M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Si !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. L’argument juridique ne me paraît donc pas très convaincant.
Le « contrat vendanges » apporte une solution globale fondée sur l’exonération partielle des charges sociales et sur la possibilité de recruter des salariés du secteur public ou du secteur privé en congés. Au demeurant, à l’instar des étudiants, les salariés concernés ne viennent pas chercher de prestations auprès de la mutualité sociale agricole, la MSA. En d’autres termes, le « contrat vendanges », qui relève d’une situation particulière, mérite un traitement particulier.
La suppression de l’exonération risque aussi de créer des complications administratives. Au final, la remise en cause des avantages liés à ce contrat est un très mauvais signal pour la filière viticole et les vendangeurs occasionnels. Nous proposerons donc un amendement tendant au maintien du régime actuel.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2015.
Je terminerai par une remarque sur l’organisation de nos travaux. Il n’est pas normal que des questions cribles thématiques – il y en avait cet après-midi – soient inscrites à l’ordre du jour du Sénat pendant l’examen du projet de loi de finances. (M. Gérard Longuet applaudit.) Je souhaite qu’il en soit fait part à M. le président du Sénat. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Mon cher collègue, il s’agit d’une obligation constitutionnelle : « Une séance par semaine au moins […] est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. »
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Mes chers collègues, ce matin, nous avons fait le maximum pour que l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » puisse débuter à l’heure prévue.
Je demande aux différents orateurs de respecter leur temps de parole, car nous devrons ensuite examiner les crédits d’une autre mission.
Si nous ne parvenions pas à achever aujourd'hui l’examen des articles rattachés aux crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », je vous proposerais de le reporter à samedi, comme nous l’avons fait pour d’autres missions. Mais cela ne devrait pas être nécessaire si chacun fait un effort.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. le président. J’invite à mon tour les différents orateurs qui vont se succéder à la tribune à faire preuve de concision.
La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai successivement la forêt, le développement rural, le rôle des chambres d’agriculture et les normes.
Les crédits de la forêt pour 2015 sont en forte diminution. Le soutien exceptionnel de l’État dont bénéficie depuis trois ans l’Office national des forêts, l’ONF, est raboté de 22 millions d’euros en 2015, ce qui ne permettra pas à l’établissement de retrouver rapidement des marges de manœuvre financières. Il ne faudrait pas que la renégociation à venir du contrat d’objectifs et de performance aboutisse à de nouvelles saignées dans les effectifs. L’ONF a déjà perdu 20 % de ses agents en quinze ans. Toute nouvelle baisse se traduirait par un affaiblissement insupportable de l’Office.
Le Centre national de la propriété forestière, le CNPF, devra vivre sur ses réserves en 2015, puisque sa subvention est supprimée. La forêt privée est donc, elle aussi, mise à contribution. Le Fonds stratégique de la forêt et du bois, qui devait être un outil financier de relance de l’exploitation forestière et d’appui à l’investissement dans la filière, voit sa dotation budgétaire, déjà faible, baisser de près de 3 millions d’euros.
Selon les estimations des professionnels, il faudrait 150 millions d’euros de ressources annuelles pour une relance économique de la filière bois. Les crédits budgétaires et les taxes affectées, comme la taxe de défrichement, permettront péniblement d’atteindre 45 millions d’euros. Avec une telle ambition sans moyens, il sera plus difficile d’atteindre les objectifs, alors que le secteur d’activités présente enfin des perspectives économiques extrêmement intéressantes.
En matière de développement agricole et rural, nous disposons d’un outil dédié : le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », le fameux CASDAR. Alimenté par une taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, il sert à financer les actions des chambres d’agriculture et des instituts techniques agricoles. C’est un instrument de soutien à la diffusion du progrès technique et des innovations.
On pourrait se réjouir de l’augmentation du budget de ce compte, qui est passé en deux ans de 110 millions d’euros à plus de 147 millions d'euros. Mais cette hausse, due en 2014 à une réévaluation des recettes compte tenu de la meilleure conjoncture agricole, et pour 2015 à l’attribution au CASDAR de 100 % du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, est largement en trompe-l’œil. En réalité, le CASDAR est utilisé depuis deux ans pour prendre en charge des dépenses que le budget de l’État ne peut plus assumer. Avec 10 millions d’euros en 2014, puis 28 millions d’euros de plus en 2015, ce sont au total 38 millions d’euros que le CASDAR versera à FranceAgriMer pour lui permettre de mener sa politique d’orientation des filières, alors que la dotation cet établissement provenait auparavant du programme 154.
Une telle évolution est inquiétante. Si la conjoncture agricole, dont dépend le produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, est mauvaise, les recettes du CASDAR baisseront, et la capacité de FranceAgriMer à remplir ses missions sera altérée. La débudgétisation des dépenses de FranceAgriMer est une astuce pour tenir un objectif de solde budgétaire, mais pas une solution de long terme. Pour répondre à des nécessités de développement sans cesse affirmées, on propose des ressources financières extrêmement fragiles et non pérennes. Nous condamnons cette pratique budgétaire.
Le projet de budget pour 2015 programme la mise au régime sec des chambres d’agriculture. Le débat a eu lieu lors de l’examen de la première partie, mais il n’est pas inutile d’y revenir. Les chambres, nous le savons tous, jouent un rôle essentiel d’animation des territoires. En matière d’installation, de mise en œuvre du plan Écophyto, d’application du verdissement de la politique agricole commune, la PAC, et de conseil technique et économique – de conseil universel, en fait – aux agriculteurs, elles jouent un rôle moteur. Casser un tel outil serait une grave erreur. Cela compromettrait la réussite de la transition vers l’agroécologie voulue par M. le ministre.
Au demeurant, les ressources des chambres d’agriculture proviennent des cotisations des agriculteurs et propriétaires, à travers la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. J’espère que le bon sens l’emportera à l’issue de la navette et que les chambres d’agriculture conserveront les 297 millions d’euros de recettes annuelles permises par la taxe ; elles en ont besoin pour fonctionner.
Je voudrais également évoquer les normes. Les agriculteurs croulent sous une réglementation complexe et contraignante. La directive « nitrates » préoccupe actuellement nos campagnes. Certes, la France a été condamnée par la justice européenne ; elle doit faire le maximum pour éviter de lourdes pénalités. Mais la mise en conformité ne doit pas se faire au prix de la disparition de l’élevage dans nos campagnes.
La définition des zones vulnérables, où s’applique la réglementation « nitrates », est trop extensive. Le seuil de 18 milligrammes par litre est contesté ; ses bases scientifiques sont extrêmement fragiles. Par ailleurs, l’interdiction de l’épandage doit faire l’objet d’aménagements : les blocages actuels sur l’interdiction des épandages sur les terrains en pente, la nécessité de disposer d’aires immenses de stockage et les périodes d’épandage sont parfois incompréhensibles et insoutenables pour les agriculteurs.
Tous les départements de France nous alertent. La mise aux normes des bâtiments d’élevage et l’insuffisance des crédits qui y sont destinés provoquent chaque jour plusieurs arrêts ou diminutions de production. Je regrette qu’aucun moyen significatif ne soit mobilisé en faveur des bâtiments d’élevage dans ce projet de loi de finances.
Le Gouvernement doit soutenir une écologie qui ne soit pas une écologie punitive. Les agriculteurs attendent de véritables solutions en la matière pour pouvoir continuer à exercer leur métier. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, rapporteur pour avis.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité sanitaire de l’alimentation est une impérieuse nécessité, pour la santé des consommateurs, mais aussi pour l’économie de la filière alimentaire.
Le haut niveau de sécurité alimentaire que nous connaissons en France constitue un atout ; sachons le préserver. Le projet de loi de finances pour 2015 confirme la priorité accordée à la sécurité sanitaire en maintenant les crédits du programme 206, dont je suis rapporteur, à un peu plus de 500 millions d’euros. Je m’inscris donc en faux contre les propos du rapporteur spécial Alain Houpert. En effet, 500 millions d'euros, ce n’est pas "cher payé" pour garantir la sécurité sanitaire de l’alimentation !
La réduction constante des effectifs des services vétérinaires, en application de la révision générale des politiques publiques, répondait à une logique budgétaire de court terme, mais elle mettait en danger l’excellence sanitaire française. Deux rapports récents ont permis de tirer la sonnette d’alarme.
D’une part, dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes a porté un jugement sévère sur l’insuffisance des contrôles du ministère de l’agriculture sur la période 2009-2012. Les établissements de remise directe, c’est-à-dire les restaurants et grandes surfaces, ne sont susceptibles de recevoir la visite des services de contrôle de l’État que tous les dix ans à douze ans. Le suivi des contrôles est également critiqué.
D’autre part, un rapport d’audit, plus technique, de l’Office alimentaire et vétérinaire européen fustige la faiblesse des contrôles dans les abattoirs de volaille.
Le budget 2015 apporte des réponses concrètes à ces critiques. Il programme le doublement en trois ans des moyens de la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires, afin de lutter contre les fraudes alimentaires. Il prévoit également la création de soixante postes pour les services vétérinaires dans les abattoirs de volaille.
Ce budget confirme également l’engagement du Gouvernement dans la lutte contre l’antibiorésistance. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt contenait plusieurs dispositions novatrices. Je pense à l’interdiction des antibiotiques d’importance critique dans les plans sanitaires d’élevage, à l’encadrement des pratiques commerciales ou encore à la mise en place d’un suivi des consommations d’antibiotiques. Deux millions d’euros seront affectés l’année prochaine au plan Écoantibio, qui commence à produire ses effets.
La sécurité sanitaire passe aussi par l’évaluation des risques. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, dispose d’une expertise reconnue, fondée sur la pluridisciplinarité. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt lui a transféré le pouvoir de délivrer des autorisations de mise sur le marché pour les produits phytopharmaceutiques. Le budget 2015 prend bien en compte cette nouvelle mission, en transférant les dix postes correspondants à l’Agence depuis le ministère de l’agriculture.
Surtout, le budget règle la question des recrutements temporaires de l’ANSES pour faire face aux pics d’activité. Financés sur ressources propres provenant de redevances perçues par l’Agence, les recrutements seront désormais autorisés. Ils permettront d’accélérer le traitement des dossiers, afin que celle-ci conserve sa place d’agence de référence reconnue en Europe.
Je me réjouis donc du choix politique fait par le Gouvernement de ne pas désarmer, bien au contraire, notre appareil de sécurité sanitaire.
Je salue un autre choix politique très fort, celui d’une redistribution des cartes dans l’agriculture en faveur des petites exploitations, de l’emploi et de l’élevage. Le texte prévoit ainsi une revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN. Au final, plus d’un milliard d’euros, soit 300 millions d'euros de plus qu’actuellement, seront versés chaque année pour l’élevage dans les zones de montagne et les zones défavorisées. En outre, dans la mise en œuvre de la PAC, le texte favorise les petites exploitations, en instaurant des droits majorés pour les premiers hectares, et préserve les filières animales, en conservant les aides couplées aux vaches allaitantes.
La priorité accordée à l’élevage se traduit aussi par l’engagement de l’État et des régions, ces dernières étant désormais chargées de gérer le deuxième pilier de la PAC, dans le cadre du plan pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations agricoles 2014-2020, annoncé au sommet de Cournon-d’Auvergne en octobre 2013 par le Président de la République. Ainsi, 200 millions d’euros par an y seront consacrés. Cela doit se traduire par de nouveaux investissements dans l’élevage.
Les éleveurs, qu’ils soient dans le secteur du lait ou dans celui de la viande, ne disposent pas des revenus les plus élevés du monde agricole. Pourtant, ils assurent l’occupation du territoire et contribuent à la mise en valeur des zones agricoles souvent les plus défavorisées. Il est donc légitime de réorienter les soutiens publics en leur faveur. Cette réorientation est d’ailleurs conditionnée à des changements de pratiques. Les éleveurs doivent eux aussi aller vers l’agroécologie – vous y insistez souvent, monsieur le ministre – et mettre en œuvre le verdissement de la PAC.
Le budget 2015 est donc un bon budget, au service d’une bonne politique agricole, qu’il faut poursuivre pour atteindre un niveau élevé de performance économique, sociale et environnementale dans un contexte de haut niveau de sécurité sanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous souscrivions pour une large part aux grands objectifs affichés lors du récent débat sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Hélas ! La lecture des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » montre que le compte n’y est pas. Les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions pour une véritable politique alimentaire et une réelle orientation en faveur de l’agroécologie.
Comment peut-on assurer une production de qualité sur tous les territoires et un revenu digne aux agriculteurs, objectifs prioritaires de la politique agricole, sans mobiliser les moyens adaptés ?
Les crédits de la mission connaissent une baisse de 4 %, pour la cinquième année consécutive. Certes, une part importante de la baisse des crédits nationaux en 2015 est compensée par l’évolution des crédits communautaires. Mais ceux-ci sont également en diminution.
Malheureusement, si, en mathématiques, moins par moins, cela fait plus, dans le cas présent, l’évolution européenne du budget entraîne pour notre pays une perte d’environ 5 % des aides de premier pilier et de 3 % sur le deuxième pilier.
M. François Patriat. La PAC a été très bien défendue !
M. Michel Le Scouarnec. L’agriculture doit conserver, et même accroître son rôle dans l’aménagement et le développement des territoires. Le renforcement des services publics, des commerces de proximité et de l’emploi est également un enjeu important pour la revitalisation des zones rurales. Aujourd’hui comme hier, il ne suffit pas de proclamer les vertus de la ruralité ; encore faut-il la faire vivre !
De plus, les modes de production agricole doivent nécessairement être diversifiés et permettre la sauvegarde des petits et moyens exploitants familiaux. Il s’agit également de développer des modes d’exploitation durable en privilégiant les plus économes en pesticides et les plus respectueux de la biodiversité et des ressources naturelles.
M. Joël Labbé. Très bien !
M. Michel Le Scouarnec. N’oublions pas le bien-être animal. Les vaches sont mieux dans les prairies à paître l’herbe grasse plutôt qu’attachées du matin au soir dans d’immenses étables !
La nouvelle PAC sera dépourvue de mécanismes efficaces de régulation. Ses effets seront variables selon les productions et les territoires, mais ils ne seront globalement pas à la hauteur des enjeux sociaux, alimentaires et environnementaux. Selon de nombreux observateurs, le verdissement promis est devenu un simple procédé de communication en vue de se donner une image écologique responsable. Sauf pour les compétences transmises aux États, la PAC reste avant tout un outil de l’économie de marché et de la mondialisation. Elle laisse libre cours à la dérégulation, à la fin des quotas et à la spéculation alimentaire.
Et ce ne sont pas les accords transatlantiques en cours de négociation qui vont arranger les choses pour l’agriculture française ; bien au contraire !
Certes, nous devons reconnaître que la plupart des enveloppes au service de l’installation, de la compétitivité, de la sécurité sanitaire, de la forêt ou encore de la prise en charge des frais de fonctionnement des opérateurs sont reconduites.
Je tenais également à saluer l’effort budgétaire à l’appui du renouvellement et de la modernisation des exploitations agricoles. Par exemple, la dotation pour les jeunes agriculteurs augmente de 5 millions d’euros, passant de 21 millions d’euros à 26 millions d’euros. C’était un point fort de la loi agricole que nous avons votée au mois de juillet dernier.
De même, nous nous félicitons du maintien du Fonds d’incitation et de communication pour l’installation en agriculture.
Cependant, le Gouvernement utilisera seulement 1 % du budget du premier pilier. Or il lui était possible d’aller jusqu’à 2 %, ce qui aurait été la marque d’un vrai engagement en faveur de l’installation des nouveaux agriculteurs.
Chaque année, environ 16 000 exploitations agricoles ne trouvent pas de repreneur. Entre 2000 et 2010, notre territoire a perdu 25 % de ses agriculteurs.
D’une part, beaucoup de jeunes exploitants, près de 2 000 chaque année, seront exclus de cette aide, à cause de critères restrictifs. D’autre part, comme cela a été souligné, sur les 13 000 installations constatées chaque année, un peu moins de 60 % sont éligibles au dispositif d’aide réservé aux moins de quarante ans. Nous avions pourtant soulevé la question lors du débat législatif sur l’agriculture et pointé la nécessité d’étendre le dispositif non seulement aux jeunes, mais également à tous les nouveaux agriculteurs.
J’en viens au service public de la sécurité alimentaire. Le Gouvernement mène une politique d’austérité, et ce projet de loi de finances l’illustre.
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Mais non !
M. Michel Le Scouarnec. Les restructurations des services du ministère de l’agriculture et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne sont pas remises en cause. L’alimentation, la sécurité alimentaire et la traçabilité auraient dû être des axes essentiels de la loi, notamment s’agissant des fraudes.
Or il n’y a pas suffisamment de moyens humains et financiers pour les services chargés des différents contrôles réglementaires et sanitaires. L’externalisation des services de contrôle de l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, pour les appellations d’origine contrôlée, les AOC, en témoigne.
Que dire également du financement des chambres d’agriculture, avec la création d’un Fonds national de solidarité et de péréquation et la baisse concomitante de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti, qui passe de 297 millions d’euros à 282 millions d’euros ? Depuis de nombreuses années, ces organismes consulaires ont observé un plafonnement en valeur de leurs recettes fiscales, alors qu’ils doivent assurer de nouvelles missions déléguées par l’État.
L’objectif du développement durable de la forêt est mis en avant. Mais cela ne peut se concrétiser qu’en réaffirmant les principes d’une gestion multifonctionnelle mise à mal depuis plusieurs années. Il faut donc un véritable réengagement de l’État et l’arrêt de la privatisation rampante de l’ONF.
Or le financement du régime forestier est régulièrement remis en cause, l’État cherchant à se désengager en faisant supporter les coûts à d’autres acteurs.
Les crédits du programme 149, qui définissent la politique nationale en matière de forêt et de filière bois, sont en baisse de 15 % par rapport à 2014, ce qui ne permet ni d’apporter une réponse adéquate à l’exploitation de nos forêts en accord avec les besoins économiques, sociaux et culturels ni de renouveler durablement cette ressource.
L’ONF est asphyxié financièrement. Il subit une baisse drastique de ses crédits.
Et la subvention du Centre national de la propriété forestière est réduite à zéro, contre 16 millions en 2014.
Pourtant, la création, la même année, du Fonds stratégique de la forêt et du bois, et les enjeux soulevés lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt constituaient des signaux encourageants. Aussi, nous nous étonnons de la contradiction entre ces diminutions de crédits et les louables objectifs annoncés.
Le régime forestier assure une péréquation financière entre les régions où l’exploitation forestière est rentable et celles qui sont dotées de grandes forêts peu productives. Or son financement continue d’être remis en cause.
Le projet initial prévoyait d’augmenter les taxes à l’hectare payées par les communes à l’ONF, afin d’économiser 50 millions d’euros sur trois ans. Pour apporter des garanties face à l’indignation provoquée par cette proposition, il a été demandé à l’Office de prendre à sa charge une baisse de dotations de 20 millions d’euros. Cette solution est très loin d’être satisfaisante!
De plus, l’ONF a perdu presque 20 % de ses effectifs depuis quinze ans. Il lui est pourtant encore demandé de supprimer 150 équivalents temps plein par an. Ce n’est ni raisonnable ni acceptable au vu de la souffrance dans laquelle se trouve son personnel.
Ce budget est loin des 150 millions d’euros par an qui sont nécessaires à la relance de la filière bois. À l’heure de la transition énergétique, il faut encourager non seulement le développement des chaudières biomasse ou à bois, mais aussi l’exploitation du bois produit en France, ce qui favorise les filières courtes.
Monsieur le ministre, les crédits proposés sont insuffisants pour financer la modernisation de la filière bois que vous appelez pourtant de vos vœux. C’est surprenant ! L’État s’apprête à apporter 70 millions d’euros par an pendant vingt ans au projet d’E.ON à Gardanne, projet privé allemand de centrale biomasse dont la validité économique, et surtout écologique est loin d’être démontrée.
Dans le contexte actuel, nous attendions plus de ce budget. La gestion de la forêt va constituer un enjeu majeur pour notre société. Elle est déjà exposée aux convoitises et aux spéculations, et elle perd malheureusement tous les arbitrages face aux lobbies financiers, industriels ou immobiliers. La gestion de la forêt publique doit rester exemplaire, le régime forestier ayant montré depuis plus de deux siècles son efficacité face aux pressions des intérêts du court terme.
Vous l’aurez compris, même si nous soulignons certaines avancées, nous affirmons que notre politique agricole et forestière mérite une ambition porteuse de plus d’espoir pour nos exploitants.
Il n’y a qu’une marche à franchir. Malheureusement, ce budget ne le permet pas aujourd’hui. C’est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (M. Didier Guillaume applaudit.)
Mme Catherine Procaccia. M. Guillaume applaudit le fait de ne pas voter les crédits de la mission ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous avons été privés depuis trois ans du débat budgétaire sur l’agriculture pour les raisons que nous connaissons tous, nous avons cependant eu l’heureuse occasion d’examiner les questions agricoles cette année. Nous avons définitivement adopté le projet de loi d’avenir pour agriculture, l’alimentation et la forêt l’été dernier, d’ailleurs dans un excellent état d'esprit.
Ce texte, tourné vers la promotion de l’agroécologie, a envoyé un signal fort en direction du monde agricole, dont le rôle et la compétitivité ont besoin d’être encouragés.
Je pense en particulier à certaines filières, comme celle des fruits et légumes, souvent fragilisées par des aléas, qu’ils soient climatiques, sanitaires ou de marché.
Les aléas géopolitiques sont un nouveau facteur. En effet, le problème ukrainien a déclenché un embargo sur les produits agroalimentaires, dont les agriculteurs du Tarn-et-Garonne, entre autres, mesurent malheureusement les très graves conséquences.
À l’instar de plusieurs de mes collègues, je me suis inquiété de cette problématique auprès de vous, monsieur le ministre. L’Europe a mobilisé des fonds pour aider les agriculteurs dans cette crise, mais il serait souhaitable de ne pas mobiliser exclusivement la PAC. Nous devrions faire appel à un autre financement solidaire de l’Union européenne. À l’origine, il s’agit non pas d’une crise agricole, mais d’un conflit politique.
On ne le répétera jamais assez : le secteur agricole est un secteur clé de notre économie, très pourvoyeur en emplois directs et induits. Il convient donc de le soutenir avec volontarisme. Élu d’un département rural, je suis toujours avec intérêt l’évolution des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Comme beaucoup d’autres missions, celle qui nous occupe aujourd’hui participe à l’évidence à l’effort de redressement des finances publiques et s’inscrit sincèrement dans la programmation pluriannuelle. Ainsi, on constate une baisse de 4,1 % de ses moyens, ce qui est assez sensible. Il est vrai que la hausse du cofinancement européen compense environ les trois quarts de la diminution des crédits nationaux, grâce à la régionalisation des programmes de développement rural du deuxième pilier.
La France récupère 9,1 milliards d’euros de financement communautaire, ce qui est positif. Mais attention à ne pas créer de déséquilibre encore plus important entre les financements nationaux et les financements communautaires. Nous devons préserver un certain libre arbitre quant à nos choix d’intervention. À cet égard, je rappellerai les manifestations d’agriculteurs du 5 novembre dernier au sujet de la terrible directive « nitrates ». Si nos engagements européens nous obligent, il nous faut aussi conserver une certaine souveraineté quant à l’application sur le terrain des règlements européens.
Néanmoins, monsieur le ministre, je dois reconnaître que vous n’avez pas ménagé vos efforts pour préserver au mieux les intérêts des agriculteurs français dans le cadre des négociations de la PAC 2014-2020. En effet, certains soutiens ont été réorientés vers ceux qui en ont le plus besoin ; je m’en réjouis, comme nombre de mes collègues. On peut reconnaître que le budget de l’agriculture pour 2015 traduit cette ambition, en particulier au sein du programme 154.
Je constate notamment qu’un effort est maintenu en faveur de l’installation des jeunes, en particulier grâce aux prêts « jeunes agriculteurs », dont le cofinancement permettra de maintenir la bonification à peu près au même niveau que l’année dernière.
Je note aussi avec satisfaction la revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels et l’intégration au sein de cette aide de la prime herbagère agroenvironnementale, ainsi qu’un renfort et une simplification au bénéfice des zones défavorisées.
La mission appuie également le plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles par une augmentation des autorisations d’engagement, sous réserve toutefois de clarifier les modalités de mise en œuvre du plan par région pour le rendre effectif, et ce au plus vite.
Malgré une impression globalement favorable sur la mission, le RDSE aura quelques amendements à défendre. Nous avons ainsi, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, fait part de nos inquiétudes sur les prélèvements opérés au détriment des chambres d’agriculture. Aussi, nous serons sans doute nombreux à intervenir pour les défendre, car elles exercent des missions de soutien et de conseil indispensables à la plupart des exploitants.
Aujourd’hui, nous ferons des propositions, par exemple pour rétablir les moyens du Fonds d’allégement des charges financières ou encore pour améliorer les conditions de prise en charge des assurances climatiques. C’est un sujet sur lequel j’ai très souvent eu l’occasion d’intervenir.
Par ailleurs, je demande une modification de la base de référence historique pour l’octroi de la prime à la vache allaitante, car l’année 2013 a été très pénalisante pour mon département, les élevages bovins ayant subi une très grave crise sanitaire.
Je le répète, les exploitants contribuent à la croissance de notre pays et à l’aménagement du territoire. À ce double titre, le secteur agricole mérite tout le soutien des pouvoirs publics. L’agriculture française doit impérativement demeurer variée et performante. Elle a aussi un rôle clé à jouer dans le contexte du défi alimentaire mondial, auquel répond déjà une agro-industrie très développée et très agressive dans d’autres pays. Mais il s’agit d’un autre débat ; nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.
Le groupe RDSE, qui soutient le présent projet de budget, sera attentif aux améliorations qui pourront y être apportées. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)