M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Comme l’a expliqué notre collègue Michel Berson, les dispositions de cet amendement reprennent deux des préconisations du rapport qu’il a rédigé.
J’appelle l’attention de notre assemblée sur les conséquences qu’aurait l’adoption de cet amendement, notamment sur les moyens financiers accordés à l’ASN, dont nous continuons de penser qu’ils devraient être assurés d’abord, et je dirais même exclusivement, par le budget de l’État.
Par ailleurs, cette contribution que notre collègue propose de créer remet en cause l’engagement pris par le Gouvernement il y a quelques semaines de ne plus faire appel à aucune taxe nouvelle.
Par conséquent, et compte tenu de cette réserve, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le sénateur, dans la continuité du rapport d’information que vous avez récemment consacré à ce sujet, vous souhaitez que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’Autorité de sûreté nucléaire portant, d’une part, sur la possibilité de lui affecter une ressource fiscale et, d’autre part, sur les modalités selon lesquelles elle pourrait se voir conférer le statut d’autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale.
Je ferai deux observations.
Tout d’abord, le budget de l’État consacre déjà d’importants efforts en faveur de la sûreté nucléaire dans le cadre du projet de loi de finances. Par conséquent, le rapport que vous demandez devra apporter la démonstration que le recours à une fiscalité affectée est plus efficace, sachant notamment que ce type de financement doit demeurer l’exception.
Ensuite, en ce qui concerne les implications juridiques et opérationnelles de la transformation de l’ASN en autorité publique indépendante, elles devront être scrupuleusement analysées. En effet, il ne faudrait pas, par un effet boomerang, en conclure qu’actuellement l’ASN n’est pas une autorité indépendante et imaginer que cette qualité lui serait accordée par un nouveau statut juridique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu des décisions qui sont à prendre, il est heureux que l’Autorité de sûreté nucléaire soit déjà indépendante, et ce à la fois du Gouvernement et des autorités chargées de l’énergie !
La Cour des comptes a d’ailleurs récemment souligné que le statut actuel de l’ASN, qui tient compte à la fois des leçons de l’expérience et des spécificités du système nucléaire français, lui permet de jouer son rôle d’autorité en toute indépendance et en toute légitimité.
Toutefois, je ne vois personnellement que des avantages à ce que la représentation nationale se saisisse des questions relatives à l’énergie nucléaire et donne son avis.
Par conséquent, sous le bénéfice de ces observations, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 50 quinquies.
L'amendement n° II-450, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 50 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article L. 113, après la référence : « L. 152 A, », est insérée la référence : « L. 154, » ;
2° L'article L. 154 est ainsi rétabli :
« Art. L. 154. – L’administration fiscale communique à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs instituée par la loi n° 2004-105 du 3 février 2004 les informations nominatives mentionnées au 1° à 5° de l’article L. 152.
« Dans le but de contrôler les conditions d'ouverture, de maintien ou d'extinction des droits aux prestations, l’organisme mentionné au premier alinéa peut demander à l’administration fiscale de lui communiquer une liste des personnes qui ont déclaré n'avoir plus leur domicile en France.
« Le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques peut être utilisé pour les demandes, échanges et traitements nécessaires à la communication des informations mentionnées aux 1° à 5°, lorsqu'elles concernent des personnes physiques. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Cet amendement vise à autoriser l’échange automatisé des données fiscales individuelles entre l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l’ANGDM, et l’administration fiscale.
Cette procédure simple servira à maintenir à jour et à fiabiliser la situation fiscale des 220 000 ayants droit de l’Agence pour augmenter l’efficacité des procédures de contrôle et d’en limiter le coût budgétaire. Elle permettra de moderniser et d’améliorer la qualité du service, mais également de surveiller les fraudes et de limiter les versements indus afin de payer les prestations « à bon droit ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. L’avis de la commission est réservé, pour ne pas dire négatif, sauf si, comme il est normal, Mme la ministre a consulté la CNIL. Cette dernière information manque à la commission. Le Gouvernement peut-il nous éclairer ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Je vous remercie de votre question. Le Gouvernement avance cette proposition en respectant toutes les règles, notamment celles de la CNIL qui sont relatives à l’accès aux fichiers.
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Ce qui ne veut pas dire que la CNIL a été consultée !
M. le président. Quel est donc, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. Sagesse favorable !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 50 quinquies.
budget annexe : contrôle et exploitation aériens
M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », figurant à l’état C.
État C
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Contrôle et exploitation aériens |
2 168 018 936 |
2 151 034 066 |
Soutien aux prestations de l’aviation civile |
1 558 192 847 |
1 558 192 847 |
Dont charges de personnel |
1 144 828 220 |
1 144 828 220 |
Navigation aérienne |
564 856 959 |
547 872 089 |
Transports aériens, surveillance et certification |
44 969 130 |
44 969 130 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J’appelle en discussion l’article 64, qui est rattaché pour son examen aux crédits du budget annexe : « Contrôle et exploitation aériens ».
Contrôle et exploitation aériens
Article 64 (nouveau)
L’article 6-1 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne radiés des cadres par limite d’âge ou pour invalidité à compter du 1er janvier 2012, lorsqu’ils n’ont pas pu acquérir la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum de liquidation de la pension civile et militaire défini à l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sont susceptibles de bénéficier d’un complément individuel temporaire pendant la même durée que celle fixée pour l’allocation temporaire complémentaire définie au premier alinéa du I du présent article. Le versement de ce complément individuel temporaire se cumule avec celui de l’allocation temporaire complémentaire.
« Le second alinéa du même I s’applique au complément individuel temporaire.
« Le montant et les modalités d’attribution du complément individuel temporaire sont définis par décret. » – (Adopté.)
compte d’affectation spéciale : aides à l’acquisition de véhicules propres
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Aides à l’acquisition de véhicules propres |
242 150 000 |
242 150 000 |
Contribution au financement de l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres |
214 150 000 |
214 150 000 |
Contribution au financement de l’attribution d’aides au retrait de véhicules polluants |
28 000 000 |
28 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 66 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Pour l’adoption | 124 |
Contre | 186 |
Le Sénat n'a pas adopté.
compte d’affectation spéciale : services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs |
309 000 000 |
309 000 000 |
Exploitation des services nationaux de transport conventionnés |
191 000 000 |
191 000 000 |
Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés |
118 000 000 |
118 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », ainsi que du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des comptes d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » et « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».
10
Communication du Gouvernement
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les sénateurs, M. Roger Karoutchi a évoqué le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Permettez-moi de rappeler très clairement un certain nombre d’éléments.
Ce projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat le 18 juin 2014 et son examen est prévu au Sénat en décembre ainsi que début janvier 2015. C’est d’ailleurs pour répondre à une demande du Sénat et de son président que le calendrier d’examen envisagé par le Gouvernement a été modifié, et que la discussion de ce texte a été reportée de deux mois.
Je veux rassurer M. Karoutchi : il y aura bien deux lectures de ce projet de loi dans chaque assemblée, conformément aux procédures républicaines qui sont les nôtres, et la navette poursuivra son cours normal pour assurer un débat approfondi. (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.)
De plus, les délais d’examen ont été pleinement respectés devant le Sénat, qui aura disposé de plusieurs mois pour préparer la discussion de ce texte important, ce qui ne sera pas complètement le cas à l’Assemblée nationale.
Nous souhaitons tous, je crois, que ce deuxième volet de la réforme territoriale soit examiné dans des conditions sereines. Je tenais à vous apporter ces précisions. Il en ira donc bien évidemment du projet de loi NOTRe comme il en a été du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bruno Sido. Merci, monsieur le secrétaire d’État !
11
Organisation du calendrier budgétaire
M. le président. Mes chers collègues, je souhaiterais faire un point sur la suite de la discussion budgétaire.
Afin de pouvoir achever l’examen du projet de loi de finances pour 2015 mardi 9 décembre, avant vingt heures, je vous propose, avec l’accord de la commission des finances et du Gouvernement, de siéger demain, samedi 6 décembre, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit, pour poursuivre l’examen des articles 58 à 59 quinquies rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », examiner les articles 52 à 54 rattachés à la mission « Égalité des territoires et logement », et entamer la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits, sur lesquels 175 amendements sont à examiner.
Puis, lundi 8 décembre, nous poursuivrons la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits, à dix heures, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit, en fonction de l’état d’avancement des travaux.
Pour résumer, nous pourrions donc être amenés à siéger au-delà de minuit samedi et lundi, mais nous ne siégerons pas dimanche.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
12
Loi de finances pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Économie
Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Économie » (et article 51), ainsi que du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
La parole est à M. Jacques Chiron, rapporteur spécial.
M. Jacques Chiron, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la mission « Économie » rassemble une série d’instruments visant à soutenir la croissance des entreprises, notamment des PME dans les secteurs de l’artisanat, du commerce et de l’industrie, sous forme de subventions, de prêts, de garanties ou encore d’exonérations fiscales.
Elle porte aussi les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en œuvre de ces politiques.
Les crédits demandés pour l’année 2015 s’élèvent à 1,8 milliard d’euros, en baisse de 4,2 %, soit de 79 millions d’euros, par rapport à 2014. À ce titre, la mission « Économie » contribue fortement à l’effort de réduction de la dépense publique, ce que confirme la programmation triennale, qui prévoit une baisse de 8 % des crédits entre 2014 et 2017.
En seconde délibération, l’Assemblée nationale a minoré les crédits de 18,8 millions d’euros afin de garantir le respect de la norme de dépenses en valeur de l’État. Nous vous proposons, au nom de la commission des finances du Sénat, d’adopter ces crédits.
Je me limiterai à quelques remarques générales sur la mission, dont les programmes vous seront présentés par mon collègue Bernard Lalande.
Premièrement, l’année 2015 est marquée par la mise à contribution du réseau consulaire, notamment les chambres de commerce et d’industrie, qui voient le plafond de leur ressource fiscale abaissé de 213 millions d’euros et sont soumises à un prélèvement de 500 millions d’euros sur leur fonds de roulement. Cet effort, que le Sénat a souhaité modérer, est pleinement justifié. Il prend acte de l’excès de ressources affectées au réseau consulaire, que l’on pourrait qualifier d’« effet d’aubaine ».
À l’heure où l’État, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale voient leurs ressources diminuer, il est important que chacun apporte sa juste contribution à l’effort demandé. Mais, surtout, ce sont les entreprises elles-mêmes qui seront les bénéficiaires de cet allégement de leurs propres cotisations.
D’ailleurs, le contrat d’objectifs et de moyens signé entre l’État et les chambres de commerce et d’industrie régionales, les CCIR, prévoit que l’effort sera poursuivi durant les cinq années qui viennent. Si l’on considère le plafond de 213 millions, c’est donc plus de 1 milliard d’euros qui ne sera pas ponctionné sur les entreprises.
De plus, la rationalisation du réseau des CCI, prévue par la loi du 23 juillet 2010, en est toujours à ses balbutiements. Si plusieurs fusions de CCI territoriales sont actuellement en cours, seules les quatre CCI du Nord – Pas-de-Calais ont, à ce jour, fusionné en une CCI régionale unique. L’effort financier demandé cette année devrait les inciter à accélérer le processus. Il faut assumer le sens politique du signal que nous leur adressons.
Ensuite, soixante-dix-neuf dépenses fiscales en faveur des entreprises sont rattachées à la mission « Économie », pour un montant total de 17 milliards d’euros.
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, est de loin la principale dépense fiscale, à hauteur de 10 milliards d’euros. Le CICE produit incontestablement des effets positifs. Toutefois, à l’instar de la baisse des charges sociales, qui ont également une base « sociale », il présente l’inconvénient de profiter indistinctement à toutes les entreprises et à tous les secteurs économiques.
Aussi, monsieur le ministre, nous estimons que ces mesures gagneraient à être complétées par un dispositif ciblé sur l’investissement des PME industrielles, qui présente un retard préoccupant.
De fait, entre 1998 et 2013, le parc français de machines-outils de moins de quinze ans s’est réduit de 10 000 machines, alors que celui de l’Allemagne augmentait de 95 000 machines sur la même période. C’est le sens de l’amendement que nous avons proposé en première partie du projet de loi de finances et qui a été adopté par le Sénat à une large majorité, le groupe UDI-UC ayant déposé un amendement identique et tous deux ayant reçu l’avis favorable de la commission.
L’amendement prévoit la mise en place d’un amortissement dégressif au profit des biens d’équipement acquis par les PME sur vingt-quatre mois. Il s’applique aux biens acquis entre le 1er décembre 2014 et le 31 décembre 2016.
Nous sommes toutefois conscients – après avoir écouté M. le ministre – que la notion de « biens d’équipement » recouvre un périmètre assez large et donc coûteux pour les finances publiques, même s’il ne s’agit que d’un coût de trésorerie : on l’étale sur deux ans au lieu de l’étaler sur cinq ou sept ans. Aussi travaillons-nous, dans la perspective de la suite de l’examen du projet de loi de finances, à l’élaboration d’une définition plus restreinte, centrée sur le matériel industriel.
Investissements ciblés et prévention des effets d’aubaine permettraient de répondre aux critiques formulées contre le CICE. C’est le sens de l’augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales pour la grande distribution, votée par nos collègues de l’Assemblée nationale.
J’en reviens à la mission « Économie ».
D’une manière générale, la baisse des crédits repose en grande partie sur la réduction du format de certains dispositifs d’intervention en faveur des entreprises, qui doivent aller vers un ciblage plus fin sur les projets prioritaires.
La récente réforme du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, obéit à cette volonté. Il s’agit de passer d’une logique de guichet, qui a abouti à une impasse budgétaire totale en raison de l’élargissement des critères d’éligibilité, à une logique d’appel à projets, circonscrite dans l’enveloppe ouverte en loi de finances. Celle-ci est de 8,5 millions d’euros en crédits de paiement pour l’année 2015. Mais l’Assemblée nationale a d’ores et déjà voté le déblocage de 8 millions d’euros supplémentaires pour couvrir les engagements des années précédentes.
Nous estimons qu’il faut « laisser sa chance » à cette réforme, mais que celle-ci ne pourra réussir qu’à condition que les aides soient réellement attribuées aux projets qui en ont le plus besoin, notamment en matière d’accessibilité et de sécurité dans les zones rurales ou dans les zones urbaines sensibles.
Par ailleurs, nous prenons acte de votre engagement, madame la secrétaire d’État chargée du commerce et de l’artisanat : vous avez en effet promis la fin du lourd système de « double instruction » des dossiers, au niveau national et au niveau local. (Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire acquiesce.)
Certains dispositifs, en revanche, nous semblent devoir être préservés. C’est notamment le cas des aides versées pour le développement des stations-service indépendantes, pour la plupart situées en zone rurale. Ces aides sont distribuées par le Comité professionnel de la distribution de carburant, le CPDC, que le Gouvernement envisage de supprimer. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
J’évoquerai brièvement le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Ce compte porte essentiellement les crédits du Fonds de développement économique et social, le FDES, « réactivé » dans le cadre du « plan de résistance économique » annoncé en 2013. Il est doté, cette année, de 200 millions d’euros, contre 310 millions d’euros en 2014. Ces montants s’adaptent aux interventions du FDES. Même en baisse, ils demeurent très largement supérieurs aux 10 millions d’euros qui étaient prévus lorsque le Fonds était en sommeil il y a encore deux ans.
Nous vous proposons, au nom de la commission des finances, d’adopter les crédits de ce compte de concours financiers.
Je terminerai par quelques mots sur l’article 51 du projet de loi de finances, qui est rattaché à la mission « Économie ».
Cet article supprime l’indemnité de départ, l’IDD, versée aux artisans et commerçants qui, arrivant à l’âge de la retraite, ne parviennent pas à valoriser leur fonds de commerce.
Si l’intention est louable, force est de constater que l’IDD ne remplit plus aujourd’hui sa mission. Elle ne profite qu’à 2 % des artisans pour un montant de 9 millions d’euros et produit de nombreux effets pervers. Par exemple, elle incite les artisans à réduire artificiellement leur volume d’activité, les deux dernières années, pour être éligibles à l’IDD, ce qui dévalorise encore davantage leur fonds.
En revanche, le fonds d’action sociale du régime social des indépendants, le RSI, dispose chaque année de crédits inutilisés pour un montant supérieur à celui de l’IDD. En 2013, il était de 14 millions d’euros.
Ce fonds pourrait « prendre le relais » de l’IDD. Il présente l’avantage d’obéir à des critères beaucoup moins rigides, ce qui lui permet de prendre en compte les situations individuelles dans toute leur diversité.
La commission des finances a toutefois choisi de supprimer l’article 51. Mais, à titre personnel, vous l’aurez compris, j’en préconise l’adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et au banc des commissions. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lalande, rapporteur spécial.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission des finances, chers collègues, je débuterai mon intervention par quelques mots sur chacun des programmes de la mission « Économie ».
Le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » est le principal programme de la mission et porte l’essentiel des interventions en faveur des entreprises dont vous a parlé Jacques Chiron. C’est surtout la rationalisation de ces dispositifs qui explique la baisse des crédits du programme : ils s’élèvent à 875 millions d’euros en 2015, soit 54 millions d’euros de moins qu’en 2014.
Pour le reste, les crédits de fonctionnement et de personnel sont assez stables. Pour l’année 2015, 85 emplois sont supprimés sur un total de 5 219 équivalents temps plein. Les administrations centrales – la nouvelle Direction générale des entreprises, la DGE, le Trésor et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le DGCCRF –, réalisent des économies raisonnables. Il en va de même pour les trois autorités de régulation – la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, et l’Autorité de la concurrence –, ainsi que pour les opérateurs. À ce sujet, on notera que l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, et UbiFrance vont fusionner cette année, afin de rationaliser notre dispositif de soutien à l’exportation et à l’investissement.
Le programme 134 porte aussi quelque 30 millions d’euros de dotations à la Banque publique d’investissement, renommée Bpifrance, sous forme de garanties accordées aux PME. L’action de Bpifrance en faveur des PME va toutefois bien au-delà, avec une large gamme de garanties financières et bancaires, de prises de participations, de prêts en faveur de l’innovation, du numérique ou de l’exportation, auxquels s’ajoute un dispositif de préfinancement du CICE.
Au total, l’encours de crédits et d’investissements de la BPI a atteint 46,5 millions d’euros en 2013, et doit encore augmenter d’ici à 2017.
Le programme 220 « Statistiques et études économiques », qui correspond au périmètre de l’INSEE, est doté de 450 millions d’euros pour 2015, en baisse de 1,6 %. Les économies prévues à l’origine sont quelque peu perturbées par le transfert de certaines fonctions au centre statistique de Metz : en effet, certains agents ayant refusé leur mutation géographique, il a fallu créer des postes supplémentaires localement.
Le programme 305 « Stratégie économique et fiscale » comprend les crédits de personnel du Trésor, des services économiques à l’étranger et de la Direction de la législation fiscale, la DLF. Il est doté de 473 millions d’euros en 2015, en baisse de 3,7 %. Mais la baisse des crédits tient surtout à la réduction de la subvention versée à la Banque de France, qui est de 300 millions d’euros. D’importants gains d’efficience ont en effet été réalisés dans le traitement des dossiers de surendettement, notamment grâce aux dispositions contenues dans la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013.
Je voudrais enfin évoquer, plus largement, l’économie numérique.
Un programme spécifique est créé cette année, le programme 343 « Plan France très haut débit », doté de 1,4 milliard d’euros en 2015. Ce programme porte la contribution de l’État au déploiement des « réseaux d’initiative publique » dans les zones les moins denses du territoire, ces zones qui n’intéressent pas les opérateurs de télécommunications, mais qui représentent tout de même 90 % du territoire et 45 % de la population...
Au total, ce sont près de 20 milliards d’euros qui seront investis dans la fibre optique d’ici à 2022, dont 3 milliards d’euros par l’État. Le reste est pris en charge par les opérateurs, les collectivités et l’Union européenne.
On ne saurait insister suffisamment sur l’importance du très haut débit pour l’économie française.
Le rapport de Philippe Lemoine, rendu public en novembre dernier, souligne à la fois les formidables opportunités que représente la révolution numérique, et l’ampleur du chemin qui nous reste à parcourir si nous voulons « relever le défi ». Il formule 180 propositions. Des millions d’emplois sont concernés, dans tous les secteurs de l’économie, et non pas seulement dans quelques secteurs spécialisés. Pour peu qu’elles soient accompagnées et qu’elles bénéficient des infrastructures adéquates, nos PME pourraient trouver là un relais de croissance majeur.
Trois changements, mis en évidence par le cabinet McKinsey, s’effectuent simultanément. D’abord, la course technologique n’est plus tirée par les entreprises ou les grands organismes, mais par les individus, les utilisateurs : c’est le « pouvoir de la multitude ». Ensuite, les impacts du numérique deviennent transversaux, avec des changements qui concernent l’industrie, les services, le bâtiment, l’agriculture, la santé, la culture, l’éducation…
Selon le MIT, Massachusetts Institute of Technology, 47 % des emplois américains vont disparaître ou être profondément transformés par le numérique.
Enfin, les technologies numériques ont des effets sur la productivité du travail, du capital, de l’énergie et des matières premières. La dématérialisation modifie autant les business models des entreprises que le quotidien des personnes – chacun peut aujourd'hui le constater.
Un rapport du cabinet Roland Berger paru en septembre 2014 souligne ainsi que « l’aventure numérique » est une chance pour nos entreprises : de fait, les entreprises les plus « matures » dans leur transformation numérique ont une croissance six fois plus élevée que les entreprises les moins matures. Pourtant, aujourd’hui, alors que 59 % des Français achètent en ligne, seulement 11 % de nos entreprises vendent sur internet...
Au total, nous sommes convaincus que la révolution numérique présente pour la France davantage d’opportunités que de risques, à condition qu’elle soit rapide, globale et durable.
Soyons conscients qu’en moins d’une décennie l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Asie sont devenues des pôles de création et de diffusion de contenus innovants originaux. Ces géants émergents du Net vont être bientôt en mesure de constituer une alternative au monopole américain.
Au-delà du seul enjeu économique, le déploiement du très haut débit répond à un impératif d’équité entre les citoyens, entre les territoires et, bien sûr, entre tous les acteurs économiques, quel que soit le lieu de leur siège social.
À cet égard, une réflexion pourrait être lancée sur un dispositif de « péréquation numérique », qui permettrait de financer le déploiement de la fibre optique par la solidarité entre les abonnés des « zones denses », particuliers et entreprises, et les abonnés du reste du territoire. Par exemple, une modeste contribution sur les factures internet pourrait accélérer le déploiement des réseaux, car 2022 nous semble une date très lointaine et peu compatible avec le rythme de la révolution numérique
Cette révolution ne doit pas être un amplificateur de la désertification rurale, mais bien au contraire servir d’effet de levier pour une « redensification » de tous nos territoires.