M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget apporte à la fois de la satisfaction, de l’inquiétude, des regrets et de l’incompréhension.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Daniel Gremillet. Parmi les éléments de satisfaction figure tout d’abord la poursuite de l’effort en matière de modernisation des bâtiments d’élevage grâce au plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles. Je pense en particulier aux quatre objectifs définis conjointement par l’État et par les régions.
Ici, au Sénat, lors du « Printemps des territoires », vous avez pris l’engagement de cofinancer avec les régions ce programme de modernisation des bâtiments d’élevage, qui est absolument stratégique pour l’ensemble des régions de notre pays.
Sur ce dossier, je souhaiterais que l’on adopte une logique de guichet unique. Faisons simple.
Bien entendu, le programme prévoit une participation de l’État et des régions aux investissements pour l’approvisionnement en matériel, l’autonomie alimentaire, le bien-être animal ou encore la gestion les effluents. Mais il y a un aspect à ne pas négliger : si l’on ne veut pas voir des femmes et des hommes abandonner les activités d’élevage, il faut penser à leur bien-être. Ce plan de modernisation doit donc être un outil essentiel pour donner envie aux éleveurs de le rester et de s’investir dans leur métier.
Le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » constitue un autre motif de satisfaction. Quand on connaît l’enjeu stratégique pour notre économie, pour l’emploi et pour notre balance commerciale, il était effectivement nécessaire de se doter de ces moyens alloués.
Les inquiétudes concernent l’installation des jeunes agriculteurs, même s’il y a lieu de se réjouir du niveau des aides prévues.
C’est un problème mathématique. Nous sommes arrivés aujourd’hui à une situation où les paysans ont besoin de plus de voisins que d’hectares. Si l’on avait besoin auparavant d’une restructuration des exploitations agricoles, le taux de renouvellement des exploitants qui partent à la retraite reste toujours de 60 %.
Si j’aborde ce problème, c’est que l’on va se retrouver face à une situation de fragilité dans certains secteurs ruraux, dans nos villages. Nous le savons tous !
M. René-Paul Savary. C’est vrai !
M. Daniel Gremillet. Il s’agit non pas de faire un procès d’intention, mais d’alerter sur le fait qu’on ne décolle pas du taux de 60 % de renouvellement des agriculteurs partant à la retraite. Et quand on connaît le niveau qui nous attend dans les années à venir, il est essentiel d’avoir une autre ambition sur ce dossier.
Beaucoup des moyens mobilisés proviennent des compensations européennes. En outre, je rappelle que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 prévoyait d’affecter à la politique d’aide à l’installation le produit de la taxe sur les plus-values réalisées lors des ventes de terrains agricoles. Or cette plus-value vient en déduction des aides à l’installation versées par le ministère de l’agriculture. Je vous rappelle que nous sommes confrontés à la problématique du renouvellement des générations.
Les regrets concernent d’abord les crédits aux investissements dans une entreprise agroalimentaire. J’ai l’impression que la France tourne le dos à quelque chose d’absolument crucial : l’alimentation. Les enjeux en Europe et dans le monde en sont pourtant colossaux.
Quand on sait les incidences extrêmement positives des investissements agroalimentaires sur l’emploi, l’agriculture et la balance commerciale, il aurait été judicieux de faire preuve de plus d’ambition en matière de financement et de développement de l’industrie agroalimentaire.
Je suis aussi très circonspect sur le dossier de la souscription des assurances. Aujourd’hui, on ne décolle pas.
Un autre regret porte sur le Fonds stratégique de la forêt et du bois. Là encore, le Gouvernement manque d’ambition. C’est un tort quand on connaît les possibilités qu’offre la forêt.
Mon incompréhension porte sur le dossier du CASDAR. Alors que des paysans prélèvent centime après centime sur leur production,…
M. René-Paul Savary. Eh oui !
M. Daniel Gremillet. … pour financer leur développement, on vient leur prendre, d’une certaine manière leur voler une partie de l’argent qu’ils ont mis de côté pour remplacer les subventions publiques.
Mon dernier regret porte évidemment sur les chambres d’agriculture.
Au 1er décembre, j’étais encore à la tête de la chambre d’agriculture des Vosges, que j’ai présidée pensant vingt-six ans. Pendant toutes ces années, avec mes collègues, nous avons économisé, des femmes et des hommes ont travaillé, non pas pour se faire des bas de laine, mais pour financer des projets. Et, vous le savez très bien, si deux abattoirs de proximité ont été créés dans le département des Vosges, c’est parce que la chambre d’agriculture avait mis des moyens de côté pour pouvoir investir et accompagner le projet. Si vous supprimez ces capacités financières dans les départements, vous perdrez toute capacité d’encourager et de développer les initiatives locales.
Connaissant le revenu des paysans des Vosges, quand je vois que l’on va ponctionner les ressources accumulées, qui ne proviennent pour partie même pas du produit de l’imposition – le budget des chambres d’agriculture est financé à 50 % seulement par les impôts, le reste étant le fruit du travail des agriculteurs ! –, je me dis qu’il y a vraiment un problème !
Comme cela a été indiqué, je souhaiterais que les amendements déposés sur cette question par les sénateurs soient retenus par le Gouvernement, car ils apportent un réel enrichissement au texte.
Monsieur le ministre, le bon sens paysan existe encore !
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Daniel Gremillet. Il faut écouter ces femmes et ces hommes de nos territoires agricoles et forestiers. Il y a de belles ambitions agricoles et forestières pour la France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Alain Houpert, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte budgétaire contraint qui s’impose à nous, le Gouvernement a pris des mesures d’économie difficiles, mais nécessaires et courageuses.
Ces précisions étant apportées, je souhaite revenir sur les motifs de satisfaction que j’ai identifiés dans cette mission.
D’abord, les crédits en faveur de l’enseignement et de la recherche agricoles sont en hausse ; ils atteignent 1,7 milliard d’euros. Des postes d’enseignants ou d’auxiliaires de vie scolaire ont été créés, et l’enveloppe pour les bourses sur critères sociaux est améliorée. Cela constitue un véritable investissement d’avenir.
Autre pari sur le futur, la dotation aux jeunes agriculteurs sera renforcée de 5 millions d’euros en 2015, pour atteindre 26 millions d’euros. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République à Cournon-d’Auvergne en 2013, ce sont 100 millions d’euros supplémentaires par an qui sont dévolus à l’installation des jeunes agriculteurs si l’on prend en compte les 75 millions d’euros du premier pilier de la PAC.
Comme agriculteur, je connais bien les craintes et les peurs qui freinent parfois les plus jeunes dans la reprise ou dans l’installation. Tout encouragement en la matière est donc nécessaire et bienvenu.
Rappelons aussi que les exploitants agricoles verront leurs charges d’exploitation diminuer de 200 millions d’euros supplémentaires en 2015 par rapport à 2014. Les coopératives et industries agroalimentaires bénéficieront, elles, dès 2015, d’un allégement de 370 millions d’euros, des baisses de leurs cotisations patronales pour 120 millions d’euros et de la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, pour 50 millions d’euros. Le Gouvernement s’engage donc à hauteur de 729 millions d’euros pour la compétitivité de ces secteurs en 2015.
J’aimerais à présent insister davantage sur le programme 149, « Forêt », qui a été abordé tout à l’heure par notre collègue Yannick Botrel. Dans un pays qui compte 16 millions d’hectares de forêt, soit 30 % de la surface de la France hexagonale, ce programme est central. La forêt joue aussi un rôle économique important dans les territoires, avec 450 000 emplois liés au bois et à la forêt, une production de près de 36 millions de mètres cubes de bois toutes essences confondues et un chiffre d’affaires de la filière forêt-bois d’environ 50 milliards d’euros par an.
Monsieur le ministre, c’est en partant de ce constat que M. Arnaud Montebourg et vous-même avez initié une structuration de la filière au sein du Conseil national de l’industrie. La mise en place du comité stratégique de la filière bois en mars 2014 était le résultat de cette initiative. Avec la création de ce comité stratégique, c’est la première fois que l’ensemble de la filière forêt-bois est reconnu à l’égal des autres filières industrielles stratégiques, comme l’automobile ou l’aéronautique. Face aux enjeux de la transition énergétique et écologique, elle constitue une filière d’avenir innovante, dont les perspectives de croissance sont fortes.
L’action n°°11, Gestion des forêts publiques et protection de la forêt, est la plus importante en proportion. Elle représente en effet 78,1 % des crédits du programme 149. Pour 2015, une baisse de 22 millions d’euros est prévue. Je rappelle l’amélioration de la situation financière de l’ONF en 2014. L’Office devrait présenter un budget à l’équilibre en charges et en produits à hauteur de 840 millions d’euros, ce qui lui permettra de supporter l’effort demandé.
Cette réduction est rendue possible par des prévisions de recettes en hausse et une réduction des dépenses de l’établissement. Il faut souligner l’effet positif du crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE. Nous serons cependant vigilants quant aux évolutions à venir dans le contrat d’objectifs et de performances de l’ONF.
L’action n° 12 porte sur le développement économique de la filière et sa gestion durable, soit 18 % des crédits du programme. La baisse de ces crédits s’explique également par une économie ponctuelle, consistant à ne pas doter en 2015 le Centre national de la propriété forestière. Il est demandé au CNPF de vivre en 2015 sur sa trésorerie. Il est vrai qu’elle est abondante, puisqu’elle représente sept mois de fonctionnement. C’est un exemple de bonne gestion. Je m’en félicite. Pour autant, monsieur le ministre, que pouvez-vous nous indiquer sur la subvention prévue pour 2016 ?
M. Henri Cabanel. Les crédits du « plan chablis Klaus », destinés à aider les propriétaires forestiers à nettoyer et reconstituer les forêts du sud-ouest sinistrées par la tempête de 2009, sont maintenus à hauteur de 42 millions d’euros.
L’action n° 13 porte sur le Fonds stratégique de la forêt et du bois, créé par la loi d’avenir agricole, initiative saluée sur de nombreuses travées des deux chambres du Parlement. Il s’agit principalement de soutenir l’amont de la filière. Cela permettra de financer des actions s’inscrivant dans le plan national et les plans régionaux de la forêt et du bois, également créés par la loi d’avenir agricole.
Depuis la suppression du Fonds forestier national en 2001, le monde forestier attendait la création d’un outil dédié au soutien à l’investissement. Doté de 28,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement en 2015 – 11 millions d’euros dans ce programme plus 18 millions d’euros via la taxe additionnelle à la taxe foncière sur le foncier non bâti et le produit de l’indemnité de défrichement –, ce nouveau fonds bénéficie de 39,8 millions d’euros en crédits de paiement. Il viendra ainsi concrétiser l’élan insufflé par la loi d’avenir agricole.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner quelques détails sur un sujet annexe, le « Fonds Bois II », à propos duquel les acteurs attendent quelques éléments d’information, notamment s’agissant de sa gouvernance ?
Mes chers collègues, comme vous tous, j’aimerais examiner un budget relatif à l’agriculture en hausse. La conjoncture macroéconomique que nous connaissons n’a pas rendu la chose possible. Dans ces conditions difficiles, il faut reconnaître que ce projet de budget préserve l’essentiel et se tourne vers l’avenir, notamment avec la dotation aux jeunes agriculteurs que j’ai évoquée. C’est pourquoi je voterai ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de la qualité des propos des rapporteurs et des différents orateurs qui se sont exprimés. Tous parlent désormais de la filière bois avec une science consommée ! De fait, la culture générale relative à la forêt se développe énormément, même si c’est un peu plus vrai au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Voilà qui me facilite aujourd’hui la tâche.
L’année prochaine, il faudra veiller au bon fonctionnement de l’ONF et du Centre national de la propriété forestière. Comme on leur coupe un peu les moyens, il faudra s’assurer qu’ils survivent bien.
Il faudra également tâcher que les scieurs ne se plaignent plus trop des exportations de grumes. Compte tenu de l’incidence sur les cours, il faudra se préoccuper du problème.
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. C’est indispensable !
M. Philippe Leroy. Tous les orateurs ont dénoncé un autre problème, fondamental : notre politique forestière a des ambitions, mais pas de moyens.
Des ambitions, nous en avons. M. François Mitterrand avait prononcé un discours célèbre à Latche sur la forêt. M. Nicolas Sarkozy a aussi prononcé un discours célèbre à Brumath. En vérité, voilà trente ans que nos présidents de la République et nos ministres de l’agriculture répètent tous les bienfaits que nous attendons de la forêt. Seulement, voilà trente ans que les crédits diminuent… Sans parler du scandale de la suppression du Fonds forestier national, en 2000 !
On se débrouille pour rassurer les forestiers au lendemain des grandes tempêtes qui, périodiquement, massacrent nos forêts, auxquelles on consacre alors, d’ailleurs chichement, les moyens nécessaires à leur reconstitution. Là est toute notre politique forestière. En dépit des mots et des rapports, c’est une politique sans ambition !
Je le rappelle, le budget alloué par l’État à la forêt, qui couvre un tiers de la superficie nationale, et à sa filière, qui représente 400 000 emplois, se limite à 400 millions ou 500 millions d’euros par an. La somme est ridicule compte tenu des enjeux, ne serait-ce que de la nécessité de replanter 2 millions ou 3 millions d’hectares de forêt pauvre, une opération indispensable au renouvellement de la forêt et à son adaptation écologique. Pas de moyens !
Monsieur le ministre, l’intention qui a présidé à la création du Fonds stratégique de la forêt et du bois était bonne. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions… De fait, ce fonds est doté de sommes faibles, qui ne permettront pas d’atteindre les objectifs souhaités et souhaitables. Et le prochain rapport de la Cour des comptes sur la filière bois et la forêt risque d’éloigner encore sa concrétisation. Car la Cour des comptes va se pencher, à la demande du Sénat, sur cette filière.
M. Jean-Claude Leroy. En d’autres termes, on a lancé un nouveau cycle d’études et de rapports, qui succédera aux trois ou quatre cycles que nous avons connus en trente ans : cinq ou six rapports, une mission de la Cour des comptes, une nouvelle loi forestière, et rien ne change !
Il me paraît indispensable de continuer nos études, nos rapports et nos réflexions, mais surtout de remettre la filière en route en dotant le fonds stratégique des moyens nécessaires à une vraie politique forestière. Je souhaite que nous profitions des quelques semaines qui nous séparent de la mise en application du budget 2015 pour mettre en place un fonds stratégique stable et pérenne à l’occasion d’une loi de finances. Ce fonds, qu’il faut rendre inviolable, devra défendre de manière permanente les intérêts forestiers de la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Alain Houpert, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si les crédits du ministère de l’agriculture sont en baisse, les dispositifs du pacte de responsabilité et de solidarité bénéficient à hauteur de près de 730 millions d’euros à l’activité agricole. Au total, le solde est positif de 500 millions d’euros.
Plus généralement, le Gouvernement a su maintenir les priorités, notamment le soutien aux agriculteurs et aux forestiers, la sécurité alimentaire, la qualité de l’enseignement agricole et la compétitivité de l’agriculture et de la forêt.
L’intervention que nous venons d’entendre concernait la forêt. La mienne portera sur la viticulture, dont nous savons tous – je pense en particulier à MM. Patriat et Cabanel, et à vous-même, monsieur le président – qu’elle représente l’un des atouts économiques de nos territoires ruraux, d’autant que notre pays est redevenu le premier producteur mondial de vin.
M. François Patriat. Et le meilleur !
M. Roland Courteau. Je tiens à saluer votre action internationale en faveur du secteur, monsieur le ministre. Je pense en particulier à la procédure anti-dumping et anti-subvention qui a été lancée par la Chine, qui contestait les aides européennes accordées à la filière viticole.
Vous avez mérité les mêmes éloges dans le dossier de l’INCANN, l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, puisque le Gouvernement français a été l’un des trois premiers en Europe à travailler à la défense des indications géographiques dans le cadre des attributions des noms de domaine « .vin » et « .wine ». Je sais que, dans cette affaire, vous souhaitez un accord amiable. Mais je sais aussi que, en cas d’échec, vous inciterez la Commission européenne à engager une procédure contentieuse.
Au plan européen, le programme national d’aide viticole a été reconduit conformément au souhait des professionnels français, avec une enveloppe maintenue au même niveau que lors de la précédente période de la PAC, c’est-à-dire à 280 millions d’euros.
J’apprécie également que vous ayez obtenu qu’un dispositif d’encadrement de la production prenne la suite du système des droits de plantation historiques jusqu’en 2030. C’est une grande victoire en faveur d’une PAC mieux régulée et qui corrige la grave erreur commise en 2008 lors de la réforme de l’organisation commune du marché vitivinicole : la suppression des droits de plantation en 2015.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Roland Courteau. Par ailleurs, je me réjouis que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt permette de mieux protéger le foncier viticole.
Vous nous avez également aidés à balayer nos craintes au sujet des menaces qui pesaient sur la filière en matière d’augmentation de la fiscalité sur le vin ou de durcissement de la loi Évin. À ce propos, à l’instar de M. Patriat, j’espère que la future loi relative à la santé n’aggravera pas les discriminations à l’égard du vin. (M. François Patriat acquiesce.)
Enfin, comment ne pas saluer les 344 millions d’euros d’allégements de charges dont la filière viticole bénéficiera en 2015 ? Cet effort en faveur du coût du travail sera augmenté de 60 millions d’euros par rapport à cette année, au service de l’amélioration de la compétitivité et de la création d’emplois.
En ce qui concerne les maladies du bois, je remercie le Gouvernement d’avoir prolongé le soutien à la recherche en lançant un nouvel appel à projets doté d’un million d’euros.
Qu’il me soit permis de revenir à présent sur la réforme du forfait agricole. Comme vous le savez, plus de 70 % des vignerons de mon département sont soumis à ce régime.
Récemment encore, le syndicat des vignerons m’a indiqué qu’il nourrissait les plus vives inquiétudes à l’égard de cette réforme. Ses responsables m’ont expliqué que, selon les premières simulations, les cotisations sociales augmenteraient nettement, mettant en grande difficulté les producteurs les plus fragiles. En outre, de nombreux exploitants jusqu’alors non imposables pourraient être privés du bénéfice des minima sociaux, par exemple du RSA, du fait des conséquences fiscales de la réforme.
Enfin, selon ce syndicat, les pluriactifs, qui mettent en valeur près de 20 % de la superficie viticole à titre secondaire, cesseront ou pourraient cesser d’exploiter, pour ne pas subir la hausse prévisible des charges. Dans les régions comme la mienne, il en résulterait une sorte de désertification des territoires ruraux, abandonnés à la friche.
En commission, M. le ministre m’a assuré être très attentif à cette réforme…
M. Didier Guillaume. Il l’est !
M. Roland Courteau. … et soucieux d’en éviter d’éventuels effets néfastes ; ce sont ses propres termes. Je pense qu’il est encore temps d’entendre les professionnels des régions les plus concernées.
Le Gouvernement s’est aussi engagé pour obtenir des instances européennes le rétablissement des aides aux moûts concentrés, qu’elles ont commis la faute de supprimer en 2008. Il s’agit, ni plus ni moins, d’une question d’équité.
Monsieur le ministre, face aux conséquences désastreuses de l’orage de grêle qui a détruit 15 000 hectares dans l’Aude au mois de juillet dernier, vous avez été prompt à rassurer la profession en annonçant des premières mesures d’urgence. Je vous en remercie.
Lors du vote par le conseil d’administration de la mutuelle sociale agricole de la répartition de l’enveloppe de prise en charge des cotisations sociales, les besoins exprimés par les viticulteurs de l’Aude ont été pris en compte. Ainsi, 2,5 millions d’euros ont été débloqués en leur faveur.
Monsieur le ministre, vous aviez pris devant moi un engagement personnel : les besoins seraient satisfaits. Vous avez tenu parole, et je vous en remercie.
Ces considérations m’amènent à aborder l’assurance récolte pour les filières spécialisées, comme la viticulture. Où en sommes-nous du déploiement d’un contrat socle, c’est-à-dire d’une assurance de base plus large d’utilisation ?
Vous n’en serez pas étonné, je suis opposé à la suppression des exonérations de cotisations salariales liées au « contrat vendanges ».
Enfin, je souhaite insister sur les conséquences des récentes inondations que nous avons subies en Languedoc-Roussillon. D’importants dégâts sont à déplorer dans la viticulture, le maraîchage et l’arboriculture, mais aussi sur les semis de céréales.
Le budget que vous présentez est en totale cohérence avec les orientations de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui inscrit notre politique agricole dans la dynamique de l’efficacité économique et écologique, en aidant les filières à s’adapter à l’agroécologie.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre engagement constant à défendre les intérêts du monde agricole ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Didier Guillaume. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plusieurs années que l’on dresse à cette tribune le constat des difficultés rencontrées par l’agriculture et les secteurs associés. Or, force est de le constater, malgré les textes successifs, la situation des agriculteurs ne s’est pas améliorée. Chaque débat législatif ou budgétaire doit être l’occasion de le rappeler.
En vingt ans, le nombre d’exploitations agricoles a baissé de plus de moitié. Ce sont les petites et moyennes structures des territoires ruraux, déjà fragiles, qui en ont le plus souffert. Le secteur agricole a été touché par les crises et par la mondialisation, dans le contexte d’une concurrence grandissante de pays émergents, mais aussi de certains de nos voisins européens.
Au niveau de l’Union européenne, la politique de surcontribution de la PAC aux économies budgétaires pour les années 2014 à 2020 va largement amputer les capacités d’action au bénéfice du monde agricole européen. Comme les rapporteurs spéciaux le soulignent justement, nous assistons à un « lent déclin budgétaire de la première politique commune de l’Europe ».
La situation internationale est aussi facteur de tensions. Ainsi, sur fond de crise en Ukraine, la Russie a décrété à l’égard de l’Union européenne un embargo lourd de conséquences. Il fait chuter, entre autres, les cours du porc, des pommes ou du lait, en pénalisant nos régions exportatrices – mon département en fait partie – et contraint à mobiliser de précieuses ressources pour amortir le choc, en puisant notamment dans la réserve de crise de l'Union européenne, qui, cela vient d'être dit, est presque épuisée.
Pour en revenir à la France, notre modèle agricole a eu tendance à sacrifier le secteur primaire – les producteurs – au profit du secteur tertiaire – les services agricoles, financés par les premiers. À terme, le modèle économique est difficilement tenable. Notre politique agricole et nos orientations budgétaires doivent prendre en compte cette réalité.
La question des charges, de la pression fiscale et des normes se pose aussi. La suppression de certains régimes d’exonération de cotisations sociales n’est pas une bonne nouvelle pour les métiers agricoles à haute intensité de main-d’œuvre. Là encore, le revenu disponible est atteint.
Le Sénat vient de mettre en place un groupe de travail sur les normes en matière agricole et, dans ce contexte, il faut s’en féliciter.
Parmi les autres contraintes, je pense à l’urbanisme dans les zones agricoles, où l’habitat dispersé est souvent la règle. La loi ALUR – pour l'accès au logement et un urbanisme rénové – a été une source de rigidité supplémentaire et, malgré quelques avancées contenues dans la loi d’avenir pour l’agriculture, les annexes des bâtiments demeurent interdites. Or les territoires ruraux sont vivants, et leurs habitants doivent pouvoir entretenir et faire évoluer leur habitat sans contraintes excessives ; cette discussion budgétaire est aussi l’occasion de le rappeler.
La suppression des quotas laitiers – outil de régulation du marché du lait en Europe – programmée pour 2015 inquiète les producteurs français, compte tenu du risque accru de surproduction et de baisse des prix. Déjà, depuis deux mois, les prix chutent. Des mécanismes de prévention et de régulation sont nécessaires, sauf à ce que nous changions de modèle ; ce serait alors un autre débat !
Trop de sujétions pèsent sur le monde agricole hexagonal, notamment par rapport à certains de nos voisins européens. Par conséquent, beaucoup reste à faire, en particulier, en matière d’harmonisation fiscale et sociale. La France doit rester à la pointe de ce combat.
Un autre moyen d’accroître les revenus des agriculteurs consiste à valoriser certaines productions et à les attacher à leur terroir. C’est tout le principe des produits sous signes de qualité, comme les AOC. Ainsi, dans mon département du Calvados, comme dans d’autres, les produits sous signes de qualité font la fierté des producteurs…