M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Tout est dans le « plutôt » !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais il faut d’abord en passer par le débat budgétaire, et nous y sommes !
Troisièmement, concernant l’accession sociale, je partage votre avis, monsieur Dallier, sur le PTZ rallongé. J’ai déposé des amendements sur cette question, et je regrette de ne pas avoir été entendue par Bercy. Vous avez raison, nous aurions pu agir plus tôt !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Merci !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’en arrive enfin au logement social. N’exagérons pas ! Vous faites comme s’il ne s’était rien passé ! Je passe sur la loi SRU, le foncier public… À cet égard, madame la ministre, pourriez-vous nous dire où en est la mission de M. Repentin ? Là aussi, il serait peut-être temps d’accélérer les choses. Du temps où la droite était au pouvoir, la TVA était à 7 %, elle est aujourd’hui à 5,5 %. De plus, le prélèvement sur les organismes a été supprimé, ce qui permet une mutualisation des moyens au sein du mouvement HLM. Jean-Marc Ayrault a pu signer un pacte et Manuel Valls arrêter un calendrier…
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Alors pourquoi produit-on moins ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Aujourd’hui, le blocage majeur pour faire du logement social dans ce pays, c’est le foncier, ce sont les maires. Avec les changements à la tête des municipalités, 20 000 logements sociaux programmés ne seront pas réalisés. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. David Rachline. Bah voyons !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Après Bercy, ce sont les maires qui vous servent de boucs émissaires !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est la vérité ! Les bailleurs sociaux, qui sont très liés au 1 % logement, ne disent pas autre chose. Demandez à M. Baffy, ancien président de la fédération française du bâtiment et aujourd’hui à la tête de la fédération nationale des entreprises sociales pour l’habitat, il vous parlera des masses de logements sociaux bloqués en raison des maires qui n’en veulent plus ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Chiron. Eh oui !
M. Charles Revet. Ils demandent et attendent des subventions !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dans le temps qui m’est imparti, je voudrais vous dire, madame la ministre, que je peux comprendre la baisse temporaire des aides à la pierre en raison de ces 20 000 logements bloqués. Toutefois, je le dis tout net, l’engagement du Président de la République de doubler les aides à la pierre doit être tenu d’ici à la fin de son mandat.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Doubler ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et ce n’est pas le prélèvement sur la CGLLS pour financer le logement social qui se substituera à l’aide à la pierre promise, indispensable à la réussite de notre politique de logement social !
Des aides aux maires bâtisseurs ont été promises. Là aussi, nous attendons des éléments d’information.
Madame la ministre, si déjà tout ce qui a été promis était bel et bien mis en œuvre…
M. Michel Savin. Ça…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et si nous pouvions vous aider à éviter que Bercy ne bride votre action, nous sommes sûrs que vous réussiriez. Nous approuverons votre budget, car nous avons confiance en votre détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Organisation des travaux
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis désolée de devoir vous ramener à quelque chose d’aussi terre à terre que le déroulement de nos travaux.
Nous avons à examiner ce soir les crédits de la mission « Défense », et il est indispensable de ne pas commencer trop tard. Aussi, je vous propose de mettre aux voix l’amendement du Gouvernement et les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », puis de reporter l’examen des articles 52, 53 et 54 à samedi, après ceux qui ont déjà été reportés concernant les collectivités territoriales.
Il s’agit, à mon sens, de la seule proposition réaliste si nous ne voulons pas décaler l’examen des crédits de la mission « Défense » et des autres missions. J’espère qu’elle recevra l’assentiment de tous.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette proposition de la commission des finances ?
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Le Gouvernement y est favorable.
M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La discussion des articles rattachés à la mission « Égalité des territoires et logement » se poursuivra donc samedi 6 décembre après-midi, à la suite de l’examen des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Égalité des territoires et logement (suite)
M. le président. Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ».
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, notre pays, cela a été dit par de nombreux intervenants, est confronté à une crise du logement sans précédent. Le nombre de demandeurs ou de mal-logés augmente chaque année, alors que, dans le même temps, la mise en chantier de nouveaux logements diminue. Sans doute la situation à laquelle sont confrontées un grand nombre de familles les fait hésiter à s’engager dans un projet immobilier. Mais il faut probablement aller plus loin dans l’analyse pour comprendre le pourquoi de cet état de fait.
Il est clair que la situation économique de notre pays, l’augmentation du chômage ou la crainte pour de nombreuses personnes de perdre leur emploi obligent à une certaine prudence, que l’on peut concevoir. D’autres paramètres contribuent néanmoins aux hésitations et à l’attentisme de nombre de nos concitoyens.
Durant tout mon parcours d’élu, en tant que maire en particulier, j’ai développé la construction de logements, en accession à la propriété ou en locatif. J’en fais un constat que je résumerai par quelques chiffres, qu’il s’agit d’analyser pour mieux saisir les évolutions et la situation que nous connaissons aujourd’hui. Ma petite commune, qui ne comptait que 284 habitants à l’origine, en accueille aujourd’hui plus de 1 500. Les premiers à s’y installer dans les années 1970 ont pu devenir propriétaires grâce aux mécanismes d’accession à la propriété pour moins de 100 000 francs, soit environ 15 000 euros. Il y a vingt ans, pour avoir le même logement, il fallait compter 100 000 euros. Aujourd’hui, il faut la même somme pour le seul terrain, ce qui, bien sûr, fait réfléchir et hésiter.
Vu autrement, la moitié des familles à situation professionnelle identique et à revenu comparable – en valeur actualisée – qui s’engageaient dans cette voie il y a vingt ans n’osent plus le faire aujourd’hui. L’expliquer est relativement simple. Depuis quelques années, toutes les communes ont l’obligation d’être dotées d’un document d’urbanisme, ce qui, en soi, est bien normal. Les lourdeurs des procédures et les dossiers à remplir font néanmoins que quatre à cinq ans sont parfois nécessaires pour finaliser le projet. Cela peut même être plus long, surtout s’il y a des situations particulières, comme la présence de bâtiments classés ou de sites protégés. Il faut y ajouter les obligations développées dans les schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, concernant l’utilisation du foncier.
Toutes ces contraintes s’additionnent ; elles entraînent la raréfaction des terrains à bâtir. La rareté faisant la cherté, le prix du foncier constructible s’est envolé. Des opérations de constructions d’ensembles de logements, réalisées par des organismes d’HLM, pouvaient hier être équilibrées sans financement extérieur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ; ces mêmes organismes doivent faire appel aux collectivités territoriales, elles-mêmes déjà en difficulté.
Il faut encore ajouter, tant pour les particuliers que les constructeurs publics ou privés, l’empilement des réglementations et des normes, de plus en plus contraignantes. Le Gouvernement a fait de la simplification des procédures une priorité ; s’il est un domaine où c’est une nécessité, c’est bien l’urbanisme et le logement ! La simplification permettrait probablement la relance de la construction, qui en a grand besoin, avec les conséquences qui en découleraient pour l’emploi.
Une disposition en vigueur il y a quelques années, la procédure de révision simplifiée, se montrait, de ce point de vue, très utile. Elle avait même permis la relance de la construction et constituait en cela une avancée. Il serait peut-être intéressant de réfléchir à sa réactivation, madame le ministre, ne serait-ce que pour une période déterminée.
Lorsqu’on parle urbanisme et surfaces disponibles pour la construction, deux notions sont immédiatement mises en avant : la protection du foncier agricole et la protection des zones spécifiques. Il nous faut sans doute être vigilants pour répondre à ces préoccupations légitimes, mais il est possible, sans que l’effort soit très important, et sans nuire à l’activité agricole ou à la spécificité des terrains, de distraire des terrains, ce qui permettrait de dégager des emprises constructibles.
Par ailleurs, dans la plupart des communes, notamment dans les bourgs ou hameaux, des terrains délaissés ou des « dents creuses », qui n’ont plus de vocation agricole, pourraient être déclarés constructibles.
Il nous revient donc à nous, parlementaires, comme au Gouvernement, de savoir ce que nous voulons. Si le logement est réellement une priorité pour vous, madame le ministre, il faut seulement s’en donner les moyens. Le foncier est un problème majeur. Or tout semble fait pour qu’il devienne une rareté, pour que le nombre d’emprises disponibles diminue. Tout cela aboutit à la situation que nous connaissons. Il faut essayer de trouver une solution, qui peut passer par la réactivation de la mesure que j’ai évoquée, utilisée il y a quelques années, cela afin de dégager des emprises et donc de construire des logements. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les résultats de la politique menée par le Gouvernement, tout le monde le reconnaît, sont plus que mitigés. Force est de constater que le domaine du logement n’échappe pas à la règle.
La période actuelle est marquée, depuis 2011, par la baisse de la production de logements neufs, avec une perspective de 300 000 logements construits en 2014. Dès lors, l’objectif de 500 000 logements neufs par an affiché par le Président de la République ne sera, semble-t-il, jamais tenu, comme nombre de ses promesses d’ailleurs. Les mises en chantier ont ainsi diminué de 12 %, et ce ne sont pas les baisses des dotations de l’État aux collectivités territoriales, pourtant pourvoyeuses d’emploi en matière de construction, qui vont améliorer cette tendance.
Parallèlement à ces baisses annoncées, nous avions mis en garde le Gouvernement contre la loi ALUR, dont nous savions qu’elle risquait de bloquer le marché immobilier. Las, il n’a pas voulu nous entendre. Finalement, le Premier ministre lui-même a reconnu qu’il s’agissait d’une mauvaise loi. Nous voilà désormais contraints de légiférer par petites touches pour tenter de remédier à la situation. Des petites touches, il en faudra beaucoup, non seulement dans le code de la construction, mais aussi dans celui de l’urbanisme, en particulier en matière de simplification des procédures ou d’allégement des normes, que Charles Revet vient d’évoquer. Et je ne parle même pas des recours abusifs, au sujet desquels une législation encore plus serrée est souhaitable !
Comme le veut le vieil adage, « quand le bâtiment va, tout va ». Alors, pourquoi cette mission présente-t-elle des mesures qui, au fond, nous paraissent mal ficelées ?
Il faut certes souligner la révision du dispositif de prêt à taux zéro, permettant l’acquisition dans l’ancien avec travaux en zone rurale. Ce dispositif, à mon sens insuffisant, reste néanmoins un bon outil pour encourager les familles modestes à s’engager dans un projet d’accession.
Cela dit, la relance du secteur devrait reposer sur l’accession sociale à la propriété. Or l’article 52 du présent projet supprime 1 milliard d’euros d’aides aux accédants, sauf pour ceux qui verront leurs revenus chuter de 30 %. C’est totalement contre-productif. Je soutiens donc la proposition du rapporteur spécial de le supprimer, le régime actuel étant plus sécurisant. En effet, cette quasi-suppression de l’APL accession pourrait exclure du marché de nombreux emprunteurs modestes, qui n’auront plus la possibilité de trouver un financement sans cette aide, leur taux d’endettement devenant trop important.
La lutte contre l’habitat indigne est quant à elle assez maltraitée, puisque le budget qui lui est alloué accuse une baisse de presque 20 %.
Parallèlement, certains m’ont alerté sur un point qui les inquiète, semble-t-il, à juste titre : l’aide à la location de logement. L’APL augmente de façon presque automatique, ce qui provoque un phénomène de type inflationniste sur le marché de la location. Je pense en particulier aux petites surfaces en zones tendues, proposées aux étudiants notamment.
Alors que j’avais cru comprendre que le Gouvernement souhaitait se lancer dans un programme ambitieux en faveur du logement et de l’accession, les présentes mesures semblent donc tout à fait à rebours de ces annonces.
Si les articles proposés sont finalement adoptés, je doute, hélas ! que l’année 2015 voie le commencement d’une amélioration dans le secteur. Or il ne fait aucun doute que la crise de la construction d’aujourd’hui se traduira par une grave crise du logement dans quelques années ; c’est bien là le plus inquiétant.
Dans le contexte actuel de raréfaction drastique des financements publics, c’est en tant que maire, président d’un office public d’HLM et président de l’union des maires de mon département, lequel compte 816 communes, que je me fais le relais des craintes exprimées par tous les élus que je rencontre, par tous ceux avec qui j’ai échangé lors de la campagne pour les élections sénatoriales de septembre dernier, qu’ils appartiennent à l’opposition ou à la majorité. Ces préoccupations ont d’ailleurs été excellemment relayées par François Baroin, tout récemment élu président de l’Association des maires de France, que je tiens à saluer en ces lieux.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Antoine Lefèvre. Oui, mes chers collègues, nous, maires, sommes extrêmement inquiets des baisses dont vont pâtir nos territoires ruraux et périurbains, évoqués par Valérie Létard dans son intervention. Les communes sont en effet donneuses d’ordre en matière de logement et, par conséquent, des aménagements structurants induits. Le « bloc local » n’est-il pas, et de très loin, le principal vecteur de l’investissement public, représentant 80 % de la dépense ? En effet, tout ce qui relève, par exemple, de la rénovation thermique ou du programme d’accessibilité des bâtiments publics et des logements incombe en grande partie aux collectivités locales. Toutes ces opérations, même si elles représentent souvent de faibles montants unitaires, constituent au bout compte des volumes considérables, dont les entreprises du bâtiment ont un besoin vital aujourd’hui.
Enfin, madame la ministre, je le rappelle, depuis deux ans et demi que vous êtes aux affaires, et alors que les textes de loi sur la réorganisation de notre territoire se bousculent, aucune réunion du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire et d’attractivité régionale n’a été programmée, aucune politique d’aménagement du territoire n’a été lancée.
Je m’interrogeais donc sur le volet relatif à l’égalité des territoires de cette mission, quand, à l’occasion du congrès des maires de France tenu la semaine passée, le Premier ministre a fait des annonces à destination des communes rurales. Nous aurait-il enfin entendus pour ce qui concerne l’égalité des territoires ?
Il a révélé, d’abord, la tenue en janvier prochain du premier comité interministériel à l’égalité des territoires, après avoir constaté le trop grand écart entre les dotations des grandes villes et des petites communes.
Il a annoncé, ensuite, une augmentation de 200 millions d’euros de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la fameuse DTER, bien connue du monde rural, ainsi que l’établissement d’un fonds de 100 millions d’euros pour les maires bâtisseurs en zone tendue, destiné à accorder « une aide de 2 000 euros pour chaque logement permettant l’accueil de populations nouvelles ». Nous espérons que tout cela pourra se mettre en place pour 2015.
Malgré tout, madame la ministre, vous comprendrez que nous soyons circonspects sur votre budget ; nous attendons de vous non seulement des engagements, mais aussi des actes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
(M. Claude Bérit-Débat remplace M. Jean-Pierre Caffet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la mission « Égalité des territoires et logement », que nous examinons aujourd’hui, est extrêmement importante.
Elle est importante, d’abord, parce que les personnes non ou mal logées sont encore beaucoup trop nombreuses dans notre pays. La persistance de la crise et les difficultés socio-économiques qui l’accompagnent ont durablement fragilisé certains ménages. Cette précarisation a pour conséquence la dégradation de l’accès au logement, mais aussi aux soins ou à l’éducation. Dans ce contexte, la solidarité doit plus que jamais être au cœur de notre intervention. Nous savons que la pauvreté recouvre plusieurs visages ; il nous faut mobiliser un grand nombre d’outils sur notre territoire pour répondre à cet enjeu complexe.
Le sens des crédits des programmes en faveur de l’hébergement de cette mission, c’est précisément de faire reculer les inégalités d’accès au logement en actionnant plusieurs leviers.
Les aides personnelles au logement, versées à 6,5 millions de ménages, ont ainsi été revalorisées au 1er octobre, faisant progresser l’effort de solidarité du Gouvernement de 80 millions d’euros. Elles sont utiles aux familles ; elles sont justes. Elles représenteront désormais 11 milliards d’euros sur les 13 milliards d’euros du budget total de mon ministère. À ce titre, contrairement à ce que j’ai pu entendre, je précise qu’il s’agit d’un budget sincère et cohérent avec les prévisions de la Caisse nationale d’allocations familiales.
Comme vous le savez, l’une des principales évolutions de ce budget, votée lors de son examen à l’Assemblée nationale, est le report d’une année, au 1er janvier 2016, de l’entrée en vigueur de la réforme des aides à l’accession, lesquelles devraient être réorientées vers un dispositif de sécurisation des ménages, prenant la forme d’une aide versée aux propriétaires accédants connaissant une chute brutale de leurs revenus. Je sais que cette mesure, y compris son report, ne fait pas l’unanimité sur ces travées…
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Loin de là !
Mme Sylvia Pinel, ministre. … et que certains souhaitent revenir sur le large consensus qui s’est pourtant dégagé à l’Assemblée nationale. Je rappelle pourtant que les APL accession sont en perte de vitesse depuis plusieurs années et que l’élargissement du prêt à taux zéro, dont je parlerai plus tard, rendait cette réforme nécessaire.
Le report d’un an doit permettre de répondre aux demandes, que je sais nombreuses, des parlementaires des deux assemblées et de tous les groupes politiques de bénéficier d’un temps d’échanges et d’expertise sur le fonctionnement et le coût des aides personnelles au logement en général. Les députés de la commission des affaires économiques ont d’ailleurs annoncé leur volonté de créer un groupe de travail après l’examen du budget. Je ne doute pas que la Haute Assemblée se saisira également de ce sujet et qu’elle formulera des propositions, que j’étudierai avec la plus grande attention. C’est la raison pour laquelle je vous demanderai, mesdames, messieurs les sénateurs, de valider ce report.
En ce qui concerne la politique d’hébergement, je crois que vous avez tous conscience de la difficulté à gérer la progression alarmante des demandes en matière d’accès au logement et à l’hébergement. Des moyens financiers très significatifs sont pourtant dégagés pour la mise en œuvre du principe d’accueil inconditionnel des personnes sans domicile. Les crédits de la politique d’hébergement et du logement accompagné progressent par rapport à 2014. En outre, le développement du logement adapté, qui est une passerelle vers le logement, verra ses crédits pérennisés à hauteur de 200 millions d’euros, après avoir déjà connu une progression de 30 % en 2014.
Ces efforts supplémentaires prolongent la mobilisation exceptionnelle que le Gouvernement soutient depuis deux ans, dans le cadre de la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. En particulier, 7 000 places d’hébergement supplémentaires ont été pérennisées à l’année, dont 1 400 au sein des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, qui offrent des possibilités d’hébergement plus long et un suivi social renforcé. Plus de 7 000 places de logement accompagné ont également été créées.
Par ailleurs, un groupe de travail a été mis en place à la rentrée au sein de la délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, afin de réaliser les objectifs fixés par le Gouvernement.
Un certain nombre de réformes majeures ont déjà été engagées, dont la plupart aboutiront dès 2015. Parmi elles, la mise en œuvre de diagnostics territoriaux à 360 degrés : ce dispositif, que M. Tourenne a signalé, vise à identifier un nombre suffisant de places pérennes et accordées aux besoins d’un territoire donné ; il a déjà été mené à bien dans treize départements et sera étendu à l’ensemble du territoire avant la fin du premier semestre de 2015.
Quant à la réforme des services du 115, destinée à améliorer la prise en charge des personnes sans domicile, elle aura lieu elle aussi dès l’année prochaine.
De plus, un rapport sur l’opportunité d’instaurer un statut unique pour les structures d’hébergement, généralisant les missions de stabilisation et d’insertion, sera remis au Parlement au début de 2015.
Enfin, le préfet de la région d’Île-de-France, particulièrement confrontée à ces problèmes, travaille actuellement sur un plan de résorption des nuitées hôtelières, qui sera présenté très prochainement. L’intermédiation locative en sera un axe fort, car l’accès au logement doit être l’horizon de l’ensemble des politiques menées. D’ailleurs, pas plus tard qu’hier, j’ai annoncé le lancement, au début de l’année prochaine, de deux nouveaux appels à projets destinés à loger cinq cents familles via le dispositif Solibail et cent autres grâce à un dispositif expérimental d’appartements partagés.
Malgré le contexte actuel de maîtrise des dépenses publiques, et alors que tous les signaux de la grande précarité sont au rouge, jamais – je dis bien jamais – un gouvernement n’aura consacré autant de moyens à l’aide aux plus fragiles de nos concitoyens.
Reste que les efforts en matière d’accès au logement et d’hébergement seraient vains si nous ne nous attaquions pas au fond du problème, qui est le manque cruel de logements, notamment de logements abordables. Cette crise n’est pas une nouveauté ; elle n’est pas apparue en 2012. En réalité, la baisse de la construction de logements en France a commencé dès 2008.
Pour faire face à une situation devenue exceptionnelle, par son ampleur et par la gravité des conséquences qu’elle entraîne sur notre société tout entière, il était impératif de proposer des solutions exceptionnelles. Telle est la raison d’être des deux plans de relance de la construction de logements que le Premier ministre et moi-même avons présentés aux mois de juin et d’août derniers.
La présente mission est la traduction budgétaire des mesures que nous avons annoncées, destinées à relancer la construction et à soutenir l’emploi dans tous nos territoires, dans un contexte économique difficile depuis de nombreuses années.
À ceux qui reprochent à ces mesures leur coût, je réponds que certaines d’entre elles ne sont pas budgétaires. Je pense aux cinquante mesures de simplification que nous avons présentées au mois de juin, dont quarante seront applicables d’ici à la fin de l’année. Une autre série de mesures de simplification des normes et des procédures sera annoncée avant la fin de 2014.
À ceux qui mettent en cause leur efficacité, je signale qu’il est pour le moins contestable de critiquer l’efficacité de mesures que nous n’avons pas encore appliquées, souvent en se fondant sur des chiffres et des analyses qui ne tiennent compte ni des efforts consentis ni des solutions nouvelles.
À tous, je fais observer qu’il est impératif de soutenir le secteur du bâtiment, qui est nécessaire à la reprise de la croissance, et de restaurer la confiance avec les acteurs de la chaîne du logement pour, in fine, construire les logements dont nous manquons cruellement.
Oui, la politique du logement a un coût ; mais elle est destinée à nos concitoyens et au soutien de notre économie. Même en période de crise prolongée, comme aujourd’hui, l’État doit continuer à assumer des ambitions à la hauteur des besoins des Français !
Aussi, je veux réaffirmer que l’objectif de construire 150 000 logements sociaux, dont 8 000 au titre de la rénovation urbaine, est bien maintenu. Ces logements seront financés grâce aux 400 millions d’euros de crédits d’aide à la pierre, complétés par un apport d’Action Logement de plus de 1,2 milliard en 2015, par un taux de TVA réduit à 5,5 % et par la mobilisation du fonds d’épargne, ainsi que par l’aide aux maires bâtisseurs annoncée par le Premier ministre lors du congrès des maires de France.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Avec 15 millions d’euros, on n’ira pas loin !
Mme Sylvia Pinel, ministre. Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que la participation d’Action Logement à la construction de logements sociaux a suscité quelques interrogations parmi vous. Je vous précise que la convention quinquennale entre l’État et Action Logement, qui consacre le retour à la contractualisation des emplois des fonds issus de la participation des employeurs à l’effort de construction, la PEEC, a été approuvée la semaine dernière ; elle a d’ailleurs été signée hier par les dirigeants d’Action Logement, plusieurs de mes collègues membres du Gouvernement et moi-même.
Cette convention est donc le fruit d’un accord entre l’État et les partenaires sociaux, lui-même obtenu après d’importantes négociations. Elle garantit à ces partenaires une meilleure maîtrise des emplois de la PEEC, pour fournir aux salariés des entreprises cotisantes des services adaptés destinés à faciliter leur accès au logement et à favoriser leur accès à l’emploi.
Afin de préserver le modèle économique d’Action Logement, acteur essentiel de la nécessaire relance de la construction, cette convention inaugure un changement important pour le financement du logement social et de la rénovation urbaine : Action Logement pourra désormais intervenir sous la forme de subventions ou de prêts aux bailleurs en fonction des opérations.
Cette convention quinquennale fixe les grands axes de la répartition des crédits consacrés au logement social, au logement intermédiaire, au logement libre, au renouvellement urbain et aux salariés.
Ainsi, le développement du logement social et intermédiaire bénéficiera de financements à hauteur de 6 milliards d’euros d’ici à 2019, pour permettre la construction de 600 000 logements en cinq ans.
Les salariés, notamment les jeunes actifs et les salariés en mobilité ou rencontrant des difficultés d’accès à un logement ou de maintien dans un logement seront davantage accompagnés dans leur parcours résidentiel et professionnel.
Un nouveau dispositif de sécurisation locative sera mis en place en remplacement de la garantie des risques locatifs, pour sécuriser en priorité les salariés entrant dans un emploi par tout contrat de travail et accédant à un logement du parc locatif privé. Ce dispositif sera également ouvert aux jeunes salariés de moins de trente ans et aux ménages accompagnés dans le cadre d’une intermédiation locative. En outre, monsieur Requier, j’ai demandé aux partenaires sociaux de mener une réflexion au sujet des chômeurs en mobilité géographique. Ce dispositif, fruit de la négociation, prend la relève du travail important que la Haute Assemblée a accompli dans le cadre des débats sur la loi ALUR, un travail auquel M. Mézard a particulièrement contribué.
Enfin, la convention précise les modalités de financement du nouveau plan national de rénovation urbaine : les financements d’Action Logement seront composés de prêts à hauteur de 40 %, de manière à respecter l’engagement d’un financement du nouveau PNRU à hauteur de 5 milliards d’euros en équivalent subvention.
Un autre accord a été signé dont je suis satisfaite, car il apportera des solutions concrètes à nos concitoyens les plus modestes : l’agenda HLM 2015-2018, signé avec l’Union sociale pour l’habitat en septembre dernier et que Marie-Noëlle Lienemann a évoqué.
La mutualisation de 300 millions d’euros par le mouvement HLM, prévue dans cet accord, permettra la création dans les trois prochaines années de 15 000 logements très sociaux, aussi appelés « super PLAI-HLM ». Cette production s’ajoutera au programme de PLAI adaptés, dont le deuxième appel à projets a été lancé en mars dernier et qui vise à créer 2 000 « super PLAI » en 2014, puis 3 000 en 2015.
Je tiens à mentionner aussi le renforcement du prêt à taux zéro, qui permet aux locataires qui le souhaitent de devenir propriétaires. De fait, l’accès à la propriété est une aspiration très forte parmi les classes moyennes. Seulement, du fait de la fragilisation des parcours professionnels et personnels et des difficultés socio-économiques persistantes, la marche vers l’accession est devenue beaucoup trop haute pour une partie de la population.
Ce budget entérine la prolongation du prêt à taux zéro jusqu’en 2017, avec un niveau d’aides de 1 milliard d’euros pour l’ensemble des prêts signés en 2015. Nous procédons à un rééquilibrage entre les territoires et à un ciblage plus fin des bénéficiaires, ce à quoi je suis particulièrement attachée. Nous visons la signature de 80 000 prêts par an, contre 38 000 aujourd’hui.
Parce que je considère qu’il est absolument indispensable d’engager la dynamique de relance du logement dans tous nos territoires et de soutenir les projets de rénovation qui bénéficient principalement aux petites entreprises et aux artisans du bâtiment, le projet de loi de finances prévoit d’élargir le bénéfice du prêt à taux zéro à l’achat de logements anciens dans 6 000 communes rurales. Ces communes seront définies sur le fondement de critères objectifs : un niveau de vacance supérieur à la moyenne et un niveau minimal de services à la population.
Dans la conjoncture difficile que nous traversons, ces mesures visent à adresser un signal fort aux classes moyennes et modestes. Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que cet objectif est largement partagé sur vos travées. Elles s’accompagnent d’un important effort financier en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments : au-delà de l’élargissement du crédit d’impôt développement durable, transformé en crédit d’impôt pour la transition énergétique, l’Agence nationale de l’habitat apportera un soutien plus important aux publics modestes pour leurs travaux de rénovation énergétique.
Je sais que des interrogations se font jour au sujet du financement de l’ANAH ; plusieurs orateurs ont signalé ce problème. De fait, la principale ressource de cette agence est incertaine, car très dépendante du cours d’échange de la tonne de quota carbone. C’est la raison pour laquelle l’ANAH bénéficiera en 2015 de moyens complémentaires propres à lui permettre d’assurer dans de bonnes conditions le paiement des aides.
Au cours de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, vous avez relevé à 91 millions d’euros le plafond de la taxe sur les logements vacants, dont le produit est affecté à cette agence ; cette mesure devra être encore débattue dans le cadre de la navette parlementaire.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures que comporte la mission « Égalité des territoires et logement ». Ne pas adopter ses crédits, ce serait refuser l’augmentation des moyens consacrés à l’hébergement d’urgence et à l’accès au logement des plus fragiles. Ce serait refuser de reconnaître la nécessité du travail engagé pour l’amélioration de leurs conditions d’accueil. Ce serait revenir sur le principe même d’un État garant de la solidarité nationale.
En définitive, ne pas adopter les crédits de cette mission, ce serait nier la nécessité de mettre en place des dispositifs essentiels, dotés d’un fort effet de levier, pour relancer la construction de logements, alors qu’il s’agit d’une préoccupation majeure de nos concitoyens. Ce serait, en somme, refuser l’égalité républicaine ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)