M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 49
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, les agents publics de la fonction publique hospitalière en congé de maladie, ainsi que les salariés des établissements visés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dont l’indemnisation du congé de maladie n’est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale, ne perçoivent pas leur rémunération au titre des trois premiers jours de ce congé.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement devrait normalement satisfaire le Gouvernement, ainsi que l’ensemble de nos collègues. En effet, il vise à aider le Gouvernement à tenir son objectif : que la progression de l’ONDAM ne dépasse pas 2 % pour les trois prochaines années.
L’amendement que nous vous présentons vise essentiellement à rétablir, pour les agents de la fonction publique hospitalière, la journée de carence, introduite en 2012 et subrepticement abrogée en 2014. Pourtant, cette mesure avait donné certains résultats. D’abord, l’instauration d’une – et une seule – journée de carence pour l’ensemble du secteur hospitalier avait permis de réaliser 63,5 millions d’euros d’économies, comme l’a reconnu la Fédération hospitalière de France, la FHF. Ensuite, les CHU ont admis que l’absentéisme en leur sein avait baissé de 7 %.
Pourquoi la mesure que nous proposons est-elle utile ? Parce que, dans son intéressant rapport, la Cour des comptes note que l’ONDAM, qui avait été maîtrisé ces dernières années, a augmenté, en 2013, de 2,8 %, soit 0,4 point de plus que ce qui était prévu.
Mes chers collègues, comme j’ai osé vous le rappeler dans mon rapport pour avis de la commission des finances, laquelle a adopté largement cet amendement, au-delà des clivages habituels, les dépenses de personnel représentent 70 % des dépenses de l’hôpital et 53 % des dépenses de l’ONDAM. Si l’on veut vraiment tenir cet objectif, un certain nombre de mesures doivent donc être prises. Pour notre part, nous pensons qu’instituer un délai de carence de trois jours nous permettrait d’envisager une économie de l’ordre de 150 millions d’euros, l’économie étant dégressive avec les jours.
Si l’on veut vraiment atteindre l’objectif du Gouvernement, celle d’une progression de 2 % de l’ONDAM pour les années 2015, 2016 et 2017, il nous paraît utile et indispensable de s’atteler sérieusement à un certain nombre de réformes. Ce n’est pas forcément agréable, mais nous pensons qu’on doit pouvoir demander cet effort à tout un chacun, eu égard aux effets incontestables qu’a déjà montrés la mise en place d’une seule journée de carence.
L’institution d’un délai de carence de trois jours pour les agents hospitaliers constitue aussi une mesure d’équité à l’égard des personnels travaillant dans les cliniques privées, lesquels se voient d'ores et déjà appliquer ce délai s’ils ne bénéficient pas d’une complémentaire santé.
Nous pensons que c’est un levier important. C’est aussi un signe, un marqueur.
Nous pensons également que les résultats financiers seront au rendez-vous. Il ne s’agit pas de suppositions : cela a été expérimenté !
En outre, je pense que tous les sénateurs sont attachés à faire en sorte que, dans notre pays, salariés du privé et salariés du public bénéficient, sur un sujet comme celui-ci, d’un traitement égal.
C’est, me semble-t-il, pour l’ensemble de ces raisons que la commission des finances a adopté cet amendement, je le répète, au-delà des clivages habituels. Voilà pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir l’adopter à votre tour. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 49
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, les agents de la fonction publique hospitalière en congé de maladie ainsi que les salariés des établissements visés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dont l’indemnisation du congé de maladie n’est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale ne perçoivent pas leur rémunération au titre du premier jour de ce congé.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission propose d’instaurer une journée de carence pour les seuls agents hospitaliers.
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par Mmes Doineau et Gatel, MM. Cadic, Gabouty, Zocchetto, Capo-Canellas, Delahaye et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 49
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, les agents publics civils et militaires en congé de maladie, ainsi que les salariés dont l’indemnisation du congé de maladie n’est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale, ne perçoivent pas leur rémunération au titre du premier jour de ce congé.
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Cet amendement a exactement le même objet que ceux qui viennent d’être présentés.
Je tiens toutefois à apporter une précision.
Il est ennuyeux d’instaurer une journée de carence qui ne concerne que le personnel hospitalier, au motif que nous sommes en train d’examiner le PLFSS. Selon nous, c’est évidemment toute la fonction publique qui doit être concernée.
Une mesure qui ne concernerait que les agents hospitaliers pourrait être vécue comme une brimade, alors que ces personnels sont d'ores et déjà exsangues et complètement pressurés, au prétexte que l’hôpital coûterait trop cher.
Mme Isabelle Debré. Tout à fait d’accord !
M. Gérard Roche. C’est sur la médecine de ville que l’on devrait faire des économies.
J’y insiste, il s’agit là d’une mesure d’équité, et non d’une brimade vis-à-vis du personnel des centres hospitaliers.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 12 et 116 ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur Delattre, j’entends bien les arguments que vous avez développés dans le rapport pour avis de la commission des finances.
Au travers de l’amendement n° 12, vous proposez d’instituer un délai de carence de trois jours pour les agents hospitaliers. Néanmoins, cette mesure, dont vous avez parfaitement décrit les conséquences, se heurte à la position adoptée par la commission, limitée à un seul jour de carence. Je ne peux donc qu’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 116, il concerne tous les fonctionnaires. Par conséquent, il relève du projet de loi de finances, et non du PLFSS. J’en sollicite donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. On peut répondre de deux façons à ces propositions : avec des considérations techniques ou avec des observations de principe.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous déclarez que le rétablissement du jour de carence constituerait un gain important pour l’ONDAM. En réalité, c’est plus compliqué que cela. En effet, après l’instauration du jour de carence, on a observé que, si les arrêts de courte durée avaient diminué, les arrêts de longue durée avaient, eux, augmenté, pour aboutir, au final, à un certain équilibre.
Vous faites appel à l’équité entre le privé et le public. En cela, votre vision du privé n’est pas tout à fait juste. Grâce aux accords de mensualisation qui ont été conclus dans les entreprises privées, de nombreux salariés n’ont pas à supporter de jour de carence.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Isabelle Debré. Non !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Dans ces conditions, c’est pour les fonctionnaires que le rétablissement du jour de carence serait inéquitable.
Cette question fait désormais partie des marqueurs qui permettent à chacun, de manière récurrente, de montrer quel est son camp.
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas une question de camp !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Elle révèle un regard sur les fonctionnaires qui n’est pas celui que nous portons.
Mme Michelle Meunier. Très bien !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. On ne peut pas soupçonner que les fonctionnaires absents le sont pour des raisons de confort ou de convenance personnelle et ne sont pas réellement malades.
Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable aux trois amendements.
Mme Michelle Meunier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Francis Delattre, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il ne s’agit pas du tout d’une mesure à l’encontre des fonctionnaires hospitaliers : le rapporteur général de la commission des finances proposera de l’instaurer pour toutes les fonctions publiques. Je le répète, la commission des finances a largement adopté cet amendement, bien au-delà des clivages habituels.
Madame la secrétaire d’État, vous nous faites votre numéro habituel : vous seriez avec les fonctionnaires, quand nous serions contre eux… Permettez-moi de vous dire que ce débat est largement dépassé. D'ailleurs, les fonctionnaires le savent très bien. Nous essayons tout simplement de prendre nos responsabilités dans ce débat.
Nous savons très bien que les 35 heures ont été très compliquées à mettre en œuvre dans les hôpitaux. Tous ceux et toutes celles d’entre nous qui siègent dans les conseils d’administration savent que l’on y discute encore beaucoup de ce problème. L’adoption de notre amendement conduirait peut-être à en atténuer les effets, que nous connaissons tous… En tout état de cause, cette mesure va dans le sens de l’intérêt général.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l’amendement n° 12.
M. Roger Karoutchi. Comme vient de le dire excellemment mon collègue Delattre, le rapporteur général du budget présentera un amendement dans le cadre du projet de loi de finances tendant à instaurer un délai de carence de trois jours applicable à l’ensemble de la fonction publique, et pas uniquement aux agents du secteur hospitalier.
Madame la secrétaire d’État, moi qui viens de la fonction publique, je n’ai pas le sentiment de l’attaquer en soutenant l’institution d’un délai de carence de trois jours ! Allons-nous, au prétexte que nous venons – ou pas ! – de la fonction publique, sanctifier la fonction publique, la protéger d’une manière qui n’a plus rien à voir avec l’équilibre national, au risque de ne plus pouvoir rien faire ?
Vous déclarez qu’une partie des salariés du privé sont de toute façon protégés par des accords ou des complémentaires santé. Mais, pour l’essentiel, ces salariés travaillent dans de grands groupes ! En réalité, deux tiers des salariés du privé ne bénéficient pas d’une telle protection. Qu’est-ce qui, aujourd'hui, justifie qu’il y ait une telle différence de traitement, dans notre pays, entre celui qui travaille dans une PME ou dans une toute petite entreprise et le fonctionnaire ?
Au moment où tout le monde appelle à trouver des convergences et des solutions, tâchons d’avoir une réflexion collective, notamment sur les 35 heures.
Sincèrement, je ne crois pas qu’il soit antisocial d’envisager un délai de carence de trois jours applicable aux fonctionnaires comme à l’ensemble des salariés du privé. Les fonctionnaires aussi peuvent se couvrir contre ce genre de risques !
Traitons la fonction publique et les salariés des petites entreprises privées de manière égalitaire. Tout le monde a des problèmes. N’opérons pas de distinction, ne créons pas de privilèges et ne reconnaissons rien d’autre que le service public. Or service public ne rime pas avec délai de carence !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je veux m’inscrire en faux contre ce qu’a dit Mme la secrétaire d’État. Selon la FHF, le jour de carence a permis aux hôpitaux d’économiser pas loin de 65 millions d’euros,…
Mme Isabelle Debré. La Cour des comptes le dit aussi !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … même s’il est vrai qu’il y a eu moins d’arrêts de courte durée et un peu plus d’arrêts de longue durée.
La Cour des comptes a elle-même constaté, sur la base, certes, d’un nombre d’établissements un peu plus restreint, que le jour de carence était bénéfique pour les finances des hôpitaux.
Mme Isabelle Debré. Exactement !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales propose un jour de carence pour les personnels hospitaliers. Pour sa part, le rapporteur pour avis de la commission des finances, avec l’accord de son groupe politique, propose un délai de carence de trois jours. Si on le consacre dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et j’ai bien entendu ce qu’ont dit à ce sujet MM. Delattre et Karoutchi, je demande que l’on amende le projet de loi de finances dans le même sens pour les autres fonctionnaires. Sinon, je ne serai pas d’accord.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Il ne s’agit pas ici de stigmatiser quiconque.
J’ai eu l’occasion de discuter de ce sujet lors d’une réunion du conseil de surveillance d’un CHU qui emploie 5 000 personnes : les arrêts de travail cumulés ont représenté, en moyenne, trente jours par agent.
Au conseil général de la Marne, que je préside, travaillent 1 900 personnes. Le bilan social réalisé avec les représentants du personnel a montré que les arrêts de travail s’élèvent, en moyenne, à vingt-quatre jours par salarié.
Ces chiffres, importants, nous interpellent. Pourquoi y a-t-il autant d’arrêts de travail ? Nous n’en évoquerons pas ici les raisons ; elles sont nombreuses. Toujours est-il que j’ai demandé aux syndicats comment on pouvait, ensemble, régler le problème. En effet, ce ne sont pas des décisions que nous devons prendre contre le personnel, mais avec lui. Il doit être associé à ce projet mobilisateur.
Confrontés à de nombreuses difficultés, nos concitoyens sont très sensibles à ces questions. Comment leur faire admettre que l’absentéisme est plus important dans la fonction publique qu’ailleurs ? Remédier à cette situation, c’est aussi un moyen de valoriser la fonction publique !
Les Français le demandent, il faut traiter tout le monde à la même enseigne. Voilà pourquoi il est important de rétablir le jour de carence. Faut-il un ou trois jours ? Ça, on peut en discuter.
En tant que rapporteur pour le secteur médico-social, je pense qu’il eût été intéressant d’étendre le jour de carence aux établissements médico-sociaux. Cette proposition s’inscrit dans le même esprit que la demande du président Milon de généraliser la mesure à l’ensemble de la fonction publique. Élargir le dispositif, en l’expliquant bien, présenterait un intérêt certain pour tous.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. La complémentaire santé dont bénéficient les salariés du secteur privé peut parfaitement être étendue aux agents hospitaliers. Mais il faut quand même savoir que dans les grands groupes privés – auxquels le Gouvernement fait systématiquement référence, comme l’a parfaitement fait observer Roger Karoutchi –, 30 % des salariés ne disposent pas d’une couverture complémentaire. Et ne parlons pas des salariés des PME-PMI, qui sont beaucoup plus nombreux ! Dans ces entreprises, ce pourcentage est pratiquement nul.
En fait, une sorte de « tâche originelle » demeure sur cette question. Si le Gouvernement a supprimé le jour de carence, c’est parce qu’il ne voulait pas augmenter la rémunération des fonctionnaires. La suppression du jour de carence, c’est tout simplement pour contrebalancer l’absence de volonté de négocier sur le point d’indice dans la fonction publique. En conséquence, tout est faussé !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Vous vous doutez bien, mes chers collègues, que je suis en total désaccord avec les amendements qui viennent d’être présentés. Je vais tenter de rester calme et courtoise,…
M. Jean Desessard. Au contraire, énervez-vous ! Battez-vous !
Mme Annie David. … mais je ne partage absolument pas vos arguments.
Pourquoi les arrêts maladie sont-ils plus nombreux dans la fonction publique, en particulier dans la fonction publique hospitalière, qu’ailleurs ? Avez-vous passé quelques mois, voire quelques semaines seulement, avec les agents travaillant dans nos hôpitaux ? Connaissez-vous leurs conditions de travail ?
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Annie David. Vous êtes-vous penchés sur la façon dont ces femmes et ces hommes, qui s’efforcent d’apporter des soins de qualité et à qui l’on en demande chaque jour un peu plus, parviennent à remplir leurs missions de service public auprès des malades ? Allez dans les services pédiatriques ! Allez dans n’importe quel service de n’importe quel hôpital et passez du temps avec eux !
Sans doute y a-t-il plus d’arrêts maladie dans ce secteur que dans d’autres, mais sans doute aussi que les conditions de travail y sont beaucoup plus difficiles qu’ailleurs ! Ce n’est donc pas en imposant trois jours de carence que vous lutterez contre cet absentéisme, c’est en améliorant les conditions de travail !
Vous nous dites que les agents de la fonction publique et les salariés du secteur privé doivent être traités sur un pied d’égalité. Mais ils l’étaient avant qu’un gouvernement de droite, voilà quelques dizaines d’années, décide de supprimer les droits des salariés des entreprises privées ! Je m’en souviens bien, puisque – il est de bon ton, dans cet hémicycle, de rappeler son ancienne profession – j’étais salariée à l’époque. Nous avons manifesté pour empêcher ce gouvernement de droite de parvenir à ses fins, mais nous n’avons pas été suffisamment forts, étant trop peu nombreux dans les rues pour défendre nos droits. Les fonctionnaires, eux, ont eu cette force. Ils se sont battus et, ainsi, ont pu conserver des droits acquis de longue date.
Parce que certains n’ont pas été en mesure de maintenir leurs droits, on souhaiterait aujourd'hui priver d’autres salariés des leurs, sous prétexte que tout le monde doit être traité sur un pied d’égalité… Non ! Pour que tous bénéficient du même traitement, il ne faudrait plus de jour de carence, ni dans le secteur privé, ni dans le secteur public ! Évidemment, cela aurait un coût pour notre système de protection sociale. Mais c’est encore un point sur lequel je suis en complet désaccord avec vous, ainsi, d’ailleurs, qu’avec le PLFSS.
Nous avons bien présenté des amendements visant à augmenter les recettes, mais vous n’en avez pas voulu. Dès qu’il s’agit de toucher un tant soit peu aux produits financiers et aux dividendes, vous protestez…
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Annie David. C’est ce qui m’a fait dire à minuit vingt, mercredi soir, ou plutôt jeudi matin, que j’assistais avec beaucoup de plaisir à un véritable retour de la lutte des classes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Annie David. Vous êtes en effet très forts dès lors qu’il s’agit de défendre les droits d’une certaine classe de la société.
M. Jean Desessard. Exactement !
Mme Annie David. Pour ma part, j’estime que les agents de la fonction publique ont eu raison de se battre pour défendre leurs droits, et je lutterai à leurs côtés pour faire en sorte que ces droits soient maintenus, notamment au bénéfice des agents de la fonction publique hospitalière.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Après Mme David, qui a été formidable, je n’ai plus rien à dire...
M. Pierre Charon. Alors ne dites rien !
M. Jean Desessard. Il est quand même extraordinaire d’entendre la droite parler d’équité. Quand il s’agit de taxer au même niveau que les salaires les dividendes de patrons qui touchent des millions et des millions d’euros, des sommes extravagantes, là, vous n’en parlez plus, mes chers collègues. L’équité, ce n’est bon que pour les pauvres !
Mme Isabelle Debré. Les fonctionnaires ne sont pas tous pauvres !
M. Jean Desessard. Dès qu’on entend réduire leurs droits, on fait appel à l’équité et à leur sens du devoir. Les patrons, eux, on les exempte de tout, bénéficiant de retraites dorées, cumulant retraite et emploi, etc.
Le plus étonnant, c’est que, même quand les socialistes courent à droite, vous arrivez toujours à les dépasser. Il aura juste suffi que notre assemblée passe à droite pour qu’ils redeviennent de gauche. Vous êtes formidables, vous les déculpabilisez !
Comprenez tout de même que l’assurance maladie a été conçue pour garantir une indemnisation aux personnes qui tombent malades. Le terme « assurance » implique que la personne malade conserve les mêmes droits et, Mme David a raison de le souligner, c’est un acquis social.
Il y en a qui abusent, dites-vous – ne parlons pas des abus des patrons –,…
Mme Catherine Procaccia. Quel rapport avec les jours de carence ?
M. Jean Desessard. … mais, à l’hôpital, c’est tout le contraire : les personnels font des heures supplémentaires qui ne sont pas payées, travaillent au détriment de leur santé, de leur famille, de leurs loisirs, faisant preuve d’un sens certain du service public.
C’est à ces personnes qui ont le sens du service public, qui ne ménagent aucun de leurs efforts pour remplir leurs missions que vous entendez expliquer, le jour où elles tombent malades, qu’ayant trop travaillé, elles seront payées trois jours de moins ? Voilà la récompense et la reconnaissance que vous réservez à un personnel hospitalier assumant ses fonctions dans des conditions très difficiles et manquant, chaque année, d’un peu plus de moyens ! Tombez malades, et vous aurez trois jours de pouvoir d’achat en moins !
Pourtant, ces trois jours de pouvoir d’achat ne seraient pas sans utilité. Un patron place forcément sur un compte – j’allais dire en Suisse, mais nous parvenons désormais à savoir ce qu’il s’y passe – l’argent qu’il n’utilise pas. L’aide-soignant ou l’infirmier consomme sans pouvoir économiser, et les sommes perçues sont directement injectées dans l’économie.
Aussi je tiens à vous dire qu’au niveau économique et social, comme sur le plan de la reconnaissance du personnel hospitalier, ces amendements sont en dehors de la réalité. En conséquence, les écologistes ne les voteront pas.
Mme Annie David. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je serai très sobre après ce grand moment d’éloquence : les membres du groupe socialiste ne voteront pas ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 49, et les amendements nos 64 et 116 n'ont plus d'objet.
Chapitre VII
Autres mesures
Article 50
I. – La section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 1142-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-3-1. – I. – Le dispositif de réparation des préjudices subis par les patients au titre de la solidarité nationale mentionné au II de l’article L. 1142-1 et aux articles L. 1142-1-1 et L. 1142-15 n’est pas applicable aux demandes d’indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi.
« II. – Toutefois, le recours aux commissions mentionnées à l’article L. 1142-5 exerçant dans le cadre de leur mission de conciliation reste ouvert aux patients ayant subi des dommages résultant des actes mentionnés au I du présent article. »
II. – Le présent article s’applique aux demandes d’indemnisation postérieures au 31 décembre 2014.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 205 rectifié bis est présenté par Mmes Deroche et Canayer, M. Cardoux et Mmes Gruny et Procaccia.
L'amendement n° 272 rectifié est présenté par MM. Husson et Raison, Mme Lopez, M. Bouchet, Mme Mélot et M. Charon.
L'amendement n° 318 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 205 rectifié bis.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement, proposé par Catherine Deroche, tend à supprimer l’article 50.
La Cour de cassation a précisé que les actes de chirurgie esthétique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens du code de la santé publique, quand bien même ils tendent à modifier l'apparence corporelle d'une personne à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice.
À ce titre, et compte tenu d'éventuels préjudices moraux, il est important de maintenir le dispositif législatif existant.
Adopter cet article aboutirait à traiter de façon inéquitable les usagers du système de santé et les professionnels de santé qui accomplissent les actes de médecine esthétique, alors que le code de la santé publique réglemente de façon stricte leurs conditions d’exercice.
En outre, cela conduirait à considérer que les actes de chirurgie esthétique « de confort » ne sont pas des actes médicaux, à exclure du champ d’application de la loi du 4 mars 2002 les actes à visée esthétique, ce qui n’a jamais été souhaité par le législateur, à séparer la santé physique de la santé psychique, à oublier que l’activité de chirurgie esthétique est accompagnée de multiples actes de soins, à faire régresser de manière tout à fait regrettable les droits des usagers du système de santé et à étendre de façon incontrôlée le raisonnement à d’autres actes, tels que les interruptions volontaires de grossesse ou les césariennes qui pourraient être dites « de confort ».