M. le président. L'amendement n° II-117, présenté par M. Berson, est ainsi libellé :
Après l’article 44 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 39 terdecies du code général des impôts est abrogé.
II. – Le I est applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2015.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-408 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 44 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les articles 885 I bis à 885 I quater du code général des impôts sont abrogés.
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2016.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Selon toute vraisemblance, l’année 2017 ne marquera pas nécessairement l’atteinte des objectifs de réduction des déficits publics et de maîtrise de la progression de l’encours de la dette.
D’ici à cette date, outre une pression forcenée sur la dépense publique qui ne produira pas d’économies notables, sauf à remettre en question nombre des contreparties que les citoyens sont en droit d’exiger à raison du paiement des taxes et impôts, il semble donc indispensable que l’effort soit justement partagé.
La grande affaire des dernières années, et singulièrement de la décennie pendant laquelle les partis de droite et du centre ont conjointement exercé les responsabilités, a été celle de l’accroissement sensible des patrimoines.
Qu’on y songe : selon les données mêmes fournies par le ministère de l’économie et des finances, les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune disposent d’un patrimoine imposable de quelque 406 milliards d’euros, soit un patrimoine moyen de 1 772 875 euros par contribuable. Pour vous donner une idée, mes chers collègues, cette somme correspond à plus de sept cents fois le revenu fiscal moyen de nos compatriotes !
Je sais qu’il n’est pas de bon ton de comparer stricto sensu revenu et patrimoine, mais force est de constater qu’il faudrait à nombre de nos compatriotes se passer de manger, vivre et bouger durant toute leur vie professionnelle pour pouvoir, du seul fruit de leur travail, accumuler un patrimoine d’une telle valeur.
Cela posé, il n’est de fait pas du tout anormal que les Français les plus fortunés s’acquittent d’une contribution spécifique au redressement des comptes publics. Au demeurant, ce redressement correspond, si l’on en croit les discours, à l’intérêt général...
Seulement voilà, l’ISF continue d’être mité par plusieurs niches fiscales dont l’efficacité sociale et économique est loin d’être prouvée à ce jour et qui se limitent, de fait, à la seule réduction des droits à payer qu’elles génèrent.
Les trois niches fiscales que nous visons ici – exonération des pactes d’actionnaires, exonération des parts détenues par les salariés et mandataires sociaux, exonération du versement aux PME – ont la double caractéristique de concerner un effectif indéterminé de bénéficiaires et de ne coûter rien de moins que 370 millions d’euros au budget de la nation.
Si l’on part de l’idée qu’un contribuable à l’ISF de la première tranche doit acquitter un impôt moyen de 5 800 euros environ, cela placerait de fait le nombre de bénéficiaires des trois mesures aux alentours de 60 000 ménages sur un total de 300 000 contribuables. Les effectifs réels sont donc nettement moindres, nettement minoritaires dans la population des contribuables de l’ISF, qui ne s’est guère accrue, le niveau de dépense fiscale étant stable.
De plus, aucune évaluation politique et économique n’a jamais été produite à l’appui de cette démarche.
Que M. Renaud Dutreil, ancien ministre, ait écouté les conseils de son épouse, salariée à la direction du groupe Usinor-Sacilor, sur la mise en place de la mesure est une chose. Que l’on ait mesuré le nombre d’emplois ou d’établissements industriels préservés grâce à l’application de ces dispositions en est une autre, et cela n’a pas été accompli.
Nous souhaitons donc la disparition de ces niches fiscales coûteuses, et le temps nous séparant de ce processus peut aussi nous amener à en mesurer l’opportunité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour notre collègue, cette année ne sera faste pour la réduction des dépenses publiques. Toutefois, elle ne le sera pas non plus pour le financement des PME !
Pour faire face au réel problème de financement des petites et moyennes entreprises auquel nous sommes actuellement confrontés, nous avons adopté, à une très large majorité, un amendement sur l’amortissement exceptionnel dans les PME. Tout dispositif susceptible de maintenir le niveau d’investissement dans les PME doit en effet être maintenu.
Revenir sur la possibilité de déduire de l’ISF les sommes destinées aux petites et moyennes entreprises, en particulier les pactes avec l’obligation de conservation, ce serait adresser un très mauvais signal à notre économie et provoquer des effets désastreux en dissuadant l’investissement dans les petites et moyennes entreprises françaises, précisément au moment où celles-ci se portent mal.
J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° II-408 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement souhaite de la stabilité dans la mise en œuvre des articles 885-I bis à 885-I quater du code général des impôts, qui ont tout leur intérêt, même si nous devons bien sûr rester vigilants pour éviter les abus.
Il n’est pas exclu que nous affinions la réflexion en réalisant des évaluations et en demandant qu’un rapport soit conduit un jour sur ce sujet. Monsieur le sénateur, vous avez raison, il faut toujours évaluer les dispositifs en cours de fonctionnement.
Toutefois, à ce stade, compte tenu des réformes qui sont intervenues sur l’ISF et sur d’autres dispositions à la fin de l’année 2012, le Gouvernement ne souhaite pas abroger les articles précités. Il considère, au contraire, qu’ils présentent un intérêt, car ces mécanismes contribuent au financement et à la transmission des entreprises.
J’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° II-408 rectifié.
M. le président. L'amendement n° II-409 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 44 decies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du premier alinéa du 1 du I de l’article 885-0 V bis du code général des impôts, le taux : « 50 % » est remplacé par le taux : « 25 % ».
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2016.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici encore en terrain connu ! Cet amendement vise en effet le dispositif ISF-PME, qui est objectivement exorbitant du droit commun et qui caractérise une rupture évidente du principe d’égalité devant l’impôt.
Ce dispositif permet en effet à un contribuable assujetti à l’ISF d’engager jusqu’à 90 000 euros dans le financement d’une entreprise – soit ! – ou dans l’aide à une œuvre d’utilité publique, afin de pouvoir récupérer 45 000 euros de remise sur la somme due au titre de l’ISF.
Pour mémoire, une somme de 45 000 euros représente la cotisation applicable à un patrimoine supérieur à 5 millions d’euros et constitue, sauf erreur, l’équivalent du plafond cumulé du livret A et du livret de développement durable. Il y a donc quelque chose d’assez extraordinaire dans ce dispositif, qui ne rencontre cependant qu’un succès somme toute assez limité.
En effet, selon les données du ministère des finances lui-même, parmi les 229 000 contribuables de la première tranche de l’ISF, un peu plus de 9 000 personnes ont versé directement des fonds à une PME. Moins de 1 600 l’ont fait par le truchement d’une société holding, ce qui leur permet d’être indirectement bénéficiaires de l’opération. Moins de 20 000 ont utilisé le canal d’un fonds commun de placement. Enfin, un peu plus de 22 000 contribuables de l’ISF ont subventionné une fondation ou une œuvre d’utilité publique.
L’ensemble de ces versements a représenté 330 millions d’euros au titre des PME et environ 54 millions d’euros au titre des dons. Le montant moyen des versements est relativement faible. Il se situe en effet aux alentours de 15 000 euros, c’est-à-dire le sixième du plafond instauré par la trop fameuse loi « pour le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat » !
Bref, un plafond de versement excessif et un taux de réduction d’impôt exorbitant, cela fait beaucoup ! Appliquons-nous donc d’abord à diminuer le pourcentage de réduction d’impôt, ne serait-ce que pour faire en sorte que les montants versés soient, à l’avenir, plus importants. Et ramenons-le au niveau de la plupart des crédits et réductions d’impôt mis en œuvre notamment pour l’impôt sur le revenu. D’autant que toutes les apparences laissent penser, aujourd’hui, que le « cadeau fiscal » associé au dispositif ISF-PME aura quelque peine à passer la rampe des règles fiscales européennes.
C’est donc sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission n’est pas favorable à cet amendement, pour les raisons que j’ai évoquées en donnant mon avis sur l’amendement précédent.
Nous devons soutenir les PME. Dans ces conditions, diminuer de moitié le taux de la réduction d’impôt en le ramenant de 50 % à 25 %, ce serait adresser un mauvais signal et, surtout, réduire le flux des investissements en direction des PME.
M. le secrétaire d'État vient de parler d’« abus ». C’est vrai, il a pu s’en produire par le passé, comme il est vrai que l’on a pu soutenir des secteurs qui n’étaient pas forcément prioritaires. C’est pour remédier à ce problème que le taux d’activité éligible a été réduit. Le dispositif est désormais bien calibré pour éviter les dérapages et encourager l’investissement dans les PME.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, dont l’adoption tarirait le flux d’investissement vers les PME.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vous ai écouté attentivement, monsieur Bocquet, et j’ai un peu de mal à vous suivre. Vous avez l’air de dire que le dispositif ISF-PME provoque un effet d’aubaine massif – vous avez même utilisé des mots que je ne reprendrai pas. Ce qui ne vous empêche pas de poursuivre en faisant état de quantité de chiffres de nos services pour conclure que ce dispositif ne marchait pas. Cela paraît un peu contradictoire !
Pour nous retrouver sur la même longueur d’onde, peut-être faudra-t-il recourir à l’évaluation à laquelle je faisais allusion tout à l’heure.
Pour l’instant, nous avons, à la fin de l’année 2012, réformé l’ISF pour le remettre en place, car en réalité il avait quasiment disparu. Et nous avons institué des dispositifs comme celui que vous évoquez, qui méritera, vous avez raison, que nous nous assurions de sa conformité au droit européen. Pour l’instant, il donne satisfaction, ce qui n’exclut pas une réflexion sur ce sujet dans le courant de l’année prochaine.
J’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement sur l’amendement n° II-409 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-409 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 44 undecies (nouveau)
Après la deuxième phrase du I de l’article 244 quater C du code général des impôts, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Les informations relatives à l’utilisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi doivent figurer, sous la forme d’une description littéraire, en annexe du bilan ou dans une note jointe aux comptes. »
M. le président. L'amendement n° II-327, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à supprimer l’article 44 undecies, qui prévoit que les entreprises doivent détailler l’utilisation du crédit d’impôt pour la compétitivité-emploi, le CICE, dans une note jointe aux comptes ou en annexes de leur bilan.
Il semble que l’utilisation du CICE ne soit soumise à aucune condition. Les gains n’étant pas affectés, retracer son utilisation présente, de fait, un caractère largement artificiel. De plus, M. le secrétaire d’État nous a rappelé que le Président de la République souhaitait transformer le CICE en allégement de charges à une date qui n’est pas encore déterminée.
Imposer aux PME, aux TPE, une obligation supplémentaire assez lourde et parfois complexe – publier une note jointe aux comptes ou annexée à leur bilan pour retracer l’utilisation du CICE –, ne nous paraît pas forcément utile.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a souhaité supprimer cet article additionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est un débat bien connu. Monsieur le rapporteur général, je n’ai jamais rappelé dans cet hémicycle l’engagement du Président de la République de transformer le CICE en allégements de charges. Ce propos a été tenu ici non par le secrétaire d’État chargé du budget, mais par vous et d’autres orateurs.
Je me demande au passage s’il ne faudrait pas retracer aussi, dans des annexes fournies au bilan des entreprises, l’utilisation des allégements de charges Fillon. Tout est fongible, monsieur le rapporteur général ! Sur ce débat entre allégements de charges et crédits d’impôts, à partir du moment où les uns et les autres sont généralisés et où tout est dans tout et réciproquement, comme disait l’autre, le problème est assez complexe... (Sourires.)
L’Assemblée nationale a souhaité que l’on puisse retracer dans un document simple l’utilisation du CICE. Le Gouvernement avait émis un avis de sagesse sur cette proposition. Il est donc à présent défavorable à l’amendement qui vise à supprimer cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. Cet article vise à mettre en œuvre la proposition n° 2 de la mission d’information sur le CICE.
En effet, la traçabilité de l’utilisation du CICE est essentielle pour s’assurer que le crédit d’impôt fonctionne conformément aux intentions du législateur et permet l’amélioration de la compétitivité des entreprises, au travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement. Ce sont donc des obligations précises.
L’article 66 de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 prévoit ainsi la publicité des affectations du CICE au sein des comptes annuels des entreprises.
Le présent article vise à consolider ce mécanisme en rendant cette publicité obligatoire en annexe du bilan ou dans une note jointe aux comptes. Il apparaît nécessaire de donner des instructions plus précises sur le document dans lequel les utilisations du CICE doivent être retracées dans la comptabilité, afin d’assurer une meilleure application des obligations incombant aux entreprises en la matière.
Cet article va donc, pour nous, dans le bon sens, en renforçant la transparence dans l’utilisation du CICE. Il permet une meilleure appropriation par les salariés de la stratégie de leur entreprise, tout en évitant des usages non conformes à la loi. C’est aussi une façon d’inscrire le CICE dans le paysage du dialogue social.
Nous sommes donc opposés à l’amendement n° II-327.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Voilà un amendement dont les dispositions nous placent, une fois de plus, au cœur de l’actualité ! Du reste, ce sujet ne manquera pas d’être débattu de nouveau, et longuement, dans les semaines et mois qui viennent. J’en veux pour preuve que même notre ministre des finances émettrait quelques doutes quant à l’efficacité du CICE, ce qui est tout de même assez nouveau et surprenant.
L’article 44 undecies, reconnaissons-le, est quelque peu étonnant. Voilà, en effet, un article qui somme l’ensemble des chefs d’entreprises du pays à rédiger, à l’appui de leur utilisation du CICE, une sorte de petite dissertation, sous la forme d’un rapport annuel – sa qualité littéraire n’ose évidemment pas prétendre ni à l’attribution d’un Prix Nobel ni même à la remise du Goncourt ! –, qui servirait à préciser ce à quoi a servi l’aide apportée par l’État.
Demander aux entreprises elles-mêmes ce qu’elles ont pu faire du CICE est un bon moyen, me semble-t-il, de disposer de quelques outils d’évaluation sur d’autres dispositifs venus du terrain. Pour ce qui est de l’amendement de M. le rapporteur général, reconnaissons qu’il tend à accorder, au fond, un peu trop d’honneur à une mesure dont le poids pour les chefs d’entreprises est tout de même plutôt léger.
Si l’on souhaite trouver des obligations plus envahissantes, on peut toujours comparer la charge administrative dévolue aux entreprises de notre pays, pour lesquelles nombre de procédures ont été nettement simplifiées, avec l’ensemble de la paperasserie que l’on peut parfois demander, par exemple, aux allocataires du RSA.
De plus, l’objet de l’amendement comprend une erreur d’appréciation, selon nous, puisque, malgré les apparences, il est calculé sur la base de la masse salariale : il s’agit non pas de réduire le coût du travail, mais de « restaurer le taux de marge de nos entreprises », en leur remboursant entre environ un cinquième et un tiers du produit de l’impôt sur les sociétés.
Si l’on rendait aux salariés entre un cinquième et un tiers de l’impôt sur le revenu, cela ne serait d’ailleurs peut-être pas dépourvu d’effet sur la consommation, donc sur la situation économique.
Ce qui est, en revanche, évident, c’est que les petites notes jointes que nos chefs d’entreprises rédigeront permettront de mieux connaître ce à quoi sert le CICE et peut-être aussi ce à quoi il ne sert pas !
Mme Nicole Bricq. Pas du tout !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. En tant qu’ancien chef d’entreprise, je ne suis pas un fanatique de la suradministration et de la paperasserie, mais nous parlons là, tout de même, des conditions pour bénéficier d’un crédit d’impôt. Dire qu’il n’y a rien à expliquer parce que le dispositif ne prévoit pas de conditionnalité, c’est un peu court...
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État – même si vous n’étiez pas à la manœuvre lorsque nous avons voté « à la cosaque » ces deux amendements de trois pages lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative – que l’on nous a promis beaucoup en termes d’impact du CICE !
Or, si l’on reprend les prévisions sur l’effet que ce dispositif devait avoir en termes de création d’emplois, notamment les analyses de l’excellent OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, on se rend compte que l’on est loin du but ! D’où le discours que l’on entend aujourd’hui, selon lequel on n’avait jamais dit que ce dispositif créerait des emplois, qu’il s’agissait en fait de créer un environnement favorable...
Il serait tout de même intéressant de disposer de bilans pour comprendre ce qui se passe. Si la mesure est bonne, ces documents montreront comment le CICE est utilisé, ce qu’il apporte au sein de l’entreprise et s’il répond aux objectifs premiers qui lui étaient assignés. S’il atteint, par ailleurs, des objectifs secondaires qui n’étaient pas fixés et qui sont bénéfiques pour l’entreprise, on pourra en prendre acte, ce que l’on ne peut faire avec une approche macroéconomique.
On le sait, les entreprises auxquelles on a versé des millions d’euros, via le CICE, disent que ce n’est pas tout à fait ce qu’elles voulaient pour accroître leur compétitivité. Par ailleurs, aujourd’hui, on nous explique que, si on n’en fait pas bénéficier les entreprises de tel ou tel secteur, par exemple la grande distribution ou les banques, celles-ci seront obligées de licencier. Aussi, on ne va pas leur imposer, en plus, d’autres contraintes ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Nous voulons donc connaître la situation au niveau microéconomique, pour l’agréger au niveau macroéconomique, afin d’examiner quels effets le CICE a produits. Nous pourrons ainsi décider dans deux ou trois ans – peut-être même avant, espérons-le – que ce n’était pas la bonne solution et qu’il y avait moyen de faire mieux avec autant d’argent, voire avec moins d’argent – mais ceci est une autre histoire !
Ces informations sont essentielles et minimes par rapport aux documents que les entreprises, y compris les TPE et les entreprises individuelles, doivent renseigner pour les analyses statistiques de l’INSEE. Je pourrais vous en apporter un – il est très beau ! – de trente pages que l’on ne remplit pas en moins de deux jours, ce qui est très pratique lorsqu’on est entrepreneur individuel…
Franchement, une petite note et un bref bilan, au regard de l’argent versé, ce n’est pas la mer à boire. Les écologistes voteront donc contre cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Cher collègue, ce n’est pas la mer à boire… Voilà qui est vite dit ! On parle de simplification depuis des mois, et voilà que cet article arrive.
Nous comprenons les interrogations des uns et les autres ; nous en avons très largement débattu ici, et pas seulement à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances. L’objectif du dispositif était de redonner, en termes de compétitivité, de la marge à nos entreprises, qui avaient atteint, de ce point de vue, un niveau historiquement bas. Au moins, sur ce constat, nous sommes tous d’accord !
Le CICE était-il la mesure la plus efficace pour résoudre ce problème ? Est-il assez sélectif ? Ces questions sont posées, et je me les pose également. Toutefois, ce rapport que vous demandez pour vous donner bonne conscience et qui tend à retracer à l’euro près ce que l’entreprise a récupéré grâce au CICE et comment elle l’a utilisé, ne changera strictement rien au dispositif lui-même.
Le CICE existe, et tant qu’on ne le modifie pas, il présente des avantages et des inconvénients. Cet article apparaît donc, finalement, comme une mesure idéologique visant à montrer du doigt les entreprises auxquelles le Gouvernement et le Parlement ont accordé cet avantage.
Toutes choses égales par ailleurs, cela me fait un peu penser à ce que l’on demande aux collectivités locales auxquelles est attribuée la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU. On réclame en effet aux communes qui en bénéficient, et qui sont les plus pauvres, de justifier de l’utilisation qu’elles ont pu en faire. Comme si l’on imaginait qu’elles gaspillent cet argent !
Cette mesure me semble donc un peu ridicule et absolument inutile. Par ailleurs, je le répète, elle ne changera rien au contenu du CICE. Si vous voulez modifier ce dispositif, faites-le, mais cessez de demander des rapports, des dossiers et des notes explicatives.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Sur le principe, nous sommes favorables à une évaluation des mesures à caractère fiscal. Néanmoins, nous savons bien, pour le vivre dans nos collectivités, que chaque fois que nous votons la publication de rapports ou de comptes rendus, cela provoque une certaine lassitude.
Les administrations ont l’habitude de ces formalités. En revanche, pour les entreprises, notamment les PME qui sont dans le secteur de la recherche, toute obligation supplémentaire est vécue, dans le contexte actuel, comme une forme de harcèlement. Ainsi, une mesure qui était au départ positive finit par devenir une contrainte complexe à satisfaire.
Pour ces raisons, l’amendement de suppression de la commission nous paraît constituer une mesure de simplification.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Philippe Dallier considère que cet article constitue une mesure idéologique.
M. Philippe Dallier. Une mesure expiatoire !
Mme Nicole Bricq. Je vous renvoie le compliment, cher collègue !
Vous aussi, vous faites de l’idéologie au travers de cet amendement de suppression, de la même manière que vous en avez fait en réclamant ici, en présence de votre président de groupe, M. Retailleau, la suppression du compte pénibilité. C’est exactement la même pensée qui est à l’œuvre !
Pour ma part, il me paraît intéressant de disposer du plus grand nombre possible de renseignements s’agissant d’une mesure qui ne produit ses effets que lentement. En effet, l’année fiscale n’a vraiment commencé qu’en avril 2014, et la première année d’application du CICE a surtout été faite d’apprentissages et d’expérimentations, à la fois pour ceux qui en ont bénéficié et pour l’administration fiscale.
Il faut laisser à ce dispositif le temps de se développer. À ceux qui pourraient être impatients ou qui seraient en proie au doute, je répondrai qu’il produira ses effets dans la durée.
Bien que cette mesure ne prévoie pas de contrepartie, nous avons tout de même intérêt à en connaître les effets, car, comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, elle fera partie du pacte de responsabilité et de solidarité, qui vise à alléger les charges dans leur globalité.
Il se trouve que je fais partie avec notre collègue Chantal Jouanno, au nom du Sénat, du Comité de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements. Nous avons tout intérêt à ce que le Parlement en sache le plus possible. En effet, nous qui devons évaluer l’ensemble des dispositifs d’aide publique aux entreprises, nous serons alors d’autant mieux informés, et nos rapports, publiés par France Stratégie sous l’autorité du Premier ministre, seront d’autant plus fiables.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-327.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)