dans la diversité. »
Dans la lignée de ces magnifiques propos, mes chers collègues, exprimons un message fort : certes, nous avons besoin de nous moderniser, mais il en va de même de toutes les assemblées. Certains feraient donc mieux de balayer devant leur porte avant de donner des leçons aux autres ! (Vifs applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP. – MM. Thierry Foucaud et Dominique Watrin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour un rappel au règlement.
M. Vincent Capo-Canellas. Après Bruno Retailleau et Jacques Mézard, je tiens à exprimer l’étonnement et la stupéfaction des membres du groupe UDI-UC du Sénat face aux propos tenus, ce matin, par le président de l’Assemblée nationale.
Je souhaite réaffirmer notre conception d’un Sénat défenseur des libertés – comme il l’a toujours été dans la tradition démocratique française –, travaillant, avec passion, au service des territoires et capable d’apporter une valeur ajoutée dans l’écriture de la loi.
Nous croyons au bicamérisme. Nous croyons à une Haute Assemblée qui sait dépasser le temps court de l’actualité politique pour éclairer l’avenir, qui sait aussi bâtir des consensus. C’est notre rôle ! D'ailleurs, notre institution a toujours démontré sa capacité à dépasser les clivages, pour mener dans un esprit de réforme des projets utiles à l’avenir du pays.
Nous sommes donc étonnés et peinons à comprendre que le président d’une assemblée se permette ainsi de critiquer l’autre assemblée, faisant fi de toute tradition de dialogue républicain et parlementaire.
Nous souhaitons également pouvoir continuer d’appliquer au Sénat cet esprit de réforme qu’il a toujours porté. Dans ce cadre, monsieur le président, nous avons une entière confiance dans le travail que vous avez engagé lors de votre premier mandat et que vous poursuivez en ce moment même, au travers de différents groupes de travail, en vue de la modernisation de notre institution.
Je le dis en toute confiance : au moment où, chacun le sait, une émission de télévision a dénigré notre maison, d’une façon tout à fait caricaturale, volontairement tendancieuse…
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Vincent Capo-Canellas. … et qui ne reposait sur aucune comparaison internationale, nous avons un devoir de modernisation. Cette dernière est engagée, et nous la mènerons en concertation avec nos agents, dont je veux saluer le professionnalisme.
Les membres du groupe UDI-UC et tous les sénateurs se rassembleront à vos côtés, monsieur le président du Sénat, pour défendre notre institution, le bicamérisme et la démocratie ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Les propos tenus ce matin par Claude Bartolone m’ont paru pour le moins maladroits, et même regrettables.
Il me semble que l’on ne peut pas jeter ainsi en pâture un sujet aussi important que le devenir de nos institutions, donc de notre démocratie, sur un plateau de télévision.
Je crois également savoir que Claude Bartolone a mis en place un groupe de réflexion sur la modernisation de nos institutions. Il faut donc laisser le temps au temps. Ce groupe de réflexion doit pouvoir travailler avant que des annonces comme celle de ce matin soient faites.
Tout aussi regrettable est le fait que de tels propos peuvent, vous le savez, mes chers collègues, contribuer à entretenir la défiance populaire à l’égard de la chose publique et du personnel politique, alimentant de possibles dérives populistes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Je me dois de rappeler ce que j’ai déclaré au moment du colloque sur le bicamérisme : les élus de mon groupe sont favorables à l’existence de deux chambres, mais dans le cadre d’une VIe République rénovée.
Nous demandons depuis longtemps que la question soit discutée. Il est temps que ce débat ait lieu, mais il doit se tenir dans un climat de grande responsabilité, dans la plus parfaite sérénité et avec autant de transparence que possible. Nous le devons, me semble-t-il, à l’ensemble de nos concitoyennes et de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)