M. Vincent Delahaye. C’est un amendement de fond sur la taxation des plus-values immobilières.
M. le secrétaire d’État vient de dire que l’alignement du régime fiscal et social des terrains à bâtir sur celui des propriétés bâties en vigueur – à savoir une exonération de plus-value de cession des terrains à bâtir à compter de vingt-deux ans au titre de l’imposition sur le revenu – était une mesure de simplification. Certes, mais, comme cela a été dit, l’abattement au titre des prélèvements sociaux n’est total qu’au bout de trente ans.
Notre système actuel de taxation des plus-values immobilières est tout de même particulièrement complexe, puisqu’il comprend une taxe sur la plus-value, une surtaxe, un prélèvement social et des abattements qui ne sont pas calés sur les mêmes durées de détention. On peut difficilement faire plus compliqué ! Cela ne m’étonne guère de la part de l’administration fiscale française, qui est toujours très inventive.
Ce faisant, nous nous retrouvons avec un système compliqué et plutôt antiéconomique puisqu’il incite à conserver les biens le plus longtemps possible afin d’éviter que les transactions ne soient soumises à un taux d’imposition très élevé de 34,5 %.
L’objet de cet amendement est donc à la fois de simplifier ces dispositions de taxation des plus-values immobilières et de les rendre plus économiques, plus efficaces, en proposant un taux unique, au titre à la fois de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Cela ramènerait le taux d’imposition maximum actuel de 34,5 % à 17 %, dont 7 % au titre de l’impôt sur le revenu et 10 % au titre des prélèvements sociaux.
Ce taux unique permanent s’appliquerait quelle que soit la durée de détention, afin de favoriser la cession des biens détenus depuis peu, à l’image des régimes en vigueur en Suède, au Royaume-Uni ou encore en Espagne.
Cet amendement vise à supprimer le régime actuel d’abattement pour durée de détention et les abattements exceptionnels, tout en prenant en compte l’érosion monétaire afin de contribuer à la neutralité fiscale et sociale de la mesure dans le respect du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.
De plus, afin de ne pas pénaliser les propriétaires qui ont fait le choix de la détention longue, les dispositions du présent amendement n’entreraient en vigueur qu’au 1er juillet 2015. Ce délai laisserait à ces propriétaires la possibilité de céder leurs biens, s’ils le souhaitent, sous le régime actuel d’imposition.
J’ai essayé de raisonner à produit constant pour le budget de l’État et à comportement identique des acteurs. J’ai toutefois expliqué qu’à mon avis, cela viendrait modifier le comportement des acteurs et que l’on pourrait donc s’attendre à des recettes supplémentaires.
Cela étant, je n’ai malheureusement pas pu obtenir de vos services, monsieur le secrétaire d’État, les chiffres que j’avais demandés à ce sujet. J’ai donc été obligé d’établir mes chiffrages avec l’aide d’un notaire, sur la base d’une année de transactions. J’ai retenu des taux permettant de parvenir au même montant de plus-values – et, donc, de produit pour le budget de l’État.
Mme la présidente. L’amendement n° I-387, présenté par M. Dallier, Mmes Canayer et Cayeux, MM. César, Charon et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Estrosi Sassone, M. Grand, Mme Hummel et MM. Lefèvre, Mandelli, Morisset et D. Robert, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
intervenant entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014
par les mots :
qui interviennent entre le 1er septembre 2013 et le 31 décembre 2014
II. – Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au C du IV de l’article 27 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, la date : « 31 août 2014 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2014 ».
III. – Alinéa 3
Remplacer la date :
1er septembre 2014
par la date :
1er janvier 2015
IV. – Alinéa 12
Remplacer la date :
1er septembre 2014
par la date :
1er janvier 2015
V. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Il y a un an, le Sénat a rendu un rapport cosigné par quatre sénateurs siégeant sur des travées différentes : MM. Collin, Vandierendonck, Pillet et moi-même. Ce rapport traitait des outils fonciers mis à disposition des élus locaux. Toute une partie était consacrée à la fiscalité.
Les nombreuses auditions auxquelles nous avons alors procédé nous ont permis de mesurer à quel point l’instabilité était, en la matière, absolument préjudiciable au but visé, à savoir mettre des terrains sur le marché pour construire plus.
Malheureusement, l’instabilité perdure.
Certains des acteurs également mettaient en doute la validité de ce choc d’offre que l’on essaie de déclencher en offrant la possibilité de bénéficier d’avantages supplémentaires.
C’était ma première remarque.
Ma seconde remarque – et c’est l’objet de cet amendement, monsieur le secrétaire d’État –, est qu’il est assez désagréable pour les parlementaires, un matin, d’entendre à la radio ou de lire dans le journal que les règles du jeu ont changé ou vont changer la semaine suivante, le Parlement étant prié de régulariser les choses lors de l’examen du projet de loi de finances.
Ce ne sont pas des manières. C’est pourtant, encore une fois, ce qui est fait ici. Certes, vous invoquez l’urgence qu’il y a à débloquer une situation très mauvaise – à la fin de l’année, nous n’aurons peut-être pas construit 300 000 logements –, mais il n’en demeure pas moins que ce n’est pas une manière de procéder.
C’est la raison pour laquelle je propose, par cet amendement, de reporter au 1er janvier 2015 l’entrée en vigueur de la disposition visée à l’article 4 et de supprimer son caractère anticipé. Vous me répondrez peut-être que cela pose problème puisque l’instruction fiscale est sortie. On peut donc imaginer que certains sont en passe de bénéficier d’un avantage que le Parlement n’avait pas encore voté.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaitais soulever ce point, car il est tout de même assez difficile de travailler dans ces conditions. Imaginons que nous adoptions l’amendement de notre collègue Vincent Delahaye, ce qui changerait à nouveau complètement la donne ; je ne sais dans quelle situation nous nous retrouverions alors. Ce serait encore bien plus compliqué ! (M. Jean Desessard s’exclame.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-420, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
et de la contribution additionnelle prévue à l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles
par les mots :
, de la contribution additionnelle prévue à l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles et, le cas échéant, de la taxe mentionnée à l’article 1609 nonies G du code général des impôts
III. – Après l’alinéa 11
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
II. bis – À la condition que la cession soit précédée d’une promesse unilatérale de vente ou d’une promesse synallagmatique de vente ayant acquis date certaine entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2015, le II s’applique également aux plus-values réalisées au titre des cessions portant sur des biens immobiliers bâtis situés dans des communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants définie à l’article 232 du code général des impôts.
Pour l’application du premier alinéa du présent II bis, le cessionnaire s’engage, par une mention portée dans l’acte authentique d’acquisition, à démolir les constructions existantes en vue de réaliser et d’achever des locaux destinés à l’habitation dont la surface de plancher est au moins égale à 90 % de la surface de plancher maximale autorisée en application des règles du plan local d’urbanisme ou du plan d’occupation des sols, dans un délai de quatre ans à compter de la date de l’acquisition.
En cas de manquement à cet engagement, le cessionnaire est redevable d’une amende d’un montant égal à 10 % du prix de cession mentionné dans l’acte.
En cas de fusion de sociétés, l’engagement souscrit par le cessionnaire n’est pas rompu lorsque la société absorbante s’engage, dans l’acte de fusion, à se substituer à la société absorbée pour le respect de l’engagement précité dans le délai restant à courir. Le non-respect de cet engagement par la société absorbante entraîne l’application de l’amende prévue pour le cessionnaire.
IV. – Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
et le II bis entre en vigueur à compter du 1er janvier 2015
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, ce dont elle était elle-même convenue, l’article 4 comporte un risque de cumul de plusieurs abattements exceptionnels pour une même opération, ce qui n’est pas souhaitable.
Introduite sur l’initiative du député Daniel Goldberg, cette disposition prévoit d’étendre le bénéfice de l’abattement exceptionnel de 30 %, applicable sous conditions depuis le 1er septembre 2014, aux cessions de biens immobiliers bâtis situés dans des zones tendues, sous réserve que l’acquéreur prenne un engagement de démolir les constructions en vue de la reconstruction de logements.
Au regard des objectifs gouvernementaux, l’extension du champ d’application de cet abattement est légitime. Il ne serait toutefois pas justifié que des cessions concourant au même objectif ne bénéficient pas d’une incitation fiscale identique, qu’il s’agisse de cessions de terrains nus ou d’immeubles bâtis destinés à la démolition.
Pour autant, la mesure introduite par l’Assemblée nationale se superpose temporellement avec la prorogation de l’abattement exceptionnel de 25 % mis en place par l’article 27 de la loi de finances du 29 décembre 2013 pour ces mêmes opérations de démolition-reconstruction.
Le présent amendement a donc pour objet de parfaire les modalités d’application de cette extension de l’abattement exceptionnel de 30 % afin d’éviter le cumul des deux abattements exceptionnels pour une même cession.
Il est donc proposé que la superficie minimale de construction de logements soit appréciée au regard de la surface de plancher, c’est-à-dire dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues à l’article 27 de la loi de finances pour 2014.
Enfin, il est proposé une coordination rédactionnelle afin de prévoir que cet abattement est désormais susceptible de s’appliquer à des immeubles bâtis sous certaines conditions et qu’il s’appliquera également, le cas échéant, pour déterminer l’assiette de la taxe sur les plus-values immobilières élevées prévue à l’article 1609 nonies G du code général des impôts.
Veuillez m’excuser de ces précisions techniques, mais ce qu’il faut retenir, c’est que l’adoption de cet amendement permettra de résoudre un problème que nous avions repéré au moment de l’adoption de l’amendement de Daniel Goldberg.
Mme la présidente. L'amendement n° I-18, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° I-18 traite également de la question de l’abattement exceptionnel pour certaines opérations immobilières, car nous avions repéré un télescopage entre deux dispositifs. De fait, la disposition visée aux alinéas 5 à 7 de l’article 4 se superpose, au moins temporairement, à un abattement exceptionnel déjà existant. C’est la raison pour laquelle la commission propose, au travers de cet amendement, leur suppression. Toutefois, notre préoccupation étant satisfaite par l’amendement du Gouvernement dont je viens de prendre connaissance, nous accepterions de retirer le nôtre à son profit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-392 rectifié, I-387 et I-420 ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° I-392 rectifié soulève une question importante, et, monsieur le secrétaire d’État, dans mon propos, je ne visais pas tel gouvernement plus que tel autre : tous ceux qui se sont succédé ont eu la tentation de modifier le régime des plus-values de cessions immobilières !
M. Philippe Dallier. Plus que la tentation !
M. André Gattolin. Ils y ont succombé ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ils ont été plus que tentés, car chaque loi de finances vise soit à modifier des durées de détention, à créer des abattements exceptionnels ou à instaurer des surtaxes en cas de plus-values élevées, soit à simplifier pour partie le principe sur lequel repose le dispositif, mais en fixant des règles étonnamment différentes concernant son application : pourquoi vingt-deux ans pour l’impôt et trente ans pour la CSG ? Tout cela n’est pas très efficace, car dès lors que l’on fixe une durée de détention relativement longue pour bénéficier d’une totale exonération – trente ans pour la CSG, c’est long –, les effets se font sentir sur le marché immobilier.
Ce dispositif, nous en sommes convaincus, incite les propriétaires à ne pas vendre, vous avez eu l’honnêteté de le reconnaître tout à l’heure, d’autant plus que, pour la CSG, la progressivité est très forte à mesure que le terme approche et que le système n’est absolument pas linéaire. En pratique, il est extrêmement dissuasif de vendre un bien dans les vingt à vingt-trois premières années, et cela ne devient intéressant qu’à la fin de la période.
Au final, la combinaison de ces durées longues et de ces abattements successifs est assez dissuasive sur les ventes immobilières. D’ailleurs, si tel n’était pas le cas, on n’en serait pas à discuter d’abattements exceptionnels. Or nous sommes régulièrement incités à corriger le dispositif d’imposition des plus-values par des mesures exceptionnelles.
L’amendement n° I-392 rectifié a le mérite de proposer un système simple, qui tient compte, non pas de la durée de détention, mais de l’érosion monétaire par le biais de l’indice du coût de la construction, en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il s’agit d’instaurer une taxe unique à un taux abaissé.
Lorsque la commission a examiné cet amendement tout à l’heure, il n’était pas tout à fait opérationnel quant au calcul de l’abattement en fonction des travaux réalisés. Son auteur l’a ensuite rectifié, mais nous demeurons prudents sur le caractère directement opérationnel du dispositif.
Nous avons la volonté de réformer le dispositif en vigueur, de le rendre plus simple, d’améliorer son rendement en élargissant la base – toutes les plus-values seraient visées, quelle que soit la durée de la détention, mais le taux d’imposition serait diminué. Néanmoins, à ce stade, j’ai un peu de mal à accepter sans réserve cet amendement. Si nous l’approuvons totalement dans son principe, il nécessite néanmoins beaucoup de travaux de coordination. En outre, nous ne disposons d’aucun chiffrage. J’espère que le Gouvernement pourra nous éclairer sur ce point.
S’agissant de l’amendement n° I-387, je partage totalement les propos que vient de tenir M. Dallier. C’est assez étonnant : d’un côté, les gouvernements, et ce n’est pas propre au gouvernement actuel, annoncent des dispositifs, et, de l’autre, des décisions assorties d’instructions fiscales sont prises presque six mois avant l’entrée en vigueur de la loi de finances. Quel respect des droits du Parlement !
En l’espèce, l’instruction fiscale est parue au début du mois de septembre, l’examen du projet de loi de finances débute à la fin du mois de novembre et son adoption aura lieu en décembre. À quoi servons-nous, puisque l’instruction fiscale donne toute latitude aux contribuables pour vendre ou acheter ? Le Parlement est mis devant le fait accompli. Imaginons que nous ne votions pas le projet, cela poserait des problèmes insurmontables. Il conviendrait de cesser ces annonces prématurées applicables avant même que le Parlement n’ait examiné les dispositifs.
Au demeurant, si l’amendement de Philippe Dallier était adopté, un certain nombre de contribuables, ceux qui ont vendu des terrains bâtis entre le 31 août 2014 et le 31 décembre 2014, auraient été taxés sur un montant trop important de plus-value et seraient éventuellement en droit de régulariser celle-ci afin d’obtenir a posteriori le bénéfice de l’abattement.
C’est la raison pour laquelle la commission souhaiterait que l’auteur de cet amendement accepte de le retirer.
Quant à l’amendement n° I-18, je le retire au profit de l’amendement n° I-420 du Gouvernement.
Mme la présidente. L’amendement n° I-18 est retiré.
Quel est, en définitive, l’avis de la commission sur l’amendement n° I-392 rectifié ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission s’est prononcée sur la version non rectifiée de cet amendement ; elle en avait sollicité le retrait, en souhaitant qu’il soit amélioré. Depuis sa rectification, nous ne nous sommes pas formellement prononcés. Je m’orienterai plutôt vers un avis de sagesse. En effet, il pourrait être opportun de retirer le dispositif avant de l’insérer dans le collectif budgétaire, afin d’effectuer les importants travaux de coordination destinés à le rendre opérationnel. (M. Philippe Dallier acquiesce.) À cette fin, nous devrons modifier de nombreux articles du code général des impôts. Surtout, nous devrons en évaluer le coût. Or nous n’avons aucune indication en la matière, et il serait intéressant d’entendre le Gouvernement sur ce point. Néanmoins, je le redis, je suis totalement d’accord avec le souci de simplification des auteurs de cet amendement et leur volonté d’éviter tout blocage du marché immobilier.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos I-392 rectifié et I-387 ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je remercie M. le rapporteur général d’avoir accepté de retirer l’amendement n° I-18, par souci de bonne coordination.
L’amendement n° I-392 rectifié vise à modifier en profondeur le régime des plus-values immobilières, car au-delà de la révision des taux, il ne tient plus compte, ou très peu, de la durée de détention. C’est la principale nouveauté.
Toutefois, cette disposition pose des difficultés quant au chiffrage. On nous dit toujours qu’un changement dans le régime d’imposition modifiera le comportement des détenteurs de biens immobiliers et fera évoluer le marché. D’aucuns affirment d’ailleurs que la mesure se financera toute seule, car étant plus favorable, elle favorisera les transactions, et donc les rentrées fiscales.
Personnellement, je reste très prudent. Mes services ont fait un calcul, mais il m’étonne un peu : 440 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu, et un peu plus de 1 milliard d’euros si l’on inclut les prélèvements sociaux.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En plus ou en moins ?
M. Philippe Dallier. Sinon, vous vous en seriez réjoui ! (Rires.)
M. Roger Karoutchi. Vous ne l’auriez peut-être pas dit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement comprend l’esprit de cet amendement et entend votre propos, monsieur Delahaye, mais je ne peux pas complètement le concevoir. Le dispositif tel qu’il est aujourd’hui est plus simple qu’avant. Certes, il propose des dispositifs incitatifs qui sont temporaires et qui peuvent donner l’impression d’être compliqués. Mais c’est justement pour dire aux propriétaires : si vous vendez avant telle date, vous bénéficierez d’un bonus ; à défaut, vous ne l’aurez pas. Par conséquent, le Gouvernement, vous l’aurez compris, est défavorable à l’amendement n° I-392 rectifié.
Je suis un peu plus gêné avec l’amendement n° I-387. Je serais tenté de dire que ce n’est pas tant le fond qui pose problème, même si, en l’occurrence, la distinction entre le fond et la forme n’est pas aisée. J’ai bien compris que la commission y était défavorable, même si elle comprenait la motivation de ses auteurs.
Le récent parlementaire que je suis, aurais-je envie de vous dire,…
M. André Gattolin. L’ancien parlementaire, voulez-vous dire !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Plus exactement le récent ex-parlementaire que je suis n’est pas très loin de souscrire à votre remarque, monsieur le sénateur. Je vais me faire encore disputer pour avoir dit cela, mais il faut parfois dire ce que l’on pense. (Sourires.)
M. Michel Bouvard. C’est honnête de le dire !
M. Jacques Chiron. Il faut revenir à ses premières amours… (Nouveaux sourires.)
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comprenez aussi que, dans la situation de blocage assez profonde du marché de l’immobilier, le Gouvernement ait pu être conduit à anticiper cette décision qui est de toute façon favorable aux contribuables. Évidemment, cela eût paru inconcevable avec une disposition par nature plus défavorable. Agir ainsi n’est pas l’idéal, je vous l’accorde, mais c’est déjà arrivé. On ne peut pas demander en même temps que les dispositions fiscales soient réservées aux lois de finances et s’interdire de prendre en cours d’années des décisions de cette nature. Tout cela est truffé de contradictions, j’en conviens.
Même si je n’aime pas m’engager sur des périodes longues, je promets que le Gouvernement usera de ce type de pratiques le moins souvent possible. Cela ne vous consolera pas et je conçois que cela puisse provoquer un certain émoi.
Pour tous ces motifs, je souhaiterais que cet amendement soit rejeté, car même si le projet tel qu’il est rédigé ne satisfait pas toutes les préoccupations des auteurs de ces amendements, globalement, il va tout de même dans le sens d’un allégement des impôts sur les plus-values et d’une accélération des amortissements.
M. Philippe Dallier. Demandez-moi plutôt de le retirer !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est un lapsus, je vous prie de m’en excuser, car cet amendement répond à une démarche convergente de part et d’autre. Personne ici ne souhaiterait l’annulation de cette disposition.
M. Philippe Dallier. Dans ce cas, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° I-387 est retiré.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote sur l’amendement n° I-392 rectifié.
M. Vincent Capo-Canellas. M. le rapporteur général nous a dit que cet amendement méritait d’importants travaux de coordination – nous pouvons l’entendre –,…
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Vincent Capo-Canellas. … mais qu’il en comprenait tout l’intérêt. Il a également évoqué la possibilité de revenir sur cet amendement lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
M. le secrétaire d’État a bien voulu nous transmettre un certain nombre de chiffres…
M. Vincent Capo-Canellas. Tout à fait, mais je crois que l’auteur de cet amendement aimerait beaucoup disposer de ces chiffres par écrit, même si c’est sous la forme de notes de travail.
Si l’on suivait l’hypothèse de M. le rapporteur général, serait-il possible que les services de la commission travaillent avec l’auteur de cet amendement, dont nous avons tous reconnu ici l’intérêt, afin de l’améliorer ?
Par ailleurs, si M. le secrétaire d’État pouvait transmettre un certain nombre d’éléments d’expertise, ce serait une aide précieuse pour approfondir nos travaux sur ce sujet.
Je formule ces deux demandes conjointement en direction de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d’État, car le groupe UDI-UC attache une importance particulière à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement et je suivrai le Gouvernement.
J’ai apprécié la sincérité avec laquelle M. le secrétaire d’État a évoqué les rapports entre le Parlement et l’exécutif. Cependant, l’urgence de la situation exigeait que les professionnels puissent, dès le début de la saison, en septembre, disposer d’un cadre à la fois lisible et stimulant.
D’ailleurs, au nom de la stabilité normative, il ne me paraît pas souhaitable de modifier une nouvelle fois ce dispositif à court terme, que ce soit par le projet de loi de finances rectificative ou par je ne sais quel autre texte. Le monde de l’immobilier nous répète à l’envi qu’il a besoin de règles stables. Or, pour l’heure, ses acteurs ont plutôt bien accueilli les mesures annoncées par le Gouvernement.
En revanche, un assez large consensus pourrait sans doute se dégager en faveur d’un système fiscal parvenant à fluidifier le marché immobilier tout en assurant de justes prélèvements sur les patrimoines et les richesses induites : les risques spéculatifs ne sont pas négligeables dans ce domaine et notre fiscalité doit être à même de les prévenir.
Au reste, j’en suis convaincue, on ne peut examiner l’imposition tant de la transmission des biens que des plus-values sans se pencher sur l’impôt foncier en vigueur en France. On cite souvent les règles existant dans les autres pays : mais, gardons-le à l’esprit, si les droits sur les plus-values y sont faibles, c’est parce que l’impôt acquitté sur le stock y est élevé et progressif. Nous devons, à l’évidence, penser parallèlement la réforme des plus-values immobilières et celle de la taxe foncière.
J’ai toujours plaidé pour un impôt foncier fondé sur la valeur vénale déclarative du bien. Cette méthode, que privilégient la plupart des États, se révèle efficace pour lutter contre la spéculation et favoriser la redistribution.
Vous le savez, la rente foncière est un handicap pour la France. Je le répète souvent : en trente-cinq ans, la hausse des prix du foncier a été de près de 800 % dans notre pays ! Quelles sont les valeurs, productives notamment, qui ont crû dans de telles proportions au cours de la même période ? Cette rente foncière permet à certains de s’enrichir en ne faisant rien. Cette situation pénalise la France, qui devient un pays de rentiers plutôt qu’un pays productif.
Voilà pourquoi cette réforme de la fiscalité sur les plus-values exige une vision plus large, englobant les impôts sur le foncier bâti et non bâti.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je voterai l’amendement du Gouvernement qui, à mon sens, tend à garantir un point d’équilibre.
Certains de nos collègues l’ont rappelé, la problématique foncière est complexe. N’oublions pas que l’impôt foncier est une recette des collectivités territoriales, tandis que la taxation des plus-values est une recette de l’État.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le sais bien !
M. Michel Bouvard. Aussi, la réforme que suggère Mme Lienemann exigerait un véritable dialogue entre l’État et les collectivités territoriales. Ces dernières ne doivent pas être, une fois de plus, les dindons de la farce, disons les choses comme elles sont !
Cela étant, j’en viens aux annonces et aux prises d’effet des dispositions dont nous débattons.
Je comprends les arguments qu’invoque M. le secrétaire d’État. Toutefois, lorsqu’une mesure entre en vigueur de manière anticipée par rapport au projet de loi de finances, sa mise en œuvre est souvent fixée à la présentation de ce texte en conseil de ministres, ce qui me semble un bon procédé.
En l’occurrence, le Gouvernement a choisi une date légèrement en amont. Il faut tout de même fixer quelques repères ! La méthode habituelle aurait été moins irritante pour la représentation nationale, à laquelle le projet de loi de finances aurait été présenté dans la foulée.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.