Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Maurice Vincent, rapporteur spécial. Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je présente devant vous l’analyse des comptes et de la politique de l’État actionnaire de la commission des affaires économiques. Pour faire bref, elle se résume à un certain nombre de constats et de suggestions.
Le portefeuille de l’État a progressé d’un tiers environ en 2014. Cette augmentation paraît cependant extraordinairement fragile, car elle dépend essentiellement, sur les entreprises concernées, non pas d’une gestion active, mais de l’évolution du cours de deux titres, EDF et GDF-Suez, qui représentent à eux seuls les trois quarts du portefeuille coté. Voilà une première raison de plaider pour une diversification de ce portefeuille, notamment en misant sur des entreprises de taille intermédiaire d’avenir, dont certaines deviendront des champions nationaux.
Par ailleurs, ce compte comporte des informations réduites au strict minimum. C’est une habitude bien ancrée depuis longtemps. La Cour des comptes a déjà déploré la visibilité insuffisante des engagements relatifs à la défaisance du Crédit lyonnais. Aujourd’hui subsiste le risque Dexia, que notre collègue Maurice Vincent a évoqué et qui est estimé à environ 17 milliards d’euros, ce qui correspond par exemple à mille fois les crédits alloués au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, sur lesquels les débats parlementaires sont nourris.
C’est pourquoi nous proposons cette année de confectionner un indicateur pour mieux signaliser les risques sous-jacents au portefeuille de l’État actionnaire.
Il faut plus d’audace et de réalisme dans la gestion du portefeuille de l’État actionnaire. C’est une préoccupation constante de la commission, que l’on retrouve désormais dans le discours officiel. Toutefois, encore faut-il passer des intentions aux actes. Voici quelques propositions pragmatiques tirées de l’observation des derniers événements.
Tout d’abord, m’appuyant sur l’exemple concret de la privatisation en cours de l’aéroport de Toulouse, j’ai appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que l’État actionnaire devait, à mon sens, soigneusement différencier son approche, selon qu’il cède les titres de grandes entreprises, déjà très largement détenus par des non-résidents, ou qu’il privatise un outil qui structure depuis près d’un siècle un territoire, un bassin d’emploi.
L’État actionnaire est imprégné d’une tradition de confidentialité administrative, alors que l’économie de nos territoires tire sa force d’un élan commun collectif, qui implique une large concertation, surtout si la privatisation concerne de près le poumon industriel d’une région.
La méthodologie des privatisations d’entités locales semble ainsi perfectible sur plusieurs points. L’adjudication de l’aéroport de Toulouse a été lancée le 11 juillet dernier pour s’achever à la fin des grandes vacances. Malheureusement, nos opérateurs français n’ont pas eu le temps de réfléchir.
En outre – autre remarque que je formule –, il faut voir plus loin que le prix affecté. Pour avoir été chef d’entreprise pendant trente-huit ans, je ne conçois pas qu’un actionnaire prenne une participation et oblige ensuite ses partenaires – ici, les collectivités – à suivre, s’il décide des investissements lourds. Or c’est ce qui se passerait. Comment feront les collectivités, alors que les aides de l’État sont réduites ? C’est un risque important.
Privatiser, c’est aussi prévoir les retombées à moyen terme sur l’économie d’un territoire et programmer, pour les collectivités et l’État, les investissements nécessaires en équipements publics, afin de garantir un développement équilibré. J’ajoute que, dans le cas de Toulouse, il est hautement souhaitable que l’État et les collectivités conservent la majorité du capital, ce qui impliquerait que l’État conserve sa participation résiduelle de 10,1 %.
Ensuite, il faut privilégier les acquisitions offensives. Le décret du 14 mai 2014, par lequel la France soumet à autorisation l’acquisition d’entreprises exerçant des activités stratégiques, est désormais un outil opérationnel. Ce « bouclier réglementaire » ne peut-il pas permettre de dispenser l’État de procéder à tout ou partie d’achats défensifs de titres ? Compte tenu de la situation de nos finances publiques, la commission estime opportun de s’interroger sur les investissements de substitution qui permettraient à des entreprises en pleine croissance de changer d’échelle et de s’internationaliser.
À présent que le programme de désendettement du compte d’affectation spéciale est réactivé, il nous a semblé très utile de prendre position sur la manière dont il doit être alimenté.
Je pars d’une constatation simple : le portefeuille de l’État, qui ne représente qu’un vingtième de la dette, produit des revenus réguliers, qui couvrent le dixième de la charge de la dette. Sauf cas d’extrême urgence, nous suggérons donc d’allouer en priorité au désendettement non pas le produit éphémère des cessions de titres de l’État, mais plutôt les revenus réguliers qu’ils produisent. Une telle démarche de désendettement durable suppose, pour plus de clarté budgétaire, d’affecter au compte spécial les dividendes perçus, alors qu’ils sont aujourd’hui reversés au budget général.
M. Jean-Claude Lenoir. Excellente suggestion !
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Gérard Longuet. C’est une belle conclusion !
M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, notre souci est d’avoir une gestion plus proche des réalités. Sur les désinvestissements, avant de nous engager – je sais que la décision concernant la cession de l’aéroport de Toulouse est en cours –, réfléchissons bien aux investissements nécessaires pour accompagner nos collectivités qui sont en grande difficulté financière en ce moment.
Pour le reste, mes chers collègues, je vous renvoie à la lecture de mon rapport.
M. Jean-Claude Lenoir. Excellent rapport !
Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’est-ce que la dette ? Au sens étymologique, la dette, c’est le devoir. Quel est précisément ce devoir ? Plus encore, qui nous l’impose ?
Si l’on écoute l’air du temps, notre devoir serait de rembourser nos créanciers. En effet, si ceux-ci ont aujourd’hui l’amabilité de nous prêter à des taux remarquablement bas, cela pourrait ne pas durer éternellement. À plus ou moins long terme, nous pourrions alors faire face à une explosion de la charge de la dette. Ce serait donc pour retrouver notre souveraineté que notre devoir serait, dans cette période difficile, de réduire fortement les dépenses publiques.
En prenant un peu de recul, on peut déjà remarquer que la baisse des dépenses publiques, telle que la conçoit le Gouvernement, est destinée non pas à résorber le déficit, qui d’ailleurs augmente, mais à financer des subventions sans conditionnalité aux entreprises privées.
Au-delà de cet élément conjoncturel, on peut se demander d’où nous vient cette dette qui nous oblige désormais. Il est toujours utile de rappeler que, depuis l’introduction de l’euro et jusqu’en 2008, la dette de la zone euro était stable, autour de 70 % du PIB. Entre 2008 et aujourd’hui, elle est passée à environ 90 % du PIB. Par la magie du système dans lequel nous vivons, la crise de la finance privée s’est donc transformée en une crise de la dette publique. Par conséquent, expliquer que c’est au nom de notre souveraineté qu’il faudrait aujourd’hui nous astreindre, toutes affaires cessantes, au règlement de cette dette s’apparente à un travestissement de la réalité.
La souveraineté, ce serait plutôt de ne pas céder aux acteurs financiers qui ont provoqué cette crise par leurs prises de risques inconsidérées, d’autant plus que ce sont les mêmes qui aujourd’hui spéculent sans retenue sur la dette des États.
La vraie souveraineté consisterait à mutualiser à l’échelle européenne tout ou partie de nos dettes, lesquelles bénéficieraient ainsi d’une garantie collective, ce qui aurait pour effet mécanique de desserrer l’étau des taux dans lequel notre économie est bloquée. Ce serait là une solution simple, rappelant le primat de la politique sur l’économie, qui permettrait de retrouver un peu de marge de manœuvre à court terme.
Pour autant, le problème est bien plus profond. Si la crise financière explique l’explosion récente des dettes publiques, on ne peut pas lui imputer l’accumulation progressive de la dette depuis les années soixante-dix.
L’histoire de cette dette-là est celle d’une promesse, celle d’une croissance infinie, préfinancée par l’endettement. Malheureusement, cette promesse n’a pas été tenue.
En France, dans les années soixante, la croissance était en moyenne de 5,7 % par an ; dans la décennie soixante-dix, elle était de 3,7 % ; dans la décennie quatre-vingt, de 2,4 % ; dans la décennie quatre-vingt-dix, de 2 % ; et de 1,1 % dans la décennie deux mille. Je vous laisse imaginer la suite...
Les promoteurs d’un avenir libéral-productiviste radieux ont en effet commis une erreur de taille, déjà pointée en 1972 par le Club de Rome dans un fameux rapport. La croissance n’est pas qu’une construction de l’esprit ; elle est assise sur la réalité physique que constituent l’environnement et les ressources naturelles, qui, par définition, sont des ressources finies. Chaque année, l’ONG Global Footprint Network calcule le jour où l’empreinte écologique de l’humanité dépasse la capacité annuelle de régénération de la planète, c’est-à-dire le jour de l’année à partir duquel nous vivons écologiquement à crédit. En 2014, ce jour est tombé le 19 août.
C’est au début des années soixante-dix que nous sommes devenus écologiquement déficitaires, en même temps que la dette a commencé à s’accumuler sérieusement. Nous sommes désormais pris, de manière durable, non plus dans un étau, mais dans un ciseau des taux : la dette écologique augmente, tandis que la croissance, censée la financer, baisse.
Il aura fallu il y a quelques années le rapport d’un économiste réputé, Nicholas Stern, pour que l’on prenne enfin conscience que cette dette écologique, qui ne se négocie pas plus qu’elle ne se restructure, allait bientôt présenter la facture.
D’ailleurs, si Barack Obama a marqué récemment une rupture dans la politique environnementale des États-Unis, avec son ambitieux plan climat, ce n’est pas nécessairement pour faire plaisir aux Européens, mais ce n’est pas sans rapport avec le lobbying des assureurs et réassureurs américains. Ceux-ci commencent en effet à s’inquiéter de la récente multiplication de catastrophes naturelles extrêmement coûteuses.
En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre devoir aujourd’hui, notre responsabilité, c’est de réduire notre dette écologique, pas de nous soumettre aux exigences de ceux qui dansent sur la crise.
Je conclurai en précisant que le groupe écologiste votera bien entendu les crédits de cette mission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, des enjeux particulièrement importants, des sommes d’un niveau élevé : telles sont les caractéristiques essentielles de la mission « Engagements financiers de l’État » et des quatre comptes spéciaux soumis à notre examen, qui recouvrent des réalités aussi différentes que le patrimoine mobilier de l’État et la participation de la France aux plans de stabilité de la zone euro ou encore la dette publique de l’État.
Je ne reviendrai pas cette après-midi sur le fameux plan de désendettement de la Grèce qui, sous la férule de la « troïka » formée de l’Union européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque centrale européenne, a fait reculer l’économie de ce pays d’une bonne dizaine d’années. Il me suffira de souligner que, selon un journal économique, le produit intérieur brut de la Grèce s’est contracté de 24 % entre 2007 et 2013, tandis que le taux de chômage dans ce pays frise désormais les 30 %.
Ainsi, les politiques d’austérité draconienne imposées à la Grèce ont produit une insécurité juridique et une incertitude économique lourdes de conséquences pour ce pays et pour sa population.
En ce qui concerne la France, je commencerai par faire observer que la dette publique continue de progresser, sous l’effet des choix budgétaires qui sont opérés. De fait, le projet de loi de finances fixe la prévision de déficit budgétaire pour 2015 à environ 75,6 milliards d’euros.
Cette année, nous aurons émis pour 188 milliards d’euros de titres de dette, dont la plus grande partie, 119,5 milliards d’euros, aura servi à amortir la dette existante. Dans le même temps, nous aurons versé, sous forme de remboursements et dégrèvements les plus divers, quelque 76,8 milliards d’euros aux entreprises de notre pays.
Encore ce chiffre ne prend-il pas en compte l’incidence financière de dispositifs aussi importants que les modalités particulières de calcul de l’impôt, comme le régime des groupes, et les allégements et exonérations de cotisations sociales. Sans parler des effets cumulés sur la durée de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés et de la quasi-disparition de la fiscalité locale des entreprises.
Ce lent, mais sûr mouvement de pertes de recettes pour l’État, nous en connaissons les ressorts passés et présents : depuis trente ans, l’État s’endette pour favoriser, avec l’argent public, le redéploiement des capacités de production et de profit de nos entreprises, et les lois de finances exaucent largement les seuls désidératas du MEDEF.
D’ailleurs, le vice-président de cette organisation, M. Geoffroy Roux de Bézieux, a lui-même confirmé cette appréciation : mettant en avant une prétendue ponction de 30 milliards d’euros opérée sur les entreprises depuis 2010, celui qui préside aussi aux destinées de l’assurance chômage a affirmé que les effets du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, clef de voûte de la politique gouvernementale en direction des entreprises, ne se feraient pas sentir avant 2017 en matière d’investissement et d’emploi.
La manipulation patronale est d’ailleurs tout à fait grossière,…
M. Serge Dassault. C’est évident ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-France Beaufils. … puisque, en 2010, après le vote de multiples projets de loi de finances rectificative et de dispositions diverses, la dégradation du solde budgétaire a atteint un degré particulièrement élevé, le déficit s’établissant à 148,8 milliards d’euros.
Or cette dégradation était notamment due à un impôt sur les sociétés qui a été réduit à 32,9 milliards d’euros nets, pour cause de remboursements anticipés et massifs de créances disponibles.
La vérité est donc très prosaïque : le déficit public, que l’on instrumentalise depuis trop longtemps, est en réalité le résultat de l’acceptation de la loi du marché. La contribution que l’État apporte aux stratégies de nos plus grands groupes lui impose de procéder ensuite aux ajustements de dépenses et de recettes nécessaires pour éponger la facture de ses choix.
La dette publique va, avant peu, atteindre et dépasser les 100 % du PIB. Le mouvement semble inexorable, eu égard aux taux d’intérêt non pas nominaux, mais réels, quand bien même les bons du Trésor à taux négatif et les obligations à dix ans au taux de 1,75 % sont quelque peu séduisants ; eu égard aussi à l’atonie de l’activité économique, dont les milliers de chômeurs supplémentaires que nous découvrons chaque mois sont le témoignage incontestable.
Je tiens à insister sur certaines remarques que j’ai déjà formulées dans la discussion générale. Sur un strict plan scientifique, comparer le flux de création de richesses, le PIB, avec le stock de la dette publique, de surcroît composé d’éléments très divers, n’a aucun sens. Selon nous, il convient de considérer plutôt l’accroissement du patrimoine public au regard de l’évolution du niveau de la dette.
Or, en la matière, les collectivités territoriales ont donné l’exemple : en cinq ans, malgré la dégradation de leur environnement due à la banalisation des financements, elles ont réussi le tour de force de n’accroître que de 17 milliards d’euros leur dette de moyen et long terme, pour financer 280 milliards d’euros de dépenses réelles d’investissement.
En réalité, disposer d’un patrimoine immobilier, foncier et même immatériel de grande valeur est essentiel.
À ce propos, permettez-moi de répéter que toute cession par l’État de titres, parts sociales ou actions constituerait aujourd’hui une erreur, compte tenu de la rentabilité moyenne de ces valeurs, qui est de 4 %, puisque celles-ci rapportent à l’État des dividendes supérieurs au taux d’intérêt de la dette de long terme. Préférons donc valoriser les actifs sous cette forme, plutôt que de les céder à vil prix. Évitons surtout de nouvelles ventes à l’encan, après la cession des parts de l’État dans les sociétés autoroutières !
Exigeons aussi de la Banque centrale européenne qu’elle devienne, sous des formes et dans des proportions à définir au niveau de l’Union européenne, prêteuse en dernier ressort des États, ne serait-ce que pour modifier le profil général de leur dette. Rapprocher les taux réels de zéro participera alors pleinement au redressement des économies de la zone euro et, par voie de conséquence, à la solidité de la monnaie.
En désaccord avec les principes qui conduisent les comptes publics à l’endettement que l’on connaît aujourd’hui, nous ne voterons pas les crédits de la mission, ni ceux des comptes spéciaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dette de notre pays atteint des niveaux inédits : en septembre dernier, le seuil symbolique des 2 000 milliards d’euros a été franchi.
Cette situation est le résultat de quarante années de budgets exécutés en déficit sous toutes les majorités, de droite comme de gauche ; à ceux qui seraient tentés de donner des leçons, je rappellerai simplement que, entre 2007 et 2012, la dette est passée de 64,1 % à 84,5 % du PIB.
Cet endettement élevé rend les engagements financiers de l’État particulièrement cruciaux. En effet, la charge de la dette, estimée à 44,3 milliards d’euros pour 2014, constitue le second poste de dépenses de notre pays après la mission « Enseignement scolaire », exception faite de la mission « Remboursements et dégrèvements » ; elle est supérieure aux crédits alloués à la Défense nationale.
Le besoin de financement total prévu par le projet de loi de finances pour 2015 s’élève à 196,6 milliards d’euros.
Mes chers collègues, l’atonie de la croissance mondiale, la faible inflation et son corollaire, la menace déflationniste, sont autant d’obstacles à la reprise économique sur notre continent et de freins à l’effort en faveur du redressement de nos comptes publics.
Dans ce contexte particulièrement défavorable, nous devons nous réjouir que les taux d’intérêt auxquels l’Agence France Trésor emprunte sur les marchés mondiaux soient historiquement bas, parfois même négatifs. Cette situation nous permet, alors que notre encours de dette augmente, du fait notamment de l’accumulation des déficits budgétaires, d’en maîtriser la charge. L’Agence France Trésor a même procédé à des rachats de dette anticipés afin de profiter des conditions de taux avantageuses.
Cette conjoncture favorable ne doit cependant pas nous conduire à relâcher notre effort en matière de maîtrise de la dépense et de rétablissement de nos comptes publics ; du reste, monsieur le ministre, le Gouvernement ne le relâche pas.
Certaines Cassandres nous mettent en garde contre une brutale remontée des taux. Il est vrai qu’une telle évolution aurait des conséquences financières importantes, mais le scénario est peu probable. Une remontée modérée des taux est attendue ; elle est d’ailleurs anticipée dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, que nous avons adopté avec modifications au début du mois de novembre.
D’aucuns prétendent que le moyen de réduire rapidement notre dette consisterait à mener une politique de rigueur et de coupes budgétaires drastiques. Un tel choix pourrait entraîner des conséquences sociales dramatiques et des effets économiques néfastes, en éloignant toute perspective de reprise ; telle est en tout cas ma conviction.
M. Dassault, rapporteur spécial, préconise notamment de supprimer l’ISF, de ne plus assujettir les dividendes aux charges sociales, de rendre les licenciements automatiques en cas de ralentissement de l’activité et de refonder la fiscalité en transformant l’impôt progressif en impôt à taux unique. Je ne suis pas certain que ce remède de cheval serait de nature à soigner notre pays ; je pense, au contraire, que le remède serait pire que le mal.
Le Gouvernement n’a pas fait ce choix, comme le confirme le projet de loi de programmation des finances publiques, et nous soutenons sa position. Je n’ai pas la naïveté de considérer les lois de programmation des finances publiques comme paroles d’Évangile ; reste que le projet de loi de programmation prévoit, pour les années 2014 à 2019, une trajectoire de solde effectif conduisant à une baisse de la dette, certes modérée, à partir de 2017.
Dans le temps réduit qu’il me reste, je m’attacherai au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
En période de vaches maigres budgétaires, il est tentant pour l’État de céder sa participation dans des entreprises, afin de renflouer les caisses à l’étiage. Reste qu’il s’agit, comme on l’a signalé il y a quelques instants, d’un fusil à un coup. Si cession il y a, elle ne doit pas être réalisée dans l’urgence et doit s’inscrire dans un projet industriel cohérent. N’oublions pas non plus que, en vendant sa participation dans certaines entreprises, l’État se prive d’éventuels dividendes.
Monsieur le ministre, je salue la réforme de la doctrine de l’État actionnaire. À cet égard, l’année 2014 a été marquée par une prise de participation symbolique dans le groupe automobile PSA, dont l’État a acquis 14,1 % du capital, à parité avec la famille Peugeot et le groupe chinois Dongfeng.
Il est du rôle de l’État de participer au capital des entreprises de secteurs sensibles en termes de sécurité nationale et d’entreprises qui fournissent des services essentiels. Il lui appartient aussi, en tant que stratège, d’accompagner nos grands groupes dans certains secteurs clefs, pour les aider à affronter les mutations, parfois brutales, de la mondialisation ; en l’espèce, le groupe PSA était jusqu’à présent resté en dehors du vaste mouvement de concentration qui touche son secteur.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénateurs de mon groupe voteront à l’unanimité les crédits de cette mission et ceux des quatre comptes spéciaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » s’inscrit dans une stratégie de l’État actionnaire qui est en vigueur depuis 2012 et qui me paraît équilibrée : une partie des sommes disponibles est consacrée au désendettement, une autre, très substantielle, est vouée à des actions de réinvestissement productif, donc au soutien global de l’activité.
Je tiens à mettre en évidence deux actions précises, en commençant par la mobilisation tout à fait opportune de l’État en faveur d’Alstom, dont il faut se féliciter. Alors que notre indépendance énergétique était menacée, le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable a été un pare-feu efficace.
La seconde action qui mérite d’être signalée est la recapitalisation de PSA intervenue au début de l’année, à la suite de laquelle la participation de l’État s’élève à 800 millions d’euros, soit 14,1 % du capital du groupe. En accompagnant PSA dans son redressement, l’État a joué pleinement son rôle pour protéger le patrimoine et le savoir-faire de cette entreprise, dont 44 % de la production est réalisée en France, avec à la clef des dizaines de milliers d’emplois, mais aussi pour protéger son avenir, puisqu’elle est le premier dépositaire de brevets en France.
Ce niveau de recapitalisation va de pair avec des exigences. La majorité des sites de PSA sont en France : nous devons conserver ces capacités de production. Il faut aussi que nous soyons très attentifs à la recherche-développement, qui est localisée à 75 % en France et qui doit le rester. La vigilance est de mise sur ces questions. Nous avons d’ailleurs signalé à Carlos Tavares que la représentation nationale ferait preuve d’une grande vigilance en ce qui concerne l’avenir de PSA.
Sans nier la nécessité de se désendetter, nous pensons, monsieur le ministre, que les actions de réinvestissement doivent être prioritaires. Vous avez indiqué que, sur les 10 milliards d’euros de produits de cessions annoncés pour 2015, quelque 4 milliards d’euros seraient alloués au désendettement, les 6 milliards d’euros restants pouvant être mobilisés pour des réinvestissements compétitifs. Vous n’en serez pas étonné : nous tenons à ce que la part destinée au réinvestissement soit très majoritaire, car la relance de l’activité dépend bien sûr d’injections ciblées de capitaux dans certaines activités, branches et entreprises qui ont besoin, pour se développer, du soutien de l’État.
À la vérité, le retour de la croissance nécessite un équilibrage fin entre le désendettement et une stratégie de réinvestissement capable d’entraîner des effets à long terme sur l’économie. Du reste, nous savons tous que le désendettement dépend aussi de l’activité économique. Mes chers collègues, c’est par l’activité économique que nous arriverons à désendetter le pays !
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer dans quel domaine vous envisagez de faire des réinvestissements, et quels seront-ils ? Par exemple, la transition écologique et, bien sûr, les technologies d’avenir seront-elles fortement ciblées ?
Ces informations nous paraissent déterminantes, car, pour le groupe socialiste, la transparence est essentielle, à la fois de la part du Gouvernement et dans les comités d’entreprise, lorsqu’il faut donner des informations sur les reprises d’entreprise. La transparence est un gage de responsabilité et d’efficacité conjuguées.
L'État actionnaire dispose de 761 représentants dans des conseils d'administration, et il n’y a pas que des jetons de présence en jeu. Il s'agit là d’une véritable responsabilité, qui va au-delà de la gestion dynamique des titres.
Je souhaite suggérer, monsieur le ministre, que vous donniez très clairement un mandat à tous ces représentants pour qu’ils prennent en compte la préservation de l’ensemble du tissu économique. L’aval des filières, en soutien aux ETI et aux PME locales, aux sous-traitants de premier rang ou de deuxième rang, sera essentiel, de même que le respect le plus scrupuleux de la loi, par exemple en matière de concurrence déloyale ou de dumping social ou environnemental.
La survie des territoires et, surtout, l’avenir d’une France productive, d’une France redevenue industrielle, dépend essentiellement de l’action du Gouvernement. L'État actionnaire est stratège, mais il doit aussi, au travers de ses représentants, faire œuvre de pédagogie et d’exemplarité.
Au final, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE. – M. Jean-Claude Lenoir applaudit également.)