M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, depuis 2011 ! Le produit de l’impôt sur le revenu s’élevait à 51 milliards d’euros en 2011, tandis qu’il atteindrait cette année 70 milliards d’euros. Évidemment, l’augmentation porte sur les années 2012, 2013, 2014 et 2015, pour les raisons que l’on connaît : la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, les deux abaissements successifs du plafonnement du quotient familial, passant à 2 000 euros puis à 1 500 euros, la suppression d’un certain nombre de dépenses fiscales en faveur des salariés et des retraités, l’imposition des revenus du capital, etc.
Il convient en outre de tenir compte, en plus de ces réformes, des dispositions inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale – heureusement corrigées par le Sénat –, qui prévoyaient tout de même pour la première fois la modulation des allocations familiales en fonction du revenu.
L’ensemble de ces mesures se traduit par une hausse significative du produit de l’impôt sur le revenu, certes assortie d’une hyperconcentration de l’impôt. Or ce sont sans doute les familles avec enfant qui ont été les plus victimes des deux baisses successives de 2013 et de 2014 du plafond du quotient familial et de la modification du barème.
Par conséquent, le présent amendement tend à relever le seuil du barème fiscal actuel de 1 508 euros.
Très concrètement, et je répondrai ainsi aux préoccupations de Vincent Delahaye, la suppression de la première tranche profite certes à certains et entraîne une perte pour le budget de l’État, mais elle ne fait que revenir modestement sur des augmentations d’impôts que l’on a imposées aux Français depuis deux ans. Néanmoins, cela ne résout en rien le problème de l’hyperconcentration de l’impôt sur le revenu que j’ai évoqué à l’instant.
L’adoption du présent amendement, avec le relèvement du plafond du quotient familial à 1 750 euros par demi-part, compenserait en partie les effets des deux baisses successives du plafond du quotient familial qui ont entraîné, pour la seule année 2014, une hausse moyenne de l’impôt sur le revenu de 1 190 euros, soit une hausse significative pour ces familles.
Par conséquent, la perte de recettes attendue pourrait être compensée presque intégralement en jouant sur la décote. Néanmoins, 6,7 millions de foyers fiscaux demeureraient bénéficiaires des nouvelles décotes, pour un gain moyen de 247 euros. Parmi eux, 1,6 million de ménages deviendraient non imposables, 4 millions bénéficieraient d’un allégement d’impôt et 1,1 million auraient une restitution d’impôt plus élevée.
En résumé, en jouant sur la décote conjugale et la décote applicable aux personnes seules, et en relevant le plafond du quotient familial à 1 750 euros, on répartit mieux les effets de la réforme proposée par le Gouvernement au profit des familles, les vrais gagnants restant les ménages à revenus modestes.
Nous entamerons dans quelques instants le débat sur la suppression de la première tranche ou l’hyperconcentration de l’impôt sur le revenu, qui sont des vrais sujets. Nous attendons un rapport très intéressant du Conseil national des prélèvements obligatoires sur la fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée qui, je l’espère, nous permettra de travailler à un dispositif plus ambitieux.
Pour l’heure, l’adoption de cet amendement constituerait un signal fort en direction des familles, qui ont été les plus touchées par les hausses de la fiscalité successives.
J’en viens maintenant à l’avis de la commission sur les quatre autres amendements.
Sur l’amendement n° I-172 rectifié, la commission a émis un avis défavorable.
L’impôt sur le revenu est déjà, en France, extrêmement concentré. Je ne rappellerai qu’un chiffre : à eux seuls, 10 % des foyers fiscaux acquittent 70 % de l’impôt.
M. Thierry Foucaud. Pour quels revenus ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pourtant, ils ne concentrent pas 70 % des revenus. Ils ne représentent que 34 % de la masse imposable.
On l’observe ainsi, l’impôt sur le revenu est très fortement progressif. La création d’une tranche supplémentaire, que nos collègues du groupe CRC proposent, ne ferait bien sûr que renforcer cette caractéristique. On aboutirait en outre à un dispositif encore plus complexe qu’aujourd’hui.
M. Éric Bocquet. Rien n’est compliqué !
M. Thierry Foucaud. Vous ne savez pas comment faire ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur l’amendement n° I-253, je le dis d’emblée, il est tout à fait légitime de rester fidèle à la mémoire de Joseph Caillaux (Sourires.), que Mme André compte parmi ses prédécesseurs à la présidence de notre commission. (Mme la présidente de la commission des finances acquiesce.) On peut bien sûr avancer que tous les foyers doivent acquitter l’impôt. Mais il existe déjà un impôt pour ainsi dire universel : c’est la CSG. Nous débattrons certainement de l’avenir de cette contribution et de l’impôt sur le revenu.
Faut-il aller jusqu’à supprimer la tranche à 5,5 % ? C’est un véritable débat. Cela étant, à y regarder de près, cette mesure n’aurait qu’un impact relativement modeste, de l’ordre de 500 millions d’euros. Le Gouvernement l’a mise en avant, mais les mécanismes de décote auraient des effets beaucoup plus forts.
Dans la pratique, la mesure ne joue que pour les foyers fiscaux bénéficiant d’au moins une part et demie. Elle concerne donc très peu les célibataires et aide surtout les familles disposant de faibles revenus.
Nonobstant la perte que cet amendement infligerait aux recettes de l’État, la commission ne s’est pas prononcée en faveur de cet amendement.
L’amendement n° I-396 tend à mettre en œuvre des mesures beaucoup plus ambitieuses. Il s’agit non seulement de rétablir la tranche à 5,5 % mais aussi de renoncer à la réforme de la décote et de supprimer la prime pour l’emploi. Nous débattrons plus précisément de cette dernière piste dans quelques semaines, au titre du projet de loi de finances rectificative.
J’ajoute que cet amendement vise également à mettre en œuvre un impôt sur le revenu négatif.
À titre personnel, et à l’instar d’un certain nombre de membres de la commission, je souhaite moi-même une réforme plus ambitieuse que celle qui est proposée par le Gouvernement. L’impôt sur le revenu a vu son produit augmenter de 35 %. Mais il est limité par un certain nombre de dispositifs, de réductions et d’avantages fiscaux, même si ces derniers sont désormais largement plafonnés. Il se révèle très dissuasif pour certains et touche fortement les familles. On peut donc émettre bien des interrogations à son sujet et appeler à le réformer en profondeur.
Voilà pourquoi j’attends beaucoup du rapport que la commission des finances a demandé au Conseil des prélèvements obligatoires. Sur la base de ce document, nous pourrons sans doute formuler des propositions ambitieuses, aboutissant à la réforme de grande ampleur à laquelle appelle Vincent Delahaye, avec des effets peut-être plus mesurés.
Par ailleurs, divers transferts entre foyers fiscaux n’ont pas encore pu être évalués.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement au profit de celui de la commission, dans l’attente d’une réflexion plus approfondie.
Quant à l’amendement n° I-173, il tend, comme l’amendement n° I-172 rectifié, à instaurer un barème à neuf tranches en créant une tranche à 50 % pour les revenus supérieurs à 300 000 euros. Une tranche à 45 % existe déjà. Cette mesure, je l’ai déjà dit, accroîtrait la complexité de l’impôt et accuserait encore sa progressivité. Gardons en tête que 10 % des foyers fiscaux payent à eux seuls 70 % de l’impôt sur le revenu. On atteint aujourd’hui des taux assez dissuasifs.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mais je me tourne vers notre collègue Vincent Delahaye. Entendons-nous bien : vous posez, par votre amendement, une authentique question de fond, que je n’écarte nullement. Cela étant, nous devons être à même de mesurer précisément les conséquences de telles réformes. À cette fin, je souhaite que nous appuyions nos débats et nos travaux en commission sur les analyses du Conseil des prélèvements obligatoires, grâce auxquelles nous pourrons proposer un système plus juste, en particulier à l’égard des familles, que la commission cherche à soutenir par son amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, les propos qui viennent d’être tenus appellent, de ma part, un certain nombre de remarques. J’espère vous convaincre qu’il n’y a lieu d’adopter aucun de ces cinq amendements.
Pour certains, les impôts en général, l’impôt sur le revenu en particulier, seraient trop progressifs. Pour d’autres, ils ne le seraient pas assez. Vous le savez, le produit de l’impôt sur le revenu est de 60 milliards d’euros, contre 90 milliards d’euros pour la CSG et 150 milliards d’euros pour la TVA – ce sont bien entendu des ordres de grandeur.
Dans l’impôt global acquitté par les Français, le poids de l’impôt sur le revenu est donc relativement faible.
Cet impôt est-il progressif ? Oui !
M. Thierry Foucaud. Insuffisamment !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On s’en souvient, 10 % des contribuables versent 70 % de cet impôt. Environ 48 % des foyers l’acquittent, 52 % en étant donc exonérés.
Soyons honnêtes et raisonnables : tous, en tout cas beaucoup se sont indignés, au cours des années précédentes, et pas seulement depuis 2012, de voir de nombreux contribuables entrer dans l’impôt sur le revenu. On a pu relever que cette évolution emportait nombre de conséquences, en privant les foyers concernés de l’exonération ou de la réduction des taxes foncières, ou en les assujettissant à la contribution à l’audiovisuel public.
Par cet article, le Gouvernement opère effectivement un retour en arrière.
Monsieur le rapporteur général, pardonnez-moi si j’ai remis en cause tel chiffre ou telle année que vous avez cités hier à la tribune. Mais vous avez avancé que le produit de l’impôt sur le revenu avait augmenté de 35 % depuis 2010.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Depuis 2011 !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Soit ! Mais, à ma connaissance, l’actuelle majorité gouvernementale n’est arrivée aux affaires que plus tard. Reconnaissons que l’augmentation de l’impôt sur le revenu n’a pas débuté au mois de mai 2012 et que l’on peut, sur cette base, discuter de l’impact des mesures adoptées par les uns et par les autres.
M. Philippe Dallier. À quelques mois près…
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Dallier, je vous rappelle que la majorité de M. Sarkozy avait, avant 2012, pris un certain nombre de décisions dont les effets se sont fait sentir au cours des années suivantes. Je songe notamment à la suppression de la demi-part des personnes seules, plus communément appelée la « demi-part des veuves ».
Donnez-nous acte que les conséquences de ces mesures ne sont pas à porter à notre débit, mais plutôt au vôtre !
De surcroît, vous savez que l’impôt sur le revenu est acquitté avec un an de décalage. Ainsi, les décisions d’une année produisent leurs effets l’année suivante.
Restons donc prudents et plaçons clairement les chiffres en face des années et des décisions qui leur correspondent.
Monsieur Delahaye, je respecte votre position, mais je ne peux pas vous laisser parler de « bricolage », de « boîte à outils » ou de « mensonges ». (Protestations sur quelques travées de l'UMP.) Je ne l’accepte pas.
Mme Catherine Procaccia. La boîte à outils, c’était du plagiat !
M. Vincent Capo-Canellas. C’était vous !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Employer ces termes pour tourner en dérision l’action du Gouvernement ne me paraît pas opportun.
Vous mettez en cause l’ampleur de nos réformes.
Avons-nous réformé l’impôt sur le revenu ? Oui, et beaucoup ! Voilà pourquoi je n’accepte pas le terme de « bricolage ».
L’assujettissement des revenus du capital à cette imposition – M. Bocquet évoque régulièrement ce sujet, c’est même un de ses leitmotivs –, qu’il s’agisse des intérêts, des dividendes ou des plus-values, est bien à mettre au crédit de notre gouvernement.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Dès 2012 !
M. Éric Bocquet. Mais les capitaux partent au Luxembourg !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il s’agit d’une réforme essentielle et même fondamentale, que l’on a trop souvent tendance à oublier.
L’amélioration de la progressivité de l’impôt sur le revenu, grâce à une tranche d’imposition supplémentaire à 45 %, c’est aussi une mesure de ce gouvernement ! Ce n’est pas du « bricolage », c’est une décision politique, que nous assumons.
Peut-on aller au-delà ? L’amendement n° I-172 rectifié tend à créer une neuvième tranche assortie d’un taux de 50 %. Cela ne me semble pas possible, notamment pour des raisons constitutionnelles.
Certes, les taux d’impôt sur le revenu ont pu être, par le passé, plus élevés qu’ils ne le sont aujourd’hui, mais il n’existait alors ni CSG ni CRDS. Or le Conseil constitutionnel l’a toujours dit : le total des divers prélèvements atteindrait un niveau jugé confiscatoire, et partant inconstitutionnel, au-delà d’un taux d’imposition de…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. De 66 % !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … 66 % ou 68 %, suivant les décisions. J’ai déjà eu l’occasion de le rappeler à propos d’un autre amendement, lequel avait pour objet la taxation des retraites chapeaux.
À mon sens, une tranche d’imposition à 50 % serait, à coup sûr, frappée d’inconstitutionnalité.
M. Philippe Dallier. Exactement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Delahaye, je reviens sur les prétendus « mensonges » dont vous parlez. Selon vous, nous affirmons réduire les impôts mais, dans les faits, nous les augmentons. Je ne partage pas votre analyse.
Chacun sait que les revenus augmentent, en moyenne, dans notre pays, et c’est une très bonne chose.
M. Philippe Dallier. Ils n’augmentent pas pour tout le monde…
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Cette progression est-elle insuffisante ou excessive ? À chacun d’apprécier.
Quoi qu’il en soit, il suffit de lire de temps à autre la presse spécialisée pour savoir que, dans notre pays, les revenus ont, en moyenne, crû plus vite que l’inflation. Je ne prétends pas que tous nos concitoyens ont gagné plus en 2014 qu’en 2013. Mais, globalement, le nombre de Français augmentant, et leurs revenus augmentant également, notre assiette imposable connaît une progression naturelle.
Les recettes de l’impôt sur le revenu progressent en volume. Mais le Gouvernement ne ment nullement en déclarant réduire cet impôt de 3,2 milliards d’euros.
Je le répète, cette réduction fiscale n’est pas payée par les uns pour les autres : sans disposition complémentaire, la suppression de la tranche à 5,5 % bénéficierait bel et bien à tous. Tel n’est pas le vœu du Gouvernement, et nous assumons cette position.
Nous souhaitons réserver cet allégement aux classes moyennes ou modestes. En conséquence, nous abaissons le seuil des tranches d’imposition suivantes, dans les proportions strictement nécessaires à la compensation de cette aide. Cette modification concerne les contribuables soumis aux tranches à 14 %, 30 %, 40 %, etc. Ceux-ci ne bénéficieront pas de la suppression de la tranche à 5,5 %, mais cette mesure sera, pour eux, d’une neutralité complète. Reste, pour le budget de l’État, un coût de l’ordre de 3,2 milliards d’euros.
J’ajoute une précision, qui pourrait peut-être vous conduire à réviser votre jugement : ces 3,2 milliards d’euros incluent la somme de 1,3 milliard d’euros votée, en 2014, au titre de la loi de finances rectificative.
L’amendement n° I-53, défendu par M. le rapporteur général au nom de la commission, tend à relever le plafond du quotient familial.
Le Gouvernement a modifié non le quotient familial en tant que tel mais son plafonnement. Il s’agit, là aussi, d’un choix que nous assumons et qui touche les 13 % des familles « les plus riches » – ces termes n’ont rien de péjoratif. Chacun pourra ergoter sur la définition des classes moyennes, en distinguant des classes moyennes, des classes moyennes supérieures, des classes aisées. Ces catégories restent subjectives, elles sont liées à l’appréciation de chacun.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas soutenir que la baisse du plafonnement du quotient familial a pénalisé les foyers modestes ou moyens ; nombre de tableaux statistiques montrent le niveau de revenus à partir duquel cette mesure a eu son effet.
Le Gouvernement est bien sûr défavorable à cet amendement.
Madame la présidente, pardonnez-moi d’être un peu long : il s’agit de cinq amendements importants et d’un sujet essentiel pour tout projet de loi de finances, à savoir l’impôt sur le revenu.
Certains amendements tendent à grever le budget de l’État. D’autres visent au contraire à l’alimenter.
Je vais simplement vous faire part de la lecture que nous faisons, sous cet angle, des amendements proposés, afin d’apporter au moins quelques corrections.
Monsieur Delahaye, vous avez prétendu que votre amendement était neutre, ou rapporterait au budget de l’État. Au passage, si cela devait se vérifier, j’observe que vous auriez alors contribué à alourdir l’impôt sur le revenu… Ce n’est toutefois pas le cas, car vous faites une erreur d’évaluation de la prime pour l’emploi. Je tiens à la corriger ici, car elle a été commise à plusieurs reprises, ici et ailleurs.
Vous affirmez financer votre amendement par la suppression de cette prime, dont vous évaluez le coût à près de 4 milliards d’euros. Or c’est faux. Je vous renvoie au tome II du fascicule d’évaluation des voies et moyens, et aux différents documents qui vont ont été fournis.
M. de Courson avait affirmé avec assurance que tous les documents établissaient le coût pour le budget de l’État de la prime pour l'emploi à 4 milliards d’euros. C’est faux ! Elle coûte 2,1 milliards d’euros, qui se décomposent ainsi : 1,8 milliard d’euros de restitutions, de remboursements, comme indiqué à la page 21 du tome II déjà cité, le reste étant une réduction d’impôt en faveur de ceux pour lesquels la prime pour l'emploi est déduite de l’impôt à payer. Quelque 15 % de ces 2,1 milliards d’euros sont donc attribués sous forme d’une réduction de l’impôt à payer, le reste sous forme d'un reversement.
Cette précision est importante. Le rapporteur général y a fait allusion, le débat sur la fusion du RSA activité et de la prime pour l'emploi dans un nouveau dispositif – cela fait aujourd’hui l’objet d’un article dans un grand journal du soir – nous conduira à développer ce point.
Le coût prévu de ce dispositif en 2015 étant 2,1 milliards d’euros et non 4 milliards d’euros, l’amendement proposé n’a pas l’effet financier qu’il lui prête, mais représente une perte pour l’État, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros. Je suis curieux de savoir comment vous souhaitez la compenser, monsieur Delahaye !
Il me semble qu’il était important de porter ces éléments à votre connaissance, mesdames, messieurs les sénateurs.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur tous ces amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Je souhaite dire un mot de l’appréciation que notre groupe porte sur l’amendement proposé par la commission des finances et présenté par notre rapporteur général.
Cet amendement nous semble loin de répondre à la question et d’épuiser les problématiques qui nous sont posées dans ce débat.
L’impôt sur le revenu est notre principal impôt progressif après avoir été, des dizaines d’années durant, l’objet d’une considérable controverse politique. Notre collègue Jean-Claude Requier évoquait l’histoire fiscale de ce pays, ce n’est pas inutile.
Créé il a cent ans, juste avant le début de la Première Guerre mondiale, il a connu une première réforme importante après la Libération, quand fut inventée la surtaxe progressive, avant la grande fusion des années soixante-dix en un seul et même barème.
Depuis cette date, l’impôt sur le revenu a continué d’alimenter la controverse politique. Certains, dans le débat public, mènent une véritable guerre à l’impôt et cherchent à le délégitimer en le combattant pied à pied.
Au stade où nous en sommes parvenus, deux événements majeurs ont mis en question l’impôt sur le revenu et posent donc encore question aujourd’hui.
Le premier, c’est la naissance de la contribution sociale généralisée, la CSG, resucée de l’impôt général sur les revenus, marginale à l’origine, mais qui occupe maintenant une place majeure dans notre paysage fiscal, ainsi que le prouvent les chiffres cités par M. le secrétaire d’État. Il s’agit désormais du principal impôt direct payé par les ménages, avec un rendement approchant les 100 milliards d’euros si l’on y ajoute son appendice, la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale.
Qu’on le veuille ou non, la CSG est aujourd’hui le premier étage d’un impôt sur le revenu dont le caractère progressif est de plus en plus contestable, et de plus en plus contesté.
La seconde attaque contre l’impôt sur le revenu a pris la forme de la réforme de 2006, qui a réduit le nombre de tranches et qui a fait bénéficier les plus hauts revenus de l’essentiel d’une baisse du rendement de l’impôt très inégalement partagée.
Nous avons aujourd’hui sous les yeux le résultat de ces attaques : pour maintenir un rendement minimal de l’impôt, les gouvernements successifs ont fait des choix plus ou moins acceptables de remise en cause de certaines des niches fiscales ou des conditions de calcul de l’impôt.
Je pense, par exemple, à la suppression de la demi-part supplémentaire des veufs et divorcés. Le gouvernement actuel n’en est certes pas responsable, mais il est responsable de ne pas en corriger les effets, alors que la possibilité existe, avec le dépôt d’un amendement en ce sens. Il en va de même du plafonnement des crédits et des réductions d’impôt, ou du quotient familial. Ces dispositions ont été prises sans résoudre le problème principal, celui de l’inégalité de traitement entre revenus du capital et revenus du travail ou assimilés, malgré quelques petites avancées il y a quelque temps.
Les débats qui nous attendent sur les articles à venir de cette loi de finances sont d’ailleurs toujours marqués par cette inégalité de traitement.
Le régime de taxation des plus-values n’a ainsi pas grand-chose à voir avec la justice fiscale et demeure assez éloigné d’une stricte application du barème de l’impôt, dans toute sa sécheresse.
La proposition de la commission - une petite majoration du plafond du quotient familial profitant a priori aux ménages dont le revenu rentre dans la vaste tranche d’imposition à 30 %, cœur du barème, et gagée sur une minoration des effets de la décote dont tirent parti les revenus les plus modestes -, reste d’ailleurs engoncée dans cette logique.
Les vrais sujets, nous les connaissons !
Il faut rendre le barème plus progressif et plus juste – l’extension de franchise, présente dans le texte du gouvernement, ne suffit pas – et il faut que l’assiette de l’impôt – j’y reviens - soit plus large. Nous ne voterons donc évidemment pas l’amendement de la commission, qui ne poursuit aucun de ces deux objectifs.
Il n’y a pas de surprise ici : la controverse entre la commission et le Gouvernement sur ce point n’est que cosmétique, les deux parties s’y entendant pour ne rien changer aux équilibres actuels de la fiscalité dans notre pays. Il est vrai qu’il est toujours plus facile de boucher les trous et de combler les déficits avec une TVA prétendument indolore, payée par le plus grand nombre, que de mener le combat incertain de la justice fiscale !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite intervenir également sur cet amendement n° I–53 de la commission, de façon moins technique que mon collègue Éric Bocquet, mais en restant au plus près des réalités.
Deux points sont incontestables, compte tenu de la situation : alors qu’il est difficile à l’État de diminuer la pression fiscale, les citoyens demandent que celle-ci n’augmente plus. C’est cela qui a été proposé par le Président de la République et par le Premier ministre.
Concernant l’amendement de la commission, il s’agit finalement de prendre 553 millions d’euros que le Gouvernement entend consacrer aux ménages les plus modestes, pour les flécher vers le quotient familial, afin d’améliorer le sort fait aux ménages aisés, et cela au prétexte que les citoyens ne payeraient pas l’impôt à la mesure de leurs facultés contributives.
Prenons l’exemple de quelqu’un qui, sans se trouver dans de grandes difficultés, gagne un peu plus que le SMIC. Il paye la TVA, la taxe d’habitation ; s’il a la chance, parce qu’il est en fin de carrière, d’avoir acheté un petit appartement, il acquitte aussi la taxe sur le foncier bâti, ainsi que la redevance audiovisuelle…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Qui a augmenté !
M. Jean Germain. … et le carburant de sa voiture diesel.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Qui a augmenté !
M. Jean Germain. Est-ce qu’en pourcentage cette personne ne paye pas l’impôt ? Si ! Et sans doute beaucoup plus que d’autres !
Soyons attentifs : la seule raison politicienne ne permet pas de comprendre en profondeur les effets réels de ce qui a été fait.
Concernant le quotient familial, par exemple, nous acceptons les choix qui ont été faits et nous les assumons. Je rappelle qu’ils ont permis de financer plusieurs mesures en faveur de la famille, comme les réductions d’impôt pour frais de scolarité ou la hausse de l’allocation de rentrée scolaire de 25 %. Et ces mesures sont maintenues. Une partie des économies réalisées ont également bénéficié à la branche famille de la sécurité sociale.
Ensuite, que veulent vraiment les gens ? Il n’y a encore qu’un ou deux ans, combien de couples de retraités constataient qu’alors qu’ils ne payaient pas d’impôt auparavant, ils étaient désormais imposés ? Et tel salarié percevant une fois et demie le SMIC s’étonnait, alors qu’il travaillait, de devoir d’un coup payer l’impôt, alors que ses revenus étaient modestes. Cela s’expliquait par l’absence de revalorisation du barème de l’impôt, une mesure cachée, qui n’était pas du fait de ce gouvernement.
Avec le barème tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, un salarié qui gagne 1,2 SMIC, soit 1 357 euros, va voir son impôt baisser de 250 euros. Un couple avec deux enfants dont chacun des deux parents gagne 1,4 SMIC, soit 3 160 euros au total, donc appartenant à la classe moyenne, verra son impôt annulé, soit une économie de 160 euros.
Pour les gens, ce n’est pas du baratin, c’est du concret !
Un couple de retraités qui perçoivent chacun une petite retraite de 1,2 SMIC, c'est-à-dire deux fois 1 357 euros par mois au total – classes moyennes, encore une fois –, verra son impôt sur le revenu passer de 1 524 euros à 1 190 euros en 2015, soit une diminution de 22 %.
Dons, le Gouvernement n’accentue pas l’hyperconcentration de l’impôt, mais préfère, comme nous, une base plus large pour ceux qui peuvent contribuer et, pour le reste, l’application du barème tel qu’il existe.
C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement de la commission.
Mme la présidente. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous en sommes aux explications de vote sur l’amendement n° I–172 rectifié proposé par le groupe CRC.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. J’écoutais M. le secrétaire d’État parler du produit de la TVA - 150 milliards d’euros -, de la CSG - 90 milliards d’euros -, et de l’impôt sur le revenu - 69 milliards d’euros -, en expliquant qu’il n’y avait pas, avant, de CSG ni de CRDS. Mais avant, monsieur le secrétaire d’État, la TVA était plus basse, et il y avait moins de chômeurs !
Aujourd’hui, la TVA est plus haute, le smicard d’hier, qui payait de la TVA, en paye un peu plus, et peut se retrouver au chômage et continuer de la payer : que l’on gagne cent ou mille, on paye exactement la même TVA. Voilà, l’explication de fond de notre amendement.
Alors, « eu égard à leurs facultés contributives », c’est bien le sens de notre amendement, qui s’inscrit très exactement dans le cadre de la justice sociale et de la justice fiscale !
M. Éric Bocquet. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-172 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote sur l'amendement n° I–396, présenté par le groupe UC.
M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, il s’agit du groupe UDI-UC !
L’UDI est une importante formation, que l’on n’évoque peut-être pas assez dans la vie politique française. Espérons que l’on en parlera un peu plus dans les semaines et les mois à venir ! (Sourires.)
M. André Gattolin. Grâce à vous !