M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission est sensible à l’argumentation des auteurs de cet amendement.
J’ai assisté, ainsi que François Marc me semble-t-il, aux différentes réunions qui se sont tenues à Bercy dans le cadre des Assises de la fiscalité. Il est ressorti de l’ensemble de ces rencontres que le taux d’imposition était très élevé en France, atteignant un niveau largement supérieur aux pratiques recensées ailleurs dans le monde. Avec un taux de 33,33 %, auquel s’ajoute une surtaxe pour un certain nombre de grandes entreprises le portant à 38 %, nous occupons clairement la partie supérieure des comparatifs internationaux ! Un constat partagé semblait donc émerger autour de la nécessité de réduire l’imposition des entreprises.
Le Gouvernement a d’ailleurs fait un certain nombre d’annonces sur la question. D’après ce que j’ai compris, il envisagerait une réduction du taux à 28 %, mais à un horizon qui n’est pas forcément très précis. L’année 2020 serait évoquée, avec un premier abaissement en 2017…
L’amendement n° I-395 rectifié a donc au moins un mérite : il tend à fixer un objectif chiffré et des étapes, à savoir la baisse d’un point du taux d’imposition chaque année. Ce faisant, il permet de dessiner, de manière très précise, une trajectoire de réduction.
Toutefois, il convient de s’interroger sur le coût de cette mesure. Chaque baisse de point représentant 1 milliard d’euros, le total augmente très vite ! Si l’on devait être favorable à une telle mesure, il faudrait évidemment trouver des dispositifs de compensation. C’est pourquoi il nous semble prématuré de prendre une telle disposition dans le cadre de ce projet de loi de finances.
Du fait du coût de la mesure, qui n’est compensé par aucune recette ou diminution de dépense à hauteur de l’ambition – élevée – des auteurs de l’amendement, la commission invite au retrait de ce dernier. Sans cela, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. M. le rapporteur général a indiqué que chaque point d’impôt sur les sociétés représentait 1 milliard d’euros. Je me permets de préciser le chiffre exact : il s’élève à 1,3 milliard d’euros. Nous ne sommes pas loin !
Voilà donc un amendement à 5 ou 6 milliards d’euros sur cinq ans ! Vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement ne puisse approuver une telle mesure.
Oserai-je vous rappeler les allégements de cotisations sociales dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2015, les réductions de contribution sociale de solidarité des sociétés, ou C3S, également envisagées pour 2015, ou encore la baisse de charges pour les professions indépendantes ? Certains jugent trop importants les allégements d’impôts ou de contributions des entreprises – ce discours est assez fréquent –, d’autres estiment qu’ils ne sont pas suffisants. Dans une telle situation, on est en droit de penser que l’on ne se situe probablement pas très loin de la vérité…
Très honnêtement, le mouvement me semble clairement engagé. Et 1,3 milliard d’euros, nous ne savons pas faire ! Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. M. le secrétaire d’État a apporté toutes les précisions nécessaires s’agissant du coût de ces mesures… et de leurs conséquences sur le prix du tabac ! En effet, mes chers collègues, c’est bien ce paramètre qui sera sollicité pour trouver des compensations. On imagine aisément la réaction des buralistes : ils étaient déjà devant le Sénat, voilà quelques jours, pour une augmentation de 5 % ; là, ce serait beaucoup plus !
Mais je tenais surtout à intervenir quant à la légitimité de cette diminution de l’impôt sur les sociétés.
Comme M. de Montgolfier l’a précisé, nous avons eu, depuis le mois de janvier, de nombreuses réunions de travail avec les entreprises et les partenaires sociaux sur les questions liées à la fiscalité. Dans ce cadre, je n’ai pas entendu les entreprises déplorer un niveau trop élevé du taux de l’impôt sur les sociétés en France. Les assiettes, on le sait bien, sont « mitées » par les nombreuses niches et, en réalité, le taux réellement appliqué est très inférieur au taux facial affiché aujourd’hui, même si ce dernier, j’en conviens, est élevé.
Ce que les entreprises ont mis en avant, c’est la nécessité, si l’on voulait encourager dans notre pays l’économie, aider les PME et, plus généralement, les entreprises, d’agir sur les impôts et charges affectant la production. L’impôt sur les sociétés, nous a-t-on dit, n’est pas une priorité, mais il convient d’agir sur les conditions de la production : les charges sociales, la C3S ou autre disposition onéreuse.
Le Gouvernement me semble avoir bien compris le message, puisque, même si une diminution du taux de l’impôt sur les sociétés est annoncée pour les années à venir, l’accent est aujourd'hui mis sur la production, en réponse à l’attente correspondante et dans un but d’amélioration de la compétitivité des entreprises.
L’intention des auteurs de l’amendement, même si elle peut avoir une légitimité, ne me semble pas constituer une priorité aux yeux des principaux intéressés, c'est-à-dire des entreprises de notre pays. C’est pourquoi je voterai contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je salue l’optimisme de notre collègue François Marc ! Cela étant, cette question de l’impôt sur les sociétés constitue malgré tout un marqueur important. Les entreprises étant en capacité de se délocaliser, mais non de pratiquer l’optimisation fiscale, ont un choix à faire, et, d’une certaine manière, nous les invitons gentiment à franchir la frontière ! Donc, c’est un sujet.
Par ailleurs, peut-être divergeons-nous avec le Gouvernement sur la question du rythme – nous avons également tous conscience du coût de ce genre de réforme –, mais M. le secrétaire d’État reconnaissait lui-même qu’une convergence au niveau européen finirait par s’imposer. Nous le savons, la question va se poser tant le niveau du taux français de l’impôt sur les sociétés est élevé. Nous pouvons admettre qu’il faille prendre son temps, et ce d’autant plus que nous sommes animés, dans la nouvelle majorité sénatoriale, d’une volonté de ne pas dégrader le solde budgétaire, mais, au contraire, de l’améliorer. Mais nous pouvons aussi nous entendre sur la nécessité, un jour ou l’autre, de poser le problème et d’avancer.
Nous ne nions pas, monsieur le secrétaire d’État, l’existence d’autres avancées. Mais elles ne sont pas toujours des plus limpides, et ce serait tout de même un progrès que de faire évoluer notre taux d’impôt sur les sociétés.
Cela étant, j’ai entendu la remarque formulée par M. le rapporteur général. Nous nous inscrivons dans une démarche visant à rectifier la construction budgétaire, sans en dégrader le solde. C’est pourquoi je ne vois pas d’inconvénient à retirer cet amendement d’appel, qui tendait, à cette heure tardive, à réveiller un peu le débat en s’attaquant à un sujet majeur. Mais c’est un sujet, mes chers collègues, que nous continuerons à porter.
M. le président. L'amendement n° I-395 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Nous avons examiné 78 amendements au cours de la journée ; il en reste donc 273 sur la première partie du projet de loi de finances pour 2015.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, samedi 22 novembre 2014, à dix heures, à quatorze heures trente jusqu’à dix-huit heures :
Suite du projet de loi de finances pour 2015 (n° 107, 2014-2015) ;
Suite de l’examen des articles de la première partie ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 108, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 22 novembre 2014, à zéro heure quarante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART