M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, sans surprise, l’Assemblée nationale a, en de nombreux points, rétabli le texte dans sa rédaction issue de ses travaux en première lecture. L’analyse du groupe écologiste sera donc la même que lors de la précédente lecture.
Ainsi, ce texte contient des mesures positives.
Le tiers payant intégral et la suppression des franchises médicales pour les bénéficiaires de l’assurance complémentaire santé, l’ACS, dès le 1er juillet 2015 sont des mesures fortes pour l’accès aux soins des plus démunis.
La prise en compte de la prévention dans les lignes budgétaires du fonds d’intervention régional destinées aux actions initiées par les agences régionales de santé est un pas en avant que nous saluons.
Enfin, la prise en considération de la qualité, de la sécurité des soins et du contexte dans lequel s’insère la structure hospitalière pour le calcul de la rémunération à l’activité, la T2A, est une avancée qui permet de sortir d’une approche purement financière.
Cependant, ces mesures ne font pas le poids face au reste du projet de loi et à sa philosophie générale.
La diminution des recettes de la sécurité sociale pour 2015 met en danger notre système social : moins 5,9 milliards d’euros, soit plus de la moitié du déficit prévu pour 2015. Il s’agit d’une conséquence directe du pacte de responsabilité et de ses baisses de charges inconditionnelles en faveur des entreprises.
Cette perte de recettes, l’État s’est engagé à la compenser. Toutefois, cette compensation sera assurée non pas par des recettes nouvelles et pérennes, mais par des mesures d’économies, notamment sur l’assurance maladie et la politique familiale, et avec des ponctions non reconductibles. Par exemple, 1,5 milliard d’euros sera trouvé par un prélèvement sur la trésorerie des caisses de congés payés.
Le recours à la dette sera également favorisé aux termes de l’article 27, ce qui augure une financiarisation de notre modèle social le plaçant ainsi dans une dépendance à l’égard des taux d’intérêt.
Une mesure intéressante visant à créer une nouvelle recette a d’ailleurs été définitivement écartée du texte : je veux parler de l’amendement visant à taxer les dividendes perçus par les dirigeants d’entreprise.
En première lecture à l’Assemblée nationale, un amendement visant à dissuader les dirigeants d’entreprise de se rémunérer en dividendes – moins taxés – plutôt qu’en salaire par une augmentation adéquate de la fiscalité avait été voté. Le Gouvernement l’avait promis : cette mesure a été supprimée. Sur ce point, vous avez tenu vos promesses, madame la secrétaire d'État !
Concernant la politique familiale, la modulation des allocations familiales selon le revenu remet en cause un principe fondamental de notre sécurité sociale, à savoir l’universalité : on cotise selon ses moyens, on reçoit selon ses besoins.
Nous, écologistes, défendons le droit à l’allocation pour chaque enfant, dès le premier enfant. En revanche – et nous nous différencions ainsi de nos collègues de droite –, nous sommes favorables à une autre réforme : la suppression du quotient familial. Ce quotient est profondément injuste !
M. Gilbert Barbier. Ah !
M. Jean Desessard. Eh oui, mon cher collègue ! Et ceux qui sont favorables à l’universalité des allocations familiales devraient aller au bout de leur logique !
Ainsi, pour une famille dont les parents touchent à eux deux le SMIC, l’avantage fiscal est de 279 euros par an et par enfant, tandis que, pour une famille dont les parents perçoivent à eux deux six fois le SMIC, l’avantage est de 2 000 euros par an et par enfant.
Les écologistes souhaitent remplacer le quotient familial par une allocation universelle pour chaque enfant, dès le premier, afin que la même somme soit attribuée à chacun d’entre eux, indépendamment du milieu dans lequel il est né.
En conclusion, puisque ce projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte en l’état quelques mesures intéressantes, mais qu’il est structurellement affecté par une réduction des recettes dont la compensation est loin d’être idéale et qu’il remet en cause l’universalité de la politique familiale, le groupe écologiste s’abstiendra.
En revanche, si la nouvelle majorité sénatoriale de droite utilise ce débat, comme en première lecture, pour rétablir les franchises médicales, instaurer la retraite à soixante-quatre ans ou encore instaurer trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière, nous serons contraints de modifier notre position pour nous orienter vers un vote contre. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée des droits des femmes, mes chers collègues, comme vous vous le rappelez, M. Sapin déclarait il y a peu : « C’est plus facile de débattre avec un Sénat de droite animé de cet état d’esprit qu’avec un Sénat de gauche ingouvernable. On va pouvoir enfin s’intéresser aux textes qui aboutissent plutôt qu’à ceux qui sont rejetés. »
Je ne reviendrai pas sur ces propos, la présidente de notre groupe, Éliane Assassi s’étant exprimée à ce sujet.
C’est vrai, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 au Sénat a été mené à son terme et a donné lieu à un fastidieux travail, au sein de la commission des affaires sociales puis en séance publique.
Ainsi, au terme de trente-quatre heures de débat en séance publique, au cours duquel nous avons amendé le texte adopté par l’Assemblée nationale, nous avons conclu nos travaux par un vote. Or il s’avère que nous retrouvons, en nouvelle lecture, un texte quasi identique à celui qui nous avait été soumis, les amendements du Sénat ayant été pour l’essentiel rejetés par l’Assemblée nationale.
Madame la secrétaire d'État, vous avez parlé de dix articles conformes ; mais le projet de loi compte quand même soixante-neuf articles !
Il va sans dire que j’adhère à la suppression par l’Assemblée nationale de certaines mesures proposées par la droite sénatoriale, comme le relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite, l’introduction de trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière ou encore la suppression des cotisations sociales sur les dividendes.
Pour autant, je regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas pris en compte la position du Sénat sur la modulation des allocations familiales ou encore sur l’augmentation du taux de la contribution des employeurs sur les retraites chapeaux les plus élevées.
Surtout, j’estime que le retour du texte, presque « en l’état » par rapport au texte soumis en première lecture, constitue une vraie atteinte à notre démocratie. En effet, à l’heure où nos institutions sont remises en cause et où certains questionnent le rôle et l’utilité du Sénat, la manière dont se déroule l’examen de ce texte donne du grain à moudre à nos détracteurs.
Pour autant, les sénatrices et sénateurs communistes républicains et citoyens ne resteront pas spectateurs dans ce débat entre une droite qui profite du fait qu’elle n’est plus aux responsabilités pour proposer des mesures injustes et une gauche gouvernementale qui propose une politique du « moins pire ».
Ainsi, permettez-moi d’intervenir sur le fond et de rappeler avec force nos propositions pour une politique sociale juste et équilibrée sur le plan financier.
Tout d’abord, nous contestons le budget d’austérité présenté par le Gouvernement, qui fait peser sur les assurés les exonérations de cotisations accordées aux entreprises.
En effet, cela fait plus de vingt ans que des allégements massifs de cotisations sociales sont consentis, plus de vingt ans que les gouvernements successifs génèrent de la dette sociale pour prétendument soutenir l’emploi.
Or les résultats ne sont pas au rendez-vous. Du reste, aucun lien n’a été prouvé entre les politiques d’exonérations fiscales et sociales et la création d’emploi.
Le pacte de responsabilité prévoyait des contreparties qui porteront « sur des objectifs chiffrés d’embauche, de travail des jeunes ou des seniors, la formation, les salaires et la modernisation du dialogue social ». Un observatoire devait même être mis en place et le Parlement associé.
Mais ces contreparties n’existent pas. M. le ministre des finances a expliqué qu’il ne fallait « pas attendre d’effets directs sur les embauches du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi », mais que cet avantage fiscal était destiné à « aider les entreprises à reprendre l’initiative ».
Cette « reprise de l’initiative » a bien été visible concernant la rémunération des actionnaires, puisque 30,3 milliards d’euros de dividendes ont été distribués par les entreprises au deuxième semestre de 2014. Pour autant, elle ne semble pas avoir eu d’effet sur l’emploi.
Nombreux sont nos concitoyennes et nos concitoyens à partager l’avis du groupe communiste républicain et citoyen. Ainsi, selon un récent sondage, 81,1 % des Français considèrent que « le MEDEF ne respecte pas les engagements du Pacte de responsabilité, qui doit voir les entreprises investir et embaucher en échange de baisses de charges ».
Pourquoi ne pas prendre acte de ces constats et mener enfin une politique de gauche, autour de laquelle nous pourrons nous rassembler ?
Cette politique de gauche suivrait une logique simple : mettre fin aux exonérations de cotisations sociales, qui n’ont pas d’impact avéré sur l’emploi, mais qui pèsent fortement sur notre système de protection sociale, et préférer à ces exonérations de nouvelles recettes, en mettant à contribution le secteur financier ou en menant une politique active de lutte contre la fraude aux cotisations sociales des entreprises.
Nous proposons enfin de moduler les cotisations dues par les entreprises en fonction de leur politique d’emploi.
Voilà des propositions concrètes avec des garanties de résultats pour les assurés sociaux, à savoir la pérennité du financement de notre « Sécu » !
En effet, comment concilier l’impératif de faciliter l’accès aux soins, de réorienter le système de santé vers la proximité et la qualité et de favoriser la prévention avec un objectif national des dépenses d’assurance maladie à 2,1 % ?
Les 3,2 milliards d’euros d’économies escomptées pour 2015 reposent sur les effets potentiels du virage ambulatoire, de la fameuse pertinence des soins. Or la réalité est que les hôpitaux ferment leurs services, réduisent leur personnel et sont au bord de la faillite.
Nous sommes intervenus avec force, y compris dans notre motion, contre la remise en cause de l’universalité de la protection sociale. D’ailleurs, chacun des groupes parlementaires qui composent la Haute Assemblée, exception faite du groupe socialiste, a déposé un amendement de suppression de cette mesure, qui est injuste. Pour autant, elle nous est soumise à nouveau en nouvelle lecture.
De même, alors que tout le monde s’accorde à dire que le gel des prestations produit un effet récessif, accentuant même certaines dépenses sociales, il est maintenu. Or, au-delà des chiffres et des statistiques, c’est de la vie de nos concitoyennes et concitoyens, du fonctionnement des hôpitaux, de notre protection sociale et de notre système de soins qu’il s’agit.
Depuis 2012 et l’élection de François Hollande à la présidence de la République, nous, sénatrices et sénateurs communistes républicains et citoyens, demeurons fidèles à nos engagements. Nous continuons à réaffirmer que nous sommes disposés à soutenir le Gouvernement dès lors qu’il mettra en œuvre une politique résolument sociale et solidaire qui, au lieu de faire pression sur les salariés, proposerait une meilleure et une plus juste répartition des richesses.
Cela passe, entre autres, par une nécessaire réorientation de l’argent au service de l’économie réelle et des besoins humains. C’est pourquoi nous proposons, par exemple, de taxer les revenus financiers et spéculatifs, qui ne servent pas l’économie et détruisent des emplois. Accepterez-vous enfin d’engager la discussion sur ces nouvelles recettes à chercher dans la sphère financière, là où passe trop d’argent aujourd’hui au détriment du travail ?
C’est ce chantier que nous vous proposons de mener ensemble, et non celui de l’appauvrissement de la sécurité sociale, en particulier de la branche famille, ou des reports à répétition de la prise en charge de l’autonomie.
Mais en l’absence de signe fort de votre part, face à une politique sans rupture avec celle de la majorité précédente et, plus grave encore, dangereuse, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC n’auront d’autre choix que de rejeter, en l’état, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui la nouvelle lecture du PLFSS pour 2015.
Lors de l’examen de ce texte en première lecture par la Haute Assemblée, la majorité sénatoriale, dans un esprit de dialogue, a fait preuve de beaucoup de sérieux face aux propositions du Gouvernement : nous en avons adopté certaines ; nous en avons précisé d’autres ; nous avons enfin proposé des alternatives à des mesures qui nous paraissaient néfastes pour l’avenir de notre système de protection sociale. Je rappelle que, sur les 93 articles que contenait ce projet de loi après son examen par l’Assemblée nationale, nous en avons adopté 47 conformes. Ce ne sont peut-être pas des articles essentiels, mais cela traduit bien l’état d’esprit de cette nouvelle majorité. C’est un grand changement par rapport à ce que nous avons connu ces deux dernières années. Cela méritait d’être souligné !
Je voudrais saluer, madame la secrétaire d’État, vos propos introductifs de ce matin qui étaient empreints de respect et de courtoisie à l’égard de notre assemblée, malgré nos divergences. Mais cette méthode de travail ne semble pas être celle de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé si j’en crois les propos assez sidérants de Mme la ministre – ils ont été déjà évoqués par M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales – et la manière dont elle a traité la majorité sénatoriale à l’Assemblée nationale : un texte « qui entérine […] une dégradation des comptes, maquillée par quelques économies de posture qui ne sont en réalité que de la poudre aux yeux », des « économies […] purement incantatoires », un « texte […] financièrement irresponsable et socialement inacceptable », « insincère »…
Mme Nicole Bricq. Vous l’avez cherché, tout de même !
M. Jean-Louis Carrère. Il ne faut pas s’exposer. Il faut faire attention !
M. Gilbert Barbier. Je cite encore : « Les masques sont tombés : les seules économies prônées sont en réalité des reculs sociaux », « surenchère permanente des programmes d’économie, en faisant claquer les milliards d’euros ».
« Claquer les milliards d’euros » : quelle élégance de langage dans la bouche d’une ministre de la République ! Il faut le souligner. (Mme Nicole Bricq proteste.)
Nous sommes encore en démocratie et chacun a le droit d’exprimer ses choix politiques, notamment en matière de protection sociale.
M. Jean-Louis Carrère. Il y en a d’autres !
M. Gilbert Barbier. Vous ne partagez pas notre vision, soit, mais est-ce une raison pour tenir de tels propos ?
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas bien méchant !
M. Gilbert Barbier. Je ne puis comprendre ces dérapages, sauf à considérer que ce gouvernement est dans l’impasse, à force de refuser de prendre les décisions courageuses qui, jour après jour, se révèlent nécessaires.
Qui a présenté des prévisions de croissance et d’augmentation de la masse salariale manifestement insincères ? C’est vous !
Qui va alourdir de plus de 10 milliards d’euros la charge transmise aux générations futures pour pouvoir assurer le fonctionnement de la sécurité sociale ? C’est encore vous !
Qui va réussir le tour de force de rassembler tous les syndicats professionnels contre les velléités d’atteinte à l’exercice libéral ? C’est toujours vous !
Pour en venir au texte qui nous intéresse aujourd’hui, je suis consterné par le mépris, l’absence d’écoute, le refus du dialogue du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Vous rejetez systématiquement les propositions alternatives présentées, y compris d’ailleurs par votre majorité !
M. Jean-Louis Carrère. Allons !
M. Gilbert Barbier. J’en veux pour preuve l’article sur la réduction forfaitaire de cotisations par heure déclarée pour l’emploi à domicile. Alors que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale s’est prononcée par deux fois, à l’unanimité, en faveur d’une réduction de cotisations de 1,50 euro, le Gouvernement a forcé la main et amené le rapporteur, Gérard Bapt, à se réfugier dans la sagesse de l’Assemblée et à faire marche arrière : vous avez déjugé votre majorité à l’Assemblée nationale !
Tant les députés que les sénateurs vous ont pourtant alertée à plusieurs reprises sur la dégradation du secteur des emplois à domicile. Je ne voudrais pas revenir sur les chiffres, que l’on peut contester ; toutefois, en 2013, les déclarations ont enregistré une diminution de 16 000 emplois équivalents temps plein, après une première baisse de 12 000 emplois équivalents temps plein en 2012, et la tendance se confirme malheureusement en 2014. Vous savez très bien qu’une partie de cette baisse est liée à un passage de l’emploi déclaré à l’emploi non déclaré.
J’ai admiré la démonstration d’un quart d’heure du ministre du budget devant l’Assemblée nationale pour démontrer que, finalement, il était plus avantageux de déclarer que de ne pas le faire. Peut-être pourrons-nous y revenir, mais pourquoi vous obstinez-vous tellement contre cette mesure de bon sens ?
Nous avions également proposé une économie d’un milliard d’euros sur l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, et plus particulièrement sur le secteur hospitalier. Là encore, le Gouvernement refuse cette nécessaire restructuration de l’hôpital public, pourtant urgente, comme tous les acteurs économiques le soulignent. Je l’ai indiqué en première lecture, le système se dégrade de jour en jour. L’inégalité devant des soins de qualité est patente. L’évolution des techniques et la disparité des compétences des professionnels font que l’on ne peut soigner bien tout et partout. Et ce ne sont pas les timides mesures d’évaluation qui résoudront ce problème majeur ! Mettre sous le joug les établissements privés participant au service public n’améliorera certainement pas les résultats en matière de santé publique.
S’agissant enfin de la politique familiale, je déplore que vous remettiez en cause l’universalité des allocations familiales, principe auquel je suis profondément attaché. Surtout, il est à craindre que cette mesure ne crée un précédent et n’ouvre une brèche dans l’ensemble du système de protection sociale.
Nous avons été très nombreux, en première lecture, à vous faire part de nos réticences. Allons-nous être entendus ce matin ? J’en doute fortement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous voici confrontés à cette deuxième lecture du PLFSS et, après avoir entendu les précédents orateurs, je ne puis que renchérir sur leurs propos.
Madame le secrétaire d’État, si nous sommes certes ravis de vous recevoir au Sénat, nous aurions cependant préféré – pardonnez-moi de vous le dire – avoir en face de nous le ministre des affaires sociales…
Mme Annie David. « La » ministre des affaires sociales !
M. Jean-Noël Cardoux. … qui a participé à tous nos débats et qui, aujourd’hui, après les propos qu’elle a tenus à l’Assemblée nationale, nous fait faux bond. J’espère que vous serez la courroie de transmission qui lui fera part de nos positions.
J’adresserai, au début de mon propos, un satisfecit au Sénat sur sa nouvelle façon de fonctionner. Nous l’avions dit, nous souhaitions qu’il soit une force de proposition constructive ; or il l’a été à tous points de vue lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 !
Bien entendu, il n’y a pas de quoi se réjouir des conclusions de la commission mixte paritaire. La bouteille n’est pas à moitié vide ou à moitié pleine, comme je l’ai entendu dire, mais plutôt un quart pleine et trois quarts vide, puisque, si presque la moitié des articles ont été maintenus, ceux qui ont été conservés ne figurent pas parmi les articles fondamentaux.
Mais commençons tout de même par l’aspect positif : certaines mesures votées par la Haute Assemblée ont été retenues.
Sans entrer dans le détail, je retiendrai la mesure quelque peu emblématique sur le don éthique du sang, sur le plasma sanguin, qui a permis d’avancer dans la bonne direction à partir d’un amendement présenté par nos collègues du groupe CRC. Voilà qui prouve que, quand le Sénat veut travailler sérieusement, il parvient à des consensus.
En revanche, la partie négative, que je qualifierai de « partie immergée de l’iceberg », est que nombre de nos propositions n’ont pas été retenues par le Gouvernement. Il en est ainsi, pour commencer, des mesures ponctuelles auxquelles notre groupe tenait particulièrement, notamment deux d’entre elles dont la suppression a été imposée par le Gouvernement, malgré une position contraire d’une forte proportion de députés – dont certains de votre majorité – qui y étaient favorables.
La première est l’abattement porté à 1,5 euro sur les services à la personne. Je ne m’y attarderai pas, notre collègue Barbier l’ayant excellemment présentée. Il faudra pourtant y venir, sachant, je le répète, que l’augmentation de cet abattement permettra des recettes supplémentaires qui viendront annuler l’effet de charge supplémentaire pour le Gouvernement.
La deuxième concerne l’article 44 sur les pénalités financières envers les hôpitaux et notre proposition de phase expérimentale. Je citerai à ce propos le rapporteur socialiste pour l’assurance maladie de l’Assemblée nationale, M. Olivier Véran : « […] la version expérimentale retenue au Sénat me semble répondre aux diverses interrogations et inquiétudes. » Le Gouvernement n’a pas non plus voulu l’entendre, ce qui est à mon avis dommage.
Enfin, une autre mesure ponctuelle sur laquelle je souhaiterais insister est la suppression de la cotisation de retraite des médecins qui interviennent en zone de désertification, puisqu’il y a une interrogation sur le fait que ces cotisations de retraite ne produisent aucun droit. C’est une solution importante pour récupérer à temps partiel un temps choisi des médecins. C’est une mesure de bon sens que nous avons présentée à plusieurs reprises ; or, là encore, le Gouvernement fait la sourde oreille.
Après ces mesures ponctuelles, abordons les problèmes de fond. Je vais vous décevoir, monsieur Desessard : nous comptons revenir sur la plupart des amendements que nous avions proposés en première lecture. Je ne pense pas, madame la secrétaire d’État, qu’il s’agisse, comme vous l’avez dit, de surenchères ; ce sont simplement des mesures de bon sens liées au fonctionnement de la sécurité sociale.
Il y a tout d’abord les mesures structurelles.
Dans votre projet, les évaluations de recettes sont bien trop optimistes, basées sur 10 % du PIB et 2 % de la masse salariale ; quant aux réformes structurelles, elles sont totalement inexistantes, et c’est ce qui m’avait conduit à parler, lors de la discussion générale, de « mesures sparadrap ».
Mais ce projet de loi comporte aussi des mesures non pérennes. L’exemple que nous donnons à chaque fois est la ponction de 1,5 milliard d’euros sur les caisses de congés payés, qui représente à peu près le quart des ressources que vous réaffectez au budget. Cela s’apparente, nous le savons très bien, à de la cavalerie : vous le ferez une fois, mais pas deux ! Ce n’est donc pas une mesure pérenne pour le budget de la sécurité sociale !
En outre, les économies sont insuffisantes. Nous avons fléché une baisse de l’ONDAM avec des mesures courageuses, qu’il faudra bien mettre en place, concernant la réforme hospitalière et les réformes tarifaires. Nous sommes tous conscients que, dans l’état actuel des choses et sans adoption de réformes structurelles sur les points que je viens de citer, le respect d’un ONDAM en augmentation de 2,1 % en 2015 sera impossible.
Voilà pour ce qui est des réformes structurelles.
Avant de conclure mon intervention, force m’est de revenir sur les mesures qui nous opposent le plus : les mesures idéologiques. J’en évoquerai trois.
La modulation des allocations familiales en fonction des revenus. C’est un désaccord de fond. Nous en avons beaucoup discuté, et je rappelle que l’ancien Premier ministre M. Ayrault avait pris l’engagement ferme que le Gouvernement ne toucherait pas à l’universalité des allocations familiales. Il y avait d’autres façons de réintroduire des mesures en direction des ménages les plus aisés – je ne parle pas des classes moyennes qui, en l’espèce, vont être touchées, une fois de plus –, plutôt que de toucher à cette universalité. Fondamentalement, le groupe UMP est opposé à cette mesure.
J’évoquerai également, succinctement, le rétablissement des trois jours de carence dans les hôpitaux publics, sachant que, lors de l’examen du projet de loi de finances, le groupe UMP a proposé la généralisation de ces trois jours de carence à l’ensemble de la fonction publique. Là encore, c’est une mesure de bon sens et d’équité.
Enfin, la dernière mesure que j’évoquerai, et que je qualifierai de moins idéologique maintenant, est l’augmentation de l’âge du départ à la retraite. Nous savons que nous serons conduits, dans les années à venir, à le faire. Le pragmatisme conduit à observer que la durée de vie a augmenté d’une manière considérable. Il est logique que la durée du travail augmente corrélativement.
J’ai constaté avec plaisir, madame Bricq, que l’autre jour, en commission – j’ai d’ailleurs pris acte de votre explication disant que cet amendement n’avait pas tout à fait sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale –, vous nous avez dit que vous étiez ouverte à cette réforme et avez reconnu qu’il faudra bien y parvenir. Donc acte ! Le fait de voter de nouveau cet amendement sera un signe fort, je le crois, en vue de réformer une nouvelle fois – et je l’espère, pour la dernière fois – le système des retraites.
Voilà pourquoi nous allons représenter tous ces amendements. À ce sujet, je souscris totalement aux propos qu’ont tenus M. le président de la commission et M. le rapporteur général.
Je conclurai en reprenant l’introduction de mon intervention au début du débat.
Avec toutes ces mesures, que j’avais qualifiées – c’est peut-être prosaïque – de mesures « à la petite semaine », les problèmes de fond demeurent. Il en est ainsi du déséquilibre financier du budget de la sécurité sociale. Votre projet, madame le secrétaire d’État, ne le réduit que très peu en 2015, et encore, avec une perspective de croissance à 1 %, me semble-t-il, objectif qui, on le sait, ne sera pas tenu.
On sait aussi, je l’ai déjà dit, que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, accuse actuellement un déficit de trésorerie de 33 milliards d’euros et que si, par malheur, comme l’environnement financier international peut le laisser craindre, l’augmentation du taux des intérêts aux États-Unis se confirmait, celle-ci aurait une répercussion immédiate sur les taux d’intérêt en France. L’ACOSS, qui emprunte actuellement à 0,1 % ou 0,2 %, serait conduite à emprunter à un taux beaucoup plus élevé. Les 33 milliards d’euros de déficit vont alors exploser, et on ne sait pas comment on arrivera à faire face.
Espérons que je sois un oiseau de mauvais augure sur le problème de l’évolution des marchés financiers, mais la tendance est plutôt dans ce sens.
Voilà pourquoi, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UMP votera tous les amendements que M. le rapporteur général nous présentera. Nous aurons de nouveau un budget à peu près semblable à celui que nous avons approuvé à la fin de la première lecture, et espérons au moins que sur les deux points que j’ai signalés concernant l’accord des députés socialistes, le Gouvernement nous entende, fasse un petit effort de réflexion et nous suive. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et au banc des commissions. – MM. Gérard Roche et Gilbert Barbier applaudissent également.)