M. André Reichardt. Très bien !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La seconde divergence concerne le regroupement, voté par l’Assemblée nationale, des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.
M. Roland Courteau. Il faut s’en réjouir !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le Sénat avait, sur cette question, un point de vue différent, qu’il avait traduit dans le projet de loi à l’occasion de la première et de la deuxième lecture. Nous proposerons que le texte soit rétabli en ce sens.
Sur l’évolution des limites territoriales, singulièrement sur les dispositions de l’article 3, le Sénat a supprimé le recours obligatoire au référendum pour faire évoluer les délimitations des régions et des départements, à la faveur de l’amendement de M. Michel Delebarre, rapporteur du texte en première lecture, ce que l’Assemblée nationale a, d'ailleurs, accepté dès cette première lecture.
Le Sénat a souhaité permettre la fusion des départements, ce qui répond à des attentes locales, comme en Savoie. L’Assemblée nationale a finalement accepté cette possibilité, en deuxième lecture.
Pour l’exercice du « droit d’option », un accord existe entre les deux assemblées sur la nécessité d’une majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés, la décision étant suffisamment importante pour requérir une majorité plus large que les délibérations ordinaires. La réunion d’une majorité qualifiée permettra de garantir fortement la volonté réelle des élus de réaliser ces fusions.
M. Jacques Mézard. Oui !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. En revanche, un désaccord persiste sur le sens devant être donné à l’avis que doit exprimer la région d’origine : le Sénat souhaite que celle-ci dispose d’une faculté d’opposition, tandis que l’Assemblée nationale considère que son consentement doit être requis. En la circonstance, la position sénatoriale nous paraît plus souple et ouvrir plus de possibilités que celle de l’Assemblée nationale, qui nous semble beaucoup plus fermée.
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’Assemblée nationale s’est ralliée, pour l’essentiel, à la disposition permettant de rendre ce « droit d’option » plus opérationnel en matière électorale : la répartition des sièges de conseiller régional et des candidats par section départementale pourrait exceptionnellement s’opérer par voie réglementaire, selon une formule fixée par le législateur dont le président de notre commission des lois, M. Philippe Bas, a été à l’initiative, à l’occasion de la deuxième lecture.
Au travers des articles 5 et 12, le Sénat et l’Assemblée nationale ont prévu les dispositions électorales nécessaires à la mise en place, en 2015, de la métropole de Lyon, laquelle formera une section départementale pour l’élection des conseillers régionaux d’Auvergne - Rhône-Alpes. Les mandats des conseillers généraux élus, pour le département du Rhône, dans des cantons compris exclusivement sur l’emprise de la métropole de Lyon cesseront également à cette date.
En outre, je rappelle, s’il en était besoin, que le Sénat et l’Assemblée nationale ont adopté, en deuxième lecture, le même calendrier électoral, qui fait l’objet de l’article 12. Les dates des prochaines élections départementales ont été fixées au mois de mars prochain, les élections régionales, en décembre 2015, et le renouvellement général suivant, au mois de mars 2021.
Enfin, le Sénat a beaucoup travaillé sur le nombre minimal de conseillers régionaux par département, sujet important, qui fait l’objet de l’article 7. En nouvelle lecture, la commission spéciale a approuvé la rédaction retenue par l’Assemblée nationale, à la suite de l’adoption de deux amendements identiques, déposés par nos collègues députés Alain Calmette et Roger-Gérard Schwartzenberg et sur lesquels la commission des lois et le Gouvernement ont émis un avis favorable. Je veux dire que le Sénat n’est pas pour rien dans cette rédaction, à laquelle nos collaborateurs ont participé.
Le Sénat avait fixé ce nombre à « au moins cinq » et l’Assemblée nationale à « au moins deux ». La rédaction proposée retient au moins deux représentants pour les départements comptant moins de 100 000 habitants et au moins quatre pour les autres départements. Cette formule présente l’avantage de respecter la Constitution, alors qu’il était communément admis que la solution précédemment votée par notre Haute Assemblée, si elle se justifiait sur le fond, posait un problème constitutionnel.
Le texte adopté par l’Assemblée nationale sur ce point garantit une représentation à la fois démographique et territoriale, conformément à ce que nous souhaitons. Par conséquent, je vous proposerai de le voter, ce qui marquerait un consensus très fort. (Protestations sur les travées du RDSE.)
Je rappelle que le Sénat maintiendra l’écrêtement de 10 % des effectifs des conseillers régionaux, à l’exception de ceux de l’Île-de-France, région dont le périmètre ne change pas.
M. Philippe Dallier. Merci !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Certes, ses effets financiers seront limités, mais cette mesure symbolique suffit à marquer notre volonté de participer, autant que faire se peut, au travers du texte, aux efforts d’économies. Les signes comptent !
Pour terminer, je veux remercier le président et l’ensemble des membres de la commission spéciale qui ont participé à la préparation de ce texte, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis ce jour pour débattre, pour la troisième fois, du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Vous vous en souvenez, en première lecture – c’était en juillet dernier –, le Sénat n’avait malheureusement pas abordé le fond du texte. En effet, nous avions alors subi de multiples manœuvres d’évitement (M. Jacques Mézard et Mme Catherine Troendlé protestent.), ayant abouti à ce que ce soit l’Assemblée nationale qui, en réalité, l’examine en premier lieu.
Heureusement, lors de la deuxième lecture, les élections sénatoriales, avec lesquelles le texte n’était pas sans lien, étaient derrière nous.
M. Philippe Dallier. Cela change tout ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Non ! Cela n’aurait rien changé !
M. Philippe Kaltenbach. Il semble que la nouvelle majorité sénatoriale soit alors revenue à une volonté de travail constructif.
Je tiens à l’en féliciter, puisque le texte, constructif, que nous avons adopté en novembre dernier témoigne de l’expertise du Sénat.
Mme Catherine Troendlé. Eh oui !
M. Philippe Kaltenbach. Bien sûr, nous n’étions pas d’accord sur tout, mais, au moins, nous avons pu avancer sur le fond des choses, ce qui est positif.
D'ailleurs, sur de nombreux points, un accord a finalement pu être trouvé entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Toutefois, sur la question essentielle de la délimitation des régions, qui constitue, en quelque sorte, le cœur du dispositif, un désaccord a subsisté entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement, soutenu par la majorité des membres de l’Assemblée nationale ainsi que par les sénateurs socialistes, concernant deux régions.
Dans ces conditions, il était difficile de parvenir à un consensus, raison pour laquelle la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 27 novembre dernier, s’est soldée par un échec. Sa réunion a, d'ailleurs, été extrêmement brève,…
Mme Catherine Troendlé. Sept minutes !
M. Philippe Kaltenbach. … le rapporteur constatant d’emblée que la CMP ne pouvait déboucher sur un accord, puisque les visions continuaient de diverger sur les périmètres de la grande région Est, avec le cas alsacien, et de la région regroupant Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Philippe Kaltenbach. Néanmoins, il faut noter que nous étions d’accord sur les onze autres grandes régions.
Mais, puisque nous examinons aujourd'hui ce texte pour la troisième fois, nous devons avancer encore.
Les sénateurs socialistes continuent de défendre l’idée d’une carte à treize régions.
Mme Catherine Troendlé. C’est dommage !
M. Philippe Kaltenbach. En effet, nous voulons des régions fortes, sur le plan démographique, pour mieux répondre aux défis du développement économique de nos territoires.
Les régions de la carte adoptée par l’Assemblée nationale, que le groupe socialiste du Sénat soutient, comptent, désormais, en moyenne, un peu plus de 4 millions d’habitants en moyenne. L’évolution est importante, puisque, aujourd'hui, la population des régions métropolitaines s’établit, en moyenne, à quelque 2,5 millions d’habitants. L’effort entrepris en matière de regroupement et de simplification est donc significatif.
Reste le cas des deux régions sur lesquelles un accord n’a pu être trouvé, qui sera largement évoqué dans la suite du débat. Beaucoup de sénateurs alsaciens s’exprimeront après moi à cette tribune pour défendre l’idée que l’Alsace doit rester seule. Je dois dire que je n’ai pas été convaincu par leurs arguments. Bien sûr, nous aimons tous beaucoup l’Alsace, mais nous savons aussi que celle-ci ne compte que deux départements et 1,8 million d’habitants : on est très loin de la moyenne des grandes régions qui seront créées !
Mme Catherine Troendlé. Il n'y a pas que la démographie !
M. Philippe Kaltenbach. Aussi, pour quels motifs devions-nous soustraire la région Alsace à un ensemble législatif cohérent ? Nous voulons de grandes régions, des régions fortes,…
Mme Catherine Troendlé. L’Alsace est forte !
M. Philippe Kaltenbach. … des régions dotées de la compétence économique.
Pourquoi faire un cas particulier de l’Alsace ?
M. Jacques Mézard. Et la Bretagne ?
M. Philippe Kaltenbach. Je le répète, la carte doit être cohérente sur le plan national.
En outre, malgré les réticences qui ont pu être exprimées, aussi bien dans cet hémicycle qu’à l’occasion de diverses manifestations organisées sur le terrain, il est de l’intérêt de l’Alsace d’être intégrée dans la future grande région Est,…
Mme Catherine Troendlé. Certainement pas !
M. Philippe Kaltenbach. … dont Strasbourg serait la capitale. S’il est vrai que l’identité alsacienne est forte, les Alsaciens pourront se saisir de la possibilité de regrouper les départements qui a été ouverte. Nous pourrions alors avoir un grand département de l’Alsace.
M. Guy-Dominique Kennel. Pour quelles économies ?
M. Philippe Kaltenbach. Au reste, celui-ci bénéficierait du dispositif, voté grâce aux sénateurs socialistes, permettant de maintenir l’intégralité de la dotation globale de fonctionnement de deux départements qui fusionnent.
Ce petit avantage financier devrait conforter les volontés de rassemblement de départements. Le secrétaire d'État a évoqué la Savoie, mais on peut également envisager qu’il y ait, demain, un grand département de l’Alsace.
J’attire également votre attention sur la grande région regroupant Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, que nous souhaitons instaurer, bien qu’elle fasse débat.
M. Alain Bertrand. Est-ce cela, votre cohérence ? Aujourd'hui, le Languedoc-Roussillon compte déjà 3 millions d’habitants !
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur Bertrand, vous aurez l’occasion de vous exprimer ! Quant à moi, j’exprime la position du groupe socialiste.
Si l’on veut que, demain, les régions jouent un rôle économique puissant, si l’on veut qu’elles soient des locomotives, si l’on veut qu’elles puissent aider les entreprises, notamment les PME, et accompagner la compétitivité nécessaire à la reprise économique du pays, elles doivent être fortes.
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Catherine Troendlé. C’est le cas !
M. Philippe Kaltenbach. C’est cette volonté qui a conduit le Gouvernement à regrouper les régions.
Même si cette raison n’a pas été évoquée, la réforme de la carte des régions a également vocation à accompagner le mouvement d’urbanisation à l’œuvre en France depuis plusieurs décennies. Nous le savons, 60 % des Français vivent aujourd'hui dans de grandes aires urbaines. Nous avons tenu compte de cette évolution, l’an dernier, avec la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, qui a permis la création des métropoles de Paris, Lyon et Marseille, mais également la création de métropoles régionales.
M. Philippe Dallier. On verra ce qu’il en restera !
M. Alain Bertrand. Pour les métropoles, on sait trouver des solutions ! Il en va autrement de la ruralité…
M. Philippe Kaltenbach. Dans un souci de cohérence et d’efficacité, le périmètre des régions devait s’adapter à ces métropoles, dans l’intérêt de celles-ci, qui seront ainsi dotées d’une aire économique à même de les soutenir, mais aussi dans l’intérêt des autres territoires, qui bénéficieront de la locomotive métropolitaine. Les territoires les plus fragilisés et les plus ruraux des futures grandes régions pourront bénéficier de la dynamique ainsi créée et être « tirés » par les métropoles.
Comme l’a dit M. le secrétaire d'État, la carte parfaite n’existe pas. Nous sommes beaucoup à être de cet avis ! D'ailleurs, si chacun d’entre nous avait dû proposer sa propre carte des régions, il n’est pas certain que beaucoup de cartes auraient coïncidé.
Les débats ont été longs. J’ai entendu, ici ou là, qu’il n'y avait pas eu de concertation.
M. Jacques Mézard. Il n’y a eu aucune concertation !
M. Philippe Kaltenbach. Pourtant, voilà de très nombreux mois que nous discutons de la nouvelle carte des régions, et à Paris, et en région !
M. Jacques Mézard. Où, en région ?
M. Philippe Kaltenbach. La discussion a eu lieu partout et chacun a pu avancer ses arguments. Désormais, il faut choisir !
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Philippe Kaltenbach. Et, bien sûr, c’est au Parlement qu’il revient de le faire.
À cet égard, les sénateurs socialistes estiment que la carte à treize régions est la meilleure et la plus consensuelle possible.
J’observe d’ailleurs, sans vouloir enfoncer le couteau dans la plaie, chers collègues représentant l’Alsace, que de nombreux sénateurs UMP des régions Champagne-Ardenne et Lorraine ont déposé un amendement par lequel ils revendiquent aussi l’existence d’une grande région composée de la Champagne-Ardenne, de la Lorraine et de l’Alsace. Cela démontre que les clivages partisans ont pu être dépassés sur certains aspects de ce découpage régional.
Mme Catherine Troendlé. Ils se sont trompés !
M. Philippe Kaltenbach. Nous avons donc recherché le consensus le plus large et, grâce aux débats, qui ont été fournis, nous sommes parvenus à une carte me semblant être porteuse d’avenir pour le pays.
Je souhaite maintenant insister sur deux points, susceptibles de nous rassembler sur pratiquement toutes les travées.
Le premier point concerne la représentation des territoires les plus ruraux.
À l’unanimité ou presque, et sur l’initiative, notamment, de Jacques Mézard, que je salue, nous avions approuvé cette idée qu’il fallait un minimum de cinq conseillers régionaux par département. Après discussions à l’Assemblée nationale, un compromis a pu, semble-t-il, être trouvé avec le Gouvernement, garantissant que la mesure ne sera pas sanctionnée par le Conseil constitutionnel.
La solution arrêtée assure aux départements comptant moins de 100 000 habitants un minimum de deux conseillers régionaux.
M. Jacques Mézard. Un seul département est concerné !
M. Philippe Kaltenbach. Effectivement – j’en prends à témoin notre collègue Alain Bertrand –, un seul département est concerné : la Lozère, qui compte environ 70 000 habitants et se verra garantir, indépendamment des circonstances, deux postes de conseiller régional.
M. Alain Bertrand. Ce n’est pas conforme à la Constitution !
M. Philippe Kaltenbach. Les autres départements, comptant donc plus de 100 000 habitants, seront assurés de quatre sièges de conseiller régional. Bien évidemment, ces sièges supplémentaires bénéficieraient plus particulièrement à des départements dont la population avoisine 100 000 habitants, parmi lesquels le Cantal - département cher à Jacques Mézard -,…
M. Jacques Mézard. Vous l’avez assassiné !
M. Philippe Kaltenbach. … l’Ariège, la Creuse, les Hautes-Alpes ou encore les Alpes-de-Haute-Provence.
Certes, ces seuils sont inférieurs à ce que nous souhaitions, puisque nous avions fixé un minimum de cinq conseillers régionaux. Pour autant, c’est toujours mieux que les résultats que ces départements obtiendraient peut-être si la loi était appliquée en l’état : la Lozère pourrait ne compter aucun conseiller régional et le Cantal n’en compter qu’un ou deux !
Ces avancées doivent donc être saluées, et ce, surtout, parce qu’elles ne risquent pas de subir les foudres du Conseil constitutionnel. Nous sommes effectivement tenus par le fameux tunnel des 20 % – nous ne le connaissons que trop bien ! – qui s’impose à nous en matière de découpage cantonal. Il serait hasardeux, je pense, de ne pas respecter cette disposition.
M. Alain Bertrand. La Lozère est un sous-territoire, et nous sommes des sous-citoyens !
M. Philippe Kaltenbach. Vous avez la garantie de disposer de deux sièges de conseiller régional, mon cher collègue, et il faut bien tenir compte du Conseil constitutionnel et de sa jurisprudence !
M. Alain Bertrand. Le Conseil constitutionnel n’est pas élu !
M. Philippe Kaltenbach. Peut-être n’est-il pas élu, mais nous devons respecter sa jurisprudence !
Quoi qu’il en soit, tout cela permet de progresser. Faudra-t-il envisager, demain, d’autres avancées ? Pourquoi pas ! Mais, dans ce cas, peut-être faudra-t-il aussi changer la Constitution !
M. Alain Bertrand. Que le groupe socialiste vote cela est indigne !
M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, seul M. Philippe Kaltenbach a la parole !
M. Philippe Kaltenbach. Le second point, dont nous avons beaucoup débattu et sur lequel nous sommes parvenus à un accord, est celui du droit d’option.
C’est de manière tout à fait consensuelle que nous avions adopté, ici, au Sénat, un droit d’option avec une double majorité qualifiée fixée à 60 %. Cette majorité qualifiée - 60 % des membres du conseil départemental du département souhaitant passer d’une région à une autre et 60 % des membres du conseil régional de la région d’accueil - ne soulevait pas de difficulté. En revanche, une divergence subsiste quant au vote de la région de départ.
Au Sénat, nous nous accordons tous sur un droit de veto permettant à la région d’appartenance du département de s’opposer au départ, à une majorité qualifiée. Les sénateurs socialistes souhaitent rester sur cette position, d’ailleurs retenue en commission spéciale ; les députés défendent, quant à eux, l’idée que la région de départ doit donner son accord, également à la majorité qualifiée.
Notre position m’apparaît plus souple. Elle prend mieux en compte les réalités et doit permettre à un département qui, à une large majorité de ses représentants, souhaite changer de région d’évoluer plus facilement.
Pourrons-nous, en continuant à travailler avec l’Assemblée nationale, faire bouger sa position à l’occasion de la quatrième lecture du projet de loi, qui aura lieu dans quelques jours ? Nous l’espérons !
Mme Catherine Troendlé. Ce serait bien !
M. Philippe Kaltenbach. Je vous le dis sans détour, madame Troendlé : j’ai peu d’espoir sur la carte… (Sourires.)
Il faut se faire à l’idée que la carte demeurera composée de treize régions ! En revanche, il est encore possible que l’Assemblée nationale évolue sur le droit d’option, ce qui serait perçu positivement sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, mais également par les collectivités locales.
En effet, si l’on accorde un droit d’option, il faut tout de même que celui-ci, même très encadré, soit effectif. Avec un mécanisme comportant trop de verrous, il sera difficile pour un département de passer d’une région à l’autre. Nous avons proposé des ouvertures et, désormais, la balle est dans le camp de l’Assemblée nationale !
Pour conclure, mes chers collègues, je constate qu’après un départ particulièrement désastreux pour l’image du Sénat,…
M. Jacques Mézard. C’est vous qui êtes désastreux !
M. Philippe Kaltenbach. … nous avons réussi à travailler ensemble pour faire évoluer la position de notre assemblée sur la carte et apporter des modifications au projet de loi dans son ensemble.
Les évolutions ont concerné différents aspects : j’ai évoqué le droit d’option et la représentation des territoires ruraux ; le rapporteur de la commission spéciale a fait état de nombreux points sur lesquels nous avons pu trouver un accord avec l’Assemblée nationale.
Cela montre tout l’intérêt de ne pas demeurer dans des postures…
Mme Catherine Troendlé. Il ne s’agit pas de postures !
M. Philippe Kaltenbach.… et d’aborder le fond des textes, en travaillant concrètement pour que les positions puissent s’harmoniser !
Je note, à cet égard, que, même sur la date des élections, une question engendrant fréquemment des clivages, surtout lorsqu’il s’agit de reporter lesdites élections - on sait à quel point l’opposition a tendance à vilipender tout gouvernement envisageant de décaler un rendez-vous électoral -, nous avons pu trouver un terrain d’entente. Les élections régionales ont ainsi été renvoyées à décembre 2015.
Ainsi, par la discussion, nous parvenons à élaborer des textes prenant en compte la position des différents groupes présents, ici, dans notre Haute Assemblée, mais également à être à l’écoute des territoires.
Je crois donc, mes chers collègues, que nous avons bien travaillé sur ce projet de loi. Cela étant, il est probable que la position de la commission spéciale sera suivie par notre Haute Assemblée et, en conséquence, comme en seconde lecture, le groupe socialiste s’abstiendra. Nous sommes vraiment attachés à une carte comportant treize régions et ne souhaitons pas voir le nombre de régions porté à quinze. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, pour la troisième fois consécutive, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Le débat sur l’organisation territoriale de notre pays, il faut le souligner, continue de se dérouler dans des conditions critiquables – mais, contrairement à ce que vous avez déclaré, monsieur Kaltenbach, pas désastreuses !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Absolument !
Mme Éliane Assassi. Oui, les conditions de ce débat sont critiquables, et sur plusieurs points.
Premier motif de critique, la confusion entretenue sur cette réforme qui, scindée en plusieurs textes, amenée par touches successives, a fini par devenir illisible pour les citoyens et même pour beaucoup d’élus de notre pays – je suis en mesure de le dire, pour mener de nombreuses initiatives avec eux, en particulier dans mon département.
Deuxième motif de critique, tout cela s’est construit sans un acteur majeur de toute réforme : le peuple, le peuple de France ! Au moment où les citoyens aspirent à être davantage associés aux décisions prises pour leur avenir, et comme vous vous l’avez vous-même redit, monsieur le secrétaire d’État, toutes les mesures existantes en matière de consultations ou de référendums, y compris dans les projets de loi, ont été écartées au profit de décisions prises par des élus.
C’est donc un rendez-vous manqué, à l’heure où nos concitoyens perdent confiance en leurs élus !
Précipiter cette réforme sans consulter le peuple est, selon nous, le symptôme de la poursuite des attaques portées contre la République. Cela dénote un certain mépris pour la démocratie et la souveraineté populaire, et une soumission - que le Gouvernement veille l’entendre ou non - à la seule volonté d’une Commission européenne qui, favorable aux régions et à l’austérité, a pour ambition de dissoudre le cadre national pour faciliter la circulation des capitaux et des travailleurs sans droit !
Cette réforme s’inscrit dans la « droite ligne », c’est le cas de le dire, de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a engagé le morcellement de la République, guidée par une politique libérale dont l’objectif était d’opérer de vastes transferts d’activités publiques rentables vers le secteur privé et de diminuer considérablement les dépenses publiques.
Elle se situe dans la continuité des réformes engagées sous le quinquennat du président Nicolas Sarkozy, réformes animées par le désengagement financier et politique de l’État, sans contrepartie ni garantie d’égalité, avec, pour méthode, la mise en compétition « à la libérale » des territoires.
J’ai pourtant souvenir – et ce n’est pas si ancien - que la gauche tout entière avait combattu la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
M. Michel Mercier. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Or, depuis l’élection de cette même gauche et son arrivée au pouvoir, il n’a été question ni d’abroger cette réforme de Nicolas Sarkozy, et ce malgré les promesses faites, ni même de la détricoter ! Certains oublient facilement les engagements d’hier…
Bien évidemment, on s’est occupé du conseiller territorial, qui remplaçait les conseillers généraux et régionaux.
M. Michel Mercier. C’était une bonne réforme !
Mme Éliane Assassi. Nous ne sommes pas d’accord sur ce point, monsieur Mercier… D’une certaine manière, cela me rassure !
Donc, seul le conseiller territorial a été supprimé, du fait de l’adoption d’une proposition de loi déposée par notre groupe au Sénat.
Ainsi la réforme de François Hollande approfondit-elle la logique libérale plus étroitement encore !
Somme toute, il est légitime de vouloir éventuellement modifier l’organisation territoriale, mais cette modification doit s’accompagner d’une amélioration de la vie de nos concitoyens. S’il n’apparaît pas évident pour certains, ce point est très important pour nous.
N’est-ce pas là l’objectif principal qui doit guider cette réforme et même toute réforme ?
Les nouvelles régions ne devraient-elles pas contribuer à réduire les inégalités sociales et territoriales ? Le seul projet qui nous a été proposé est fondé sur l’argument, repris encore aujourd'hui, d’une attractivité accrue pour de grandes régions, dont la puissance devrait permettre de résoudre les problèmes. Nous savons bien qu’il n’en est rien !
L’Île-de-France est, en la matière, l’exemple le plus criant. Région puissante, c’est aussi la région dans laquelle les inégalités sociales et territoriales sont les plus marquées et continuent de se creuser. La taille et la puissance ne règlent donc pas tous les problèmes.