compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
M. Claude Haut,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Demande d’avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article 14 des statuts annexés au décret n° 59-587 du 29 avril 1959, M. le Premier ministre, par lettre en date du 10 novembre 2014, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Jean-Bernard Lévy aux fonctions de président-directeur général d’Électricité de France.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.
Acte est donné de cette communication
3
Dépôt de rapports et de documents
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
– le rapport relatif à la situation des personnes nées en 1952 et 1953, inscrites à Pôle emploi au 31 décembre 2010 et exclues du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité (ATS) ;
– le rapport relatif à l’affectation de l’élargissement de l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments au financement de la démocratie sanitaire.
Ces deux rapports ont été transmis à la commission des affaires sociales.
M. le président du Sénat a, en outre, reçu de M. le Premier ministre :
– la convention entre l’État et BPI-Groupe relative au programme d’investissements d’avenir, action « Financement des entreprises sobres : prêts verts » ;
– l’avenant n° 2 à la convention modifiée entre l’État et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives relative au programme d’investissements d’avenir, action « Maîtrise des technologies nucléaires » ;
– enfin, l’avenant n° 3 à la convention du 20 octobre 2010 entre l’État et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) relative au programme d’investissements d’avenir, action « Internats de la réussite ».
Ces trois documents ont été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à la commission des affaires économiques.
Acte est donné du dépôt de ces rapports et documents.
4
Renvois pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (n° 636, 2013-2014) dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, et à la commission des finances.
Par ailleurs, j’informe le Sénat que la proposition de loi relative à la protection de l’enfant (n° 799, 2013-2014), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
5
Financement de la sécurité sociale pour 2015
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015 (projet n° 78, rapport n° 83, avis n° 84).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous en sommes parvenus à la réponse du Gouvernement aux orateurs.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, madame, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier, au nom de la ministre Marisol Touraine, de vos interventions.
Les discussions que vous aurez sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 permettront certainement d’approfondir les questions que vous avez soulevées et de débattre des propositions que vous avez formulées. Permettez-moi, néanmoins, de vous apporter aujourd'hui un certain nombre de réponses, au nom de Marisol Touraine.
Monsieur le rapporteur général, vous avez jugé très forte l’augmentation de l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, prévue pour 2015. Pourtant, le taux retenu constitue, il faut l’affirmer, un effort de maîtrise sans précédent. Entre 2007 et 2011, l’ONDAM a progressé de 3,3 % en moyenne par an, à comparer aux 2,1 % que nous prévoyons.
À cet égard, vous avez évoqué des orientations pour réduire le rythme d’évolution de l’ONDAM. Je tiens à le souligner, vos orientations recoupent en partie les nôtres, mais vous fixez des objectifs plus élevés, sans que nous ayons bien compris comment vous comptiez faire.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je vais mieux expliquer, alors !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Oui à la pertinence des actes ! Oui au désengorgement des urgences ! Oui à une meilleure gestion du temps de travail ! Voilà des objectifs que nous souhaitons voir atteints, et nous y travaillons. Toutefois, vous le savez, en la matière, il ne suffit pas de décréter ; Mme Gatel l’a elle-même reconnu, d'ailleurs, en convenant qu’on ne pouvait prétendre réformer d’un claquement de doigts. Pourtant, à entendre certains discours, telle est bien l’impression que nous avons…
Sur le même sujet, Mme Doineau a avancé des chiffres impressionnants : nous pourrions réaliser quelque 30 milliards d’économies en supprimant les actes non pertinents. Face à des gisements d’économies aussi énormes, on est tenté de se demander pourquoi vous êtes restés sans rien faire !
En vue de réduire le nombre d’actes non pertinents, il faut, chacun en a conscience, me semble-t-il, mener des actions concrètes, ciblées et précises, ayant un impact sur le comportement des professionnels, et non faire des déclarations d’intention. C’est pourquoi Marisol Touraine propose une mesure permettant de créer les conditions d’une amélioration de la pertinence des actes pratiqués dans les établissements de santé.
M. Barbier a affirmé que les restructurations des établissements de santé seraient un tabou pour nous. Je veux le rassurer, les établissements de santé publics sont engagés au quotidien dans notre politique ambitieuse de mise en cohérence des structures et des ressources avec les besoins de la population. Ils réalisent des efforts considérables pour assurer, dans les contraintes économiques qui sont aujourd'hui les nôtres, un meilleur fonctionnement, je puis vous le confirmer moi-même en tant que professionnelle de santé hospitalière.
La restructuration n’est donc pas un tabou pour le Gouvernement ; ce qui l’est, en revanche, c’est le recul du service public en matière de santé.
Le plan d’économies proposé semble donc mériter, bien plus que le nôtre, le qualificatif de « très fragile » proposé par M. Delattre. À cet égard, il convient de relever une contradiction – mais peut-être pourrons-nous avoir quelques éclaircissements à ce sujet. En effet, M. Delattre estime que le respect de notre objectif suppose d’engager des réformes structurelles, qui lui semblent hors de portée – permettez-nous de ne pas partager ce pessimisme ! –, tandis que M. le rapporteur général souhaite, au contraire, faire mieux, mais sans proposer de mesures supplémentaires.
Doit-on comprendre que vos propositions, c'est-à-dire des mesures d’économies massives, sans réformes structurelles, conduiraient à revenir à la pratique de la majorité précédente, qui prévalait jusqu’en 2009, à savoir de forts dépassements de l’ONDAM, ainsi qu’en attestent les chiffres que j’ai cités au début de mon propos, et une réduction des droits des personnes en matière d’assurance maladie ?
En fixant l’ONDAM à un niveau irréaliste, la majorité sénatoriale veut forcer le Gouvernement à opérer des déremboursements, comme elle en a tant pratiqué. M. le rapporteur général l’a d’ailleurs affirmé dans des termes allusifs, en nous interrogeant sur nos choix en termes de périmètre de l’assurance maladie. Cette inquiétude est tout à fait légitime ; il est essentiel de préciser ce qui doit être remboursé. Vous le savez, le Gouvernement fait tout ce qui est possible pour diminuer le reste à charge des patients.
M. Delattre le dit plus clairement, en appelant à la privatisation de certaines dépenses. Quant à M. Milon, il explicite le modèle qui est le sien, celui de l’assurance privée.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Absolument pas !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous faites une erreur d’analyse !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je note, au passage, un léger défaut de cohérence au sein de votre majorité, puisque M. Lemoyne n’a pas hésité à se prévaloir de l’héritage du Front populaire en matière de droits sociaux et à s’inquiéter de l’affaiblissement du consentement à l’impôt si les droits sociaux reculent.
Qu’il soit rassuré, le choix du Gouvernement est très clair : pas de transfert de charges vers les patients – un choix soutenu par une très grande majorité de Français, ainsi que, je l’espère, par la majorité des parlementaires.
Le Gouvernement ne croit pas à la responsabilisation des patients.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ah !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Eh non ! En effet, on se soigne non pas parce que c’est gratuit, mais parce que l’on est malade et que l’on en a besoin, tout simplement.
M. Roche a proposé la réduction des droits en matière de retraite. Il a tenté de nous convaincre que l’extension des possibilités de départ anticipé à la retraite, telle qu’elle a été décidée par Marisol Touraine en 2012, et la mise en place du compte pénibilité rendraient plus acceptable le report de l’âge légal à 64 ans.
La cohérence voudrait que ceux-là mêmes qui ont adopté l’amendement ayant cette mesure pour objet aient aussi voté en faveur du compte pénibilité et n’aient pas – encore une fois ! – tenté de le supprimer la semaine dernière. Je veux bien croire que M. Roche soit favorable à titre personnel au compte pénibilité, mais un certain nombre de ses collègues n’ont pas son esprit d’équilibre et veulent la double peine pour les salariés : pas de compte pénibilité et la retraite à 64 ans pour tout le monde, quelle que soit la longueur de la carrière !
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Annie David. Nous ne la partageons pas non plus !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. M. Savary s’est félicité de constater que la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie sera intégralement versée en 2015 à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Je le prends comme un hommage timide à l’action du Gouvernement pour l’amélioration de notre politique d’accompagnement des personnes âgées dépendantes. Vous le savez, la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement entrera en vigueur en 2015 – du moins je l’espère, si la Haute Assemblée l’adopte !
Cette loi renforcera l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, afin de favoriser le maintien à domicile des personnes. Sur ces questions-là, nous pouvons, me semble-t-il, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, mesdames, messieurs les sénateurs, parvenir à un accord global.
Cette loi permettra également d’accroître la prévention en matière de dépendance, de donner un statut aux aidants et de renforcer le droit des personnes âgées en situation de vulnérabilité.
Plusieurs orateurs ont demandé à Marisol Touraine à quel stade en était le travail sur les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.
Le groupe de travail consacré à ce sujet, animé par un membre de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et composé de représentants des administrations et des principaux partenaires concernés, a commencé ses travaux, qui s’ordonnent autour de trois axes principaux : moderniser l’allocation de ressources, améliorer les pratiques de contractualisation et de dialogue de gestion sur le fondement d’indicateurs de qualité et de performance, définir les prestations d’hébergement et les prestations supplémentaires dispensées au sein des EHPAD.
Au sujet des personnes âgées dépendantes, mais aussi des personnes en situation de handicap, vous avez eu raison de souligner, monsieur Jeansannetas, que l’effort se poursuivait. En effet, nous continuons de créer des places et d’investir dans la rénovation des structures. Dans le même temps, nous rattrapons notre retard en matière de prise en charge de l’autisme et nous expérimentons la mise en œuvre, au bénéfice des personnes âgées dépendantes, de parcours de soins et d’accompagnement complets, sans rupture.
En ce qui concerne la famille, madame Cayeux, vous avez posé au Gouvernement des questions précises à propos de la modulation des allocations familiales. J’y apporterai des réponses au moment de l’examen de l’article 61 du projet de loi. Je tiens, en revanche, à répondre dès à présent, à vous-même au sujet du déficit de la branche famille et à M. Delattre au sujet des ressources de cette branche.
Le Gouvernement a affecté à la branche famille la totalité du produit de l’abaissement du plafond du quotient familial et il a compensé l’intégralité des diminutions des cotisations famille, de sorte qu’il n’y a pas de baisse des recettes de la branche famille. Il n’y a pas davantage de « gestion empirique et comptable » de la branche au détriment des familles, comme vous l’avez soutenu avant-hier, madame Cayeux. À la vérité, le Gouvernement préserve les ressources de la politique familiale, pour la moderniser et pour l’adapter aux besoins actuels des familles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons pouvoir introduire des nuances dans nos politiques et mieux cibler les aides que la sécurité sociale verse aux familles, sans être accusés, de façon caricaturale, de mettre à bas la politique familiale. Sans cela, nous ne ferons plus rien !
Comme Mme Meunier l’a bien expliqué, l’universalité, qui est au cœur de la politique familiale française, n’est aucunement remise en cause, puisque toutes les familles de deux enfants et plus continueront de bénéficier des allocations familiales. Il reste que le principe d’universalité des droits n’exclut nullement de tenir compte des ressources et de la situation réelle des familles dans le versement des aides. Madame Meunier, vous avez parfaitement résumé le principe d’action du Gouvernement en matière de politique familiale !
Monsieur Dériot, vous avez insinué que la branche AT-MP, c'est-à-dire accidents du travail-maladies professionnelles, servirait de variable d’ajustement pour équilibrer la branche maladie. Si tel était le cas, que n’avons-nous fixé la compensation de la sous-déclaration des accidents du travail à la borne haute proposée par la commission d’évaluation, supérieure de 300 millions d’euros au montant que nous avons retenu ?
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Justement !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous avez soulevé la question de l’ouverture d’une voie individuelle pour l’accès à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA.
Le rapport du Gouvernement sur ce sujet sera remis le 20 décembre prochain ; je souhaite qu’il serve de base à notre discussion sur l’équilibre de ce dispositif, qui témoigne de la solidarité du pays à l’égard des travailleurs exposés aux risques de l’amiante.
Je connais la grande qualité du travail mené par le Sénat au sujet de ces risques ; je me souviens, en particulier, avoir participé au débat sur l’amiante qui s’est tenu dans cet hémicycle le 21 octobre dernier.
Mme la ministre des affaires sociales a constaté avec satisfaction que nombre des interventions prononcées dans la discussion générale avaient anticipé sur la discussion du projet de loi relatif à la santé ; elle y a vu le signe d’une attente, voire d’une certaine impatience, qui a renforcé la détermination et l’ambition dont elle fait preuve au sujet de ce projet de loi, dont l’adoption aura des conséquences très positives sur la vie quotidienne des Français.
De cette future loi, la généralisation du tiers payant sera la réalisation majeure. M. Cardoux a commencé, avant-hier, le travail de caricature de cette mesure, qui permettra aux Français de ne plus avancer le prix d’une consultation chez le médecin. En particulier, il l’a qualifiée de mesure d’assistanat… D’assistanat ! Monsieur le sénateur, ne pensez-vous pas que vous avez une conception quelque peu extensive de cette notion ?
M. Jean-Noël Cardoux. Je persiste !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Selon vous, ne pas avoir à avancer les frais au lieu de devoir les avancer et d’être remboursé avec un délai, c’est être un assisté ? Améliorer le service rendu par l’assurance maladie obligatoire, pour laquelle chaque Français cotise, c’est donc encourager l’assistanat ?
Monsieur Cardoux, n’oubliez pas qu’un certain nombre de nos concitoyens renoncent à se rendre chez le médecin parce qu’ils n’ont pas les moyens d’avancer le prix de la consultation. C’est tout simplement ce problème qu’il s’agit de résoudre ! Il faut considérer, en outre, que plus une personne attend pour consulter, plus sa pathologie s’aggrave et plus les frais pour la soigner seront importants.
En vérité, comme Mme Génisson l’a souligné avant-hier, la généralisation du tiers payant est conforme au projet de progrès social que défend le Gouvernement : nous entendons améliorer la qualité et la performance de notre sécurité sociale obligatoire, tout en refusant le recul des droits.
M. Desessard et Mme David ont manifesté leurs inquiétudes en ce qui concerne le recours aux droits des plus fragiles. Le Gouvernement partage leur préoccupation : aussi bien, Marisol Touraine, en tant que ministre de la santé, avec toute l’équipe ministérielle des affaires sociales, prend des mesures pour lutter contre le non-recours.
C’est ainsi que nous étendons le tiers payant aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, afin de favoriser leur recours aux soins. J’ajoute que la loi d’adaptation de la société au vieillissement prévoira le renouvellement automatique de cette aide pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Par ailleurs, nous soutenons les démarches de simplification entreprises dans les caisses de sécurité sociale et dans les administrations sociales, afin de rendre l’accès aux droits plus facile. Enfin, nous présenterons dans les prochaines semaines la version aboutie du simulateur des droits sociaux ; cet outil, dont le projet a été dévoilé par le Président de la République le 30 octobre dernier, permettra à chacun de nos concitoyens de connaître très rapidement et de façon fiable l’ensemble des droits sociaux qui lui sont ouverts en fonction de sa situation personnelle.
Dans son intervention d’avant-hier, M. Daudigny a déclaré…
M. Gilbert Barbier. Que tout était parfait !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 comportait « de nombreuses mesures de justice ».
M. Didier Guillaume. M. Daudigny a été excellent !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion des articles confortera ce jugement incontestable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Il y a les bons élèves et les autres… (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à apporter à mon tour un certain nombre de réponses aux orateurs que j’ai eu le plaisir d’entendre dans la discussion générale.
Tout d'abord, je remercie tous les sénateurs de la qualité du débat qu’ils ont suscité.
Je partage le constat du rapporteur général de la commission des affaires sociales : la France est entrée dans la crise avec un déficit structurel élevé. Faut-il rappeler, en effet, que, en 2008, c’est-à-dire avant que les effets de la crise ne se fassent sentir sur les finances publiques, le déficit du régime général de la sécurité sociale était déjà de 9,3 milliards d’euros ? Ce déficit était, il est vrai, un handicap considérable, dont nous payons aujourd’hui le prix.
Jean-Noël Cardoux nous invite à relativiser l’héritage : je pense, au contraire, qu’il faut avoir le courage de l’assumer à sa véritable valeur.
Certes, les recettes inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale en ce qui concerne l’année en cours ont été révisées, comme chaque fois que le Gouvernement dispose de nouvelles indications sur la conjoncture économique. En effet, alors que les dépenses sont parfaitement tenues, les recettes ont été moins élevées que prévu, ce dont les comptes se ressentent directement.
En ce qui concerne l’année 2015, la réduction du déficit de 2 milliards d’euros sera assurée non pas par des mesures de recettes, mais seulement par des mesures d’économies. De là la modicité apparente de la baisse de déficit ; cette réduction de 2 milliards d’euros doit être préservée.
Je ne puis laisser M. Delattre et d’autres orateurs affirmer que nos prévisions pour 2015 seraient irréalistes ou contredites par le Haut Conseil des finances publiques. Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis avec une grande humilité : malgré tous les services spécialisés qui appuient le Gouvernement, nous nous risquons à annoncer des prévisions au mieux de nos connaissances et de nos possibilités, parce que les lois organiques nous y obligent et pour donner à tous de la lisibilité.
De fait, ces prévisions doivent parfois être révisées. À cet égard, le Gouvernement peut soutenir la comparaison avec ceux qui ont présenté les projets de loi de finances de ces dernières années : ainsi, alors que le projet de loi de finances pour 2012 se fondait sur une prévision de croissance de 1,75 %, la croissance effective s’est limitée à 0,3 %.
À la vérité, je pense que nous pouvons nous accorder pour reconnaître que l’exercice est difficile et qu’il ne serait pas bienvenu de donner des leçons au gouvernement actuel en matière de prévisions.
S’agissant de la dette accumulée par l’ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, que M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a évoquée, elle n’est certes pas amortie, mais le niveau durablement bas des taux d’emprunt à court terme ne constitue ni une menace ni un pari.
Vous avez fait valoir, monsieur Vanlerenberghe, qu’il faudrait augmenter la CRDS. Le Gouvernement, pour sa part, préfère réduire les prélèvements sociaux et mettre en œuvre, dans le même temps, des mesures d’économies. Ces économies, vous doutez de l’engagement du Gouvernement à les mener à bien. Je ne puis que le regretter, d’autant que j’ai détaillé précisément les 9,6 milliards d’euros qui seront économisés.
À cet égard, je tiens à vous apporter quelques précisions supplémentaires, dont j’espère qu’elles seront de nature à dissiper vos doutes.
En ce qui concerne la branche famille, les 600 millions d’euros résultant de mesures passées tiennent compte non seulement de l’incidence, évaluée à 300 millions d’euros, des mesures figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, mais aussi des conséquences qu’aura en 2015 la pérennisation de l’économie résultant de la moindre consommation du fonds national d’action sociale, le FNAS, qui a été constatée en 2013.
En ce qui concerne les économies des régimes gérés par les partenaires sociaux, il s’agit, pour environ 400 millions d’euros, d’économies constatées – je dis bien : constatées – sur les dépenses de l’UNEDIC en 2014.
Je tiens à souligner que cet effort de redressement des comptes passe uniquement par des économies en dépenses, comme nous nous y étions engagés ; certains orateurs l’ont souligné, en particulier Mme Gatel, que je remercie.
Le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Delattre, a soutenu que la solution équitable en ce qui concerne les dividendes que se versent les chefs d’entreprise en guise de rémunération consisterait à les soumettre à cotisations pour la seule part inférieure au plafond de la sécurité sociale. Je ne puis être d’accord avec cette option, qui reviendrait à introduire une notion de contributivité qui n’est pas de mise en la matière. Ce débat est appelé à se poursuivre.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez appelé de vos vœux une réforme du financement de la protection sociale. Vous savez que la diversification des ressources a déjà été entreprise. En outre, le Haut Conseil du financement de la protection sociale a précisément été saisi, le 21 octobre dernier, d’une feuille de route incluant une réflexion sur l’architecture et la gouvernance financière de la protection sociale ; cette réflexion viendra compléter les travaux déjà menés l’année dernière.
Monsieur Daudigny, vous avez rappelé le soutien de la Haute Assemblée à l’emploi à domicile et le vote unanime qu’elle a émis en faveur de ce dernier. Je vous ai fait part, dans mon intervention d’avant-hier, des raisons pour lesquelles le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale la mesure plus ciblée que celle-ci a adoptée. Nous ne souhaitons pas modifier les paramètres de cette mesure, en raison du coût qui en résulterait et qui dégraderait le solde des régimes sociaux.
Mme Nicole Bricq. Très bien !