M. Richard Yung. Cet amendement porte sur un problème qui occupe les Français établis hors de France depuis longtemps : la fiscalisation des plus-values immobilières.
Dans l’Union européenne, son taux est à 19 % plus la CSG, en France, pour un non-résident, il est à 33 %, plus la CSG, soit quasiment 50 %. Je ne sais pas si cela correspond à ce que le Conseil constitutionnel qualifie d’impôt confiscatoire, mais à mon sens, on s’en rapproche !
Pour une grande partie de nos compatriotes vivant à l’étranger, il est important de posséder une maison de famille, ou un appartement à Perpignan, que l’on loue pour en tirer un complément, ou que l’on conserve pour l’occuper quand on rentre en France. Cette situation pose donc un problème, dont sont souvent saisis les sénateurs représentant les Français établis hors de France.
Cela fait longtemps que nous menons des débats approfondis sur ces questions. M. le secrétaire d’État a accepté récemment qu’un groupe de travail soit constitué sur ce sujet et nous avons cru comprendre qu’il n’était pas hostile à aligner le taux destiné aux non-résidents sur celui de l’Union européenne, c'est-à-dire 19 %. Nous entendons, bien sûr, conserver le taux à 75 % à destination des pays non coopératifs !
Je rappelle, en outre, qu’il pèse sur la tête innocente de la République française la très sérieuse menace d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui, sans entrer dans les détails, va probablement nous demander de réviser notre système.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons cet amendement, qui rejoint ceux que nos collègues des différents groupes ont déjà déposés.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-107 rectifié quater est présenté par M. Cadic, Mmes Goy-Chavent et Iriti, MM. Duvernois, Mandelli et Pellevat et Mme Billon.
L'amendement n° I-116 rectifié ter est présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Frassa et del Picchia.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa du 1. du I de l’article 244 bis A, les mots : « résidents d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, » sont supprimés ;
2° La seconde phrase du premier alinéa et les deuxième et troisième alinéas de l’article 200 B sont supprimés.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour présenter l’amendement n° I-107 rectifié quater.
M. Olivier Cadic. Je tiens à souligner que l’amendement n° I-107 rectifié quater traduit un objectif commun. À cet égard, je suis heureux d’avoir entendu que mon collègue Richard Yung partageait la même analyse.
Les sénateurs des Français établis hors de France s’emploient à traiter cette problématique.
En ce qui me concerne, je salue la qualité du travail législatif de ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam. Aussi, je laisserai ma collègue Jacky Deromedi présenter l’amendement n° I-116 rectifié ter, qui est identique.
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour présenter l'amendement n° I-116 rectifié ter.
Mme Jacky Deromedi. Cet amendement, cosigné par Joëlle Garriaud-Maylam, Christophe-André Frassa et Robert del Picchia, concerne un domaine fiscal particulièrement complexe, à savoir la fiscalité des plus-values immobilières.
En matière fiscale, les Français ayant leur domicile fiscal à l’étranger ne doivent pas subir de traitement discriminatoire. Or le code général des impôts opère une discrimination entre les contribuables non-résidents selon l’État de résidence.
Les taux d’imposition diffèrent selon le lieu de leur résidence : 19 % s’ils résident dans un État membre de l’Union européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ; 33 % pour les non-résidents ayant leur domicile fiscal dans un État tiers ; 75 % lorsque les plus-values sont réalisées par des personnes physiques résidant dans un État ou territoire non coopératif.
Dans un arrêt du 20 octobre 2014, le Conseil d’État a jugé que cette différence de taux est de nature à dissuader les investisseurs résidant dans des États tiers d’investir en France. Il a estimé que cette différence constitue une restriction aux mouvements de capitaux prohibée par les traités européens. L’arrêt du Conseil d’État neutralise les articles 244 bis A et 200 B du code général des impôts.
C’est pourquoi nous proposons de réécrire le dispositif visé.
Notre amendement a donc pour objet de mettre notre législation fiscale en accord avec l’arrêt du Conseil d’État précité et avec le droit de l’Union européenne.
Il permettra de rétablir l’égalité entre les contribuables non-résidents, dont nos compatriotes expatriés, sans pour autant favoriser les cas de fraude et d’évasion avérés.
La jurisprudence du Conseil d’État permet-elle encore d’établir une distinction des taux selon qu’un contribuable réside ou non dans un État non coopératif ?
Force est de constater que, à la suite du G20, des mesures vont être prises pour faire obstacle aux paradis fiscaux. Notre amendement maintient un taux différencié pour ces contribuables.
L’important est de supprimer les discriminations abusives et de limiter celles qui demeurent aux cas de fraude et d’évasion avérés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces trois amendements ont un objet identique : tirer les conséquences de l’arrêt du Conseil d’État précité, lequel a considéré qu’il fallait aligner le taux d’imposition des plus-values immobilières des non-résidents, qu’ils soient établis ou non dans l’Union européenne, fixé à 33 %, sur le taux de 19 % appliqué aux non-résidents domiciliés dans l’Espace économique européen.
Nous n’avons pas le choix ; nous devons tirer les conséquences de la chose jugée. D’ailleurs, les non-résidents sont confrontés à d’autres problèmes, et notre collègue Richard Yung a évoqué la constitution d’un groupe de travail sur ces sujets.
Je souhaite que M. le secrétaire d’État s’engage à mettre rapidement en place un dispositif opérationnel pour modifier les dispositions fiscales, en application de la jurisprudence du Conseil d’État.
Si ce dispositif pouvait être intégré dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, les auteurs de ces amendements seraient, me semble-t-il, prêts à les retirer. J’ai compris que, à défaut d’avoir une réponse ce soir, ils attendent un engagement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’éviterai de décrire de nouveau la situation, car vous l’avez, les uns et les autres, fort bien fait.
Le Conseil d’État ainsi que d’autres juridictions nous appellent à faire évoluer la réglementation. Pour autant, soyons clairs, les amendements que vous avez déposés, madame, messieurs les sénateurs, ne sont pas satisfaisants pour deux raisons.
D’une part, ils prennent en compte de façon trop globale les personnes morales et les personnes physiques : pour les personnes morales, il n’y a pas de sujet, contrairement aux personnes physiques.
D’autre part, l’un des amendements oublie, au contraire, de prendre en compte les parts de société civile immobilière, qui peuvent être assimilées à la situation de personnes physiques.
La rédaction actuelle de ces amendements n’est donc pas satisfaisante.
Le Gouvernement a organisé un certain nombre de réunions de travail, auxquelles plusieurs d’entre vous ont participé ; j’ai moi-même assisté la semaine dernière à l’une d’entre elles.
Je prends ce soir l’engagement de vous présenter une disposition complète, qui permettra de répondre à votre préoccupation, en ramenant le taux d’imposition à 19 %, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
Au bénéfice de cet engagement, je vous demande, madame, messieurs les sénateurs, de bien vouloir retirer vos amendements respectifs ; à défaut, pour les raisons techniques que j’ai indiquées, je ne saurais accepter les amendements tels qu’ils sont rédigés, car ils poseraient de véritables problèmes.
Rendez-vous au projet de loi de finances rectificative ! Je le répète, le Gouvernement tirera les conséquences des jugements qui ont été rendus et vous proposera une rédaction qui pourra satisfaire, me semble-t-il, l’ensemble des acteurs sur ce sujet.
M. le président. Monsieur Yung, l'amendement n° I-112 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Richard Yung. Je remercie M. le secrétaire d’État de son engagement clair.
On peut évidemment se demander en quoi cette disposition relève plus du projet de loi de finances rectificative pour 2014 que du projet de loi de finances pour 2015 !
M. Philippe Dallier. Ce ne sera pas la première fois que cela arrivera !
M. Richard Yung. Mais ne mégotons pas ! Nous avons un engagement clair et net de M. le secrétaire d’État.
En conséquence, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-112 rectifié bis est retiré.
Monsieur Cadic, l'amendement n° I-107 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Je ne vois pas où est le problème technique, monsieur le secrétaire d'État. Mais nous avons encore tant d’amendements à examiner ce soir que je n’insisterai pas. Nous allons vous faire confiance et retirer notre amendement. Très honnêtement, j’aurais aimé mieux comprendre l’argumentaire du Gouvernement…
M. le président. L'amendement n° I-107 rectifié quater est retiré.
Madame Deromedi, l'amendement n° I-116 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Jacky Deromedi. Compte tenu de l’engagement de M. le secrétaire d’État, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-116 rectifié ter est retiré.
Article 5
I. – L’article 199 novovicies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa du A, les mots : « de neuf ans » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « fixée, sur option du contribuable, à six ans ou à neuf ans. Cette option, qui est exercée lors du dépôt de la déclaration des revenus de l’année d’achèvement de l’immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure, est irrévocable pour le logement considéré. » ;
b) Au premier alinéa du D, deux fois, les mots : « , un ascendant ou un descendant » sont supprimés ;
2° Le VI est ainsi rédigé :
« VI. – Le taux de la réduction d’impôt est fixé à :
« 1° 12 % lorsque l’engagement de location mentionné au I est pris pour une durée de six ans ;
« 2° 18 % lorsque l’engagement de location mentionné au même I est pris pour une durée de neuf ans. » ;
3° Le VII est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « sur neuf » sont remplacés par les mots : « , selon la durée de l’engagement de location, sur six ou neuf » ;
b) À la seconde phrase, après les mots : « chacune des », sont insérés les mots : « cinq ou » et, après le mot : « raison », sont insérés les mots : « d’un sixième ou » ;
4°Après le VII, il est inséré un VII bis ainsi rédigé :
« VII bis. – A. – À l’issue de la période couverte par l’engagement de location mentionnée au I, lorsque le logement reste loué par période triennale dans les conditions prévues au III, le contribuable peut continuer à bénéficier de la réduction d’impôt prévue au présent article, à la condition de proroger son engagement initial pour au plus :
« 1° Trois années supplémentaires, renouvelables une fois, si l’engagement de location mentionné au I était d’une durée de six ans. Dans ce cas, la réduction d’impôt est égale à 6 % du prix de revient du logement, mentionné au A du V, pour la première période triennale et à 3 % pour la seconde période triennale ;
« 2° Trois années supplémentaires, si l’engagement de location mentionné au I était d’une durée de neuf ans. Dans ce cas, la réduction d’impôt est égale à 3 % du prix de revient du logement, mentionné au A du V, pour cette période triennale.
« B. – Pour l’application du A, la réduction d’impôt est imputée, par période triennale, à raison d’un tiers de son montant sur l’impôt dû au titre de chacune des années comprises dans ladite période. » ;
5° Le VIII est ainsi modifié :
a) Au D, le taux : « 95 % » est remplacé par le taux : « 100 % » ;
b) Le E est ainsi rédigé :
« E. – Le taux de la réduction d’impôt est fixé à :
« 1° 12 % pour les souscriptions qui servent à financer des logements faisant l’objet d’un engagement de location pris pour une durée de six ans ;
« 2° 18 % pour les souscriptions qui servent à financer des logements faisant l’objet d’un engagement de location pris pour une durée de neuf ans. » ;
c) Le F est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « sur neuf » sont remplacés par les mots : « , selon la durée de l’engagement de location, sur six ou neuf » ;
– à la seconde phrase, les mots : « des huit années suivantes à raison » sont remplacés par les mots : « des cinq ou huit années suivantes à raison d’un sixième ou » ;
6° Le A du XI est ainsi modifié :
a) À la fin du 1°, les références : « aux I ou VIII » sont remplacées par les références : « au I, au VII bis ou au VIII » ;
b) À la seconde phrase du 2°, après la référence : « I », est insérée la référence : « , au VII bis » ;
7° Le 3° du XII est ainsi rédigé :
« 3° Par dérogation au VI et au E du VIII, le taux de la réduction d’impôt est fixé à :
« a) 23 % lorsque l’engagement de location mentionné au I est pris pour une durée de six ans et pour les souscriptions qui servent à financer des logements faisant l’objet d’un engagement de location pris pour une durée de six ans ;
« b) 29 % lorsque l’engagement de location mentionné au même I est pris pour une durée de neuf ans et pour les souscriptions qui servent à financer des logements faisant l’objet d’un engagement de location pris pour une durée de neuf ans. »
II. – A. – Le I s’applique aux acquisitions, aux constructions et aux souscriptions réalisées à compter du 1er septembre 2014, à l’exception du b du 1° qui ne s’applique qu’à ceux de ces investissements réalisés à compter du 1er janvier 2015.
B. – Pour l’application du B du VIII de l’article 199 novovicies du code général des impôts, le I du présent article ne s’applique pas aux souscriptions dont la date de clôture est antérieure au 1er septembre 2014.
III. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, sur l'article.
M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je saisis cette occasion pour évoquer un sujet qui est directement lié à l’article 5, à savoir les résidences de tourisme, afin de gagner un peu de temps lors de la présentation des amendements que j’ai déposés.
Au travers de l’article 5, le Gouvernement propose de modifier, en matière d’investissement, la fiscalité relative à l’immobilier locatif traditionnel, c'est-à-dire concernant des habitations permanentes. Bien évidemment, ces dispositions ne manqueront pas d’avoir une incidence, comme cela a été le cas par le passé, sur l’attractivité de l’investissement dans l’immobilier locatif.
C’est ce que nous avons observé lorsqu’il a fallu élaborer, après la disparition, il y a quelques années, du dispositif dit « Périssol », le dispositif dit « Demessine » à partir d’un dispositif qui concernait l’immobilier locatif traditionnel et l’immobilier locatif de loisir. C’est encore ce que nous avons noté pendant la crise, en 2008, lorsqu’est apparu le dispositif dit « Scellier », et c’est, inévitablement, ce que l’on verra si nous ne prévoyons pas, en parallèle, de dispositions spécifiques en faveur de l’immobilier locatif touristique.
Depuis quarante ans, les résidences de tourisme et le statut de loueur en meublé non professionnel ont contribué à faire de la France la première destination touristique mondiale. Le parc de résidences de tourisme, qui représente aujourd'hui 760 000 lits, est l’une des principales portes d’entrée des séjournants touristiques, qu’ils soient français ou étrangers, ces résidences ayant la particularité d’accueillir plus d’un tiers de la clientèle étrangère.
Or, si le tourisme réceptif français reste leader mondial en termes d’arrivées, avec 85 millions de personnes en 2013 – je n’ai pas noté le chiffre de l’an dernier ! –, il perd, depuis une dizaine d’années, des parts de marché non seulement au niveau mondial, mais également au niveau européen, et même au sein de la zone euro par rapport à ses principaux voisins.
Pour 100 touristes étrangers reçus en 2000, la France en accueille 108, contre 127 en Espagne et 160 en Allemagne. Pour 100 euros apportés par le tourisme international en 2000, la France en gagne aujourd'hui 117, contre 134 pour l’Espagne et 147 pour l’Allemagne.
Avec 48,6 milliards d’euros de recettes en 2012, le tourisme français, qui est le premier en termes de fréquentation, n’est que le troisième en valeur.
Le tourisme réceptif français s’appuie sur un tissu de nombreuses entreprises de taille diversifiée, dont le développement est directement conditionné par la création ou la rénovation des infrastructures. Or ces investissements ont fortement diminué au cours des dix dernières années, contrairement à une idée reçue.
Ainsi, pendant cette période, le nombre de chambres d’hôtel offertes sur l’ensemble du territoire est resté stable, alors qu’il augmentait de 100 000 en Espagne.
Nous devons donc traiter la question des capacités et celle de l’attractivité de la résidence de tourisme et de l’immobilier de loisir pour les investisseurs.
Nous avons un second défi à relever, celui de la rénovation du parc, pour laquelle nous sommes en situation d’échec depuis une vingtaine d’années maintenant. En 1998, avec Michelle Demessine, nous avons mis en place le dispositif dit « ORIL », opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir, et « VRT », village résidentiel de tourisme. Ce dispositif n’a jamais fonctionné.
C’est pourquoi je proposerai ultérieurement un certain nombre d’amendements – des amendements identiques ont d’ailleurs été déposés par des collègues de plusieurs groupes – pour régler cette situation.
Monsieur le secrétaire d'État, nous n’attendons pas forcément une réponse immédiate, mais nous espérons au moins que le Gouvernement prendra l’engagement de travailler en collaboration avec le Parlement sur ces questions, qui sont en suspens depuis de nombreuses années.
Les ministres du tourisme sont souvent éphémères ; les ministres de l’économie et ceux qui sont chargés du budget le sont moins ! (Sourires.) Aussi, dans le cadre d’un dialogue avec vos services ministériels, nous espérons trouver les voies et moyens pour permettre à ce secteur de continuer à abonder le budget du pays au travers des ressources fiscales qu’il procure.
M. le président. L’amendement n° I-180, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. S’il fallait trouver une bonne raison de supprimer l’article 5 du projet de loi de finances, sans doute figurerait-elle dans le « bleu » de la mission « Égalité des territoires et logement », qui fait état de plusieurs informations intéressantes.
La première est que l’État, avant de procéder à une profonde réforme des prestations familiales, budgétise largement les aides personnelles au logement, les faisant pleinement entrer dans le cadre de futures et douloureuses manipulations budgétaires.
La deuxième, c’est que face aux 11 milliards d’euros ainsi budgétisés, ou peu s’en faut, 171,8 millions d’euros sont prévus pour financer en 2015 la construction neuve et la réhabilitation du parc locatif social. La même ligne prévoit 224 millions d’euros de fonds de concours, qui sont en général prélevés sur les fonds du « 1 % logement », pour financer quelques opérations de plus.
La troisième information figure sur la liste, annexée au « bleu », des dépenses fiscales liées au logement. On y découvre, entre autres, que la dépense fiscale comporte une longue liste de mesures destinées aux seuls bailleurs privés, auxquels ne sont consenties rien de moins que 1,8 milliard d’euros d’économies d’impôt.
D’un côté, donc, 172 millions d’euros sont prévus pour plus de 4 millions de logements sociaux, tandis que, de l’autre, 1,8 milliard d’euros d’allégements fiscaux vont bénéficier à quelques dizaines de milliers de ménages tout au plus. Or les mises en chantier dans le cadre du régime « Scellier » ont représenté en 2012 moins de 6 000 logements en métropole et moins de 600 outre-mer.
Quant au dispositif « Pinel », qui remplace le dispositif « Duflot », il présente quelques défauts rédhibitoires. En particulier, il permet un subventionnement nettement plus important pour un logement privé mis en location que pour le premier logement HLM voisin. Il permet aussi que de l’argent public soit en quelque sorte détourné pour la constitution d’un patrimoine familial, puisque les ascendants et descendants d’un investisseur immobilier pourront faire partie des candidats locataires.
Nous ne sommes décidément pas certains que la justice fiscale puisse emprunter cette voie stupéfiante de la construction, dans les grandes villes, d’un patrimoine familial défiscalisé.
À la vérité, de tels dispositifs constituent, selon nous, un dangereux outil d’optimisation fiscale, que nous pouvons d’autant moins cautionner qu’il risque d’accroître encore davantage les inégalités de patrimoine touchant les Français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. À peine le dispositif « Duflot » était-il en vigueur qu’il était remplacé par le dispositif « Pinel ». Faut-il encore changer ?
L’article 5 du projet de loi de finances prévoit un assouplissement des durées de location et autorise les locations au sein de la famille ; à ce propos, M. Dallier défendra dans quelques instants un amendement relatif à la location aux ascendants et descendants.
Le dispositif « Pinel », beaucoup plus large que le dispositif Duflot, est peut-être un peu éloigné de l’objectif initial, qui était de favoriser le logement intermédiaire. En tout cas, un autre objectif peut être louable : favoriser la construction, qui en a bien besoin. De fait, les données statistiques font apparaître que les dernières constructions de logements s’établissent à un niveau historiquement bas. Sans compter que le secteur du bâtiment et des travaux publics risque de pâtir de restrictions budgétaires, notamment au sein des collectivités territoriales – nous en reparlerons lorsque nous examinerons l’article 9.
Sans être un chaud partisan des dispositifs défiscalisés, je considère que la suppression du dispositif « Pinel » constituerait un très mauvais signal adressé au secteur de la construction. Pour cette raison, la commission des finances a émis un avis défavorable sur l’amendement n° I-180.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Chacun comprendra que le Gouvernement ne peut pas être favorable à un amendement tendant à supprimer un article de son projet de loi de finances !
Le dispositif « Duflot », à l’évidence, n’avait pas l’efficacité qu’on aurait pu en attendre. Amélioré, il est devenu le dispositif « Pinel ». L’article 5 vise à le compléter pour lui donner encore plus de souplesse et d’attractivité. Notre objectif est toujours le même : produire du logement, car le logement est cher, surtout là où il est rare.
Il est vrai, monsieur Foucaud, que l’on fait appel à des investisseurs privés, mais n’oubliez pas toutes les mesures qui ont été et qui sont adoptées en faveur de la production de logements sociaux par des constructeurs à caractère beaucoup plus public.
En vérité, ces différentes mesures forment un tout : le marché est divers et tous les investisseurs sont les bienvenus.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.