M. le président. La parole est à M. Jacques Genest, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Genest. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Dans quelques heures, les chiffres du chômage pour le mois d’octobre seront publiés. Bien triste rendez-vous pour les 3,4 millions de chômeurs officiels, qui savent qu’ils n’ont rien à espérer d’une politique qui signe chaque mois son échec !
À ce propos, la situation des 1,4 million d’actifs du secteur du BTP est tout à fait préoccupante : en un an, l’emploi salarié y a baissé de 2 % et l’emploi intérimaire de presque 7 %. Pour le seul mois d’octobre, cette baisse est de 20 %.
Ces chiffres sont la conséquence du fait, édifiant, que l’on a rarement construit si peu de logements en France. Avec seulement 300 000 mises en chantier sur les douze derniers mois, soit une baisse de 11,4 % par rapport aux douze mois précédents, on est bien loin des 500 000 logements promis par le candidat François Hollande !
La conjoncture ne peut, seule, expliquer ce phénomène. Des normes toujours plus nombreuses et des règles d’urbanisme toujours plus rigides entravent la construction, notamment en milieu rural. Les maires doivent faire face à l’incompréhension de leurs concitoyens, qui voient de plus en plus de terrains classés inconstructibles. Cette situation contribue à tirer vers le haut le prix du mètre carré de terrain à bâtir. Celui-ci a augmenté de 8,8 % en 2013. Et ce n’est qu’un début !
La loi ALUR, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, véritable usine à gaz, dont même le Gouvernement reconnaît les erreurs, a fait perdre toute confiance aux investisseurs.
Enfin, la baisse des dotations affecte les collectivités territoriales, alors que ces dernières sont à l’origine d’environ 70 % de l’activité des entreprises de travaux publics. Pourtant, le Gouvernement veut aujourd'hui frapper encore plus drastiquement et brutalement les ressources des collectivités, en dépit du compromis équilibré trouvé par le Sénat.
Les quelques avancées présentées dans le projet de loi de finances pour 2015 n’auront que des effets très différés dans le temps et ne suffiront pas à amorcer le redémarrage, indispensable, de la construction, qui est l’un des piliers de notre croissance et qui crée des emplois qui ne sont pas délocalisables.
Quand le Gouvernement va-t-il prendre les mesures urgentes qui s’imposent pour faire repartir l’activité et l’emploi dans ce secteur ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, la crise du logement pèse lourdement sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens, qui dépensent, en comparaison de la plupart de nos voisins européens, beaucoup trop pour se loger. Dans de nombreuses villes, il est difficile de trouver un logement.
Aujourd'hui, l’urgence, dans ce pays, est de donner un logement à tous les Français, quelle que soit leur situation et quels que soient leurs besoins.
M. Philippe Dallier. Quelle belle déclaration…
M. Alain Gournac. Paroles !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Pour y parvenir, nous n’avons d’autre choix que de construire davantage, car les problèmes du mal-logement proviennent essentiellement d’un manque de construction. D'ores et déjà, nous agissons pour la relance de la construction, notamment en fluidifiant les parcours résidentiels.
Les entreprises du bâtiment, que je reçois régulièrement, nous ont fait part des difficultés considérables qu’elles rencontrent. À cet égard, nous avons mis en place un certain nombre de mesures.
M. Pierre Charon. Ces mesures sont purement administratives ! On n’y comprend rien…
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Celles-ci doivent permettre d’atteindre les objectifs du Gouvernement en matière de croissance et d’emploi.
Nous avons simplifié les règles en matière d’urbanisme (Vives protestations sur les travées de l’UMP.),…
M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo…
M. Éric Doligé. C’est un gag !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. … encouragé l’investissement, restauré la confiance, pour relancer la construction et permettre aux ménages d’accéder au logement.
Je n’oublie pas les efforts que nous avons engagés en faveur de la rénovation de logements, dont les effets sont plus rapides que la construction de logements neufs. Je pense, en particulier, au relèvement à 30 % du crédit d’impôt développement durable, au renforcement de l’éco-prêt à taux zéro pour l’ancien et aux aides de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Dallier. Il n’y avait plus d’argent à l’ANAH !
M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Notre principale priorité est bien de redonner un élan à une machine bloquée, responsable d’une pénurie, notamment de logements adaptés, dans les zones tendues.
Je pense également au logement intermédiaire, dispositif que nous avons assoupli et encore amélioré.
Ce plan pour le logement bénéficiera donc à tous les Français. (Nouvelles exclamations sur les travées de l’UMP.) D'ailleurs, des mesures sont déjà en place. Le dispositif d’investissement locatif doit s’appliquer sur six, neuf ou douze ans, pour s’adapter aux horizons d’investissement des ménages. L’abattement exceptionnel de 30 % doit inciter à la libération de foncier. Quant à la réforme du prêt à taux zéro et du zonage, elle doit adapter ces deux outils aux réalités du marché immobilier.
D’autres mesures s’appliqueront dès que le projet de loi de finances pour 2015 sera voté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
application de la loi « florange » et politique industrielle
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour le groupe socialiste.
M. Daniel Raoul. La visite du Président de la République à Florange, saluée comme courageuse par certains (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.),…
M. Philippe Dallier. Très courageuse…
M. Daniel Raoul. Monsieur Dallier, puis-je continuer ?
M. Jean-Louis Carrère. Oui, monsieur Dallier, un peu de calme !
M. Daniel Raoul. … et le bilan de l’accord passé en novembre 2012 nous démontrent – c’est un bel exemple – que la réindustrialisation de notre pays est possible.
On ne valorise pas assez les réussites industrielles. À cet égard, permettez-moi de rappeler quelques chiffres concernant Florange : 146 millions d’euros, sur les 180 millions d’euros qui étaient prévus dans l’accord initial de novembre 2012, ont d'ores et déjà été engagés ; ces investissements, nous dit-on, atteindront 240 millions d’euros. La mutation technologique s’est faite sans licenciement ni plan social. On annonce même des créations d’emploi, en particulier trente CDI pour l’année 2015 et trente autres devraient probablement suivre.
Je ne mésestime pas le choc culturel que représente, dans cette région, la fermeture définitive des derniers hauts fourneaux, symboles tout à fait importants d’une industrie. Toutefois, regardons le succès de la filière froide, après l’arrêt de la filière liquide. La production de l’usine fabriquant l’Usibor a doublé en trois ans. Ses carnets de commandes sont pleins, justifiant le dépassement des engagements initiaux de novembre 2012 ainsi que les créations d’emploi annoncées et conjurant la tentation des transferts…
Après les dix années de désindustrialisation qu’a connues notre pays, cet exemple montre qu’il est possible d’augmenter la part de l’industrie dans le PIB. À l’heure actuelle, cette part est descendue à 12 %. Or si un pays veut jouer un rôle en tant que puissance économique, cette part ne doit pas descendre en dessous de 20 %… Cela dit, il est possible d’y incorporer les fonctions externalisées, et nous savons qu’en sortir certains secteurs peut entraîner des effets d’aubaine.
Quelle sera la part réservée à l’industrie dans le cadre du plan Juncker ? Que représente-t-elle dans la trentaine de projets que le Gouvernement a sélectionnés afin de les soumettre au jury international ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, quand nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons trouvé une industrie en crise – en grande crise, même ! (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Guillaume. Laissez-la répondre !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Notre priorité, depuis 2012, est de mobiliser toutes les énergies auprès des entreprises traversant des difficultés conjoncturelles.
M. Philippe Dallier. Ça va déjà beaucoup mieux…
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. En la matière, le Gouvernement et les commissaires au redressement productif placés auprès des préfets n’ont rien lâché.
Nous avons également redonné des marges de manœuvre aux entreprises, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. À ce jour, 10 milliards d’euros ont été versés aux entreprises. Avec le pacte de responsabilité, 30 milliards d’euros supplémentaires seront consacrés à l’investissement, à l’innovation et à l’emploi.
M. Alain Gournac. Tout va bien !
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Nous irons au bout de cet engagement.
En ce qui concerne Florange, comme vous l’avez fort justement souligné, monsieur le sénateur, le bilan de l’accord signé voilà presque deux ans est favorable. Florange a pleinement bénéficié du programme d’investissements, qui l’a repositionné comme un site majeur dans le dispositif industriel de la division Europe du Nord d’ArcelorMittal.
L’arrêt de la filière liquide concernait 630 emplois. Le processus de reclassement du personnel a été achevé sans aucun licenciement. Par ailleurs, je vous confirme que la direction a annoncé l’embauche de trente personnes en CDD d’ici à la fin de l’année et de trente personnes en CDI en 2015.
En matière de recherche et développement, le groupe s’était engagé à poursuivre la recherche pour le développement d’une technologie de production d’acier faiblement émettrice de CO2. Nous y serons attentifs.
Nous avons géré l’urgence. Aujourd'hui, notre priorité est d’utiliser ces marges de manœuvre pour démontrer que la France est une grande nation industrielle (Oh là là ! sur les travées de l'UMP.), une nation qui se réinvente. Et je veux dire ici que nous, Français, nous n’avons pas à rougir de notre industrie ! Dans des domaines aussi divers que l’aéronautique, le luxe, la ville durable ou encore les objets connectés, nous disposons de champions, que le monde nous envie. Je pense également à la French Tech, que nous avons développée, sur l’initiative d’Axelle Lemaire.
Vous nous interrogez sur les projets soutenus par notre pays dans le cadre du plan d’investissement européen, dont Jean-Claude Juncker a présenté hier les orientations. Comme tous les États membres, la France a élaboré une première liste de projets qui pourraient rapidement bénéficier de ce plan : la transition énergétique, la recherche et l’innovation, la formation, le numérique et, bien entendu, les infrastructures. Il était important de lister ces grandes thématiques. Au travers de ces priorités, la modernisation de notre industrie est évidemment centrale.
Bien entendu, nous avons aussi souhaité préparer l’avenir dans le cadre des trente-quatre plans industriels.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne manquons ni de courage, ni de détermination, ni de conviction ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)
affaire « asia bibi »
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Pierre Charon. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Henri de Raincourt. Il n’est pas là !
M. Pierre Charon. Asia Bibi est une jeune chrétienne pakistanaise condamnée à mort pour blasphème contre le prophète, ce qu’elle a toujours nié. Asia Bibi paie le prix de ses convictions, qu’elle ne veut pas renier. La vérité nous oblige à reconnaître que le crime de cette jeune femme, c’est tout simplement sa foi chrétienne, et rien d’autre ! Son cas illustre à lui seul les différentes persécutions que subissent les chrétiens dans certains pays, où il ne fait pas bon appartenir à une minorité religieuse. Asia Bibi est tout simplement un bouc émissaire dans des sociétés guidées par les démons du rejet et de l’intolérance. Elle témoigne du calvaire permanent enduré par des millions de chrétiens, en Irak, en Syrie et au Pakistan, où sévit la nouvelle barbarie du XXIe siècle.
L’affaire est si sensible au Pakistan que certains n’osent plus défendre Asia Bibi : un gouverneur de province et un ministre ont même été assassinés, parce qu’ils avaient pris fait et cause pour la jeune chrétienne. La justice pakistanaise, redoutant la vindicte des foules et la violence des fanatiques, préfère faire profil bas, quitte à piétiner les principes fondamentaux du droit.
Emprisonnée depuis 2009, Asia Bibi a été condamnée à mort en novembre 2010. La Haute Cour de Lahore a confirmé cette condamnation le 16 octobre dernier. Un recours a été déposé devant la Cour suprême le 24 novembre 2014.
De nombreuses mobilisations ont eu lieu en France et dans le reste du monde. Des pétitions ont été signées et des élus sont montés au créneau. La diplomatie doit elle aussi montrer son courage sur ces questions et ne pas se retrancher derrière la prudence. Quand la prudence est partout, le courage n’est nulle part ! La France doit faire comprendre au Pakistan que l’exécution d’Asia Bibi serait un affront à tout ce que nous avons de plus cher, qui va bien au-delà de nos intérêts matériels. N’ayons pas peur de demander au Président pakistanais d’intervenir, comme Bruno Retailleau, président du groupe UMP du Sénat, l’a demandé au Président de la République française.
Asia Bibi doit échapper à la peine de mort et retrouver sa liberté, son honneur de croyante, de femme et de mère de famille.
Monsieur le ministre, je vous demande de nous dire ce que la France envisage pour mettre fin à cette situation inique et honteuse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, la situation d’Asia Bibi, Pakistanaise de confession chrétienne, condamnée à mort pour blasphème, nous révolte.
Depuis la première condamnation d’Asia Bibi en 2010, la France a constamment rappelé que la notion de délit de blasphème était contraire au principe des droits de l’homme. La France a également rappelé son opposition à la peine de mort en tous lieux et en toutes circonstances.
La France est très attachée au respect des libertés fondamentales, au rang desquelles la liberté de religion, la liberté de conviction et la liberté d’expression, qui sont protégées par des traités internationaux. Ceux-ci garantissent, en particulier, le droit d’exprimer ses opinions et de manifester sa religion. Ces libertés sont notamment définies par la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Pakistan a ratifié en juin 2010.
La France protège les minorités religieuses, en particulier les minorités chrétiennes, qui sont aujourd'hui menacées dans plusieurs pays.
Concernant la situation d’Asia Bibi, de nombreuses démarches ont été effectuées depuis quatre ans à tous les niveaux, en lien avec nos partenaires européens. Mais, comme vous venez de le rappeler, la Haute Cour de Lahore, saisie en deuxième instance, a confirmé, le 16 octobre dernier, la condamnation à mort d’Asia Bibi pour délit de blasphème.
Dès le lendemain du verdict, la France a fait part de sa profonde préoccupation et a appelé une nouvelle fois le Pakistan à respecter ses engagements internationaux. Le Président de la République est intervenu personnellement auprès de son homologue pakistanais pour plaider la cause d’Asia Bibi. Au niveau européen, la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a également exprimé sa grande inquiétude et son espoir d’un recours rapide auprès de la Cour suprême.
Asia Bibi vient de faire appel de ce verdict devant la Cour suprême. Dans ce cadre, le gouvernement français fait et fera tout ce qui est en son pouvoir pour qu’un dénouement positif puisse intervenir le plus tôt possible.
Je le redis avec netteté et sans aucune prudence, la condamnation à mort d’Asia Bibi pour blasphème est révoltante, inhumaine et inacceptable. Telle est la position de la France ! Nous appelons la communauté internationale à se mobiliser, avec la France et l’Union européenne, pour faire annuler cette sentence. Nous ne pouvons accepter de telles condamnations fondées sur des accusations de blasphème, ni au Pakistan ni ailleurs dans le monde. Nous ferons donc tout pour sauver Asia Bibi. (Applaudissements.)
décrocheurs scolaires
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, pour le groupe socialiste.
M. Jacques Cornano. Un quotidien titre ce matin : « Avenir des enfants : la grande inquiétude ». En effet, 69 % des parents estimeraient que l’éducation nationale ne garantit plus l’égalité des chances.
Notre système scolaire a été particulièrement maltraité, fortement dégradé au cours de la dernière décennie, si bien qu’il figure désormais parmi les plus inégalitaires. C’est pourquoi le Président de la République a fait de l’éducation et de la jeunesse sa priorité, notamment en redonnant tous les moyens nécessaires à l’éducation nationale et à la formation, après des années de désengagement de l’État.
M. Joël Guerriau. Cela reste à voir !
M. Jacques Cornano. Depuis 2012, nous menons un plan de création de 60 000 postes et reconstruisons la formation professionnelle des enseignants. Cette politique portera ses fruits pour les jeunes générations ; c’est une politique d’avenir !
Reste qu’il existe une urgence en matière éducative, celle du décrochage scolaire. Les chiffres dans ce domaine sont alarmants : 140 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme, sans possibilité de faire valoir une formation. Ces jeunes sont alors livrés à eux-mêmes. En effet, comment peuvent-ils entrer dans la vie active sans qualification ? C’est ce drame qui doit nous préoccuper aujourd’hui. Il faut trouver une solution pour ces jeunes !
Mme la ministre de l’éducation nationale vient récemment d’annoncer des mesures fortes pour lutter contre le décrochage scolaire. Les moyens débloqués sont importants, mais, au-delà des chiffres, c’est l’action qui est essentielle : l’orientation, le suivi individualisé des parcours ou la formation des enseignants pour mieux repérer les signes avant-coureurs. C’est en mobilisant tous les acteurs que nous ferons réussir tous les jeunes. Il est bien de la responsabilité de la nation tout entière de former ses jeunes et de leur offrir, à chacun, les moyens de réussir.
Ma question est la suivante : en quoi les réponses apportées contre le décrochage scolaire, dans le cadre de ce plan ambitieux, sont-elles novatrices ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ce sont effectivement 140 000 jeunes qui, chaque année, sortent du système scolaire sans qualification, sans diplôme, sans emploi.
Le plan de lutte contre le décrochage scolaire, présenté vendredi dernier par le Premier ministre Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem - qui est retenue par d’autres contraintes et dont je vous prie, mesdames, messieurs les sénateurs, d’excuser l’absence –, repose sur une méthode à la fois globale et individualisée. Il comprend des mesures nouvelles, mais il vise aussi à coordonner un certain nombre de mesures existantes et déjà éprouvées.
Tout d’abord, l’accent est mis, pour la première fois, sur la prévention. Jusqu’à présent, 85 % des moyens utilisés pour lutter contre le décrochage scolaire étaient consacrés à des interventions postérieures à ce décrochage. Or la prévention a montré son efficacité, notamment au Québec et en Finlande, où les taux de réussite scolaire, après avoir connu des niveaux nettement plus bas, sont remontés extrêmement haut. Nous nous sommes donc inspirés de ces expériences réussies, de ces bonnes pratiques, ainsi que de l’évaluation des politiques publiques menées dans notre pays.
Ensuite, nous avons mobilisé des moyens importants : 300 millions d’euros, soit 50 millions d’euros par an pendant six ans. Pour cela, nous nous appuyons sur les fonds européens - Initiative pour l’emploi des jeunes et Fonds social européen -, ainsi que sur des crédits budgétaires du ministère et du programme d’investissements d’avenir. Ces moyens financiers témoignent de la priorité donnée à l’éducation et à la jeunesse par le Gouvernement.
Ce plan de lutte contre le décrochage scolaire s’articule autour de trois réponses différentes et complémentaires. La première d’entre elles est tout à fait simple : elle vise à coordonner tous les efforts en partant des besoins exprimés par les jeunes et par les familles. Rien n’est imposé par le haut et, pour la première fois, ce sont réellement les besoins du terrain qui fondent la démarche.
Dans ce cadre sont prévus un numéro unique et gratuit, opérationnel dès aujourd'hui, permettant aux élèves désorientés ou à leur famille d’obtenir des conseils, ainsi que des outils d’échanges avec les parents - comme la « mallette des parents » - pour gérer les moments clés que sont l’entrée en sixième ou l’orientation en troisième. Le but est que chaque famille, indépendamment de son niveau socioculturel, de son environnement et de son réseau de connaissances, puisse être informée et choisir. Une meilleure association et information, tant des parents que des enfants, permet de réduire le risque de décrochage.
S’ajoutent à ces dispositifs la mise en place d’une semaine de la persévérance scolaire, organisée chaque année au moment des pics de décrochage, et, comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, des actions en matière de formation des enseignants. La meilleure arme pour lutter contre l’échec scolaire, c’est la qualité de la formation des enseignants ! Nous avons donc remis en place la formation professionnalisante sur le terrain, qui avait été supprimée durant le quinquennat précédent. (Exclamations sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous demande de conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Vous le voyez, nous refusons que le décrochage scolaire soit une fatalité et nous voulons donner une seconde chance aux jeunes qui en ont besoin, quel que soit leur territoire ou leur milieu d’origine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
collectivités locales
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. François Bonhomme. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et porte sur les conséquences de la diminution sans précédent des dotations de l’État aux collectivités.
Madame la ministre, le Gouvernement veut imposer aux collectivités une diminution de leurs ressources de 11 milliards d’euros entre 2015 et 2017, dont 3,7 milliards d’euros dès 2015. Cette décision va inévitablement peser sur leurs finances.
Mme Catherine Deroche. Eh oui !
M. François Bonhomme. Prises à la gorge, les collectivités vont se retrouver dans une position intenable : soit elles seront contraintes de procéder à des arbitrages douloureux affectant les services publics et les investissements locaux, que vous affirmez par ailleurs soutenir - que dire alors des conséquences sur les entreprises fortement dépendantes de la commande publique ? -, soit les élus locaux seront contraints d’augmenter les taux d’imposition. Pourtant, vous le savez, la plupart des maires sont des personnes responsables et acceptent de participer à l’effort national. Oui, l’effort doit être partagé, mais encore faut-il que la contribution exigée suive une trajectoire crédible et réaliste !
Compte tenu de la rigidité de leurs dépenses, les collectivités ne pourront s’adapter à une réduction aussi brutale des dotations. Celle-ci n’est pas envisageable sans véritable étude d’impact. Tous les rapports, à commencer par celui de nos collègues Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard, et toutes les études le martèlent et confirment cette sombre perspective.
Vous pourriez vous inspirer utilement de l’analyse de François Baroin, dont nous saluons l’élection à la présidence de l’Association des maires de France. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ce dernier annonce un choc brutal, « avec 30 % en moins d’investissements publics dans les trois années qui viennent et 10 % en moins d’investissement local, soit 0,2 point de croissance ».
Vous pourriez également écouter la mise en garde du président du Comité des finances locales, André Laignel, lequel vient de déclarer que « le Gouvernement sera obligé d’arrêter de couper les dotations, parce que le traumatisme sera tel qu’il faudra prendre des mesures de relance ».
Effet récessif garanti !
Dès lors, je souhaiterais savoir si vous allez enfin écouter les élus locaux et accepter une véritable négociation avec leurs représentants, afin de trouver ce point d’équilibre nécessaire tant pour nos collectivités que pour notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je sais que vous partagez avec le Gouvernement la même préoccupation de maîtrise des dépenses publiques. Si j’en crois les responsables de votre parti, vous souhaitez même multiplier l’objectif par deux, c'est-à-dire dégager, non pas 50 milliards, mais 100 milliards d’euros d’économies. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Bien sûr !