M. Pierre Jarlier. Oui !
M. Michel Mercier. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En revanche – je relaie ici l’avis de la commission, même si j’ai tenu tout à l'heure des propos plus personnels –, nous ne sommes pas d’accord avec le transfert de la totalité de la voirie aux régions.
À cet égard, le plus mauvais argument est, à mon avis, celui de la péréquation. Vous le savez très bien, ce qu’il faut, c’est donner des aides aux départements ayant moins de ressources que les autres.
On a inventé un fonds de solidarité en région Île-de-France, précisément en raison des disparités profondes entre départements sur d’autres sujets, impliquant des dépenses bien plus importantes.
D’ailleurs, certaines régions, des régions pauvres, ne seront pas en mesure de supporter la charge, tandis que d’autres l’assumeront avec beaucoup plus de facilité. Est-ce ce que nous voulons ? Faudra-t-il mettre en place une nouvelle péréquation entre régions ? Il me semble préférable de conserver l’organisation en l’état et, ensuite, de procéder à une péréquation financière pour permettre à toutes les collectivités, quelle que soit leur richesse, de faire face à leurs responsabilités.
Dans sa très grande majorité – je crois même qu’il y avait unanimité des présents au moment du vote -, la commission des lois a décidé la suppression de l’article 9 du projet de loi. Par conséquent, elle est défavorable à tous les amendements tendant à reprendre le projet initial du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il est vrai qu’aucune des solutions en présence ne permet d’opérer le rapprochement s’agissant des routes stratégiques que nous évoquions hier. Peut-être une deuxième lecture ou d’autres circonstances nous en donneront-elles l’occasion…
En tout cas, le Gouvernement ne pouvant changer d’avis tant qu’aucune contre-proposition n’est formulée, il est évidemment favorable aux amendements nos 951 et 554.
Je pensais sincèrement qu’une proposition serait avancée. Certains d’entre vous, avec qui nous discutions hier soir, nous l’avaient annoncé pour ce qui concerne certaines routes départementales. Apparemment, tel n’est pas le cas !
Je tiens à signaler, en réaction à l’intervention de M. le rapporteur, que la cartographie des départements très ruraux montre – malheureusement pour eux – que ceux-ci disposent de très peu d’axes dits stratégiques. Souvent, ce sont les départements les plus enclavés.
Au cours d’une discussion avec M. Jacques Mézard, qui, me semble-t-il, soutient la position du rapporteur et de la commission des lois, votre collègue nous a expliqué qu’il se trouvait à des heures de route de la capitale régionale et, a fortiori, de Paris, où il ne peut se rendre par le train qu’au prix d’un trajet fort long et compliqué. Il craint que la région ne laisse complètement tomber son territoire, ce qui aggraverait encore la situation de celui-ci.
Mais on peut craindre aussi que, dans ce cas de figure, à un moment donné, le département ne puisse plus faire face. Nous rencontrons effectivement une véritable difficulté, dont nous avons beaucoup débattu avec un certain nombre de membres du Comité des finances locales, qui vont se pencher sur le sujet. Vous l’avez certainement noté, l’engagement en euro par kilomètre baisse chaque année, le phénomène ayant débuté avant même la réduction des dotations aux collectivités, tandis que l’assiette fiscale tend à diminuer.
Il y a donc un vrai problème avec les départements qui manquent de recettes, qui ne disposent pas de grandes routes stratégiques et qui, de surcroît, sont obligés, comme le département auquel je faisais allusion, de soutenir une liaison aérienne, seule solution de désenclavement pour eux.
Cette discussion avec M. Mézard, malgré notre désaccord de fond, m’a amenée à conclure que le dispositif actuel, avec cette compétence octroyée aux départements, aboutissait à la situation assez dramatique de ce département, une situation qui n’a aucune raison de changer si nous maintenons les choses en l’état.
Au-delà des arguments avancés au sujet de la proximité ou des personnels, il me semble donc que certaines situations sont aujourd'hui dramatiques et que les régions n’ont pas, actuellement, autant d’allant sur la question que si elles disposaient de la compétence. J’espère néanmoins que, si cette évolution des compétences ne se produit pas, certaines d’entre elles proposeront malgré tout de s’emparer de la compétence au niveau de la CTAP. Cela n’a toutefois rien de certain.
Tous ces éléments plaident en faveur d’une solidarité, au moins au niveau des régions, envers ces départements très peu peuplés, dépourvus d’axes stratégiques, pas ou mal desservis par le train, sans même parler du TGV, et ne disposant d’aucun aéroport. Il vient tout de même un moment où nous avons le devoir de réfléchir sur toutes les composantes de notre territoire.
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre, pour explication de vote.
M. Michel Delebarre. C’est comme un rituel, mes chers collègues… Cela fait trois jours de suite qu’aux alentours de vingt-trois heures trente, nous nous retrouvons à quelques-uns dans cet hémicycle, avec M. le rapporteur, M. le président de la commission des lois, Mme la ministre, et faisons face à une situation de blocage. D’un côté, le rapporteur de la commission défend une position, fondée ; de l’autre, le Gouvernement défend une position, non moins fondée ; et aucun rapprochement n’est possible !
Dès lors, nous allons voter, mais ce sera un vote pour rien ! Le vote ne débloquera pas la situation. On choisira de confier la gestion des routes à la région… Cela ne fera en rien avancer le schmilblick ! (Sourires.) On choisira de la laisser aux départements… Le schmilblick n’avancera pas plus, peut-être même reculera-t-il !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, ce ne pourrait pas être un recul !
M. Michel Delebarre. Je n’en sais rien ! (Nouveaux sourires.)
En tout cas, c’est la troisième fois que je vis ce scénario en trois soirées consécutives !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est normal, et cela va continuer !
M. Michel Delebarre. Je ne crois pas que nous parviendrons par ce moyen à sortir le projet de loi de l’ornière !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. S’il faut simplement obéir au Gouvernement…
M. Michel Delebarre. Dans certains cas de figure, ce n’est pas forcément ridicule !
Je vous ai écoutée tout à l’heure, madame la ministre. Vous étiez bien partie ! Bercé par vos propos, j’ai pensé que vous alliez, à la fin de votre intervention, nous fournir la solution. Eh bien, non ! Rien !
Scénario identique avec M. le rapporteur : vers la fin, j’ai commencé à y croire et je me suis dit qu’il allait nous proposer quelque chose.
Dans mon groupe – pas plus que dans les autres, d’ailleurs –, rien de bien génial…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils sont départementalistes !
M. Michel Delebarre. Pas forcément !
J’en croise un : il m’explique que la gestion des routes doit rester aux départements. J’en croise un autre : il m’explique qu’elle doit aller à la région. Manifestement, mes deux collègues ne s’étaient pas concertés, car aucun ne m’a fourni de solution. (Nouveaux sourires.)
Je vais donc livrer ici ma conviction, mais, monsieur le président, elle risque de ne pas aller dans le sens de cette machine à faire voter qui vous est confiée.
Je crois qu’il faut persévérer dans la recherche d’une solution ! Vous avez raison, madame la ministre, il existe des itinéraires d’intérêt régional, et vous avez mentionné une dimension à laquelle je n’avais pas songé, mais que l’on peut intégrer sans trop de difficulté dans la réflexion. Certains départements n’ont peut-être pas énormément d’itinéraires d’intérêt régional. Ces départements sont confrontés à un gigantesque enjeu de désenclavement et doivent être traités en intégrant ce paramètre ; c’est tout à fait envisageable. On pourrait donc imaginer qu’une partie de la gestion des routes aille aux régions et une autre aux départements, solution tout à fait recevable, esquissée par notre rapporteur à la fin de son intervention.
Je suis tout à fait tranquille, mes chers collègues. L’heure aide… C’est la troisième fois que nous assistons à une telle scène… Je connais à peu près le scénario… Des mots gentils vont encore être échangés, puis nous allons prendre une décision impossible à mettre en œuvre.
Or il convient tout de même de se reporter quelque temps en arrière. Nous avons les meilleurs corps de techniciens que l’on puisse imaginer ! Qui plus est, en matière de routes, ces techniciens sont sans doute un peu plus doués que les autres. Ils ont, faut-il le rappeler, équipé le territoire de ce pays.
M. Gérard Longuet. Ils sont un peu chers !
M. Michel Delebarre. Peut-être, mais cela peut se négocier. Et une autre gestion de certains appels d’offres est parfaitement envisageable.
Si, voilà quelques années, nous nous étions retrouvés devant ce problème, disons-le honnêtement, quelques ingénieurs nous auraient sortis, en moins d’une semaine, une photographie de la France, département par département, avec une répartition départementale et régionale des routes qui soit acceptable.
Le problème, c’est que ce n’est pas notre métier à nous ! Nous, nous ne parviendrons pas, ce soir, à élaborer une telle cartographie, même si nous décidons de rester dans cet hémicycle jusqu’à deux heures du matin.
Il faut donc trouver un cheminement, mais la base est là : nous devons nous accorder sur le fait que l’ensemble du patrimoine routier sera géré soit par les départements soit par les régions, en fonction de l’intérêt de certains itinéraires. J’introduis en outre dans la réflexion l’impératif du désenclavement, car nous ne pouvons pas laisser certains départements seuls devant leurs difficultés.
C’est faisable, mes chers collègues, mais le problème ne sera pas résolu par le vote pour ou contre ces amendements !
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Cette affaire des voiries nous conduit, d’une certaine manière, au cœur du débat sur ce projet de loi. Le texte, en effet, répond à un double objectif : d’une part, améliorer la qualité et la vision stratégique ; d’autre part, réaliser des économies. D’où cette question : le transfert de la gestion des routes à la région constitue-t-il une source d’économies et de plus grande efficacité ?
Je voudrais tout d’abord revenir sur le rapport de la Cour des comptes, tout en me félicitant, d’ailleurs, que les rapports de cette dernière soient, de manière générale, consultés et suivis.
Si, dans son analyse de la décentralisation routière, la Cour des comptes dresse un « bilan en demi-teinte », elle indique, dans ce même document, que ce constat ne doit pas conduire à revenir sur le transfert réalisé à partir de 2004.
En outre, elle suggère plusieurs pistes de travail : améliorer la coordination entre les différents acteurs, c'est-à-dire l’État, les régions, les départements et les agglomérations ; inscrire le réseau routier dans une réflexion globale sur les déplacements des personnes et des biens, compatible avec une logique de développement durable ; rechercher des indicateurs pertinents permettant d’évaluer la satisfaction de l’usager.
Enfin, elle recommande que les départements puissent réaffecter comme bon leur semble les bâtiments transférés par l’État, lesquels, à une certaine époque, ne pouvaient pas être réutilisés pour d’autres activités que l’exploitation routière.
À aucun moment, la Cour des comptes ne préconise un transfert de la gestion des routes à la région ! Ce n’est marqué nulle part !
Penchons-nous maintenant sur la possible valeur ajoutée d’un tel transfert.
Voilà quelques années, il existait dans un certain nombre de régions – André Vallini en a peut-être le souvenir pour la région Rhône-Alpes – ce que l’on appelait le réseau d’intérêt régional, le RIR. Il ne s’agissait pas, à proprement parler, d’un réseau géré par la région, mais celle-ci consacrait un certain montant de crédits à l’accompagnement des départements et de l’État dans l’amélioration du réseau routier.
M. Gérard Longuet. Ça, c’est la bonne solution !
M. Michel Bouvard. Au bout de quinze ans, la région ne veut simplement plus entendre parler d’un quelconque financement de sa part en faveur des routes !
Et voilà qu’on s’apprête à décider dans l’allégresse de transférer l’essentiel du réseau routier à la seule collectivité en France n’ayant jamais géré un mètre de voirie, et cela sans se poser la véritable question : l’État doit-il, quant à lui, continuer à gérer des tronçons de voirie ?
En Savoie, nous avons 3 000 kilomètres de voirie départementale. L’État continue à gérer 70 kilomètres sur les 8 000 kilomètres de voirie que compte le département. Il les gère à partir d’une direction interrégionale des routes qui, soit dit en passant, n’est pas Rhône-Alpes-Auvergne mais Rhône-Alpes-Bourgogne, située à Dijon !
Je ne ferai pas de commentaires sur ce qu’il s’est passé il y a trois semaines. Nous aurons un débriefing sur le plus grand bazar que nous ayons jamais connu pour l’accès aux stations de sports d’hiver ! Pour l’instant, la seule chose que l’on puisse dire est que ce bazar s’est essentiellement concentré sur ces 70 kilomètres qui continuent d’être gérés par l’État, entre Albertville et Bourg-Saint-Maurice…
Cela doit avant tout nous enseigner qu’une gestion de réseau routier est une affaire qui se traite dans la proximité et le professionnalisme.
Singulièrement en région de montagne, il y a un phénomène d’acculturation à ce qu’est la gestion d’un réseau routier. Dans mon département, ce réseau représente 1 160 ponts, 6 600 murs de soutènement, 28 tunnels, 49 pare-avalanches et 1 819 ouvrages d’art de protection contre les risques naturels. Cela ne s’improvise pas ! Quand tout cela aura été transféré à la région, je ne sais pas ce qu’il restera de savoir-faire et ce qu’il adviendra des problématiques de proximité.
En revanche, je sais que ce sera un surcoût pour la collectivité. Car il faut tout de même parler des personnels ! Ceux des services routiers constituent, avec ceux de l’action sociale, un des gros bataillons des personnels départementaux.
Nous avons réalisé un premier transfert, de l’État aux départements, à l’occasion duquel les personnels de l’État ont intégré les équipes départementales et les régimes indemnitaires des départements ! En région Rhône-Alpes-Auvergne, nous allons devoir faire converger les régimes indemnitaires de douze départements. Je n’ose imaginer ce que ce sera pour la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes ! Pour le seul département de la Savoie, les personnels routiers représentent un effectif de 570 personnes. Et nous ne nous alignerons évidemment pas sur le régime indemnitaire le plus faible. Personne ne peut croire cela !
Nous aurons donc, fatalement, un surcoût en charges de personnel. Résultat : zéro euro d’économie !
Mais la première des économies serait déjà de se calmer sur les normes. Là encore, je vais donner des exemples ; ce sera plus parlant.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Bouvard. Je serai très bref, monsieur le président.
L’État nous a transféré le tunnel du Chat. Situé entre Chambéry et Belley, il fut longtemps le plus long tunnel français. La rénovation de ce tunnel devait initialement coûter 20 millions d’euros. À force d’évolutions des normes, nous en sommes à 40 millions d’euros. Pour un tunnel ! Que l’on se calme donc sur les normes et l’on fera des économies !
Que l’État s’interroge pour savoir ce qu’il fait du reste de son réseau routier, qu’il applique les recommandations de la Cour des Comptes invitant à un dialogue avec la région, afin de la retrouver, peut-être, dans un tour de table, pour accompagner les investissements sur les réseaux structurants, en prenant en compte les autres modes de transport au sein de la région.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Michel Bouvard. Mais quand j’entends dire que l’on veut transférer les routes à la région, je crie : casse-cou !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Cette question des routes est indiscutablement de nature à passionner une assemblée comme la nôtre.
Ce qui m’étonne d’abord dans cette affaire, c’est que l’on veuille à tout prix confier les routes aux régions.
Je vis dans une région qui, depuis douze ans, refuse systématiquement de participer à tous les contrats de plan qui contiennent des dispositions concernant les routes.
M. Michel Bouvard. Exactement !
M. Michel Mercier. Et cela pour une raison toute simple : la majorité régionale est prisonnière de sa composante écologiste. Il n’y a donc pas un centime en Rhône-Alpes pour les routes ! Il a bien fallu que les autres paient. Sinon, l’État n’aurait rien fait.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si cela devient une obligation, la question ne se posera plus !
M. Michel Mercier. Certes ! Toutefois, je ne comprends pas pourquoi on devrait à tout prix donner les routes à une collectivité qui n’en veut pas.
Deuxième source d’étonnement : on essaie de traiter toutes les routes départementales de la même façon. Or les réseaux départementaux sont d’une extrême diversité.
M. Gérard Longuet. Exact !
M. Michel Mercier. Tout à l’heure, madame la ministre, vous avez livré des statistiques. Je ne connais pas tous les départements de France ; moi, à la différence M. le directeur des collectivités locales, je ne dispose pas d’une fiche où tout est écrit… (Sourires.) Mais je connais bien le département du Rhône : c’est un petit territoire qui compte un peu plus de 3 000 kilomètres de voirie départementale. Le département, afin d’aider les communes et parce qu’il en avait les moyens, a classé en voirie départementale de la voirie communale. Mais, en réalité, toutes ces routes ne sont pas d’intérêt départemental.
En outre, comme nous voulions montrer que nous prenions bien les compétences dans leur globalité, chaque fois qu’il y avait un transport scolaire, nous avons décidé que la route serait départementale, que nous la déneigerions, assurerions le service hivernal et la sécurité. Mais cela n’a rien à voir avec l’intérêt régional.
En toute honnêteté, madame la ministre, je pensais que vous alliez nous proposer une meilleure solution que celle qui figure dans votre amendement et qui revient à dire : « C’est tout ou rien ! » J’espérais que vous nous proposeriez, par exemple, la création d’un réseau d’intérêt régional,…
M. Gérard Longuet. Ce serait le bon sens !
M. Michel Mercier. … qui peut parfaitement se justifier : on vient de donner à la région une compétence économique et une compétence d’aménagement du territoire. Pourquoi ne pas s’appuyer sur ces deux compétences pour établir un réseau routier d’intérêt régional et laisser le réseau capillaire des voies départementales soit aux départements soit aux intercommunalités, à leur convenance.
Là, vous nous poussez dans un système binaire : oui ou non.
M. le rapporteur a fait une ouverture à la fin de son intervention. Vous devriez, madame la ministre, vous en saisir et l’élargir.
M. Michel Mercier. Non, vous avez refermé la porte en nous donnant des exemples de kilomètres de voirie !
Je pense que nous sommes à quelques millimètres de trouver un accord pour déterminer ce que serait un réseau d’intérêt régional. Et nous pourrions aussi faire jouer la solidarité pour certains départements ; ce serait tout à fait envisageable. C’est à cela que nous devrions travailler plutôt que d’être obligés de voter pour tout dans un sens ou tout dans l’autre, en ayant bien conscience que, de toute façon, vous réglerez la question dans une autre assemblée, alors qu’un accord pourrait être assez facilement trouvé ici. C’est dommage !
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas nécessairement un inconvénient que d’avoir un peu d’expérience.
Madame la ministre, je vous ai écoutée avec une extrême attention évoquer la diversité des moyens financiers des départements en matière de routes. Cette diversité, je l’ai bien connue moi-même, en tant président de la région Lorraine : 5 kilomètres de voirie par habitant en Meuse, 1 kilomètre par habitant en Moselle.
L’inégalité est donc inscrite dans la réalité des routes départementales.
Est-ce suffisant pour dire que la bonne réponse se trouve dans un transfert aux régions ? Votre explication ne m’a pas convaincu et je vais vous dire pourquoi.
Le réseau routier est un système finalement assez simple, qui a profondément évolué depuis trente ans.
Vous avez un réseau national et international qui, pour l’essentiel, s’organise autour d’autoroutes – dont la plupart sont désormais privées – et de quelques routes nationales à deux fois deux voies, qui sont gratuites, et c’est tant mieux.
Toutes les capitales régionales sont desservies soit par une autoroute, soit par une route nationale à deux fois deux voies. Accéder à la capitale régionale est aujourd’hui relativement facile et les élus cherchent à faire en sorte que les différents points de l’espace territorial dont ils ont la charge ne soient pas à plus d’une demi-heure d’un échangeur. Lorsque vous êtes à moins d’une demi-heure d’un échangeur, vous êtes dans le réseau national et, globalement, votre problème est réglé. Ce n’est pas vrai de toutes les régions de France, je le sais bien, mais c’est le cas de 80 % d’entre elles.
La seconde fonctionnalité des réseaux routiers est l’accès au bassin d’emploi. Celui-ci est généralement local. Très souvent, les salariés vont au chef-lieu de département ou d’arrondissement, parcourant une trentaine de kilomètres pour aller travailler. Dans leurs relations quotidiennes, ils ne vont quasiment jamais au chef-lieu de la région d’aujourd’hui et ils iront encore moins au chef-lieu de la région de demain. D’ailleurs, s’ils devaient y aller, ils emprunteraient les autoroutes.
Le concept de route d’intérêt régional n’existe donc pratiquement pas… mais il existe quand même.
Nous avons accepté, à l’article 6, le principe d’un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire. La réponse est très simple : laissons les routes aux départements et, à travers cette responsabilité du schéma d’aménagement du territoire, traitons les deux questions qui sont effectivement posées.
La première question est celle des continuités supradépartementales ou interdépartementales d’intérêt régional, qui représentent certainement moins de 10 % des routes départementales. À cette première question correspond une première ouverture : faisons en sorte que ces itinéraires reconnus par le schéma régional soient subventionnés par la région, pour que les propriétaires que sont les départements fassent l’effort de les aménager.
La seconde question est celle des financements. D’où cette seconde ouverture : faisons en sorte qu’il y ait une péréquation régionale. D’ailleurs, jusqu’à une certaine époque, toutes les régions la pratiquaient. Et puis elles se sont arrêtées d’intervenir pour des raisons qui sont, généralement, d’ordre idéologique.
Vous allez sans doute, madame le ministre, me demander : « Mais pourquoi diable êtes-vous tellement attachés à la départementalisation ? » Ce serait oublier qu’entre la route et l’usager un tiers important intercède : l’élu.
Les départements, survivance tardive de la Révolution française, sont certes archaïques et inégaux. Ils ont toutefois un immense avantage : leurs élus qui siègent au conseil général sont accessibles, comme le sont du reste la plupart des élus.
Ainsi, lorsqu’il faut déneiger une route, aménager un carrefour dangereux ou redresser un virage, les maires, qui représentent en général les populations, savent à qui s’adresser.
Avec le conseil régional, assemblée profondément politique, élue à la proportionnelle départementale, le système ne fonctionnera plus et le lien entre l’usager et le décideur sera coupé.
C’est la raison pour laquelle ce sujet déchaîne autant de passions.
Nous avons quelque chose qui fonctionne et qui pourrait être perfectionné par le simple jeu d’une implication régionale fondée sur le schéma d’aménagement du territoire. Cela suffirait largement, en laissant les services opérationnels aux collectivités contrôlées par les élus de proximité.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Je regrette que nous soyons obligés d’interrompre notre débat maintenant, car l’amendement n° 212, qui va prochainement arriver en discussion, traite précisément d’une vision stratégique du réseau routier, en prévoyant la possibilité d’identifier, au sein du schéma régional, un réseau routier structurant susceptible d’être financé et géré par la région.
En réalité, si l’on veut avoir une vraie vision stratégique, et résoudre les problèmes de continuité, il est nécessaire de dépasser les limites départementales.
Nous sommes tout de même confrontés à un vrai paradoxe car, si nous voulons que soient réalisés des axes structurants pour les départements, il faut de la solidarité. Aujourd’hui, certains départements ruraux, n’ayant plus les moyens d’investir suffisamment dans leurs axes structurants, sont obligés de recourir à des partenariats public-privé, et l’on sait quelles conséquences cela aura à long terme sur leurs budgets.
L’idée que la région finance des axes structurants qui participent au désenclavement, au développement économique et à l’attractivité du territoire me paraît très intéressante.
Il me semble d’ailleurs que Jean-Jacques Hyest se situait tout à l’heure dans cet état d’esprit en évoquant une distinction entre deux types d’axes routiers, comme l’ont fait aussi Gérard Longuet et d’autres orateurs. Il est donc dommage que ce débat doive s’interrompre maintenant, car nous aurions pu esquisser au moins un semblant de solution à partir de l’amendement n° 212.
M. le président. En conséquence, l’article 9 demeure supprimé.
Mes chers collègues, nous avons examiné aujourd’hui 194 amendements ; il en reste 580 à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.