Mme la présidente. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos portera sur Israël et la Palestine. J’y étais encore hier. J’étais à Ramallah vendredi, lorsque M. le ministre des affaires étrangères a prononcé son discours à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, j’aurais quelque peine à parler d’autre chose…
Je suis allée en Palestine en tant que membre du Conseil de l’Europe et de la sous-commission sur le Proche-Orient et le monde arabe. Je conduisais une délégation de quatorze parlementaires européens venus chacun d’un pays différent. Pour l’Europe, c’était le bon moment de faire ce voyage.
Je précise à ce propos que la contribution de la France pour le Conseil de l’Europe au titre de 2015 s’élève à environ 35 millions d’euros. Cette contribution, qui est fixe et obligatoire, et c’est tant mieux, est bien utilisée, car le travail réalisé par le Conseil de l’Europe, qui reste parfois confidentiel, est exceptionnel, tout comme le travail accompli par la délégation française. C’est nous, en effet, qui avons été à l’origine de l’institution de cette sous-commission sur le Proche-Orient et c’est nous qui avons créé un statut spécifique pour certains pays méditerranéens. Ainsi, le Maroc, la Tunisie, la Palestine et la Jordanie ont pu rejoindre le Conseil de l’Europe en qualité de « partenaires pour la démocratie ».
Bref, cette institution permet d’exercer une véritable diplomatie parlementaire et d’accompagner les efforts de nos diplomates dans la région. Je peux donc vous assurer de la présence financière et de l’influence politique de la France.
On va beaucoup parler cette semaine d’Israël et de la Palestine, et je m’en félicite. J’aborderai trois problèmes cruciaux : l’existence, la sécurité, l’occupation.
Concernant l’existence, la question primordiale est : l’État palestinien est-il encore possible ? Ma réponse est oui, mais le temps presse.
Les terres fondent, mais le peuple reste : 2,7 millions de Palestiniens vivent en Cisjordanie et 1,8 million à Gaza.
La création de l’État palestinien est-elle nécessaire ? Oui, elle est nécessaire à l’existence même d’Israël !
Un constat : tout tend à rendre impossibles la création et la coexistence des deux États. La situation est bloquée, mais elle est bloquée depuis Oslo.
J’en viens à la sécurité.
D’abord, celle d’Israël. Les 8 millions d’Israéliens sont-ils menacés ? Oui : par le Hamas, le Hezbollah, l’Iran… Ces derniers évolueront. Il faudra qu’ils évoluent.
La protection des Israéliens est assurée par Israël lui-même : par sa force militaire, notamment nucléaire – il faut bien en parler ! –, mais aussi, et c’est tant mieux, par l’immunité juridique dont il jouit à l’ONU
Et la sécurité des 4 à 5 millions de Palestiniens vivant en Cisjordanie et à Gaza ? Ils n’ont pas d’État, pas d’armée et le statut de la Palestine est celui d’un État non membre de l’ONU. Elle ne bénéficie pas de l’immunité juridique à l’ONU, ni donc de protection juridique.
Les Palestiniens disent, à juste titre, qu’ils sont colonisés, occupés et même annexés, assiégés et dispersés – car la Cisjordanie est un véritable archipel ! Pour ma part, me refusant à peser mes mots, j’ajouterai : pillés.
L’occupation de la Palestine ne coûte rien à Israël ! En revanche, le Premier ministre palestinien en a évalué le coût pour son peuple à 3 milliards de dollars par an.
Le pays n’est pas pauvre, mais les Palestiniens doivent tout payer, y compris l’électricité et même leur propre eau, puisque 120 millions de mètres cubes d’eau sont vendus aux Palestiniens.
Pourtant, ils détiennent des atouts très forts : l’agriculture, la vallée du Jourdain, appelée « le jardin », dont les Israéliens veulent s’emparer – et ils s’en empareront…
Dans le domaine du tourisme, ils possèdent des atouts majeurs et même des « marques », puisqu’on raisonne maintenant en termes de marques : Jérusalem, Bethléem, la mer Morte… Ce sont des trésors, peut-être aussi précieux que le Vatican, le pape en moins !
Je veux lancer l’alerte sur Jérusalem-Est, Jérusalem murée, isolée, avec 20 000 logements détruits, sans parler du dernier projet répartition horaire de l’accès à l’esplanade des mosquées, donc à la mosquée d’al-Aqsa : de quatre heures à midi pour les Israéliens et de midi à treize heures pour les musulmans. Je dis : attention !
En Cisjordanie, 651 000 colons, sur 1 million d’habitants, occupent 62 % du territoire. Le ministre des affaires étrangères le sait sûrement, il y a parmi ces colons 2 500 Français en possession de passeports français.
Quant à Gaza, c’est une prison à ciel ouvert grande comme l’Andorre et où, je l’ai dit, vivent 1,8 million de Palestiniens. Mais Gaza est « rentable » ! J’ose cette formule qui n’est pas très diplomatique…
Qui a le pouvoir à Gaza ? Le Hamas. Qui a le contrôle ? Israël. Qui a intérêt au maintien du statu quo ? Les deux !
La reconstruction après la guerre de 2008-2009 – l’opération « Plomb durci » – n’a pas été menée à son terme !
Et, aujourd’hui, après les cinquante et un jours de guerre de l’opération « Bordure protectrice », le bilan est terrible : 2 000 morts, dont 600 enfants, 6 000 prisonniers, dont 700 enfants de dix à douze ans, 400 000 sans-abri, 200 000 personnes hébergées, notamment dans des écoles, 110 000 personnes déplacées et 23 000 enfants sans école.
La reconstruction coûtera entre 2 et 5 milliards de dollars, 3,5 milliards selon l’ONU.
Les donateurs sont les pays du Golfe, à hauteur de 2 milliards de dollars, le Qatar, pour 1 milliard de dollars, l’Arabie Saoudite, pour 500 millions de dollars, les États-Unis, peut-être pour 300 millions de dollars – ils attendent la résolution de l’ONU –, et la France, qui contribue à combler le déficit budgétaire, aura apporté deux fois 8 millions d’euros.
Mais je voudrais insister sur un problème tout à fait nouveau : le blocus organisé par Israël sur le matériel de construction, l’acier et le ciment. Le prétexte de ce blocus est que l’usage de ces matériaux pourrait être à double finalité. Comment engager la reconstruction dans ces conditions ?
L’urgence humanitaire est évidente. La France a déjà donné 3,5 millions d’euros à ce titre. Les Palestiniens attendent 500 millions de dollars dans l’immédiat. Et ils les auront ! Ils en ont absolument besoin.
Le statu quo est intolérable, sur les plans politique, financier, humain, moral. Il peut rendre la coexistence des deux États impossible. Il peut rendre la paix au Moyen-Orient impossible.
Le ministre des affaires étrangères demandait l’autre jour si le temps était venu. Eh bien oui, c’est maintenant qu’il faut agir, parce qu’il y a trois processus nouveaux et importants en cours.
Premièrement, les Palestiniens ont décidé d’avancer, non plus par les armes et les négociations, sauf s’ils en ont la maîtrise, mais en faisant valoir le droit, leurs droits. Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, seule autorité légale, va déposer une résolution à l’ONU pour fixer une date de fin de l’occupation. C’est une démarche importante.
Deuxièmement, il y a ce mouvement qui s’est créé en Europe en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien. Il était attendu, il était espéré, il est arrivé : merci à la Suède, parce que c’est le gouvernement suédois qui a donné l’impulsion. La Chambre des Communes britannique lui a emboîté le pas, en votant en faveur de la création d’un État palestinien avec seulement – cela doit nous faire réfléchir ! – douze voix contre. L’Espagne a suivi avec des restrictions, mais il y a tous ces autres pays derrière : la Belgique, l’Irlande, la Slovénie, etc.
Le mouvement est lancé ! On attendait l’Europe, l’Europe s’est mise en mouvement.
Troisièmement, je suis ravie d’avoir entendu cette proposition émanant de la France d’organiser une conférence internationale pour fixer la fin de l’occupation en 2016 et engager un processus de paix qui pourrait, lui aussi, trouver son terme dans les deux ans qui viennent.
Oui, la dynamique est engagée, oui, le moment est propice, oui les occasions sont là. Or, souvent, elles ne repassent pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Madame la présidente, mesdames, monsieur les présidents de commission, mesdames, messieurs les rapporteurs spéciaux et pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis honoré et heureux de vous présenter aujourd’hui le projet de budget de la mission « Action extérieure de l’État » et vous prie de bien vouloir excuser M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. J’associe bien entendu mes collègues secrétaires d’État Mme Annick Girardin et M. Harlem Désir à cette présentation. Au demeurant, Mme Girardin aura l’occasion d’échanger demain soir avec vous sur l’ensemble des crédits relatifs à l’aide publique au développement, au Proche-Orient comme ailleurs dans le monde.
Le présent budget a été construit avec un triple objectif.
Premier objectif : participer au redressement de notre économie. Ce projet de loi de finances entérine le nouveau périmètre du ministère des affaires étrangères et du développement international. L’attractivité de notre territoire dépend à la fois de notre image, de notre influence culturelle, de notre économie, de notre promotion touristique et de notre capacité à délivrer des visas dans des délais raisonnables. Pour la première fois, l’ensemble des réseaux et des acteurs qui concourent à notre attractivité se trouvent réunis.
Deuxième objectif : préserver la capacité d’action d’un ministère connu pour être aussi, malheureusement, « le ministère des crises », à un moment où celles-ci ne manquent pas sur la scène internationale. Nous avons entamé, sous l’impulsion de Laurent Fabius, un processus d’adaptation du réseau diplomatique et consulaire, afin qu’il soit en phase avec les enjeux du XXIe siècle. Nous avons fait le choix de préserver l’universalité de notre réseau diplomatique. Dans le même temps, nous veillons à différencier notre présence et nos modes d’action, en fonction de nos priorités. Nous opérons des redéploiements, à partir d’une réduction des effectifs dans les pays à grand réseau et de la transformation d’un certain nombre d’ambassades en postes de présence diplomatique au format plus réduit. Dans ce contexte de réforme structurelle, il est important de préserver les moyens de fonctionnement ainsi que ceux qui ont trait à la sécurité : c’est la proposition qui vous est faite dans ce projet de budget.
Ces deux objectifs sont poursuivis tout en contribuant aux nécessaires économies budgétaires, dont personne ne peut nier le besoin. Notre troisième objectif est donc de bâtir un budget économe : les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » s’élèvent à 2,9 milliards d’euros au total, soit une baisse de 2,2 % à périmètre constant. Le Quai d’Orsay participe donc pleinement à la stratégie gouvernementale de redressement des finances publiques, à raison de son poids dans le budget de l’État.
Vous avez abordé, mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre de thèmes au cours de vos interventions. Je voudrais maintenant essayer de répondre à vos questions, en les regroupant par programmes budgétaires.
S’agissant tout d’abord du programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », le budget pour 2015 est le premier construit avec le nouveau périmètre du Quai d’Orsay. Ce changement se traduit encore de manière inégale d’un pur point de vue budgétaire : s’il est déjà significatif dans le domaine du tourisme, avec la création d’une action spécifique, il est encore marginal dans le domaine du commerce extérieur, même si cet enjeu est pleinement pris en compte sur le plan politique.
En interne, la diplomatie économique, qui était déjà intégrée par les diplomates à l’étranger, est devenue une réalité quotidienne pour l’ensemble des agents du ministère. Une filière économique est en train de se constituer, ce qui devrait se traduire dès 2015 par un renforcement de la place de l’économie dans les épreuves des concours. Des formations sont en outre mises en place pour les agents. Il me semble que ces éléments sont de nature à répondre aux questions posées par Mme Aïchi.
L’attractivité de notre territoire est une priorité. Dans ce contexte, nos moyens d’influence culturelle jouent un rôle clé, comme l’a souligné M. Duvernois. Vous avez rappelé dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, la diminution des crédits intervenue ces dernières années. Il a été mis fin à cette baisse. Comme vous avez pu le constater, l’ensemble de nos moyens d’influence culturelle sont préservés dans le projet de loi de finances qui vous est soumis. C’est le cas des dotations aux établissements à autonomie financière, des subventions aux alliances françaises, des bourses de mobilité étudiante, des échanges d’expertise et des échanges scientifiques, ainsi que des autres moyens bilatéraux d’influence mis à la disposition de nos ambassades.
Quelques mots sur les opérateurs qui participent à cette politique d’influence, dont vous avez été nombreux à parler.
L’Institut français, tout d’abord : le bilan de ses premières années d’existence est tout à fait positif. Sa visibilité est aujourd’hui pleinement établie, grâce à la création d’une marque « Institut français » et à l’organisation des « Saisons ». Une cinquantaine de conventions de partenariat ont été signées avec les principaux opérateurs culturels français et européens. L’institut s’est imposé dans le paysage culturel international, via nos instituts français sur le terrain, qui s’appuient sur son expertise, ses programmes et ses plates-formes numériques.
Je voudrais revenir, en écho aux propos de plusieurs d’entre vous, sur les raisons qui ont conduit à mettre fin à l’expérimentation de rattachement des établissements à autonomie financière à l’Institut français. Cette expérimentation a montré que ce rattachement n’aboutissait pas à de réels gains d’efficience et d’efficacité, que sa généralisation présentait des risques en matière juridique et financière, avec l’introduction d’une personnalité juridique distincte de l’ambassade, ainsi qu’un surcoût budgétaire, évalué à 52 millions d’euros pour la période 2014-2016.
Il n’y a pas pour autant de retour en arrière. L’Institut se voit conforté dans ses missions d’appui à l’ensemble du réseau. La fusion entre les services de coopération et d’action culturelle des ambassades et les établissements à autonomie financière permet une plus grande souplesse de gestion et une meilleure adaptation aux enjeux actuels de la diplomatie d’influence. Elle est aussi mieux adaptée au développement de ressources extrabudgétaires.
Un nouveau contrat d’objectifs et de moyens est en préparation pour la période 2015-2017. Il doit être l’occasion de préciser les missions prioritaires de l’opérateur. L’Institut français doit se concentrer sur ses domaines d’excellence et cibler ses projets en termes de visibilité, d’attractivité et d’impact sur des publics cibles, notamment les jeunes et de nouveaux relais d’influence. Il doit également resserrer ses priorités géographiques. J’ai entendu les remarques de Mme la présidente Catherine Morin-Desailly sur l’action internationale des collectivités territoriales et j’ai pris bonne note des suggestions pertinentes qu’elle a avancées en la matière.
J’ajoute un mot sur la gastronomie, notamment celle du Sud-Ouest, à laquelle je suis moi aussi très sensible, vous le comprendrez aisément. Pour répondre à M. de Montesquiou, je précise qu’il s’agit d’une priorité portée par Laurent Fabius, notamment à travers la semaine « Goût de France », un événement d’envergure mondiale qui se tiendra partout dans le monde autour du 19 mars 2015. Toutes les gastronomies de France, celle du Sud-Ouest comme les autres, seront à l’honneur et pourront se faire connaître dans un grand nombre de pays.
Concernant Campus France et notre politique d’attractivité universitaire, je voudrais souligner l’augmentation de 2 % du nombre d’étudiants internationaux accueillis en 2013-2014 : avec près de 300 000 étudiants au total, la France est la troisième destination universitaire au monde. Nous construisons, depuis quelques années, une chaîne de l’accueil universitaire en France, visant à permettre l’accompagnement et le suivi des étudiants et des chercheurs d’un bout à l’autre de leur parcours, de la demande de visa à la fin de leurs études, avec un suivi a posteriori, afin que le lien avec eux perdure. C’est ainsi qu’est en train d’être créée une plate-forme numérique, « Alumni », qui a vocation à recenser tous les anciens étudiants et chercheurs étrangers en France.
S’agissant enfin de l’AEFE, le ministre Laurent Fabius a présidé, le 20 novembre, avec la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, une réunion dont l’objet était de fixer une feuille de route, conformément au plan d’action pour l’enseignement français à l’étranger de l’automne 2013, qui prévoit un renforcement du pilotage stratégique de l’AEFE. Un certain nombre d’orientations ont été fixées à cette occasion.
Tout d’abord, nous souhaitons conforter l’excellence du réseau des établissements homologués, qui constitue le plus grand réseau scolaire à l’étranger, avec 494 établissements dans 135 pays et près de 330 000 élèves. Nous allons renforcer la coordination entre les deux ministères pour mieux accompagner le développement de ce réseau en fonction des objectifs de notre diplomatie, notamment là où les communautés françaises croissent et où nos intérêts se concentrent. Le ministère de l’éducation nationale jouera un plus grand rôle dans l’accompagnement pédagogique du réseau, garantie de la qualité de l’enseignement dispensé.
Par ailleurs, nous allons développer l’offre complémentaire d’éducation française, par l’intermédiaire des dispositifs et établissements qui proposent une offre éducative en français, tels que les 56 établissements labellisés « FrancEducation » et les 150 associations favorisant l’utilisation du français comme langue maternelle. Ils constituent la base d’un réseau complémentaire du réseau homologué.
Nous encouragerons enfin la structuration d’une offre française d’enseignement dans le domaine de la formation professionnelle et technologique, hors réseau homologué, en lien avec le secteur privé.
La subvention au groupement d’intérêt économique Atout France, qui relevait de la mission « Économie », figure maintenant au sein du programme 185. Le tourisme est un secteur majeur de notre économie, comme nombre d’orateurs l’ont rappelé, en particulier Mmes Michelle Demessine et Bariza Khiari.
La France accueille 8 % du tourisme mondial. Les dépenses des touristes se sont élevées à 149 milliards d’euros en 2013, soit plus de 7 % de notre PIB, et 2 millions d’emplois sont directement ou indirectement liés à ce secteur.
Les perspectives sont immenses, avec le passage prévu de 1 milliard de touristes en 2013 à près de 2 milliards d’ici à 2030. Nous avons des marges de progression pour mieux capter ce marché en forte croissance : tout en étant la première destination mondiale, la France ne se classe en effet que troisième en termes de recettes, derrière les États-Unis et l’Espagne. Nous avons, avec Atout France, toutes les cartes en main – sans jeu de mots – pour réussir à donner sa pleine place à ce secteur à la fois magnifique et stratégique pour notre économie. Dans cette perspective, madame Khiari, vos suggestions seront très utiles.
La fusion entre Ubifrance et l’AFII est en cours. Elle sera opérationnelle dès le tout début de l’année 2015 et devrait nous permettre de structurer, auprès de ce grand opérateur, une politique de l’export plus claire, plus simple, plus lisible pour nos entreprises, en particulier nos PME, qui doivent pouvoir passer plus de temps à développer leurs projets et leurs innovations qu’à rechercher le bon interlocuteur.
Les conseillers du commerce extérieur de la France font pleinement partie de cette priorité à l’export. J’ai rencontré encore ce matin leur président, M. Bentéjac, pour évoquer avec lui les nombreuses pistes qui permettront de mobiliser pleinement ce réseau qui, présent dans la plupart des pays du monde, constitue une chance extraordinaire pour la France.
Vous m’avez interrogé sur l’évolution des subventions allouées aux opérateurs du programme 185. Leur dotation diminue de 2 %, selon la norme interministérielle fixée au titre de leur contribution à la réduction des déficits publics. Cette diminution est similaire à celle qu’enregistre la mission « Action extérieure de l’État » dans son ensemble. Nous nous sommes assurés de la faisabilité de cette mesure pour les opérateurs concernés.
Le programme 341 est consacré à la Conférence Paris Climat 2015, dite « COP 21 ». Nombre d’entre vous ont souhaité obtenir des précisions ; des amendements ont d'ailleurs été déposés. Ces interrogations sont tout à fait légitimes, et le Parlement est là, bien sûr, tout à fait dans son rôle.
Sur l’initiative du Président de la République, la France accueillera donc, du 30 novembre au 11 décembre 2015, la 21e conférence des Nations unies sur les changements climatiques. L’enjeu est majeur, puisque cette COP 21 doit aboutir à un nouvel accord international sur le climat, dans le but de maintenir le réchauffement mondial en deçà de deux degrés d’ici à 2100.
La France aura une double responsabilité : de favoriser l’obtention d’un accord en présidant les négociations et en jouant un rôle de facilitateur ; d’accueillir pendant deux semaines, en tant que pays hôte, plus de 40 000 participants, à savoir 20 000 délégués accrédités, 3 000 journalistes et 20 000 représentants de la société civile.
La COP 21 sera sans doute, par sa durée et sa dimension, le plus grand sommet diplomatique jamais organisé sur notre territoire. Nous devons réussir cette gageure en veillant à une gestion efficiente des deniers publics, en mettant en pratique l’esprit de la conférence, qui doit être écoresponsable, et en étant exemplaire en matière d’implication des acteurs locaux : la région d’Île-de-France, le département de Seine-Saint-Denis, la Ville de Paris.
Le site du Bourget a été retenu parce qu’il présente de très bonnes conditions d’accessibilité et d’accueil pour plus de 40 000 personnes. Il faut cependant l’aménager et couvrir l’ensemble des frais liés à l’accueil du public.
La création d’un programme budgétaire spécifique a pour objectif d’assurer une parfaite lisibilité des dépenses engagées, pour le Parlement, pour les services de l’État comme pour les citoyens, ainsi qu’un suivi rigoureux de l’utilisation des crédits. Ce programme est appelé à couvrir les dépenses liées à la préparation, à l’organisation et au déroulement de la conférence, mais aussi aux réunions préparatoires et postérieures à celle-ci, puisque la présidence française s’achèvera lors de la COP suivante, à la fin de l’année 2016.
Au total, nous demandons l’ouverture de 187 millions d'euros pour les années 2015 et 2016. Après application de la réserve de précaution, cela fait un budget disponible de 172 millions d'euros. Ce coût prévisionnel important est lié au nombre de participants, à la durée de l’événement – deux semaines – et aux exigences particulières du cahier des charges des conférences des Nations unies. Ce budget est un plafond, estimé de façon rigoureuse et sincère : nous ne voulons pas que l’on nous reproche plus tard d’avoir sous-estimé le budget prévisionnel. En cas de sous-estimation, les critiques seraient évidemment légitimes.
Le secteur privé est mobilisé pour contribuer au financement de la conférence à travers des actions de mécénat. Nous avons contacté à ce stade une soixantaine d’entreprises, qui nous ont généralement réservé un accueil positif. C’est aussi une occasion pour elles de valoriser les savoir-faire français. Des contributions financières et en nature seront apportées, par exemple dans le domaine des transports, des télécommunications, de l’équipement informatique et du recyclage des déchets.
L’organisation de la COP 21 sera bénéfique pour l’économie locale, en particulier pour le secteur du tourisme. L’Office de tourisme de la Ville de Paris estime que la conférence rapportera 100 millions d'euros à la région du fait des dépenses des participants, notamment en matière d’hébergement et de restauration. Elle sera également une vitrine pour valoriser nos savoir-faire et notre capacité à accueillir un événement mondial d’une telle envergure.
J’en viens au programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires ». Vous savez que je suis particulièrement attentif à la question des Français de l’étranger, que vous êtes nombreux à suivre, en raison de l’atout extraordinaire que représentent nos compatriotes installés à l’étranger, mais aussi parce que j’ai moi-même été un Français de l’étranger pendant plus de la moitié de ma vie. Je suis donc tout à fait conscient des spécificités de cette situation.
Le projet de loi de finances pour 2015 marque une étape importante en ce qui concerne l’aide à la scolarité. L’enveloppe allouée aux bourses scolaires atteint le niveau auquel le Président de la République s’était engagé à la porter : 125,5 millions d'euros. La ventilation des crédits est plus équitable. Elle correspond mieux au niveau de revenu des familles, grâce à une meilleure progressivité des quotités. Au total, un plus grand nombre de familles bénéficient de bourses. Par ailleurs, le nouveau système prend mieux en compte les différences de coût de la vie entre les pays ; nous savons qu’elles peuvent être très importantes.
Madame Perol-Dumont, vous m’avez interrogé sur l’aide sociale. L’enveloppe allouée aux affaires sociales passe de 19,3 millions d'euros dans la loi de finances pour 2014 à 18 millions d'euros dans le présent projet de budget. L’essentiel de cette différence tient à la suppression de la ligne dédiée à la formation professionnelle et à l’aide à l’emploi dans les pays étrangers. Le reste provient de l’alignement de la dotation sur l’exécution budgétaire constatée ces dernières années. Il n’y aura donc pas de conséquence sur le niveau d’aide sociale accordée, et nous y sommes très attentifs.
Vous avez attiré mon attention sur la question de la formation professionnelle et de l’aide à l’emploi. La dotation budgétaire pour les formations professionnelles en France de Français expatriés est inchangée. La seule différence est que, en application de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, le dispositif sera désormais mis en œuvre par les régions.
Par ailleurs, comme je l’ai déjà souligné, la ligne budgétaire dédiée à la formation professionnelle et à l’aide à l’emploi dans les pays étrangers, qui représentait 800 000 euros, est supprimée. Ces aides, allouées par les comités consulaires pour l’emploi et la formation professionnelle, ont été critiquées par la Cour des comptes en 2013, compte tenu de leur efficacité limitée. La suppression de ces crédits n’entraînera pas pour autant la fin de l’accompagnement local de nos concitoyens. Nous travaillons avec les chambres de commerce et d’industrie, qui, dans la plupart des cas, touchent ces subventions, pour les aider à augmenter leurs recettes et donc leur autofinancement. En outre, les crédits d’aide sociale pourront être utilisés, de façon dégressive, pour faciliter la phase de transition.
S’agissant des visas, la tendance à la hausse de la demande se confirme partout, et plus particulièrement dans les pays émergents. La hausse a été de 13 % pour les dix premiers mois de l’année 2014. En Chine, elle était de 57 % : de janvier à octobre, 500 000 visas ont été délivrés, contre 316 000 l’année dernière sur la même période.
Le renforcement des services des visas est essentiel pour que la France puisse pleinement bénéficier des retombées de la demande étrangère en matière de tourisme et d’investissements. Les résultats sont déjà là, comme le montre le succès de l’opération « visa en 48 heures » en Chine, qui sera étendue dès le 1er janvier 2015 à l’Inde, à l’Afrique du Sud et à certains pays du Golfe.
Le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », se caractérise par l’importance des contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, ou OMP, qui représentent plus de 40 % du total des crédits ; M. Christian Cambon, notamment, a évoqué cette question.
Nos efforts en faveur d’une meilleure maîtrise de ces budgets portent leurs fruits, ce qui nous permet de diminuer les enveloppes. Nous le devons à l’exigence de la diplomatie de la France et de ses partenaires ; l’objectif est de maintenir une croissance nominale zéro des budgets des organisations internationales. Le renforcement des procédures d’évaluation de ces organisations nous conduit à quitter l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel, l’ONUDI, à partir d’une analyse du rapport coût/avantages de notre contribution. Nous agissons enfin pour contenir la hausse des coûts des OMP, en demandant la baisse des effectifs des missions dont l’activité n’a plus besoin d’être aussi importante au vu de l’évolution de la situation.
La diminution de l’enveloppe s’explique également par le choix de reporter à 2016 le paiement de plusieurs appels à contribution qui ne nous seront transmis qu’en décembre 2015, au moment de la clôture comptable. Par ailleurs, le fait que le budget des OMP ne soit pas calé sur l’année civile nous permet de prendre en compte, pour la deuxième partie du prochain exercice, les nouveaux barèmes tels qu’ils seront renégociés en 2015, et dont nous attendons une diminution de la quote-part française.
Concernant la coopération de sécurité et de défense, nous rationalisons notre dispositif afin de répondre aux nouveaux enjeux et aux nouveaux impératifs de réduction des déficits publics. La baisse sera de 1,1 million d'euros en 2015. Le ministère établit des priorités pour que notre action soit cohérente avec notre politique étrangère. Nous renforçons les capacités des États partenaires dans une logique d’appropriation. Nous agissons en priorité en Afrique subsaharienne et dans la bande sahélo-saharienne, du fait notamment des enjeux sécuritaires.
Notre politique vise également à renforcer l’influence française par des actions de conseil et de formation.
Vous m’avez interrogé sur les questions immobilières. Notre politique est fondée sur trois principes : la rationalisation de nos implantations, en privilégiant les regroupements et les relocalisations dans des sites mieux sécurisés et mieux adaptés ; le respect des ratios d’occupation définis par le Gouvernement ; la valorisation de nos biens, en finançant les opérations de gros travaux et d’achats par le produit de nos cessions.
Cela m’amène à évoquer le processus plus large d’adaptation du réseau. Nous conservons l’universalité du réseau, mais nous adaptons notre présence et nos modes d’action selon les enjeux. La transformation d’ambassades en postes de présence diplomatique aux missions allégées et le réexamen de nos effectifs dans les pays où nous disposons de moyens importants, souvent hérités de l’histoire, nous permettent de nous renforcer là où nos priorités politiques et économiques l’exigent.
Cette adaptation nous permet de renforcer notre dispositif dans les pays émergents. C’est ainsi que, depuis 2012, nos effectifs ont augmenté de 12 % en Chine, de 8 % en Indonésie et au Qatar, de 5 % en Éthiopie, de 4 % en Inde et de 3 % au Brésil, et cela malgré la baisse du plafond d’emplois global du ministère.
Monsieur Yung, j’ai bien entendu votre demande au sujet des redéploiements. En ce qui concerne les postes de présence diplomatique, des réunions de concertation ont été organisées avec les élus représentant les Français de l’étranger. Si, ici ou là, des besoins d’information supplémentaire se font entendre, je suis disposé à y répondre avec l’ensemble des équipes du Quai d’Orsay ; Laurent Fabius y répondra lui-même en tant que de besoin.
Le rôle des ambassadeurs thématiques a été évoqué. La Cour des comptes a récemment effectué une enquête à leur sujet. Voici ce qu’elle écrit : « Pour un coût budgétaire limité, ils sont l’un des moyens possibles pour incarner une présence française sur des questions qui appellent plus qu’une simple présence administrative. »
Comme Richard Yung dans le cadre de son contrôle budgétaire, la Cour des comptes demande que les conditions de leur nomination et de l’exercice de leurs fonctions soient harmonisées. Nous y veillerons ; nous serons notamment attentifs à la remise systématique d’une lettre de mission fixant le cap à suivre, au rattachement à une direction et à la communication régulière de rapports d’activité rendant compte des missions effectuées et des résultats obtenus.
Je rappelle enfin que le nombre d’ambassadeurs thématiques a diminué ces dernières années : ils étaient vingt-huit en 2011 ; ils ne sont plus que vingt-deux aujourd’hui.
La question des colocalisations a été soulevée. C’est avec l’Allemagne que ce mouvement est le plus avancé, en particulier dans le domaine culturel et éducatif ; j’étais la semaine dernière sur l’Eurocampus franco-germano-irlandais de Dublin. La colocalisation progresse également sur le plan diplomatique et consulaire : trois implantations sont déjà une réalité – à Rio, à Pyongyang, dans un contexte particulier, et à Brazzaville – et cinq projets devraient être achevés en 2015 : à Dakar, au Koweït, au Brunei, en Érythrée et en Jamaïque.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget qui vous est présenté est à la fois porteur d’économies, cohérent et ciblé.
Comme M. Jean-Pierre Raffarin l’a rappelé, un budget doit être analysé au regard de la politique qu’il traduit. En l’occurrence, ce budget est en phase avec les priorités nationales, en termes de redressement économique comme en termes d’action diplomatique. Il dote le ministère des affaires étrangères et du développement international des moyens de remplir sa mission, tout en s’adaptant aux enjeux du XXIe siècle, un siècle où le monde aura, plus que jamais, besoin de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées de l’UMP.)