M. Joël Guerriau. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean Germain.
M. Jean Germain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne voterons pas, bien entendu, ces deux motions. Nous avons en effet considéré que, dans les deux projets de loi soumis à notre examen, les éléments positifs étaient très nombreux. Même si nous avons quelques réticences sur certains sujets, nous resterons fidèles à notre position, laquelle consiste à soutenir le Gouvernement, tout en faisant bouger un certain nombre de lignes.
Nous considérons que, aussi bien dans le projet de loi de finances pour 2015 que dans le projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement a su s’adapter à la situation.
Ne pas tenir compte de la situation européenne et mondiale serait une faute grave.
M. Philippe Dallier. Personne ne dit le contraire !
M. Jean Germain. Nous faisons partie de ceux qui pensent que la politique de la France ne se décide pas uniquement à Bruxelles, et que le dialogue avec l’Allemagne est un sujet important.
Entendant parler des fameuses réformes de structure à chaque nouvelle intervention, j’ai envie de paraphraser le général de Gaulle : il ne suffit pas de sauter comme un cabri sur son siège en criant « Réformes de structure ! Réformes de structure ! » pour que la situation s’améliore ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Nous souhaitons que notre pays, la France, demeure une République sociale (Mme la présidente de la commission des finances opine.), même si nous avons intégré, en bons sociaux-démocrates, la nécessité du marché, assorti toutefois d’un certain nombre de mécanismes de régulation.
C’est en raison de cette adaptation du Gouvernement à la situation que les textes présentés aujourd’hui par M. le secrétaire d’État nous donnent satisfaction.
Par ailleurs, ces projets de loi comportent un véritable programme d’économies, avec une cohérence d’ensemble. Ces économies peuvent paraître insuffisantes à certains, mais ce programme a le mérite d’exister, et il convient de l’appliquer.
Or, jusqu’à présent, la majorité sénatoriale ne nous a proposé aucune mesure significative en matière d’économies supplémentaires.
M. Marc Daunis. Elle nous a proposé seulement des slogans !
M. Daniel Raoul. Parlons des crédits militaires !
M. Jean Germain. Toutefois, notre collègue Philippe Dallier nous donnera peut-être des pistes dans quelques instants... (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Troisièmement, nous sommes pour le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et pour le pacte de responsabilité, car, pour nous aussi, la compétitivité est un sujet important.
Tout le monde a d’ailleurs salué le rapport Gallois, dont il faut désormais tirer quelques conséquences. Bien sûr, on peut être contre le CICE et le pacte de responsabilité. Leur mise en œuvre est complexe, car tout le monde n’y met pas du sien ; qui plus est, ces mesures nécessitent un peu de temps.
Sur un certain nombre de sujets, nous avons été entendus. Je pense aux collectivités territoriales, notamment s'agissant du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, et du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, le FDPTP.
En revanche, monsieur le secrétaire d’État, sur la baisse de la dotation globale de fonctionnement, que nous aurions préféré voir étaler sur quatre ans, nous n’avons pas été entendus. C’est pourquoi nous redoutons d’être dans quelques mois confrontés à un problème d’investissement des collectivités territoriales plus important que les spécialistes de l’économie ne le prédisent actuellement.
M. Marc Daunis. C’est à craindre !
M. Jean Germain. Nous sommes satisfaits d’avoir été entendus également sur les universités, un sujet sur lequel nous étions intervenus de façon importante.
Revenons à ce que nous proposent nos collègues de la majorité sénatoriale : sur les économies, je le répète, rien de significatif ; sur les principales politiques et sur les principales missions, rien de significatif non plus. M. le rapporteur général a beau jeu de lancer : « Vous verrez l’année prochaine ! »
Sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, la plupart des amendements ont été acceptés. Par conséquent, que s’est-il passé ces jours derniers ? Certes, la commission mixte paritaire n’a pas abouti, mais je crois surtout que la majorité sénatoriale fuit aujourd’hui l’occasion d’être constructive. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Francis Delattre. Les impôts ne rentrent plus !
M. Jean Germain. La navette parlementaire a été utile. Tout à l’heure, M. de Legge a déclaré que la majorité gouvernementale était divisée, entre ce qui était décidé à l’Assemblée nationale et ce qui était proposé au Sénat. Pas du tout ! Les deux assemblées ont leur spécificité, nous dialoguons avec nos collègues députés, mais nous n’avons pas le doigt sur la couture du pantalon.
En revanche, si la majorité sénatoriale avait été parfaitement disciplinée, le rapporteur général aurait proposé dès l’ouverture de la réunion de la commission des finances ce matin une motion tendant à opposer la question préalable. Il n’aurait pas demandé une suspension de séance pour que les plus durs de sa majorité lui expliquent que composer avec la minorité sénatoriale était impossible, parce que le grand chef avait décidé que, maintenant, c’était feu à volonté sur tous les textes en discussion ! (Exclamations.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas cela !
M. Marc Daunis. La vérité est cruelle !
M. Francis Delattre. Ce n’est plus une explication de vote, c’est un polar ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Germain. Mes chers collègues, nous voterons évidemment contre cette motion. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez tout notre soutien, même si nous regrettons ne pas avoir été entendus, notamment sur les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour les deux projets de loi que nous examinons conjointement ici, l’Assemblée nationale a rétabli un texte plus conforme à la volonté du Gouvernement. Elle a surtout rétabli un texte tout court, après la surprenante démarche qu’avait adoptée la majorité sénatoriale en première lecture.
M. Daniel Raoul. C’est vrai !
M. André Gattolin. Dans le débat public, la droite n’a pas eu de mots assez durs pour critiquer la politique gouvernementale de réduction des dépenses publiques, jugée beaucoup trop timorée. Certains leaders de l’UMP mettent en avant une centaine de milliards d’euros quand ils évoquent les économies qu’ils engageraient s’ils étaient aux responsabilités…
Or, depuis la rentrée, la droite est majoritaire au Sénat. Lors de cette longue séquence budgétaire, elle a donc eu les coudées franches pour concrétiser les solutions qu’elle prône haut et fort pour la France.
C’est pourquoi nous avons été plus qu’étonnés, mes chers collègues, de voir que la droite, loin d’appliquer le surplus d’austérité qu’elle revendiquait, avait adopté en première lecture un projet de loi de programmation des finances publiques... sans programmation des finances publiques ! Étrange, non ? Il n’était pourtant pas compliqué de donner dans ce texte un aperçu de la trajectoire budgétaire que l’opposition souhaitait pour la France.
Un scénario identique a été mis en place par la majorité sénatoriale à propos du projet de loi de finances pour 2015. La suppression d’un grand nombre de missions a empêché toute consolidation du solde. Si l’absence de toute trajectoire dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 laissait planer un doute quant au programme budgétaire de la droite, le projet de loi de finances pour 2015 donne, lui, davantage d’indications.
En effet, lorsque l’on souhaite réduire les crédits d’une mission, il est toujours possible de le faire ; en revanche, on ne peut pas les augmenter. Ce n’est donc pas de ce côté qu’il faut chercher la raison de la suppression de ces missions.
Si la droite a agi ainsi, mes chers collègues, j’ai bien peur que ce ne soit parce qu’elle souhaitait les augmenter. Cela a été le cas pour la mission « Recherche et enseignement supérieur », dont la majorité sénatoriale a voté l’augmentation des crédits, avant de la supprimer.
M. Francis Delattre. Et la défense !
M. André Gattolin. Ce fut également le cas pour les missions que, par une pirouette sémantique, vous avez jugées « insincères », comme la mission « Défense ». (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Pirouette ? Dans votre bouche, c’est comique !
M. Francis Delattre. C’est un expert qui parle !
M. André Gattolin. Vous dites considérer que certains crédits, comme le produit de la cession des fréquences, ne seront pas au rendez-vous et qu’il faut donc les remplacer par d’autres, plus sûrs. C’est une position respectable, mais qui vous conduit, de fait, à trouver de nouvelles recettes, donc soit à augmenter la fiscalité, soit à dégrader le solde.
Les immenses lacunes laissées par le Sénat dans les textes que nous réexaminons aujourd’hui témoignent des immenses lacunes de sa majorité, voire de son absence de cohérence en matière budgétaire.
Pour autant, j’ai eu l’occasion de le dire à maintes reprises, les écologistes ne se satisfont pas non plus du projet du Gouvernement. (Ah ! sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Philippe Dallier. Bienvenue au club !
M. André Gattolin. À ce stade de la discussion, je ne reviendrai pas sur les arguments économiques et écologiques qui nous poussent à considérer qu’attribuer plus de 40 milliards d’euros aux entreprises sans critères ni contreparties, le tout étant financé par les ménages et les services publics, n’est pas un bon choix politique.
J’aimerais plutôt clore cette séquence budgétaire par un petit commentaire sur la marge de manœuvre qui est laissée aux parlementaires. J’ai déjà évoqué, à propos du projet de loi de finances rectificative pour 2014, la question du calendrier...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous en convenons !
M. André Gattolin. ... et de la mauvaise utilisation qui est faite de ce texte par le Gouvernement.
On pourrait évoquer aussi – ce serait d’ailleurs un débat à part entière – les affres de l’article 40 de la Constitution, l’absurdité qui accompagne parfois sa mise en œuvre et la limitation qu’il impose, non seulement au droit d’amendement, mais même au droit d’expression des parlementaires.
J’aborderai maintenant un élément qui, pour être plus technique, n’en est pas moins inquiétant à mon sens, à savoir l’augmentation du niveau de la réserve de précaution – en cela, je rejoins les propos récurrents de notre collègue Vincent Delahaye –, qui introduit une forme d’insincérité structurelle dans le budget.
Le taux minimal a été porté de 5 % à 6 % dans le projet de loi de programmation des finances publiques, et le Gouvernement a choisi de porter le taux effectif de 7 % à 8 % pour l’année 2015. Qu’en sera-t-il l’année prochaine ? Quelle sera la limite ?
Les crédits soumis au contrôle des parlementaires sont ainsi rognés, pour cent par pour cent. De plus, il s’agit en réalité de réaliser des économies de dépenses non assumées par le truchement des annulations de crédits de fin d’année. S’y ajoute – il ne vous surprendra pas que j’y revienne, mes chers collègues – la mystification des crédits du programme d’investissements d’avenir, le PIA. Je pense en particulier à ceux de l’écologie, mais le raisonnement est généralisable.
À l’époque, le PIA nous avait été présenté comme l’antidote aux baisses de crédits. Quelque temps plus tard, dans des projets de lois de finances rectificatives, nous apprenions que le PIA « écologie » était en fait fongible avec le PIA « nucléaire militaire ».
M. Francis Delattre. Vous avez tout compris !
M. André Gattolin. Certains s’en réjouissent, d’autres non, vous le comprendrez ! Pour les écologistes, les différents PIA auront donc uniquement servi à tenter de faire passer la pilule de la baisse des crédits de l’écologie, en la ventilant dans différents textes...
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne sommes pas favorables pas au texte qui nous est présenté. Pour autant, nous approuvons encore moins la stratégie de la fuite choisie en première lecture et confirmée aujourd’hui par la majorité sénatoriale.
Nous voterons donc contre les deux motions tendant à opposer la question préalable qui nous seront soumises à l’issue de la discussion générale commune. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Richard Yung applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les débats financiers nous ont beaucoup occupés ces derniers temps. Chacun aura eu l’occasion ici de formuler ses avis et ses propositions ; cela a été aussi le cas pour le groupe CRC. Nous ne réengagerons donc pas le débat : la cause est entendue.
Lors de nos débats budgétaires, nous ne devons jamais oublier que ce qui fait qu’un déficit se creuse ou se réduit, ce n’est pas seulement le pointillisme d’un directeur de programme ; c’est surtout l’environnement économique dans lequel les choses se déroulent.
Il se trouve que, dans les vingt dernières années, les comptes publics n’ont présenté une situation conforme à nos engagements européens que pendant une courte période. Entre 1997 et 2002, en effet, nous avons enregistré une amélioration continue des comptes publics de l’État, avec des déficits contenus à des niveaux tout à fait estimables : 3,1 % du PIB à la fin de 1997, 2,7 % en 1998, 1,6 % en 1999, 1,3 % en 2000 et 1,4 % en 2001. Toujours est-il que les comptes sociaux présentaient alors un excédent que les dix années suivantes n’ont jamais permis de retrouver !
Quant à la dette publique, dont le service était en apparence plus coûteux qu’aujourd’hui, elle était contenue sous la barre européenne réglementaire des 60 % du PIB...
Évidemment, ni le contenu du projet de loi de finances pour 2015, profondément récessif au plan macroéconomique, ni celui du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, qui semble se contenter de décréter une trajectoire des comptes publics vers des objectifs européens que nous n’avons pas atteints depuis la période des 35 heures, ne correspondent à ces enjeux.
Il est toujours temps de changer de politique, avant que la dette si douloureusement accrue pendant le précédent quinquennat ne finisse de priver la France d’un autre destin que celui de l’austérité continue, qui suscite souffrances et chômage de masse pour le peuple. Il faut ouvrir une nouvelle ère pour redonner espoir aux Français et à notre jeunesse qui en a tant besoin.
Aussi, nous ne voterons ni le projet de loi de finances pour 2015, qui ne pourra totalement s’appliquer, ni le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, dont la survie est limitée à deux ans.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant de concentrer mon propos sur le projet de loi de finances pour 2015, je dirai quelques mots du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.
Non, monsieur le secrétaire d'État, nous ne croyons pas que vos prévisions soient tenables. C’est pourquoi nous n’avons pas souhaité vous suivre et voter vos prévisions. S’il fallait vous en convaincre, il n’y aurait qu’à regarder les chiffres en cette fin d’année 2014 : cela a été souligné, le décalage entre vos prévisions il y a un an, au moment de la loi de finances pour 2014, et le résultat en cette fin d’année 2014 est catastrophique, je peux utiliser le terme.
Vous avez affirmé tout à l’heure que vous alliez tenir l’objectif d’un déficit de 4,4 % du PIB. Encore heureux ! Je souhaite vivement que ce soit le cas, monsieur le secrétaire d'État. C’est pourtant tellement loin de l’objectif que vous vous étiez fixé l’année dernière… Comment voulez-vous que nous vous fassions confiance et que nous croyions que vos prévisions pour les années à venir soient réalistes ? Non, nous ne le croyons pas et nous ne pouvons donc pas vous suivre.
J’en viens au projet de loi de finances pour 2015. Nous l’avons adopté en première lecture, mais nous avons voté un texte profondément remanié, avec, en première partie, des mesures importantes pour notre majorité en faveur des familles, des PME et de l’investissement des collectivités territoriales.
Lors de l’examen de la seconde partie, sans tenir compte des crédits des missions que nous avons rejetées, nous avons réalisé près de 2 milliards d’euros de nouvelles économies, améliorant ainsi sensiblement le solde. Bien sûr, nous sommes loin des 100 milliards d’euros d’économies que certains membres de notre famille politique entendent réaliser.
M. Marc Daunis. Et même 150 milliards d'euros !
M. Philippe Dallier. Toutefois, vous savez très bien qu’il s’agit de 100 milliards d’euros non pas sur une année, mais sur un quinquennat. (Exclamations de surprise sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Raynal. Ah !
M. Philippe Dallier. Chers collègues, cela a toujours été dit. Et vous êtes de mauvaise foi quand vous affirmez le contraire ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Ces 100 milliards d’euros d’économies seront principalement obtenus grâce à des réformes structurelles, telle une nouvelle réforme des retraites. François Rebsamen en a parlé hier, avant d’être immédiatement recadré. À cet égard, nous sommes un certain nombre, y compris au sein même du Gouvernement, à penser qu’une telle réforme est nécessaire. Peut-être faudrait-il en parler dès à présent plutôt que d’attendre encore ?
Deux de nos régimes complémentaires sont au bord de la faillite, mais cela se produit dans un silence assourdissant… Allons-nous réduire les pensions, augmenter les prélèvements ? Ce débat n’est pas mis sur la table.
Des réformes du marché du travail seront nécessaires. Le Premier ministre a évoqué un contrat unique – le CDI ou le CDD ? –, mais, le sujet remuant la majorité, le dossier a été enterré. Ne faudra-t-il pas un jour réfléchir à cette question ?
Des réformes de la formation professionnelle, de l’enseignement scolaire et de bien d’autres secteurs encore permettraient soit de réaliser directement des économies, soit de défaire les carcans entravant notre économie. Elles favoriseraient la croissance et l’emploi et permettraient de diminuer le coût social de la crise dans laquelle la France demeure empêtrée.
Nous avons également rejeté les crédits de certaines missions pour des raisons d’insincérité budgétaire. Les rejets ont été ciblés et mesurés. Permettez-moi de rappeler, mes chers collègues, que lorsque vous étiez dans la position qui est la nôtre aujourd'hui, vous aviez rejeté vingt-deux des trente-deux missions. Ne venez donc pas nous donner de leçons aujourd'hui, alors que vous avez fait exactement la même chose que nous. Ayez un peu de mémoire !
Je reviendrai maintenant en quelques mots sur nos votes en première lecture.
Nous avons redonné du pouvoir d’achat aux familles des classes moyennes, qui sont les véritables oubliées de ce quinquennat et sur lesquelles l’effort fiscal s’est concentré.
Contrairement à ce qu’a déclaré le Gouvernement, il n’y aura pas de pause fiscale en 2015. Il faut en fait comprendre du discours qu’il tient qu’aucune nouvelle taxe ne sera votée en 2015, et encore, nous verrons. Un certain nombre de familles verront bien leurs impôts et les prélèvements de toutes natures augmenter l’an prochain. Le décalage entre l’opinion publique et vous, chers collègues de l’opposition sénatoriale, n’en sera que plus grand. Les gens ne comprendront pas : alors que vous leur aurez dit une chose, ils constateront le contraire !
La suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu concentrera par ailleurs encore un peu l’effort sur les classes moyennes.
Les familles, quant à elles, sont victimes de la baisse, à deux reprises, du plafond du quotient familial et de mesures fiscales, inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, qui les affectent fortement. C’est la raison pour laquelle nous avons tenu à porter le plafond du quotient familial de 1 500 euros à 1750 euros. Cette mesure bénéficierait à 1,3 million de foyers, soit 3 millions de personnes.
Nous avons également souhaité rendre nos entreprises plus compétitives en favorisant leurs investissements, car c’est là que se situe la clef du problème.
Le budget pour 2015 ne comporte en effet initialement aucune mesure en faveur des entreprises. Rappelons que le pacte de responsabilité et le CICE permettront juste de compenser péniblement les hausses sans précédent de la fiscalité sur les entreprises intervenues en 2012 et en 2013.
Rappelons également que les entreprises seront touchées en 2015 par les effets de mesures prises antérieurement : prolongation de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés – 2 milliards d’euros –, moindre déductibilité des frais financiers – 1,3 milliard d’euros –, impact du pacte de responsabilité sur l’impôt sur les sociétés – 800 millions d’euros – et hausse des cotisations de retraite – 500 millions d’euros.
Il importait donc pour nous de soutenir davantage nos PME, dont les taux de marges n’ont jamais été aussi faibles. Nous allons probablement encore – cela a déjà été le cas en 2013 – battre un record de faillites d’entreprises en 2014. Telle est la situation, mes chers collègues.
Afin de soutenir les investissements productifs des entreprises et leur faire gagner de la valeur ajoutée – c’est le point faible des entreprises françaises –, l’amortissement des matériels pourrait ainsi se faire sur une durée raccourcie.
Par ailleurs, nous avons souhaité préserver les capacités d’investissement des collectivités locales. Nous avons supprimé le fonds de soutien à l’investissement local, qui réalise en réalité un véritable hold-up sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. On reprenait d’une main ce que l’on avait présenté de l’autre comme un cadeau aux collectivités locales. C’était assez fort de café !
Surtout, et c’est le point le plus important pour nos collectivités territoriales, le Gouvernement réduira leurs dotations de 3,7 milliards d’euros l’an prochain, et ce sans concertation. L’annonce a été faite immédiatement après les élections municipales, ce qui est tout de même une très mauvaise manière.
Les conséquences de ces baisses, nous les connaissons. Il en résultera, c’est une quasi-certitude, une chute d’au moins 30 % de l’investissement public. Les entreprises du bâtiment et des travaux publics sont dans la rue. Les plans de licenciement ne manqueront pas, vous le savez, mes chers collègues, car les carnets de commandes sont en train de se vider.
Il en résultera également une augmentation assez générale de la fiscalité locale. Chers collègues de l’opposition sénatoriale, vous annoncez aux Français que vous en avez fini avec les augmentations d’impôts, mais vous passez le mistigri aux maires et aux présidents de conseils généraux, qui, eux, n’auront pas d’autre possibilité que d’augmenter les impôts,…
M. Francis Delattre. Très bien !
M. Philippe Dallier. … les collectivités territoriales ne pouvant, vous le savez, voter de budget en déséquilibre pour la section de fonctionnement.
Nous avions accepté le principe d’une baisse des dotations, car nous considérons que les collectivités territoriales doivent participer à l’effort général, mais nous avons souhaité réduire la facture en prenant en compte le poids des normes et le coût de la réforme des rythmes scolaires, lequel s’élève à 1,4 milliard d’euros. L’équilibre auquel le Sénat était parvenu me semblait juste, mais il n’a pas été retenu. L’ensemble des élus locaux et des Français en verront malheureusement les conséquences l’année prochaine.
En seconde partie, nous avons voté des économies de dépenses courageuses, mais pas pour autant irresponsables.
Nous avons non pas gelé, comme cela a été dit, mais ralenti la progression de l’avancement dans la fonction publique. Nous n’avons pas supprimé l’aide médicale d’État, mais, constatant sa dérive budgétaire et sa sous-budgétisation – ses deux caractéristiques –, nous avons proposé une stratégie globale pour essayer de contenir la dépense. Je rappelle que le coût réel de l’aide médicale d’État approchera un milliard d’euros en 2015.
Dans la mission « Santé », la commission des affaires sociales a proposé une participation forfaitaire annuelle de 50 euros. En complément, la commission des finances a proposé de prendre comme référence pour l’enveloppe budgétaire de l’aide médicale d’État l’année 2008, soit 490 millions d’euros. Cela permettrait de couvrir les soins d’urgence, de prophylaxie et les soins de droit commun pour les enfants et les femmes enceintes. À terme, nous souhaitons mettre en place un groupe de travail afin de procéder à une étude approfondie et comparative avec d’autres pays européens et de faire des propositions de réforme de l’aide médicale d’État.
Par ailleurs, nous avons réduit le plafond d’emplois dans plusieurs missions, comme l’éducation nationale et l’agriculture. Nous avons également proposé d’instaurer trois jours de carence dans la fonction publique, par souci d’équité avec le secteur privé. Enfin, nous avons refusé les budgets que nous considérions comme insincères, soit parce que les crédits nous semblaient sous-estimés, soit parce que les recettes étaient tout à fait incertaines.
À titre d’exemple, j’évoquerai le budget de la défense, dont nous avons beaucoup parlé. Tous les ans, nos missions à l’étranger se multiplient et les OPEX, les opérations extérieures, nous coûtent plus cher, alors que les crédits ne sont jamais initialement à la hauteur.
M. Dominique de Legge. Tout à fait !
M. Philippe Dallier. Surtout, quelque 3,4 milliards d’euros de crédits sont reportés en 2015. Les ressources exceptionnelles passent de 1,7 milliard d’euros à 2,3 milliards d’euros, dont certaines ne se vérifieront pas. On nous explique qu’on trouvera d’autres ressources. Nous verrons bien, mes chers collègues !
J’évoquerai également le budget de l’écologie et des transports, qui est littéralement miné par l’abandon de l’écotaxe. Nous avons considéré que ce budget était insincère, car l’abandon de l’écotaxe entraînera une perte de 800 millions d’euros par an, lesquels étaient affectés au financement des infrastructures. Et je n’évoquerai pas l’indemnité de résiliation due à Ecomouv’, laquelle pourrait s’élever à plusieurs centaines de millions d’euros, mais qui n’est naturellement pas provisionnée.
L’augmentation de taxes sur le diesel permettra de parer au plus pressé l’année prochaine, mais rien n’est stabilisé pour les années ultérieures. Nous ne savons pas comment nous financerons nos dépenses de transport.
J’évoquerai un dernier exemple, celui du budget du logement, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur et qui est sous-estimé de manière assez importante, comme je l’ai déjà souligné en séance. Les crédits nécessaires au FNAL, le Fonds national d’aide au logement, sont reportés de 2014 à 2015 à hauteur de 200 millions d’euros. En outre, nous savons que les crédits inscrits pour 2015 seront insuffisants. Telle est la réalité.
Je ne parlerai pas de la baisse dramatique des aides à la pierre et du problème de financement de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat. Une solution a été trouvée au Sénat, mais il n’est pas certain qu’elle sera suffisante.
L’examen du texte en commission mixte paritaire, de même qu’en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, n’a pas permis d’apporter des réponses aux questions que nous avions posées sur ces budgets.
En outre, aucune des mesures d’économie, aucune des mesures en faveur des familles, des PME et des collectivités territoriales que nous avions proposées en première partie – à part le maintien des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, dont nous nous réjouissons –, n’a été retenue en nouvelle lecture par les députés.
Dès lors, aucun compromis n’étant possible, il n’est pas utile que nous présentions des amendements. En conséquence, le groupe UMP votera en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable déposée par le rapporteur général du budget, Albéric de Montgolfier, que je tiens à féliciter de la qualité de son travail et de sa ténacité durant ces longues semaines de discussions budgétaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)