M. Thierry Foucaud. C’est vrai !
M. Vincent Capo-Canellas. En effet, ce n’est pas contestable !
Mme Marie-France Beaufils. Moi qui suis élue depuis assez longtemps, j’ai rarement vu la suppression d’une recette fiscale être compensée intégralement ; cela s’est peut-être produit il y a fort longtemps, mais, pour ma part, je ne crois pas l’avoir jamais connu !
Or ce procédé, malheureusement permanent, pose de véritables problèmes. On constate ainsi, à la lecture des documents disponibles, que les compensations d’exonérations d’impôt qui devraient normalement être versées aux collectivités locales servent de variables d’ajustement. Résultat : nous n’avons pas, au bout du compte, les ressources que nous devrions avoir. Je reconnais que les observations qui ont été présentées à cet égard par nos collègues sont tout à fait justifiées.
Nous reconnaissons les efforts réalisés par les uns et par les autres pour tenter d’atténuer l’ampleur de la réduction de dotation. En ce qui nous concerne, nous avons présenté un amendement visant à maintenir la DGF au moins à son niveau de l’année dernière. Nous ne voterons évidemment pas les autres amendements, qui ne nous semblent pas acceptables dans la situation actuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Dans quelques heures, monsieur le secrétaire d’État, le congrès des maires va débuter. (M. Alain Gournac s’exclame.) Je vous suggère de venir devant les maires et de leur tenir le même discours que celui que vous avez tenu dans cet hémicycle : je vous garantis un succès historique !
M. Henri de Raincourt. Un succès d’estime !
M. Jean-Pierre Grand. En vérité, la situation est extrêmement préoccupante.
Les élus locaux, au nombre desquels je suis depuis plus de trente ans, se battent pour l’intérêt général et pour la République : nous investissons ; nous organisons le mieux possible les services publics ; nous sommes, bien souvent, en avance sur notre temps, et bien souvent aussi sur l’État.
Aujourd’hui, nous avons le sentiment d’être étranglés, en particulier ceux d’entre nous qui sont maires de petites communes. Je suis maire d’une commune moyenne, mais, en tant que sénateur de l’Hérault, je représente des communes toutes petites, qui ne savent plus comment elles boucleront leur budget dans les temps à venir. Parmi ces communes, monsieur le secrétaire d’État, certaines ont été récemment sinistrées ; elles figurent sur la liste, publiée au Journal officiel, des communes classées en état de catastrophe naturelle.
Je me doute bien que, même après que le Sénat aura adopté l’amendement présenté par M. le rapporteur général modifié par les sous-amendements identiques de nos collègues, le texte sera rétabli dans le sens souhaité par le Gouvernement. Néanmoins, je désire, monsieur le secrétaire d’État, que vous ayez une pensée pour les maires de ces toutes petites communes, dont je me fais l’interprète ici, qui ont dépensé tout leur argent à la suite des récents sinistres, parce qu’il a fallu que leur personnel travaille davantage et parce qu’il a bien fallu faire face à la situation.
Leur annoncer aujourd’hui, froidement, que leur dotation globale de fonctionnement va être baissée, je vous le dis, monsieur le secrétaire d’État, cela n’est pas bien. Non, cela n’est pas bien, parce que ces maires sont désespérés. Ils viennent d’être réélus, ils ont pris des engagements et ils ont fait face, sur le terrain, aux sinistres qui les ont frappés ; en même temps que maires, ils ont été ouvriers, et bien d’autres choses encore.
Ces maires de communes de 100, 150, 200 ou 300 habitants ont des petits budgets, de 150 000, 200 000 ou 300 000 euros. Et vous, monsieur le secrétaire d’État, vous voulez leur diminuer leur dotation globale de fonctionnement ? Cela n’est pas possible ! Et je parle non seulement au nom de centaines de maires de mon département, mais aussi de ceux du Lot, du Gard et des Pyrénées-Orientales, et sans doute aussi de nombreux autres de Provence-Alpes-Côte d’Azur.
En tout cas, ceux de mon département m’ont dit : surtout, monsieur le sénateur, n’oubliez pas de dire aux ministres que nous sommes désespérés, parce que nous ne savons pas comment nous pourrons boucler notre budget si l’État nous baisse notre dotation globale de fonctionnement !
Je souhaitais relayer auprès de vous ce message, monsieur le secrétaire d’État ; c’est chose faite, et j’espère que vous prendrez en considération ce que je viens de vous dire.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Nous voici arrivés à un carrefour où converge tout ce que nous subissons depuis dix-huit mois. Alors peut-être n’est-ce pas le Gouvernement qui nous reproche de dépenser trop et de gérer mal, mais nous subissons depuis dix-huit mois un véritable tir croisé des médias contre ceux qui ont la responsabilité de gérer les collectivités territoriales. Aujourd’hui, naturellement, on nous dit : puisque vous gérez mal – on le lit dans le journal, cela doit être vrai ! –, vous devez faire des économies.
Nous voilà donc sommés d’accepter 11 milliards d’euros d’économies, dont 3,7 milliards d’euros dès l’année prochaine. Cet effort est juste, nous dit-on, parce que tout le monde consent des efforts ; en particulier, la sécurité sociale, qui représente le plus gros budget public, réaliserait le plus gros effort.
Seulement voilà : en examinant de près la nature des économies prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, dont j’ai suivi l’examen avec quelques-uns de nos collègues présents cet après-midi, j’ai constaté que ces économies reposaient sur des objectifs qui ne sont pas réalisables, ce dont on ne tardera pas à s’apercevoir. En réalité, mes chers collègues, vous verrez que ce sont les collectivités territoriales qui, au bout du compte, auront à supporter le poids des principales économies.
Mais les efforts que l’on nous demande sont-ils justes ? Sont-ils opportuns, compte tenu de la crise que nous subissons ? Là est évidemment la question.
Monsieur le secrétaire d’État, le budget d’une commune ou d’un bloc communal, ce n’est pas compliqué : en bas de la page, une ligne est réservée à l’excédent. Or, l’excédent, c’est la clé des possibilités d’investissement pour l’année à venir ; sans excédent, on investit moins, voire pas du tout.
Et il faudrait de surcroît que nous évoluions ? Quand je considère la façon dont nous gérons, je trouve que nous n’avons pas à en rougir : les efforts, cela fait des années que nous les réalisons ! Ce ne sont pas quelques couacs de-ci de-là qui doivent justifier que l’on généralise.
On nous dit aussi que le système est trop compliqué et déresponsabilisant. C’est vrai, mais que faudrait-il donc faire pour mieux responsabiliser les élus ? Appliquer le principe : « un impôt, une collectivité ». Là est la solution, et voilà des années que nous le savons tous ! Or le gouvernement actuel et d’ailleurs le précédent ont-ils tout mis en œuvre pour que cet objectif puisse un jour être atteint ? À la vérité, personne n’entreprendra cette réforme, parce que tous les gouvernements suivent la Direction générale des finances publiques.
C’est qu’à la vérité, mes chers collègues, il y a, derrière tout cela, un vrai combat. Songez, en effet, que les dispositions que l’on nous soumet aujourd’hui sont accompagnées de nombreuses autres mesures qui tendent tout simplement à la recentralisation !
À cet égard, l’enveloppe normée est un piège, puisque, nous, élus locaux, nous devons nous débrouiller avec elle. On imagine des systèmes de péréquation, mais c’est pour mieux semer la division entre nous, puisque, chacun étant incité à défendre ses intérêts, nous avons du mal à nous entendre sur une position équilibrée.
Dans cette situation, plusieurs amendements ont été présentés à l’article 9. Pour notre part, nous considérons que l’amendement présenté par M. le rapporteur général est équilibré.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Francis Delattre. Pensez-vous que l’on puisse, du jour au lendemain, diminuer de 3,7 milliards d’euros les dotations aux collectivités territoriales sans que de graves difficultés naissent assez rapidement ? Remarquez que je ne parle pas seulement des villes qui connaissent déjà des difficultés ; comme M. Dallier l’a signalé, toutes les villes de plus de 10 000 habitants seront demain concernées.
Notre collègue qui représente le Finistère a prétendu que nous refuserions de souscrire aux engagements européens de notre pays. Ce qu’il ne faut pas entendre !... Nous irions, nous, à l’encontre des engagements européens de la France ?
M. François Marc. Vous avez voté contre la programmation !
M. Francis Delattre. Mon cher collègue, vous qui êtes, comme moi, membre de la commission des finances, vous savez bien que nous n’avons jamais pris une pareille position. Au contraire, nous avons toujours été guidés par le souci de permettre à la France de respecter ses engagements, donc ses objectifs.
Que l’on n’essaie pas de nous donner des leçons de politique, au moment où l’on s’apprête à reporter pour la énième fois le délai prévu pour le retour du déficit à 3 % du PIB. Ce serait nous faire un bien mauvais procès, de surcroît sur un sujet qui devrait rassembler toutes nos énergies !
M. Daniel Raoul. Ça, c’est vrai !
M. Francis Delattre. Chers collègues du groupe socialiste, votre propre amendement prouve que vous doutez. Nous vous suggérons un étalement de la baisse des dotations sur cinq ans ; c’est une idée qui mérite que vous y réfléchissiez. En cinq ans, on ne sera pas loin du milliard d’euros, et notre solution nous amène à 1,2 milliard d’euros, ce qui prouve qu’une solution raisonnable sur laquelle nous puissions nous accorder n’est pas impossible.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je me félicite du ton de ce débat, car il est bon que le Sénat sache soulever, posément mais avec fermeté, la question de l’évolution des dotations aux collectivités territoriales.
Monsieur Marc, j’ai apprécié votre intervention et je pense que, au fond, nous ne sommes séparés que par l’épaisseur d’un trait, même si, en l’occurrence, l’épaisseur se mesure en centaines de millions d’euros. (Sourires.)
M. le rapporteur général propose de fixer le montant de la DGF pour 2015 à 37,7 milliards d’euros. Le groupe socialiste, lui, propose de le fixer à 37,5 milliards d’euros, ce qui est aussi la proposition du groupe du RDSE. Nos positions, en définitive, ne sont pas si éloignées et, de toute manière, nous convergeons au moins sur l’idée que le texte du Gouvernement mérite d’être amendé sur ce point.
Il est vrai que le sous-amendement présenté par mon groupe, l’UDI-UC, vise à fixer le montant de la DGF à un niveau un peu supérieur, de 37,9 milliards d’euros ; mais c’est pour tenir compte de la réforme des rythmes scolaires, dont chacun sait qu’elle fait peser sur les collectivités territoriales des contraintes très fortes à un moment difficile pour elles.
Reste qu’une convergence assez nette se dessine sur l’idée que la réduction proposée par le Gouvernement doit être minorée. On retiendra donc de nos débats que le Sénat, dans sa diversité, comprend les difficultés du Gouvernement, mais estime que la contribution demandée aux collectivités territoriales pour la réduction du déficit public est excessive.
J’ai entendu avec un vif intérêt M. le secrétaire d’État tomber d’accord avec nous sur le fait que les collectivités territoriales n’étaient pas dépensières ; il a ajouté qu’il fallait modérer l’augmentation des dépenses de fonctionnement et que le système n’était pas lisible, ce dont chacun d’entre nous convient.
Sur la question du financement de ce 1,2 milliard d’euros – 1,4 milliard avec notre amendement –, je pense que le rapporteur général nous en fera, le moment venu, un état éclairant. À cet égard, nous maintenons notre souhait de ne pas dégrader le solde budgétaire, et nous serons donc probablement conduits à effectuer, en responsabilité, certains choix. Mais cette minoration de la baisse des dotations reste essentielle pour la nouvelle majorité sénatoriale – c'est en tout cas dans cet esprit que les différents groupes de la majorité ont conçu l’amendement n° I-26 et les sous-amendements nos I-417 et I-418.
J’en arrive à l’argumentation principale de M. le secrétaire d'État. J’en conviens, même avec une majorité différente, un autre ministre aurait pu présenter la même, car elle est finalement astucieuse. Cette argumentation consiste à dire que, comme les dotations représentent le quart des recettes des collectivités, il suffit que les trois quarts restants augmentent un peu pour que nous soyons sauvés.
Voire ! Certes, on peut se dire qu’il y a les bases physiques, que l’on aura peut-être les 0,9 %, mais tout cela est-il de nature à contenir l’évolution naturelle des charges – on pense, par exemple, au glissement vieillesse technicité – que chacun a rappelée ? Par ailleurs, la perte est sidérale pour les droits de mutation, avec une baisse d’au moins 40 % d’une année sur l’autre. Le signal n’est quand même pas très bon !
Après, que nous reste-t-il ? Sans doute à revenir sur les valeurs locatives et à changer le système, sans quoi nous n’y arriverons pas, même en intégrant le fait que les trois quarts des ressources sont évolutifs. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation l’a bien montré, comme Philippe Dallier l’a rappelé. Et si l’exercice qui a été fait peut être soumis à contradiction, il me paraît en tout cas extrêmement convaincant.
Enfin, la commission des finances, en la personne de son rapporteur général, a observé que tous ces éléments conduisent à augmenter les impôts de 5 milliards d’euros. Peut-être pas immédiatement, mais, avec la loi de programmation, nous avons bel et bien retenu l’hypothèse d’une telle augmentation des impôts locaux.
D’où ma conclusion d’en revenir à une règle simple, consistant à diminuer les dotations à proportion de la simplification des normes. Certes, on peut demander une part d’économie aux collectivités – elles en conviennent, même si c'est évidemment douloureux. Mais qui dit économie, dit suppression de service. Des limites existent donc, et il faut sans doute se donner les moyens de faire bouger le cadre global, sans quoi la potion que l’on veut nous donner sera bien trop amère et cela ne marchera pas.
Voilà pourquoi, comme Vincent Delahaye l’a annoncé, le groupe UDI-UC soutient l'amendement du rapporteur tel que nous proposons de le sous-amender.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Sans entrer dans les détails techniques comme mes collègues de la commission des finances – ils sont bien plus compétents à cet égard –, je voudrais simplement, monsieur le secrétaire d'État, analyser votre intervention, que j’ai écoutée avec beaucoup d’attention.
Je crois que vous êtes à la fois embarrassé, sincère et habile – je m'en explique.
Vous affirmez que les collectivités territoriales sont bien gérées, ce dont nous ne doutons pas, que le système de péréquation, verticale ou horizontale, est compliqué et incompréhensible au point qu’il faudra le revoir, et que les dépenses des collectivités augmentent sensiblement plus vite que celles de l’État depuis quelques années. Nous en sommes d’accord.
Vous nous expliquez ensuite que, sur à peu près 200 milliards d’euros de recettes des collectivités territoriales, la part de l’État représente 50 milliards d’euros, soit le quart, et que, si cette part est réduite ou qu’elle progresse moins vite, ce n’est pas trop grave, puisque les trois quarts restants – qui représentent donc 150 milliards d’euros –, eux, progressent plus vite.
Et pour quelles raisons ? C'est grâce à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, que vous avez fléchée. Mais c’est de la richesse que les collectivités se sont créée en sachant développer leur tissu économique !
D’autres collectivités ont dû malheureusement augmenter certains impôts, et je prendrai l’exemple des départements. Il y a peu de temps encore, l’État avait promis de mieux leur compenser un certain nombre de charges, comme l’APA, l’APCH ou le RSA. Or on a fini par leur dire que, pour y arriver, ils seraient autorisés à augmenter les droits d’enregistrement. Moyennant quoi, ce sont les départements qui prennent cette initiative impopulaire afin d’augmenter leurs recettes.
Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que les trois quarts restants, ceux qui correspondent aujourd'hui aux 150 milliards d’euros, augmentent plus vite que les dotations de l’État !
Ensuite, vous nous expliquez que le Premier ministre a donné des instructions pour qu’au 1er janvier 2015 – j’observe au passage que c'est toujours plus tard, et l’on sait ce qu’il advient de ses promesses ! –, l’impact de toute norme supplémentaire imposée aux collectivités devra être neutralisé sur le plan financier. C'est très bien, mais attendons de voir…
Autrement dit, de façon contractée et lapidaire, vous reconnaissez que nous avons raison, mais, sauf à déstructurer l’ensemble du budget de l’État, vous nous demandez de proposer des recettes supplémentaires pour compenser les réductions que nos amendements impliquent parce que l’État est exsangue
C'est là toute votre habilité, monsieur le secrétaire d'État, et je le dis sans remettre en cause la sincérité de votre présentation. Mais, pour ma part, je renverserai le raisonnement pour vous dire que, si nous en sommes arrivés là, c'est que, depuis plusieurs années, l’État ne fait pas de véritables économies : il se contente de réduire le rythme de la progression des dépenses.
Cette année, on nous annonce des coupes de plusieurs milliards d’euros dans le budget de l’État, simplement parce que l’on a réduit le rythme d’augmentation des dépenses ! Or l’on a simplement fait en sorte que la dérivée de la courbe d’évolution des dépenses soit un peu moins positive.
Monsieur le secrétaire d'État, ce n’est pas cela qu’il faut faire, et je vous renvoie donc la balle : pour que précisément les collectivités locales ne soient plus étranglées – comme la plupart de nos collègues l’ont expliqué –, l’État doit consentir des économies structurelles qui aboutissent à des réductions de dépenses, et non à une réduction du rythme de leur augmentation. C'est la seule solution pour nous en sortir, vous le savez bien ! D'ailleurs, l'Europe et la Commission européenne l’indiquent constamment au Gouvernement.
Le problème est là ! Vous nous demandez comment nous allons financer cette augmentation de dotation aux collectivités, et je vous réponds, monsieur le secrétaire d'État, que c'est à l’État de faire des économies pour permettre aux collectivités de vivre !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je vais peut-être répondre à mon collègue Jean-Noël Cardoux, même si la question ne m'était pas destinée ! (Sourires.) Cela dit, je voulais initialement répondre à François Marc.
C'est vrai, nous allons temporairement dégrader le solde de 1,2 milliard d’euros, majorés de 200 millions d’euros, c'est-à-dire de 1,4 milliard d’euros. Mais comme, cette année, nous examinerons la seconde partie de la loi de finances, c’est à cette occasion que nous proposerons un certain nombre d'économies destinées à réduire les dépenses de l’État afin de ne pas trop aggraver, ainsi, le sort des collectivités territoriales. Après, nous verrons bien qui vote pour, et qui vote contre !
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais formuler un regret. Vous nous dites que, dans les grandes masses, ça passera, que l’on va certes réduire de manière assez rigoureuse les 25 % de recettes correspondant aux dotations, mais que, si l’on se fie aux évolutions passées concernant les 75 % restants, cela devrait aller !
Pourtant, monsieur le secrétaire d'État, l’étude de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation montre exactement le contraire ! De quoi sommes-nous partis ? Des comptes administratifs des 38 000 collectivités territoriales de France. Il ne s'agit donc pas d’une estimation au doigt mouillé ! Et ce que nous avons rentré en machine, ce sont vos propres hypothèses, monsieur le secrétaire d'État : les dépenses de fonctionnement de ces collectivités territoriales n’évolueraient pas plus vite que l’inflation qui, déjà basse, s'établirait aux alentours de 1 %.
Eh bien, en intégrant la baisse de la DGF, même avec une limitation de la progression des dépenses de fonctionnement, les deux tiers des collectivités territoriales se retrouvent en situation d’impasse budgétaire. Cela signifie que le ratio d’épargne brute passe sous les 7 %, et que la capacité de désendettement excède désormais quinze ans !
J’attendais que nous débattions sur la base de ces données, qui sont objectives ! À moins que Bercy ne se penche sur ces chiffres et ne les conteste. Mais, selon moi, ils ne sont pas contestables.
Si les deux tiers des communes de plus 10 000 habitants et des départements sont promis à l’impasse budgétaire, démonstration est faite que l’on ne peut pas en rester là, qu’il faudra corriger le tir !
Alors, corriger le tir, cela peut impliquer d’agir sur la dette, les impôts ou l’investissement, en le restreignant de façon drastique…
J’aurais espéré que l’on soit au moins d’accord sur l’analyse, à défaut de l’être sur les solutions. À tout le moins, monsieur le secrétaire d'État, j’espère que les services de Bercy auront trouvé le temps, avant un prochain débat, de regarder cette étude et, si nécessaire, de la critiquer. En attendant, pour moi, les résultats de cette étude s'imposent.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Certains collègues ont apporté leur témoignage de maires. Notre collègue Jean-Pierre Grand, de l’Hérault, s'est en particulier exprimé en tant que maire d’une commune moyenne. Pour ma part, je souhaiterais, plus modestement, parler en tant que maire d’une commune de 170 habitants. Nous sommes quelques-uns, ici, à être maire d’une commune de moins de 500 habitants, et il importe que nous apportions aussi notre témoignage.
En regardant les chiffres de la DGF et de la péréquation, on arrive à 40 milliards d’euros en 2015, mais ce montant est malheureusement affecté de la baisse de 3,67 milliards d’euros qui nous est annoncée. Autant de recettes de fonctionnement en moins qui se répercuteront sur les DGF des communes, des intercommunalités, des départements et des régions… Beaucoup de collectivités territoriales sont ainsi concernées, sachant que l’on compte déjà 36 700 communes au plan national.
Ces chiffres nous interpellent – à cet égard, de nombreux collègues sont intervenus avec autant de passion que de pédagogie –, mais il importe aussi d’examiner ce qui se passe commune par commune. Je voudrais m'attarder un instant sur un document que personne n’a évoqué, qui est adressé chaque année aux différentes communes par le préfet via les sous-préfectures : la « fiche DGF ». C'est une fiche technique de deux pages dont l’examen est éclairant. Y figurent la population DGF, le nombre d’enfants scolarisés et la longueur de la voirie communale ; vous y trouvez aussi les notions d’effort et de potentiel fiscal, de potentiel financier…
La DGF individuelle est ainsi très variable d’une commune à l’autre, puisqu’elle dépend de la situation particulière de chacune, notamment pour ce qui concerne l’effort fiscal. C'est pourquoi je suis toujours prudent en la matière.
Dans le même document, le montant des autres dotations est rappelé. Si la DGF reste la principale dotation de fonctionnement pour les petites communes, ces dernières reçoivent aussi la dotation nationale de péréquation, la dotation de solidarité rurale, la dotation élus locaux, sans parler de tous les systèmes de compensation…
C'est très technique – reconnaissons-le – mais, en même temps, très pédagogique : il est toujours particulièrement intéressant d’observer les évolutions d’une année sur l’autre, commune par commune, et l’on peut avoir des surprises, dans un sens comme dans l’autre. Voilà pourquoi, à titre personnel, en tant que maire d’une petite commune, je modérerais mes propos.
Mais, globalement, le message fort reste celui d’une baisse globale de 3,7 milliards d’euros – baisse que les amendements présentés tendent à minimiser, à commencer par celui du rapporteur général. Cette baisse de la dotation de fonctionnement a des implications sur la capacité d’autofinancement et d’investissement des communes, y compris pour les plus petites d’entre elles, dont les projets – à leur échelle, bien sûr – sont également compromis. Et la situation des entreprises du bâtiment et des travaux publics, assemblée générale après assemblée générale, dans toutes les structures et tous les organismes consulaires, est souvent rappelée…
Le problème est extrêmement sensible, c'est pourquoi se dessine ici un appel collectif au combat pour limiter cette baisse globale de la DGF et des dotations de péréquation.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce débat, riche à tous égards, sur l’avenir des finances publiques de notre pays montre l’importance du sujet.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points qui ont été abordés, mais, globalement, tout le monde s’accorde à penser qu’il n’est pas envisageable d’exempter les collectivités locales de tout effort budgétaire. Cette position est globalement partagée par l’ensemble de nos collègues, sur quelque travée qu’ils siègent ici.
À cet égard, nous assumons nos responsabilités. Car, à la veille du congrès des maires de France, nous aurions pu faire preuve de démagogie en refusant de consentir quelque concession que ce soit et en ramenant à zéro l’effort de 3,67 milliards d’euros qui est demandé aux collectivités. Cette position aurait été beaucoup plus confortable pour nous et aurait fait plaisir, de surcroît, aux grands électeurs et aux maires qui nous écouteront demain.
Cette attitude n’aurait pas été responsable de la part des commissaires aux finances, en particulier, qui, tant en commission qu’en séance, se sont exprimées sur ce sujet.
Cette précision étant apportée, force est de reconnaître qu’il subsiste des points de divergence entre le Gouvernement et non seulement les principaux groupes de la majorité sénatoriale, mais également ceux de la minorité ou de l’opposition.
Ainsi, le groupe socialiste et le groupe du RDSE ont défendu l’un et l’autre des amendements visant à réduire de près de 1 milliard d’euros la contribution qui sera demandée aux collectivités. Aussi, entre l’amendement de la commission, qui porte sur 1,2 milliard d’euros – je ne prends pas en compte les deux sous-amendements identiques – et ces deux amendements du groupe socialiste et du RDSE, on n’est peut-être pas dans l’épaisseur du trait, mais sur une même tendance : il s’agit d’appeler l’attention du Gouvernement et de lui signifier que les collectivités seraient dans l’incapacité, en l’état, d’absorber une baisse de 3,67 milliards d’euros de leurs dotations et qu’une telle baisse aurait des conséquences sur leurs investissements et pourrait même entraîner un effet de taux. Nous l’avons tous dit.
Aussi, cette quasi-unanimité pour appeler l’attention du Gouvernement sur le danger d’une baisse trop brutale des dotations mérite que l’on s’y arrête un instant.
Ensuite, il subsiste évidemment des points de désaccord, et le point de désaccord fondamental entre l’amendement des groupes socialiste et du RDSE et l’amendement et les sous-amendements défendus par les groupes de la majorité sénatoriale tient à la logique qui les sous-tend.
D’un côté, on se situe dans la logique de la trajectoire définie par le projet de loi de programmation des finances publiques – trajectoire que n’a pas votée le Sénat, monsieur Marc. Vous nous dites, mon cher collègue, qu’il faut respecter la loi ; mais je rappelle, d’une part, que ce projet de loi de programmation n’a pas encore été voté, et, d’autre part, que ce texte – à tout le moins ses articles 1er à 20 – n’a pas de valeur normative ; la trajectoire n’a qu’une valeur indicative.
Toujours est-il que l’objectif d’évolution de la dépense publique locale – objectif non contraignant, je le rappelle – fixé par le projet de loi de programmation est triennal et porte sur les années 2015, 2016 et 2017. Aussi, quand le Gouvernement demande aux collectivités un effort de 3,67 milliards d’euros pour l’année 2015 – sur les 11 milliards d’euros demandés en trois ans –, il s’inscrit dans la logique triennale de son projet de loi de programmation. Proposer de répartir cet effort non plus sur trois ans, mais sur quatre ans, c’est sortir de la logique voulue par le Gouvernement. (M. Claude Raynal s’exclame.)
Pourquoi pas cinq ans, d’ailleurs ? Mais cela ne correspondrait à aucune logique, sauf peut-être une logique politique, puisque cela reviendrait à reporter l’effort sur la législature suivante. Mais c’est un autre débat…
En tout cas, la logique qu’a retenue majoritairement la commission des finances, et qui, me semble-t-il, recueille un fort assentiment si j’en juge par ce qu’ont déclaré les nombreux collègues qui se sont exprimés, c’est une logique de responsabilité. Pour ce faire, nous nous sommes fondés sur des données aussi incontestables que possible, celles qu’a produites la Commission consultative d’évaluation des normes dont, en 2013, le Gouvernement a voulu qu’elle devienne le Conseil national d’évaluation des normes, appellation plus solennelle.
À l’instant, M. le secrétaire d’État a fait référence à la circulaire du Premier ministre du 9 octobre 2014. Comme lui, je regrette qu’il ne soit pas possible de projeter dans cet hémicycle des tableaux ou tout autre document, car il aurait été intéressant, mes chers collègues, de vous montrer cette circulaire.
Le Premier ministre y rappelle tout d’abord très solennellement à tous ses ministres qu’il ne faut pas produire de normes nouvelles. Ce n’est pas la première fois que l’on nous fait le coup : tous les gouvernements, dans le passé, se sont engagés à ne plus produire de normes nouvelles !
Considérons néanmoins cet engagement solennel en espérant que le chef du Gouvernement réussira à imposer à ses ministres de le respecter.
Toujours est-il que, si l’on veut vraiment aller au bout des choses, il faut pousser plus avant la lecture de cette circulaire.
Le Premier ministre écrit qu’il faut alléger « les contraintes normatives applicables aux collectivités territoriales », mais que seront « exclues de cette discipline les mesures nouvelles en matière de fonction publique territoriale […] ». Cela commence bien ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Ainsi, le Gouvernement peut unilatéralement décider de revaloriser telle ou telle catégorie, de créer telle ou telle prime… Si l’on exclut de cette discipline les mesures nouvelles relatives à la fonction publique territoriale, je nourris quelque inquiétude quant à la portée de cette circulaire !
Plus loin, le Premier ministre écrit qu’il attachera « la plus grande importance aux avis de cette instance », qui ont une portée incontestable, puisque le Conseil national d’évaluation des normes est habilité à procéder à l’évaluation des dispositifs réglementaires en vigueur.
Si ces avis ont une vraie portée, alors il faut en tirer les conséquences. La logique qui sous-tend notre amendement, c’est de tirer les conséquences des choix budgétaires et réglementaires qui s’imposent aux collectivités. C’est la raison pour laquelle nous proposons de minorer de 1,2 milliard d’euros la baisse de la dotation globale de fonctionnement.
De fait, monsieur le secrétaire d'État, nous nous plaçons dans la logique du Gouvernement : le Premier ministre accorde beaucoup d’importance au Conseil national d’évaluation des normes, et nous sommes d’accord avec lui ; c’est pourquoi nous avons fait le choix de nous fonder sur ses travaux pour définir, au regard de notre logique de responsabilité, le montant des baisses de dotations.
Je le répète, nous considérons que les collectivités ne peuvent pas s’exempter de tout effort, mais il faut aussi que le Gouvernement soit responsable et ne leur impose pas tous les jours des mesures nouvelles.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à voter l’amendement de la commission.
S’agissant des sous-amendements identiques nos I-417 et I-418, à titre personnel, je le rappelle, je m’en remet à la sagesse du Sénat.
Madame la présidente, je le dis devant vous, qui avez été rapporteur de la mission commune d’information sur les rythmes scolaires, présidée par notre collègue du groupe UMP, Isabelle Debré : par respect pour ses membres, je m’en voudrais de ne pas rappeler le travail de cette mission commune, qui, de mémoire, a estimé que le coût des nouveaux rythmes scolaires était plus proche de 1 milliard d’euros que de 600 millions d’euros, c'est-à-dire l’évaluation qui en avait été faite en 2013 par la Commission consultative d’évaluation des normes.
Puisque nous avons la chance de disposer d’une évaluation précise faite par un organisme dont le Gouvernement reconnaît la pertinence, eh bien, appuyons-nous sur ses travaux ; au moins ils serviront à quelque chose !