compte rendu intégral
Présidence de M. Claude Bérit-Débat
vice-président
Secrétaires :
Mme Valérie Létard,
M. Jackie Pierre.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une commission d’enquête
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur la réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays, créée sur l’initiative du groupe communiste républicain et citoyen, en application du droit de tirage prévu à l’article 6 bis du règlement.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 11 du règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
3
Loi de finances rectificative pour 2014
Discussion en nouvelle lecture d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2014 (projet n° 191, rapport n° 195).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de finances rectificative pour 2014, moins d’une semaine après son adoption en première lecture par votre Haute Assemblée. Le texte étant encore bien frais dans les mémoires, je me contenterai d’en rappeler succinctement les grandes orientations.
Le projet de loi de finances rectificative comprend deux volets.
Le volet budgétaire a pour objet de mettre en œuvre, avec le décret d’avance publié au début du mois de décembre, un ensemble d’ouvertures et d’annulations de crédits afin d'assurer le respect de la norme de dépense de l’État pour 2014, soit 276,9 milliards d'euros de dépenses hors charges de la dette et des pensions. Je le rappelle, après le vote de la loi de finances rectificative de cet été, il s’agit de respecter une diminution de 3,1 milliards d’euros de la dépense sous norme par rapport à l’exécution 2013. C’est une baisse en valeur qui n’a pas d’équivalent dans les années récentes et qui nécessite un effort de l’ensemble des ministères.
Le projet de loi de finances rectificative contient également un volet fiscal, organisé autour de trois objectifs.
Le premier est la lutte contre la fraude fiscale, avec notamment des mesures spécifiques sur la fraude à la TVA.
Le deuxième objectif est de faciliter l’accès au logement dans les zones tendues. C’est l’objet des majorations de taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de taxe foncière sur les terrains constructibles, ces deux mesures s’appliquant uniquement en zones tendues, pour y soutenir l’offre de logements.
Enfin, le troisième objectif est l’amélioration des conditions de vie des ménages les plus modestes. Ce projet de loi engage la première étape de la réforme des aides aux travailleurs modestes, avec la suppression de la prime pour l’emploi, la PPE, au 1er janvier 2016. La PPE et le revenu de solidarité active, le RSA, actuels seront remplacés en 2016 par une nouvelle aide, dont j’ai précisé les contours en première lecture.
Telles sont les grandes lignes de ce texte : une gestion sérieuse du budget de l’État, tant sur les dépenses, qui sont maîtrisées comme prévu, que sur les recettes, avec un nouveau renforcement des moyens de lutte contre la fraude ; des mesures spécifiques pour améliorer l’accès au logement ; enfin, la première étape d’une réforme au profit des travailleurs les plus modestes.
C’est donc un projet de loi qui s’inscrit clairement dans la politique budgétaire proposée par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances rectificative est effectivement encore tout frais dans nos mémoires. Je m’efforcerai donc, à l’instar de M. le secrétaire d’État, d’être très synthétique. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Philippe Dallier. Bravo !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Au cours de la nuit de vendredi à samedi, nous avons achevé, dans les conditions que nous connaissons, l’examen du texte en première lecture. Je souhaite en rappeler les principales dispositions et, surtout, évoquer les apports du Sénat, en revenant sur les amendements adoptés par la commission des finances.
Je ne m’étendrai pas sur les ajustements de crédits visant à assurer le respect de la norme de dépenses. Mais ceux-ci mettent un élément en lumière : la maîtrise des dépenses de l’État n’est assurée que par le renoncement à des dépenses d’avenir – je pense à l’enseignement supérieur, à la recherche ou à l’équipement de nos forces armées – pour financer un certain nombre de dépenses obligatoires, qu’il s’agisse de la rémunération des personnels de l’État ou de dépenses de « guichet », comme l’aide médicale de l’État, l’AME.
La majorité sénatoriale a considéré qu’elle ne pouvait pas remettre en cause des ajustements intervenant à un stade de l’année où ils relèvent déjà, pour une large part, du constat de l’exécution.
Plusieurs raisons nous amènent à examiner le texte en nouvelle lecture.
En premier lieu, pour revenir sur les conditions dans lesquelles nous avons été amenés à travailler, je note que le format du texte a triplé au cours de la discussion par les députés. Tout le monde semble s’en plaindre, y compris mon homologue à l’Assemblée nationale. M. le secrétaire d'État lui-même a indiqué trouver un peu excessif le nombre d’amendements déposés ! La qualité du travail législatif devrait s’en ressentir, et des difficultés d’application de certaines mesures pourraient être rencontrées. Surtout, nous avons été amenés à nous prononcer sur des réformes fiscales importantes sans évaluation préalable et sans disposer du temps nécessaire à une analyse approfondie. Ce n’est évidemment pas satisfaisant.
En deuxième lieu, le présent projet de loi de finances rectificative, largement modifié par le Sénat, a été adopté à une très large majorité en première lecture, avec 309 voix. Cela montre la capacité de notre Haute Assemblée à dépasser les clivages traditionnels, ainsi que sa volonté de peser sur un certain nombre de choix. Je pense notamment aux dispositions relatives aux ressources des collectivités territoriales, sujet sur lequel le Sénat a montré tout au long de l’automne, dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de finances rectificative, sa constance et sa détermination.
À ce titre, notre assemblée a souhaité rendre à la fois facultative et modulable la majoration des valeurs locatives en zones tendues pour le calcul de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. La commission des finances vous proposera d'ailleurs dans quelques instants de rétablir une telle possibilité et d’appliquer le même principe à la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
La majoration de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, est un sujet majeur du collectif. Elle a d’ailleurs encore fait l’objet de nombreux amendements à l’Assemblée nationale hier soir. Je perçois un enthousiasme des plus mesurés au sein de la majorité gouvernementale, voire une opposition plus ou moins assumée chez nos collègues sénateurs du groupe socialiste et du groupe RDSE. Il existe en fait une large convergence de vues au sein du Sénat. La seule justification du dispositif réside dans son rendement budgétaire et, oserai-je ajouter, politique ! Car, au-delà de ces objectifs de court terme, une telle mesure présente tous les inconvénients possibles.
Tout d’abord, il s’agit d’une augmentation brutale de la fiscalité, sans étude d’impact ni concertation préalable, et en contradiction avec les engagements du Gouvernement en matière de stabilité fiscale.
En outre, instaurer sur une taxe locale une surtaxe au profit de l’État nuit à la lisibilité de la fiscalité.
Le dispositif multiplie aussi les effets de seuil en établissant une nouvelle référence pour le paiement de la surtaxe, tout en s’appliquant indifféremment à toutes les surfaces excédant 2 500 mètres carrés, quelles que soient les marchandises vendues et la place nécessaire à leur exposition.
Enfin, et c’est là le point le plus préoccupant, la surtaxe nous semble de nature à accélérer les mutations en cours dans le commerce, qu’il s’agisse du drive ou du commerce en ligne. Ces deux pratiques ne sont pas assujetties à la taxe, donc à la surtaxe envisagée.
Au-delà de nos votes, c’est donc une question qu’il nous faudra en tout état de cause approfondir pour éviter que l’évolution des modes de consommation ne conduise à une réduction croissante des bases d’imposition.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, l’unique vertu de la surtaxe est son rendement, à peu près certain, l’assiette étant solidement ancrée sur nos territoires.
C’est d’ailleurs ce qui explique notre désaccord persistant avec la majorité de l’Assemblée nationale. Au fond, celle-ci semble peu convaincue, mais s’estime sans doute liée par l’engagement du Gouvernement d’améliorer le solde de 3,6 milliards d’euros en 2015.
Nos divergences ont également porté sur d’autres mesures de rendement proposées par le Gouvernement ou sa majorité. C’était le cas de l’augmentation de la fiscalité des concessionnaires autoroutiers, qui nous semblait être largement improvisée et poser d’importantes difficultés, du point de vue tant de sa constitutionnalité que de sa répercussion probable dans le prix des péages acquittés par les usagers. Cette mesure a finalement été supprimée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
L’article 14 concerne la non-déductibilité de plusieurs taxes. Le Sénat a considéré que le projet du Gouvernement dénaturait le fondement du caractère déductible ou non des impositions, là aussi dans une logique de pur rendement. J’en veux pour exemple la non-déductibilité de la taxe sur les bureaux, qui s’assimile à une surtaxe pure et simple. Cela vient d’ailleurs s’ajouter à toutes les taxes qui s’abattent sur les entreprises franciliennes en cette fin d’année.
La commission a estimé que quelques autres sujets, dont l’effet est certes considérablement moindre sur le solde, nécessitaient un nouvel examen. Il nous est proposé d’acter la modification et de la prorogation de certaines dépenses fiscales applicables à des zones géographiques sans que nous disposions d’une évaluation suffisante.
Telles sont les raisons qui ont conduit la commission des finances à étudier ce texte en nouvelle lecture et à adopter un certain nombre d’amendements, visant pour l’essentiel à rétablir des positions adoptées par le Sénat en première lecture.
Pour autant, le nombre d’amendements déposés par la commission, sept, est très restreint. De nombreux articles ont été adoptés par l’Assemblée nationale dans des versions reprenant largement les propositions du Sénat, y compris sur des points importants.
Je pense au régime fiscal des instances chargées de l’organisation en France d’une compétition sportive internationale, à l’article 24. Le Sénat a souhaité que les commissions chargées des finances et des sports soient désormais consultées à l’occasion de chaque candidature conduisant à prévoir une dérogation aux règles fiscales.
Ainsi en est-il également, à l’article 25 ter, de la TVA applicable à la distribution de services de télévision comprise dans des offres composites triple play. Le Sénat avait trouvé un point d’équilibre entre le droit actuel et le dispositif issu de l’amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.
S’il faut se féliciter du vote par nos collègues députés d’un nombre important de modifications apportées par le Sénat, le bilan reste cependant mitigé sur les éléments essentiels. La commission des finances, qui s’est réunie ce matin, a donc estimé qu’un certain nombre de positions de principe de notre assemblée devaient être réaffirmées avec force dans le cadre de la nouvelle lecture. C'est la raison pour laquelle elle a souhaité cet examen et a donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi de finances rectificative ; nous aurons le plaisir d’en débattre dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour une raison qui nous échappe encore, il s’est constitué la semaine dernière une majorité au Sénat pour adopter un texte sur le projet de loi de finances rectificative.
C’est évidemment passé quasi inaperçu. La majorité UMP-UDI, les non-inscrits, ainsi que les membres du groupe socialiste et du groupe RDSE se sont rassemblés sur un même vote alors que certaines dispositions non négligeables du texte adopté par l’Assemblée nationale avaient été supprimées !
Je pense notamment à la non-déductibilité de la taxe sur le risque systémique des banques – nos collègues estiment ainsi normal de faire, d’une certaine manière, financer la sécurité mutuelle des banques par d’autres que par les banquiers eux-mêmes – ou encore à la non-déductibilité de la taxe sur les bureaux en Île-de-France. Cette dernière mesure aurait pourtant pu constituer un levier relativement puissant pour amener quelques investisseurs immobiliers à réfléchir au lieu d’implantation de leurs installations.
Le constat est des plus intéressants : ceux-là mêmes qui, il y a peu encore, accusaient une partie de la gauche de « voter avec la droite » contre les projets de loi du Gouvernement ont fait preuve d’une grande discrétion quand leur comportement était exactement identique.
La gauche du passé, c’est celle qui abandonne peu à peu le combat d’idées pour un pragmatisme mou, qui affadit aussi la démocratie ! Soutenir un amendement tendant à mettre en place un dispositif d’amortissement dégressif pour les nouveaux équipements acquis par les PME ne règle en rien la question clé du secteur industriel en France.
Nous l’avons déjà indiqué, la fiscalité et ses modifications, substantielles ou plus partielles, ne constituent pas la pierre philosophale qui permettra de transformer le plomb de la stagflation en or de la croissance économique retrouvée.
La gauche de l’avenir, c’est celle qui s’appuie une fois encore sur les aspirations populaires et le vécu des couches laborieuses, pour promouvoir les changements escomptés et nécessaires.
Prenons le cas du crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE, que le Gouvernement entend peu à peu transformer en une simple nouvelle mesure de réduction du coût du travail.
Comment ne pas le pointer ici ? Les mêmes qui en rejetaient le principe voilà deux ans – le Sénat avait massivement voté contre un tel dispositif lors de la discussion de la loi de finances rectificative pour 2012 – en acceptent aujourd’hui l’augure et l’application. En revanche, ce qui est certain, c’est que la baisse du « coût du travail » réduit non pas les charges des entreprises, mais la rémunération des salariés !
Au demeurant, le CICE, qui existe depuis deux ans, n’a pas permis d’inverser la courbe du chômage ; cela commence à se voir et à se dire. Au début du mois de décembre, nous comptons 328 000 personnes privées d’emploi de plus.
Quelques belles âmes se sont évidemment émues de la situation pour demander toujours plus dans la mise en œuvre des « réformes structurelles ». J’avoue d’ailleurs mon amusement, relatif, face à une telle notion.
Cela vaut également pour le discours sur la « réduction de la dépense publique », qui ressemble le plus souvent à un slogan affiché comme un argument d’autorité par tous ses promoteurs et qui ne s’accompagne jamais de précisions quant aux postes à réduire...
Les « réformes structurelles » sont toujours « nécessaires et indispensables », mais n’ont, très étrangement, jamais de contours concrets ! Que signifie réformer structurellement le monde du travail ? Lutter contre les rigidités du code du travail ? Voilà peut-être l’amorce d’une explication.
À ce sujet, j’ai relu voilà peu de temps l’intéressant et, pour tout dire, poignant livre de l’excellente journaliste Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham. Elle y raconte le quotidien des salariés précaires, un peu à la manière dont le grand journaliste allemand Günter Wallraff avait stigmatisé, voilà quelques années, le modèle rhénan dans Tête de turc. Je ne saurais trop recommander une telle lecture à ceux qui pensent que les chômeurs le sont par choix et que le code du travail est un obstacle à l’embauche. On peut y lire ce propos prononcé par une des protagonistes : « Tu verras, tu finis par devenir invisible quand tu es femme de ménage. »
Trente ans ou presque après la loi sur la flexibilité, un nombre sans cesse plus important de salariés du secteur marchand connaissent des conditions de travail aggravées. Horaires décalés, temps partiel imposé, rémunérations à l’aune de ces conditions horaires déplorables et absence de promotion et de formation sont le quotidien de centaines de milliers de salariés et, surtout, de salariées dans notre pays !
Sur 1,7 million d’offres d’emploi potentielles en 2014, 670 000 concernaient des emplois de caractère saisonnier. Une grande partie du million d’emplois restant ne couvre que des besoins très ponctuels de main-d’œuvre. À tel point que les contrats à durée déterminée représentent aujourd’hui 85 % des contrats de travail signés dans l’année et que leur durée médiane atteint exactement dix jours !
Quelle vie, quels projets, quels choix peuvent faire, dans de telles conditions, des millions de personnes dans notre pays ? Et certains voudraient encore en rajouter ! Pour aller jusqu’où ? Jusqu’au retour au contrat de travail journalier payé de la main à la main ?
J’en viens au « versement transport, » qui fut évoqué lors de nos débats. Il rapporte 3 425 millions d’euros dans la région Île-de-France, où il constitue une recette essentielle du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, pour mener sa politique tarifaire et développer ses investissements.
Je fais aussi observer que la taxe sur les bureaux présente la particularité d’être également sollicitée pour le financement des politiques régionales, dont le transport est une composante clé.
Il se trouve que les administrations publiques acquittent 35 % à 40 % du « versement transport », l’emploi public constituant en effet plus ou moins le tiers de l’emploi total en Île-de-France. Par ailleurs, tous les emplois privés ne sont pas regroupés dans des entreprises assujetties.
En d’autres termes, sur le rendement actuel du « versement transport », les entreprises ne contribuent que pour un peu plus de 2 milliards d’euros, montant à rapprocher des 612 milliards d’euros de la production marchande de la région. Ce versement représente moins de 0,3 % du chiffre d’affaires de nos entreprises, soit l’équivalent d’une journée, et sa hausse éventuelle devrait accroître cet effort de 0,03 %...
Chacun en conviendra, c’est la ruine de l’économie. Pourtant, la qualité des transports franciliens est, quoi qu’on en dise, l’un des atouts maîtres de la région capitale.
De surcroît, si les entreprises doivent payer demain un peu plus de « versement transport », elles verront aussi se réduire la charge de la prime mensuelle de transport. Et c’est tout bénéfice pour celles qui ne sont pas redevables du versement ! C’est aussi une excellente opération pour les employeurs du million de Franciliens de la grande couronne qui convergent chaque jour vers Paris !
Franchement, payer en moyenne un peu plus de 30 000 euros par an pour voir son personnel transporté, ce n’est sans doute pas la solution la plus onéreuse !
Mais il en est du « versement transport » comme du reste. Or une loi de finances rectificative devrait dépasser les généralités de premier abord et la simple comptabilité. Ce n’est pas le cas dans le texte issu des travaux du Sénat. C’est pourquoi nous ne le voterons pas.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans la nuit de vendredi à samedi, à l’issue de l’examen en première lecture de ce projet de loi de finances rectificative, nous nous quittâmes dans l’allégresse, sur un consensus partagé au-delà des rangs de la majorité sénatoriale, en formant le vœu que nos modifications sur le texte puissent faire l’objet d’un accord en commission mixte paritaire.
Las, cette dernière échoua, ce lundi matin. Les négociations ont en particulier achoppé sur l’article 14, relatif à la non-déductibilité de plusieurs taxes, notamment celle qui porte sur le risque systémique. Un autre point de désaccord a concerné la suppression par notre chambre de la mesure relative à la TASCOM.
La partie de « ping-pong législatif » avec les députés reprend ainsi de plus belle, mais, nous le savons, ce sont eux qui donneront le dernier coup de raquette !
En première lecture, j’ai pointé dans la discussion générale le manque de temps dont le Parlement disposait pour examiner convenablement les textes budgétaires de fin d’année.
On ne saurait en effet les examiner plus prestement. Hier, dans la soirée, l’Assemblée nationale a expédié l’ensemble des articles restant en discussion en une paire d’heures.
Notre rythme est si effréné que d’aucuns pensent le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative déjà adoptés ! Ainsi, nous avons pu lire que la maire de Paris se réjouissait hier de l’augmentation de la taxe de séjour pour les hôtels…
M. Philippe Dallier. Elle a besoin d’argent pour son budget !
M. Yvon Collin. Pourtant, nous n’entamerons l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances que dans quelques heures !
Certes, un tel travers est partagé par l’ensemble des gouvernements, de tous bords. Mais ce n’est pas de nature à permettre au Parlement d’exercer ses maigres prérogatives dans l’établissement de la stratégie budgétaire de notre pays. (M. André Gattolin applaudit.)
Je ne m’attarderai pas sur les dispositions du collectif budgétaire, qui procède aux ajustements nécessaires du fait de l’exécution du budget de l’année écoulée. Le texte intègre aussi les 3,6 milliards d’euros d’économies supplémentaires qu’il a fallu faire à la suite des récriminations de la Commission européenne, cet automne.
Du fait du contexte économique morose et de la faiblesse de l’inflation, le solde budgétaire s’est dégradé tout au long de l’année, le déficit passant de 3,6 % en loi de finances initiale à 3,8 % dans le premier projet de loi de finances rectificative, pour atteindre 4,4 % dans ce texte.
Un tel dérapage ne doit cependant pas masquer l’ampleur de l’effort que constitue ce budget, particulièrement en termes de ralentissement de l’évolution de la dépense publique. Nous savons en outre que la faible croissance et la quasi-absence d’inflation rognent ces efforts.
L’exécution de l’exercice 2014 a été également marquée par la moins-value attendue des recettes, particulièrement pour l’impôt sur le revenu, mais aussi pour l’impôt sur les sociétés. Cela a été largement exposé par M. le rapporteur général. Sans me retrouver dans la totalité de son propos, je n’en partage pas moins l’inquiétude.
Les sénateurs RDSE s’accordent sur l’équilibre général du budget, les crédits des missions et les comptes spéciaux du présent texte. Nous approuvons également le dispositif de « prime d’activité », qui permettra de fusionner la prime pour l’emploi et le RSA-activité en 2016.
Nous le réaffirmons, le pilotage et le produit de la surtaxe d’habitation sur les résidences secondaires dans les zones dites « tendues » doivent être laissés à l’appréciation de l’échelon communal. Et il faut respecter le principe de la libre administration des collectivités concernées.
Enfin, nous ne pouvons qu’approuver la volonté de lutte contre la fraude fiscale, tout particulièrement s’agissant du produit de la TVA.
Je me limiterai à énumérer les écueils qui prêteront à débat dans le texte.
Tout d’abord, je regrette la disparition d’une partie des amendements que notre groupe avait fait adopter, ou qui avaient été satisfaits après l’examen du texte par les députés. Quelle drôle de surprise !
Ce n’est pas le cas de notre modification sur l’ancrage des prêts à taux zéro ou sur diverses dispositions relatives à l’urbanisme, notamment à la fiscalité de l’aménagement. Nous nous en réjouissons bien évidemment.
Mais d’autres mesures ont disparu. Il s’agit, en ce qui concerne l’aide publique au développement, des exonérations du versement transport pour les associations et les fondations, ainsi que du calendrier pour la répartition de la taxe sur la consommation finale d’électricité, la TCFE.
Nous aurons l’occasion de revenir dans la discussion des articles sur l’augmentation de la TASCOM, ou plutôt sur la création d’une surtaxe de 50 %, versée au profit de l’État. Cette nouvelle disposition, dont le produit devrait tout de même rapporter 500 millions d’euros, semble avoir été prise dans la précipitation. Notre groupe a déposé un amendement de suppression de l’article 20 nonies, comme en première lecture.
Nous plaidons pour une refonte de l’imposition du commerce qui tienne compte des nouveaux modes de consommation apparus ces dernières années. Je pense notamment au drive et à la vente sur internet.
Contrairement au projet de loi de finances et au projet de loi de programmation des finances publiques, le présent collectif budgétaire ne fait l’objet d’aucune motion de procédure. Nous pourrons donc y apporter des améliorations. C'est une très bonne chose pour notre Haute Assemblée.
Si le texte issu de nos travaux est proche de celui que nous avons adopté vendredi dernier, c’est en cohérence que les sénateurs de notre groupe y apporteront très majoritaire leur voix. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avec cette nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative, nous arrivons au terme d’un long parcours budgétaire.
Dans un esprit de responsabilité, et dans une approche constructive vis-à-vis du Gouvernement et de la majorité de l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté un texte en amendant les mesures à nos yeux les plus contestables et les plus défavorables à notre économie.
Pourtant, les conditions d’examen du projet de loi de finances rectificative ne s’y prêtaient guère. Rappelons les délais très courts dont a disposé la commission des finances pour étudier les nombreuses et diverses mesures, pour certaines très techniques, de ce collectif budgétaire. Rappelons aussi le nombre impressionnant d’articles insérés lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, avec de nombreux dispositifs fiscaux opportunément suggérés, ou non, par le Gouvernement. À plus d’un titre, ce projet de loi de finances rectificative avait des allures de véritable « projet de loi de finances bis » pour 2015.
Cela étant, la majorité sénatoriale n’a pas voulu défaire le texte du Gouvernement et réécrire entièrement le collectif budgétaire. Sous l’impulsion de notre rapporteur général, nous avons modifié assez notablement ce projet de loi de finances rectificative dans un sens plus favorable à l’économie française et aux entreprises.
Je pense principalement à la suppression de la majoration de la TASCOM, qui a fait l’objet d’un grand consensus au sein de notre hémicycle, à l’annulation de hausses de fiscalité pour les entreprises, par la suppression de la non-déductibilité de certaines taxes à l’impôt sur les sociétés, ou encore au dispositif d’amortissement dégressif pour les PME, adopté à la quasi-unanimité par le Sénat.
Ces mesures, ainsi que nombre d’autres sur lesquelles je ne reviendrai pas en détail, ont permis d’aboutir à un texte équilibré et consensuel, voté par une très large majorité de la Haute Assemblée, dont une grande partie de la majorité gouvernementale.
En adoptant sa propre version du projet de loi de finances rectificative et en proposant un texte plus opérationnel, le Sénat a joué un rôle reconnu et utile qui a ouvert la voie d’un dialogue constructif avec l’Assemblée nationale en commission mixte paritaire. D’ailleurs, cela a été reconnu lundi matin, lors de la commission mixte paritaire. Nous avons eu le plaisir d’entendre Mme la rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale saluer certaines avancées obtenues grâce au Sénat. Sur 105 articles, les deux chambres en ont adopté 63 en termes identiques. Et, sur les 58 articles qui restaient en discussion, la commission des finances de l’Assemblée nationale a repris certaines des propositions, et non des moindres, de notre Haute Assemblée. Malgré l’échec de la commission mixte paritaire, l’apport du Sénat a donc été reconnu par nos collègues députés.
Toutefois, la logique politique a repris ses droits. L’Assemblée nationale a rétabli en nouvelle lecture les dispositions introduites par le Gouvernement en première lecture, afin d’assurer les fameux 3,6 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour le projet de loi de finances pour 2015, conformément d'ailleurs aux engagements pris devant les instances européennes.
Ainsi, la majorité de l’Assemblée nationale a rétabli la non-déductibilité de la taxe sur les bureaux et de la taxe de risque systémique à l’article 14. Elle a rétabli la taxe additionnelle à la TASCOM, malgré les réticences exprimées par sa rapporteur général du budget, qui a fait part de ses doutes sur la pertinence de cette mesure. Enfin, elle a supprimé l’article 20 decies sur l’amortissement pour l’investissement dans les PME. Ce sont ces dispositions, les plus emblématiques de ce texte, que nous contestons et qui fondent notre désaccord avec le Gouvernement et la majorité gouvernementale.
Monsieur le secrétaire d'État, nous avons déjà eu l’occasion de discuter avec vous en séance de ce qui nous semble constituer un premier point de désaccord. Selon vous, la version adoptée par le Sénat n’est pas acceptable, car elle dégrade le solde budgétaire. Certes. Mais la majorité sénatoriale vous rappelle que l’amélioration de ce solde doit procéder d’économies sur les dépenses, et non de la création de nouvelles recettes par la multiplication de taxes sur les entreprises et les ménages. Or le projet de loi de finances rectificative en est, malgré tout, rempli… Pour preuve, afin d’obtenir une amélioration, à mon sens de façade, du solde budgétaire, le Gouvernement a dû faire réinsérer à l’Assemblée nationale l’ensemble des taxes que nous avions supprimées.
La différence entre nous – le raccourci que j’ose utiliser vous fera sans doute bondir –, c’est que nous prônons les économies quand vous prônez les taxes ! Nous ne pouvons pas accepter une telle logique !
Nous avons tous fait le constat en première lecture que la dégradation du solde budgétaire en 2014 était principalement due à une diminution des recettes et du produit des impôts. C’est cette tendance qu’il faut inverser !
Autre point de désaccord majeur, à nos yeux, les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer la compétitivité des entreprises, pour utiles qu’elles soient, sont encore mal calibrées et ne produisent pas l’effet attendu. Il faut prendre conscience de cette difficulté et ne plus attendre une montée en charge qui, pour l’heure, ne se dessine pas. Il n'y a pas de mal à revoir à sa copie !
À ce titre, nous regrettons vivement que vous n’ayez pas approuvé notre amendement sur l’amortissement exceptionnel pour les investissements industriels des PME et des PMI. Ciblée pour soutenir ces investissements, une telle mesure aurait été complémentaire au CICE, qui ne nous semble pas répondre à la problématique. Nous avons amélioré notre dispositif – d'ailleurs, nos collègues du groupe socialiste ont proposé le même – pour tenir compte de vos remarques quant au coût.
Depuis le rapport Gallois, tout le monde est conscient que la principale faiblesse de notre économie est le retard accumulé depuis des décennies en matière de production industrielle. La production de notre industrie manufacturière a encore reculé de 0,2 % au mois d’octobre dernier. C’est cette situation qui a justifié le dépôt de notre amendement. Notre pays se désindustrialise, faute d’investissements. Dans ce contexte, il nous paraît important d’émettre un signal en direction des entreprises qui produisent dans notre pays et de faciliter leurs investissements productifs.
Certes, monsieur le secrétaire d'État, c’est une dépense pour l’État. Mais c’est une dépense utile, une dépense d’investissement. À terme, elle rapportera à notre économie, grâce aux emplois et aux rentrées fiscales. Ce n’est pas l’une de ces dépenses de fonctionnement que vous avez, comme tous les gouvernements d'ailleurs, du mal à réduire.
Nous soutiendrons donc les amendements du rapporteur général visant à revenir aux mesures adoptées en première lecture par le Sénat, pour certaines à la quasi-unanimité, voire à l’unanimité. Ils illustrent la logique de la majorité sénatoriale en matière budgétaire et sont utiles à notre économie.
Après en avoir débattu, la commission des finances a décidé ce matin qu’il fallait permettre un examen encore plus approfondi du présent projet de loi de finances rectificative. Puisse l’examen déboucher sur de nouvelles avancées ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)