M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement tient à rappeler que le comité de suivi du CICE a vu ses missions étendues au suivi et à l’évaluation, cela a été dit, de l’ensemble des aides publiques aux entreprises. Il me semble que cela correspond tout à fait à l’esprit de l’amendement n° II-332 présenté par M. le rapporteur général.
Le Gouvernement estime qu’il est inutile de compliquer la loi en précisant les modalités de nomination des députés et sénateurs qui doivent participer au comité de suivi.
Par conséquent, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’amendement n° II-332.
S’agissant de l’amendement n° II-445, le Gouvernement a les mêmes réserves que la commission. En effet, son dispositif tend d’abord à supprimer la présence de parlementaires au sein du comité de suivi, ce qui semble curieux. En outre, il vise à confier à ce comité des missions de contrôle, ce qui n’est pas conforme à l’esprit de cet organisme.
Le Gouvernement demande donc à M. Bocquet de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi il y sera défavorable.
M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° II-445 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Non, je le retire, monsieur le président. Nous nous rallions en effet à l’amendement présenté par M. le rapporteur général.
Nous tenons néanmoins à insister sur notre volonté de voir institué un observatoire national sur ces questions, décliné à l’échelle régionale pour être au plus près des réalités.
M. le président. L’amendement n° II-445 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° II-332.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 44 septdecies est ainsi rédigé.
Article additionnel après l'article 44 septdecies
M. le président. L'amendement n° II-230 rectifié ter, présenté par M. Genest, Mme Micouleau, MM. Médevielle et Darnaud, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, Malhuret et de Nicolaÿ, Mme Mélot, MM. Chaize, Laufoaulu, Bizet, Pellevat, Grand, Savary, Cambon, Joyandet, Husson et Morisset, Mme Deromedi, MM. Charon, Bouchet et Houpert, Mme Deroche, MM. Reichardt et César, Mme Lamure et MM. Vogel, Mandelli et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 44 septdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Aux premier et second alinéas du 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts, après la référence : « 199 undecies C », est insérée la référence : « , 199 terdecies-0 A, ».
II. – Le I s'applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. L’objet du présent amendement est d’améliorer le financement en fonds propres des petites entreprises communautaires. En effet, leur manque de fonds propres nuit considérablement à leur développement, à leur solidité et au nombre d’emplois marchands créés.
Pour remédier partiellement à cette situation, la réduction d’impôt dite « Madelin » a été recentrée en 2008 vers ces entreprises en croissance. Cependant, en l’état actuel du dispositif, la réduction n’est pas assez attractive. Pour les versements effectués depuis le 1er janvier 2012, cette réduction s’élève à 18 % du montant de la souscription dans la limite annuelle de 50 000 euros pour un contribuable célibataire et de 100 000 euros pour les contribuables mariés ou liés par un pacte civil de solidarité soumis à une imposition commune. En conséquence, ces investissements bénéficient d’une réduction d’impôt pouvant aller jusqu’à 9 000 euros pour les premiers et 18 000 euros pour les seconds.
Or, depuis 2013, ce dispositif est placé dans le plafonnement global de 10 000 euros. Ce plafond est rapidement atteint ne serait-ce qu’avec la réduction d’impôt Madelin, alors qu’il concerne toutes les autres réductions d’impôt cumulées par ailleurs.
Cette réduction ne conserve un caractère incitatif qu’à hauteur d’un investissement de 55 550 euros, soit un montant relativement faible compte tenu des besoins des PME en termes de croissance. L’incitation fiscale n’est donc pas assez forte pour favoriser des investissements importants et rapides.
En outre, afin de réunir les sommes nécessaires au lancement de leur activité, de nombreux créateurs de PME pâtissent de la dispersion de leurs actionnaires. En favorisant la concentration du nombre d’actionnaires, cette mesure permettrait une plus grande sécurité de ces entrepreneurs, qui participent à la vitalité de notre économie.
Il est essentiel de revenir sur ce plafonnement en le relevant à 18 000 euros, afin de favoriser le renforcement des fonds propres des entreprises et de soutenir leurs projets en matière d’innovation et de développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission reconnaît qu’il y a une forme d’incohérence entre les dispositions. D’un côté, des réductions d’impôt sur le revenu sont prévues pour les particuliers investissant dans le capital des PME, réductions pouvant aller jusqu’à un maximum de 18 000 euros, ce qui correspond à un investissement de 100 000 euros. De l’autre, le plafonnement global des niches s’élève à 10 000 euros. Dans la pratique, la combinaison de ces deux dispositifs correspond à un investissement de 55 500 euros.
L’adoption de cet amendement permettrait d’augmenter l’investissement en faveur des PME de 44 500 euros. Néanmoins, le coût de la mesure a été chiffré à 127 millions d’euros. La commission est donc partagée entre ces deux objectifs : augmenter l’investissement en faveur des PME – sur toutes les travées nous reconnaissons que ce serait utile – ou tenir compte du coût du dispositif pour le budget de l’État.
Voilà pourquoi la commission n’est pas allée jusqu’à émettre un avis favorable et s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean Desessard. Sûrement le même que le rapporteur général ! (Sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est en profond désaccord avec le rapporteur général sur ce point aussi.
Nous voulons tous soutenir les PME. Mais accorder à l’entrée des réductions d’impôts, prévoir à la sortie des exonérations de plus-values et octroyer des exonérations de dividendes, au motif que les dirigeants ne seraient pas salariés, ça fait beaucoup ! Toutes ces mesures ont un coût, et je ne suis pas sûr qu’elles soient complètement justes.
Vous allez me répondre que ce sont les PME qui créent de l’emploi, de la richesse, etc. Mais, à un moment donné, il faut être raisonnable : voter une réduction d’impôt pour les investissements, une quasi-annulation des plus-values, une non-imposition des dividendes, qui parfois se substituent à un salaire, ainsi qu’une exonération de cotisations sociales – j’en passe et des meilleures ! –, ça commence à faire cher le risque !
Si l’on s’en tient à un point de vue purement technique, la réduction est plafonnée à 10 000 euros, certes, mais reportable pendant cinq ans, soit 50 000 euros au total. Je me demande même si, pour une raison d’intervalle, ce ne serait pas six ans puisque la cinquième année est incluse. Dans ces conditions, rien n’empêche de déduire 10 000 euros la première année et 8 000 euros la deuxième. Ainsi, l’affaire est faite, et vous avez vos 18 000 euros ! En plus, vous pouvez cumuler cette réduction avec d’autres niches, auxquelles ont légitimement droit tous les contribuables : emploi d’un salarié à domicile, etc. Cet amendement est donc superfétatoire : avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. le secrétaire d’État a été très convaincant, surtout lorsqu’il a regretté que les dividendes ne soient pas taxés comme les salaires – c’est du moins comme cela que je l’ai compris. Je suis étonné que ce regret ne se soit pas traduit par un avis favorable sur un amendement allant précisément en ce sens… (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-230 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 44 octodecies (nouveau)
I. – Aux premier et second alinéas du 1 de l’article 200-0 A du code général des impôts, après la référence : « 199 unvicies », est insérée la référence : « et au XII de l’article 199 novovicies ».
II. – Le I s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2015 pour les avantages fiscaux acquis au titre des investissements réalisés à compter du 1er septembre 2014.
M. le président. L'amendement n° II-333, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer la date :
1er septembre 2014
par la date :
1er janvier 2015
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi, le Sénat a décalé au 1er janvier 2015 l’entrée en vigueur du dispositif dit « Pinel », alors que celle-ci était initialement prévue au 1er septembre 2014.
Par cohérence, le présent amendement tend à prévoir que le plafonnement spécifique à l’outre-mer ne s’appliquera au dispositif « Pinel » que pour les avantages fiscaux acquis au titre des investissements réalisés à compter du 1er janvier 2015.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Sénat a modifié la date d’entrée en vigueur de l’article 5 du présent PLF et a prévu que le plafonnement de 18 000 euros s’appliquera à compter de l’imposition des revenus de l’année 2015 pour les investissements réalisés à compter du 1er janvier 2015. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-333.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 44 octodecies, modifié.
(L'article 44 octodecies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 44 octodecies
M. le président. L'amendement n° II-227 rectifié quater, présenté par M. Darnaud, Mme Micouleau, MM. Médevielle, Genest, Pellevat et Cambon, Mme Deroche, MM. Bouchet, Lemoyne, Reichardt, Bonhomme et Commeinhes, Mme Mélot et MM. Malhuret, Milon, B. Fournier, D. Laurent, Bizet, Perrin, Raison, Grand, Savary, César, Vogel, Mandelli et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 44 octodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa du b du I de l’article 219 du code général des impôts, le montant : « 38 120 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. L’objet du présent amendement est de permettre aux PME de bénéficier d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés sur une fraction de bénéfice supérieure à celle prévue actuellement.
Alors que, en France, le taux normal d’impôt sur les sociétés est fixé à 33,33 %, par dérogation depuis 2002 certaines PME peuvent bénéficier de plein droit d’un taux réduit de 15 % sur une fraction de leur bénéfice. Cependant, ce dispositif est trop restrictif, car cette réduction s’applique aux seules entreprises qui ont réalisé un chiffre d’affaires inférieur à 7,63 millions d’euros et dans le cadre d’un plafond fixé à 38 120 euros.
Ainsi, la combinaison du seuil de chiffre d’affaires et du plafond de bénéfice ne fait pas de ce dispositif un régime fiscal à la hauteur des défis auxquels sont confrontées les PME françaises en termes de capacités d’autofinancement et de fonds propres.
Il est certes difficile d’en quantifier les effets induits, mais il est probable que l’étroitesse des limites et l’absence de lissage entraînent des manipulations comptables ou des effets de structure aux dépens d’une croissance plus dynamique de ces PME. Un relèvement substantiel du seuil de chiffre d’affaires et du montant de bénéfice taxé au taux réduit, assorti d’une condition de réinvestissement de ce bénéfice, est une priorité. Ce régime devrait concerner au minimum les petites entreprises au sens européen – chiffre d’affaires allant jusqu’à 10 millions d’euros – et un bénéfice annuel de 100 000 euros.
Mes chers collègues, pour renforcer les fonds propres des PME et répondre ainsi à l’objectif de croissance de ces entreprises dans un contexte de compétitivité mondiale, je vous propose de voter cette mesure simple et efficace immédiatement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est partagée. Comme je l’ai souligné précédemment, nous voulons tous soutenir les PME.
Nul ne conteste sur ces travées que les PME paient un taux réel d’impôt sur les sociétés supérieur à celui des grands groupes. Elles ne bénéficient en effet pas des mêmes phénomènes d’optimisation ni de l’internationalisation. Par ailleurs, les PME sont sensiblement plus imposées en France que dans la moyenne de l’Union européenne.
Certes, à l’heure actuelle, un certain nombre de PME bénéficient déjà d’un taux réduit d’impôt de 15 % si leur chiffre d’affaires est inférieur à 7,6 millions d’euros et si elles sont détenues à plus de 75 % par une personne physique. Ce taux réduit s’applique dans la limite d’un bénéfice de 38 120 euros.
L’idée de relever le plafond à 100 000 euros pour les bénéfices est extrêmement séduisante, car cela permettrait sans doute d’améliorer les fonds propres. Je partage donc l’intention des auteurs de l’amendement. Cependant, cet amendement pose principalement deux difficultés.
Premièrement, le dispositif n’est pas assez ciblé, contrairement au dispositif d’amortissement accéléré pour l’investissement des PME adopté quasi unanimement en première partie. Cette mesure va d’ailleurs dans le sens de l’investissement des PME souhaité par les auteurs de l’amendement.
Deuxièmement, cet amendement très louable dans l’intention représente une perte de recettes de l’ordre de 1 milliard d’euros, ce que nous ne pouvons voter aujourd'hui, sauf à vouloir dégrader le solde.
La question des différences de taux réels d’imposition entre les PME et les grands groupes ne peut être traitée que dans le cadre d’une réforme globale de l’impôt sur les sociétés. D’ailleurs, la commission des finances devrait travailler sur cette question tout au long de l’année, au-delà de l’examen du projet de loi de finances, afin de calculer le taux réel payé par chaque type de société et envisager des solutions au regard de ce qui se pratique dans d’autres pays européens.
Pour une raison de coût, la commission demande donc le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement avait chiffré cet amendement à 1,4 milliard d'euros. Même en se ralliant au chiffrage qu’a évoqué votre rapporteur général, cet argument est en lui-même suffisant pour justifier le retrait de l’amendement.
L’impôt sur les sociétés pose plus un problème d’assiette que de taux. Dans cet amendement est évoqué un problème de taux. Or le travail actuellement en cours porte plutôt sur les assiettes.
Enfin, pour réagir à la discussion qui vient d’avoir lieu, je reste prudent, même si vous avez raison, monsieur le rapporteur général, de souligner que le taux d’impôt final des grandes entreprises n’est pas le même que celui des petites. Il est probablement plus fort pour les petites entreprises que pour les grosses, notamment les très grosses. Je souhaite qu’un travail plus fin soit mené,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes demandeurs !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … car des chiffres ont circulé, à un moment donné, qui me semblent plutôt partiels. Nul doute que des écarts existent, qui vont dans le sens que vous avez indiqué. J’ai moi-même évoqué cet argument assez souvent.
Toutefois, les informations dont je dispose sur ce sujet précis montrent que les écarts ne sont peut-être pas si colossaux ; il faudra détailler plus avant ces questions, une fois qu’auront été bien étudiées les questions d’assiette.
En tout cas, pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, s’il était maintenu.
M. le président. Madame Mélot, l'amendement n° II-227 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Colette Mélot. Nous souhaitons aider les PME – notre proposition s’inscrit dans cette politique de soutien à notre économie –, mais je suis sensible aux arguments qui viennent d’être développés par M. le rapporteur général et au coût qui a été annoncé par M. le secrétaire d'État. Il serait déraisonnable actuellement de faire des dépenses supplémentaires.
Cela étant, les annonces de M. le rapporteur général sont particulièrement séduisantes. J’espère que nous pourrons bientôt examiner ce sujet en commission des finances. En attendant, je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° II-227 rectifié quater est retiré.
L'amendement n° II-229 rectifié quater, présenté par MM. Genest et Médevielle, Mmes Micouleau et Estrosi Sassone, M. Chaize, Mme Mélot, MM. de Nicolaÿ, Mayet, Malhuret, B. Fournier, Laufoaulu, Bizet, Pellevat, Perrin, Raison, Grand, Savary, Cambon, Joyandet, Husson et Morisset, Mme Deromedi, MM. Charon, Bouchet et Houpert, Mme Deroche, MM. Reichardt, Darnaud et César, Mme Lamure et MM. Vogel, Mandelli et Laménie, est ainsi libellé :
Après l'article 44 octodecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 219 du code général des impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« a...) Par exception au deuxième alinéa du présent I, les bénéfices non distribués de l’entreprise sont totalement exonérés d’impôt les trois premiers exercices clôturés après la création puis imposés au taux réduit de 15 % les cinq exercices suivants.
« Les bénéfices des huit premiers exercices exonérés sont portés à une réserve spéciale et doivent être incorporés au capital, au plus tard au cours du premier exercice où le résultat est soumis au taux normal de l’impôt sur les sociétés. En cas de distribution par prélèvements sur cette réserve spéciale, la société acquitte dans les trois mois de la distribution l’impôt sur les sociétés au taux normal sur la fraction du résultat ainsi prélevé, sous déduction de l’impôt à taux réduit acquitté, augmenté des intérêts de retard. »
II. – Le I s'applique à compter du 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Cet amendement s’inscrit dans le contexte général de la fiscalité en France, l’une des plus élevées de l’Union européenne.
Le taux nominal de l’impôt sur les sociétés est souvent le premier indicateur observé par les investisseurs étrangers. En la matière, notre pays souffre d’un handicap majeur : son taux est le plus élevé de l’Union européenne, que l’on prenne le taux normal de 33,33 % ou le taux de 38 % qui s’applique aux entreprises réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, sans compter le taux marginal de 41 % applicable aux bénéfices distribués et qui supporte la taxe de 3 % sur les dividendes. Ces taux sont à comparer avec ceux de nos voisins et concurrents : 30 % en Espagne, moins de 25 % en Allemagne et au Royaume-Uni.
Il était annoncé dans le cadre des assises de la fiscalité des entreprises que le taux nominal de l’impôt sur les sociétés allait être abaissé de manière progressive à compter de 2017. Diminuer le taux standard de l’impôt sur les sociétés paraît une excellente initiative, mais son horizon est tellement éloigné que cette annonce s’apparente à un mirage.
C’est dès maintenant qu’il faut inciter les dirigeants d’entreprise à investir et à embaucher dans notre pays. Pour les jeunes entreprises qui vivent leurs premières années de croissance, cette question est même indissociable de leur émergence et de leur capacité à affronter la concurrence internationale. Car ce taux record de 33,33 % ne fait pas que des malheureux : il fait surtout le bonheur de nos concurrents directs !
Pour cette raison, cet amendement prévoit de faire varier le taux d’imposition des bénéfices selon le cycle de croissance et les besoins de financement de PME nouvelles et juridiquement indépendantes. Les trois premières années suivant la création, les bénéfices réinvestis dans l’entreprise seraient totalement exonérés d’impôt. Les cinq années suivantes, seuls les bénéfices réinvestis dans l’entreprise seraient imposés à un taux réduit de 15 %. À partir de la neuvième année, le taux de droit commun s’appliquerait à l’ensemble des bénéfices.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise les jeunes entreprises, pour lesquelles il existe déjà un certain nombre de dispositifs. Je pense au statut de « jeune entreprise innovante » et à un certain nombre de mesures en faveur des entreprises nouvelles.
Je comprends l’intention de Mme Mélot : son amendement a pour objet d’aider les entreprises nouvellement créées, en les exonérant d’impôt sur les sociétés pendant les trois premières années et en leur appliquant le taux réduit de 15 % les cinq années suivantes. Sa mise en œuvre paraît toutefois assez complexe puisqu’elle implique la création d’une réserve spéciale pour stocker les dividendes, le contrôle éventuel de l’administration sur l’utilisation de cette réserve et, bien sûr, le déclenchement d’intérêts de retard ou de pénalités en cas de distribution ou de taxation.
De surcroît, cette mesure aurait un coût pour les finances publiques, qu’il est difficile pour la commission de chiffrer, mais peut-être le Gouvernement pourra-t-il nous apporter un éclairage à ce sujet.
Enfin, le troisième argument auquel la commission a été sensible est celui de la liberté de gestion. Pour des raisons qui appartiennent au chef d’entreprise, celui-ci peut décider ou non de distribuer des dividendes. Dans beaucoup d’entreprises, les dirigeants ne sont pas rémunérés par un salaire. Or instituer un régime différencié selon qu’il y a ou non distribution de dividendes paraît un peu complexe.
Il ne s’agit pas de considérer que la création d’entreprises, en particulier de PME, n’est pas un sujet. J’ai entendu à l’instant M. le secrétaire d'État nous annoncer qu’un travail était en cours sur les différences de taux existant entre les grandes entreprises, les entreprises du CAC 40, et les PME. La commission des finances et le Sénat de manière générale sont très demandeurs de travaux actualisés sur les taux réels d’imposition des grandes entreprises et des PME. Cela devrait nous permettre d’avancer sur la question du financement des PME. Globalement, on considère que le taux de cotisation est moins élevé dans les grands groupes, mais les chiffres dont nous a parlé le secrétaire d'État nous éclaireraient beaucoup.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, madame Mélot, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, dans votre présentation orale ainsi que dans l’objet de l’amendement, vous semblez plutôt viser les PME. Je ne suis pas sûr que, tel qu’il est rédigé, votre amendement ne concerne que les PME. A priori, il concerne toutes les entreprises.
Indépendamment de cet élément factuel, un tel dispositif s’avérerait complexe à mettre en œuvre. D’ailleurs, un mécanisme un peu similaire a existé entre 1997 et 2000, mais il a été supprimé en raison même de sa complexité. Il nécessite en effet de suivre les bénéfices réinvestis et ceux qui ne le sont pas l’année n, l’année n+1, l’année n+2, l’année n+3. Au bout de trois ans, le taux de 15 % s’applique pendant cinq ans puis, au bout des huit ans, le cycle s’achève et le taux de droit commun s’applique. Tout cela apparaît d’une grande complexité.
Le Gouvernement ne souhaite pas la mise en œuvre d’un tel dispositif du fait que, indépendamment de son coût, il concernerait toutes les entreprises et non pas seulement les PME. C’est pourquoi il vous demande le retrait de votre amendement, auquel, sinon, il sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ferai deux remarques.
D’abord, je souligne que les écologistes prônent un impôt sur les sociétés européen. Monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez dit qu’il y avait peut-être une réforme à faire, des choses à examiner. En tout cas, les écologistes pensent que, aujourd'hui, c’est à l’échelle européenne que doit se faire l’impôt sur les sociétés, dans la mesure où il est facile de délocaliser le siège social d’une entreprise. L’harmonisation fiscale est la première réponse à apporter.
Ensuite, sachez, chère collègue, que les écologistes partagent l’esprit de votre amendement : nous sommes favorables à une différenciation de la taxation selon que le bénéfice est réinvesti dans l’entreprise ou distribué. Malgré tout, nous pensons qu’une exonération d’impôt pendant huit ans c’est aller un peu loin.
Si vous maintenez votre amendement, nous nous abstiendrons, tout en souscrivant à cette différenciation.
M. le président. Madame Mélot, l'amendement n° II-229 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Colette Mélot. Non, je le retire, monsieur le président.
Il s’agissait en quelque sorte d’un amendement d’appel. Comme vient de le dire M. Desessard, il serait en effet judicieux de créer un impôt sur les sociétés européen. Cela éviterait bien des problèmes de concurrence déloyale entre les États membres concernant l’installation des sièges sociaux.
M. le président. L'amendement n° II-229 rectifié quater est retiré.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)