M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement renaît de ses cendres : il avait été rejeté en première lecture par la commission spéciale et la Haute Assemblée.

La commission spéciale a émis de nouveau un avis défavorable : c’est un destin funeste que connaît donc ce testament.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. La réforme de la carte régionale, qui est une mesure dont on voit l’importance et la complexité, ne saurait être retardée davantage. On ne peut prendre une nouvelle fois le risque de ne pas l’engager.

Cette réforme permettra de doter nos territoires, dès 2016, d’une organisation propre à assurer leur développement dans les meilleures conditions, afin de permettre aux régions d’organiser leur regroupement dans la plus grande transparence. Il est nécessaire que la représentation nationale décide d’une nouvelle carte, et ce sans trop tarder.

La procédure que vous proposez, monsieur le sénateur, n’aboutirait qu’au 1er mars 2015, ce qui réduit le temps de préparation nécessaire à la réussite des regroupements et dessaisit en réalité le Parlement de la définition de cette carte.

Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement.

Mme Catherine Tasca. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Toute parole inutile sera expiée, dit l’Écriture.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous allons tous être damnés ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. On sait très bien quelle est la fonction de ce projet de loi : c’est un coup politique !

Rappelez-vous, mes chers collègues, la loi MAPAM a été adoptée à la fin du mois de janvier dernier. Le Président de la République, en visite en Corrèze, dit alors tout le bien qu’il pense des départements. Deux mois après, plus de départements, et on parle de regrouper les régions…

Bon, le temps passe, toute parole inutile doit être évitée. Je me tais ! (Rires et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Après ce que vient de dire mon collègue Collombat, je ne sais si ma parole sera inutile… En tout cas, je tiens à redire que ce gouvernement n’a aucune méthode pour réformer notre pays pour un demi-siècle ou plus encore. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) C’est inadmissible ! C’est inacceptable !

Si l’on avait voté une loi-cadre, si l’on avait donné douze ou quatorze mois aux territoires pour choisir, avec des critères – l’importance de la mer, de la région parisienne en termes de PIB, d’avoir une métropole internationale dans chacune des régions –, et si on les avait consultés au travers d’une commission nationale mixte, qui aurait conduit le débat, on aurait pu ensuite, en cas de désaccord, procéder par ordonnance ou décret.

Voilà la méthode que prévoit cet amendement ! C’est pourquoi je le voterai.

M. Ronan Dantec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. L’amendement présenté par notre collègue Dantec est intéressant. Pour la première fois, on mentionne les citoyens, qui sont les grands absents du débat. Il n’y a pour l’instant que des arrangements entre élus.

Sur une réforme de cette importance, il est essentiel d’engager au préalable un véritable débat public dans notre pays. Pour notre part, nous aurions même souhaité aller un peu plus loin encore, en proposant un référendum : nous aurions aimé que les citoyens s’expriment sur cet enjeu, qui a d’ailleurs été souligné par tous.

Je le répète, l’amendement n° 98 propose une avancée intéressante. C’est pourquoi le groupe CRC le votera.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 75, présenté par MM. Favier et Le Scouarnec, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Après le second alinéa, il est ajouté un II ainsi rédigé :

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. L’alinéa 3 de l’article 1er supprime le second alinéa de l’article L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que les régions « sont créées dans les limites territoriales précédemment reconnues aux établissements publics régionaux ». Or il s’agit de la seule disposition du code précité faisant mention du périmètre territorial des régions. Même si cela est fait de façon indirecte, la référence aux anciens établissements publics régionaux rattache cette définition aux périmètres de ceux-ci.

Dans l’article actuel, la référence aux établissements publics régionaux renvoie à la loi du 5 juillet 1972, qui a créé ces établissements et qui précise que la délimitation des régions est définie, en application de son article 2, par un décret pris en Conseil d’État. Rappelons que ces établissements succédaient aux circonscriptions d’action régionale créées, elles aussi, par décret du 9 janvier 1970, lesquelles faisaient suite aux régions économiques de programme, qui remplaçaient elles-mêmes les comités régionaux d’expansion mis en place en 1954.

C’est ainsi que le décret n° 60-516 du 2 juin 1960 portant harmonisation des circonscriptions administratives définit le territoire des régions à partir des départements. Certes, la définition territoriale des régions est peu lisible, mais, en supprimant cette référence aux anciens établissements publics régionaux, il y a rupture avec la chaîne réglementaire passée, et il n’existe donc plus de définition territoriale des régions à partir des départements constituant leur territoire. Leur définition devient donc « hors sol », si j’ose dire.

Par ailleurs, ce texte prévoit que des départements pourront demander à changer de région. Mais si plus rien ne définit les régions, une insécurité juridique peut alors s’ensuivre.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 3 de l’article 1er, lequel rédige l’alinéa 4, qui fixe la date du 1er janvier 2016 pour l’application de la loi, ce qui revient à supprimer de fait l’article 1er.

M. André Reichardt. C’est rusé !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. J. Gillot, Cornano, Desplan, S. Larcher, Patient, Karam et Antiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

régions d’outre-mer

par les mots :

collectivités de Guyane, de Martinique, de Mayotte, de La Réunion

II. – En conséquence, après l’alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« – Guadeloupe ;

La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Aujourd'hui, la Guadeloupe est le seul des trois territoires français d’Amérique à ne pas avoir connu d’évolution institutionnelle. En effet, la Guyane et la Martinique ont récemment fait le choix d’être des collectivités uniques en lieu et place d’une région d’outre-mer monodépartementale.

Ainsi, la Guadeloupe demeure isolée dans la dynamique actuelle impulsée par la réforme territoriale du Gouvernement, d’un côté, et par la Guyane et la Martinique, de l’autre. Or ce seul territoire comprend trente-deux communes, six intercommunalités, une région et un département, une organisation territoriale qui est, depuis longtemps, source de doublons, de déperdition et d’enchevêtrement des politiques publiques.

Cet amendement vise à associer la région de la Guadeloupe à la réforme territoriale en cours, destinée à simplifier le millefeuille territorial, à renforcer l’efficacité des services publics et à redresser les comptes publics. Mes chers collègues, il est conforme à l’intérêt général d’associer la Guadeloupe à la réforme territoriale, pour en faire une grande région qui sera beaucoup plus efficace que l’actuelle région monodépartementale.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur le fond, la proposition de M. Gillot mérite tout à fait d’être débattue. Seulement, le projet de loi que nous examinons ne traite que des limites des régions, et uniquement sur le territoire métropolitain – le principe en a été clairement énoncé. Or le dispositif proposé par notre collègue ne modifierait pas le périmètre de la Guadeloupe. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.

M. Jacques Gillot. Monsieur le rapporteur, je vous rappelle que, en vertu du principe d’identité législative qui s’applique aux collectivités d’outre-mer relevant de l’article 73 de la Constitution, la loi s’applique de plein droit dans les départements et régions d’outre-mer concernés, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des adaptations.

La Guadeloupe fait partie intégrante de la nation et elle a le statut de région. Dès lors, si l’on peut opérer le regroupement de deux régions, c’est-à-dire de deux ensembles territoriaux, pourquoi ne pourrait-on pas associer le département et la région sur un même territoire ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. C’est vrai, mais ce n’est pas le sujet de ce débat !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mon cher collègue, l’article 73 de la Constitution porte sur les politiques publiques, tandis que, dans le présent débat, nous ne nous intéressons qu’aux périmètres.

Mme Cécile Cukierman. Aux périmètres et à pas mal d’autres choses aussi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Patriat et Durain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer la date :

1er janvier 2016

par la date :

4 janvier 2016

La parole est à M. Jérôme Durain.

M. Jérôme Durain. Cet amendement vise à éviter, dans les régions regroupées, une vacance d’organe exécutif entre les 1er et 4 janvier 2016, qui poserait un problème majeur de continuité de l’action publique, en particulier pour les actes d’administration de nature conservatoire et urgente.

En effet, le II de l’article 1er fixe au 1er janvier 2016 l’instauration des nouvelles régions, dans les limites territoriales fixées au 31 décembre 2015. Le II de l’article 12 fixe au mois de décembre 2015 le prochain renouvellement des conseillers régionaux et, par conséquent, la fin du mandat des conseillers régionaux actuels. L’article 12 prévoit en outre que les présidents des régions regroupées assureront la gestion des affaires courantes et urgentes entre la date du scrutin et le 31 décembre 2015. Or le même article dispose aussi que les conseillers régionaux des régions regroupées tiendront leur première réunion le lundi 4 janvier 2016 pour désigner le nouvel exécutif. Il en résulte que, entre le 1er et le 4 janvier, aucun exécutif ne sera en responsabilité.

Cet amendement vise à prolonger l’existence des régions actuelles jusqu’au 4 janvier 2016, afin de satisfaire aux objectifs constitutionnels de continuité du service public et de sécurité juridique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je comprends parfaitement l’objet de cet amendement et l’esprit qui anime ses auteurs. Il n’en reste pas moins qu’il pose des problèmes techniques graves et très nombreux, au sujet desquels je vais donner quelques explications.

Je rappelle que le calendrier prévu, comme l’ensemble du dispositif présenté par le Gouvernement, a été arrêté après que le Conseil d’État l’eut très attentivement examiné au mois de juin dernier. Nous avons cherché à mettre en place le calendrier le plus cohérent possible : les élections régionales en décembre 2015, les mandats des conseillers régionaux et les fonctions des présidents de conseil régional étant prorogés jusqu’au 31 décembre, la création des nouvelles régions au 1er janvier 2016 et l’installation de la nouvelle assemblée, ainsi que l’élection de son exécutif, le lundi 4 janvier 2016.

Monsieur Durain, reporter au 4 janvier la création des nouvelles collectivités présenterait des inconvénients juridiques, budgétaires, fiscaux et comptables qui paraissent tout à fait hors de proportion au regard du problème juridique que vous soulevez en ce qui concerne les trois jours de vacance d’exécutif régional. Ces problèmes techniques tiennent au fait que, si votre proposition était adoptée, les anciennes régions devraient adopter un budget et payer leurs agents pour trois jours seulement ; elles devraient prendre des délibérations fiscales pour trois jours ; il faudrait également mettre en place, pour ces trois jours, un dispositif de reversement entre les anciennes régions et la nouvelle. En outre, les dispositifs de péréquation régionale devraient être calibrés pour trois jours, et il faudrait prévoir l’annulation de ces fonds du 1er au 4 janvier.

En somme, pour trois jours, il faudrait mettre en place un ensemble de dispositifs d’une complexité considérable, et dont nous pouvons être certains que le coût, même s’il n’a pas été évalué, ne serait pas négligeable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par ailleurs, la nature stratégique des compétences exercées par les régions ainsi que la jurisprudence administrative conduisent à estimer que la vacance de l’exécutif au cours d’un week-end, du vendredi 1er au dimanche 3 janvier, ne soulève pas de difficultés juridiques.

Évidemment, la meilleure formule aurait été de programmer l’installation des conseils régionaux des régions regroupées au 1er janvier 2016, mais, spontanément, ni le Gouvernement ni le Conseil d’État n’a suggéré cette solution.

Dans ces conditions, si le Gouvernement ne souhaite pas que la création des nouvelles régions soit reportée au 4 janvier 2016, il propose au législateur de modifier la rédaction de l’article 12 pour prévoir que le conseil régional se réunira au plus tard le 4 janvier 2016, ce qui laisserait à chaque conseil régional une possibilité de choix.

M. le président. Monsieur Durain, l’amendement n° 16 rectifié est-il maintenu ?

M. Jérôme Durain. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.

Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 41 rectifié ter est présenté par MM. P. Leroy, Adnot, Baroin, Grosdidier, Huré, Husson, Laménie, Namy, Gremillet, Pierre, Longuet et Nachbar.

L'amendement n° 143 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« – Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine ;

II. – En conséquence, alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié ter.

M. Daniel Gremillet. Dès lors que le Premier ministre et le ministre de l’intérieur ont répondu à nos vives inquiétudes sur le rôle stratégique de la commune et sur le rôle de proximité des départements, essentiels à nos yeux, le dessein régional peut prendre une dimension nouvelle, ce qui donne un sens supplémentaire à cet amendement ; c’est aussi une manière de répondre à la question de nos amis alsaciens.

Il est vrai que nos débats seraient sûrement beaucoup plus faciles s’ils portaient, en même temps que sur les limites territoriales, sur le projet et les compétences des uns et des autres.

Une région regroupant l’Alsace, la Lorraine et Champagne-Ardenne serait la plus grande région transfrontalière de notre pays. Elle se fonderait sur les infrastructures communes qui relient ces trois régions ; je pense en particulier à la LGV Est, première LGV cofinancée par les collectivités territoriales.

Surtout, une telle région correspond à un territoire. Or le Sénat représente les hommes et les femmes sur nos territoires, les collectivités territoriales, mais aussi et surtout les territoires, comme l’ont rappelé notre président, le Premier ministre et le ministre de l’intérieur, et comme nous-mêmes le rappelons très souvent. En vérité, quel serait le sens d’un territoire au milieu duquel se trouverait un massif déchiré entre deux régions ? La géographie territoriale commande de prendre en compte le massif des Vosges dans sa totalité.

Enfin, nous avons la chance de pouvoir mener des coopérations transfrontalières et tirer parti d’un partage des hommes. De ce point de vue, la dimension que nous proposons de donner à cette région est aussi un signe à l’égard de l’Europe.

M. le président. Le sous-amendement n° 146, présenté par MM. Guené et Sido, est ainsi libellé :

Amendement n° 41 rectifié ter

I. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« - Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine ;

II. – En conséquence, après l’alinéa 3

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… - En conséquence, alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Charles Guené.

M. Charles Guené. Ce sous-amendement s’inscrit dans l’esprit du rapport Raffarin-Krattinger : de grandes régions stratèges et des départements qui assurent la proximité et répondent à la subsidiarité.

À titre personnel, j’aurais préféré une réforme inspirée des révolutionnaires, c’est-à-dire fondée sur une reconfiguration des départements, pour en retenir entre quarante-cinq et soixante. Ce n’est pas le choix qui a été fait, dont acte. Dès lors, le bon modèle consiste, selon nous, à retenir entre huit et dix régions aux frontières larges. C’est dans cet esprit que nous avons imaginé le Grand Est que cet amendement tend à instaurer. Il ne s’agit pas d’un Grand Est « petit bras », si je puis dire, mais d’un « Très Grand Est », déjà adopté par les avocats, certaines banques, la gendarmerie et d’autres acteurs encore : celui qui engloberait non seulement la région Champagne-Ardenne, la Lorraine et l’Alsace, mais aussi la Bourgogne et la Franche-Comté.

Il se trouve que, pour obtenir un amendement susceptible de répondre à nos vœux, nous devons utiliser le subterfuge de deux sous-amendements de repli par rapport à notre amendement n° 1 rectifié bis, qui présentent la particularité de tendre à créer un espace géographique plus large que celui proposé par les auteurs des amendements sur lesquels ils portent. Ce sont les règles de notre discussion qui nous obligent à procéder ainsi. En effet, le projet de loi procède d’une démarche un peu absconse et d’une genèse précipitée, et plus qu’incongrue. Or cette singularité rejaillit sur la procédure, puisque, pour définir les contours de nos régions, nous devons les examiner par ordre alphabétique ; notre commission spéciale, bien que très astucieuse, n’a pas pu trouver d’autre système.

C’est donc par la voie de deux sous-amendements et d’un amendement que je soumets à votre jugement, en fonction de l’évolution de nos débats, l’opportunité de constituer une région stratège. À la vérité, nous sommes déchirés entre notre conception d’une région large et le droit des Alsaciens à disposer de leur propre destin. Aussi vous laisserons-nous trancher d’abord la question de l’Alsace ; nous pourrons ensuite débattre du reste de notre proposition.

Certains esprits taquins prêtent aux représentants de la Haute-Marne, dont je suis, le dessein hégémonique de vouloir diriger cette vaste confédération de l’Est, depuis leur département situé en son centre. Je tiens à les rassurer : nous ne disposons d’aucune capitale possédant une masse critique suffisante, sauf à ce que nous décidions par consensus de choisir Colombey-les-Deux-Églises… Peut-être même, alors, nos amis alsaciens se rallieraient-ils à notre idée ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 143.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous voici au cœur des sujets délicats : ceux qui se rapportent à la carte. J’observe que les positions divergentes qui se manifestent dans cet hémicycle au sujet de plusieurs régions transcendent les clivages politiques. Ainsi, un certain nombre de sénateurs de l’UMP proposent le rétablissement de la carte souhaitée par le Gouvernement.

À l’évidence, l’Alsace est l’une des questions les plus sensibles. Je voudrais dire, après les interventions des sénateurs alsaciens, la préoccupation du Gouvernement de voir cette région reconnue dans son histoire et ses traditions. De l’Alsace, l’historien Jean-Marie Mayeur disait qu’elle est une « région mémoire », avec une identité forte qu’elle redouterait de voir disparaître si elle devait intégrer un espace plus large.

Mme Catherine Troendlé. Elle a un projet !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. De fait, elle a le projet, qui a été porté avec beaucoup de courage par Philippe Richert, lequel a fait un travail remarquable et visionnaire, de créer une collectivité unique. Cependant, pour des raisons tenant aux dispositions législatives qui régissent ces fusions, il n’a pas été possible de le mener à bien.

M. André Reichardt. C’est plutôt à cause de la gauche !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il n’y a pas que la gauche, et vous le savez très bien. Certains élus éminents du Haut-Rhin ont su compliquer la tâche du président Richert. (M. André Reichardt proteste.) Comme je ne veux froisser personne ni mettre qui que ce soit mal à l’aise, je ne donnerai pas de noms. Je puis toutefois vous assurer que Philippe Richert, lui, en a la liste. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Il a de surcroît une excellente mémoire…

Si le projet de réforme institutionnelle a un sens et s’il est de nature à préserver l’identité de l’Alsace, il faut aussi faire attention. L’un des fondements de l’identité de l’Alsace, qui fait sa force sur le plan national et plus encore sur les plans européen et international, repose sur le statut de Strasbourg, comme capitale européenne. Or je ne suis pas convaincu que Strasbourg serait mieux défendu si nous-mêmes, Français, après avoir débattu de ces questions au sein de la représentation nationale, disions que cette ville est suffisamment forte pour être la capitale de l'Union européenne mais qu’elle est trop peu sûre d’elle, avec la région qui la porte, pour devenir la capitale d’une grande région Est. Or une telle entité pourrait servir de pont vers les Länder, avec lesquels l’Alsace a l’habitude de travailler.

Beaucoup de grands élus alsaciens évoquent régulièrement la nécessité, pour l’Alsace, de travailler davantage avec les Länder limitrophes. Des coopérations transfrontalières très fortes font déjà l’objet d’orientations et d’actions portées en commun.

Je veux également rappeler aux sénateurs alsaciens de toutes tendances que le Gouvernement a engagé les moyens attendus pour Strasbourg à travers le dernier contrat triennal,…

Mme Fabienne Keller. Si peu ! Les subventions ont été divisées par deux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. … même s'il reste encore beaucoup à faire pour que cette ville soit accompagnée dans tous ses projets.

Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’il n’existe aucune incompatibilité entre la volonté affirmée par les sénateurs alsaciens et la constitution d’une grande région Est, à laquelle Gérard Longuet, François Baroin et d’autres sénateurs sont favorables.

Nous voulons aussi, comme je l’ai dit précédemment, que la carte soit coproduite. Dès lors, le Gouvernement ne doit pas imposer sa volonté, comme l’a précisé Jacques Mézard. Eh bien, c’est ce que je vais faire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si l'amendement des sénateurs du groupe UMP tendant à rétablir la grande région Est reçoit l’assentiment du Sénat, le Gouvernement retirera le sien. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

Tous ceux qui, depuis le début de ce débat, expliquent que le Gouvernement est incapable de travailler avec le Sénat ont ainsi la démonstration du contraire. Oui, les amendements qui correspondent aux intentions du Gouvernement, même s’ils sont proposés par des sénateurs n’appartenant pas à la majorité, nous sommes prêts à les prendre en compte ! C’est le signe que le Gouvernement est dans une démarche d’ouverture et recherche le compromis. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

Bourgogne, Franche-Comté et Lorraine

II.- En conséquence, alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

III. – En conséquence, alinéa 11

Supprimer les mots :

et Lorraine

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement, dont le premier signataire est Gilbert Barbier, vise à fusionner les régions Alsace, Bourgogne, Franche-Comté et Lorraine. La fusion de ces quatre régions mettra en valeur l’axe Rhin-Rhône plutôt que la liaison avec Paris.

La simple fusion de la Franche-Comté et de la Bourgogne présenterait l’inconvénient de réunir deux régions très étendues et peu peuplées. Il s’agit donc de constituer une région puissante, frontalière de l’Allemagne et de la Suisse.

M. le président. Le sous-amendement n° 145, présenté par MM. Guené et Sido, est ainsi libellé :

Amendement n° 24 rectifié

I. – Alinéa 3

Après le mot :

Bourgogne

insérer les mots :

Champagne-Ardenne

II. – En conséquence, alinéas 7 et 8

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. La région Alsace devrait bien réfléchir. Rester seule en misant sur une prospérité qui durera ce qu’elle durera peut être dangereux. Fessenheim fermera bien un jour !

MM. Gérard Longuet et André Reichardt. Non !

M. Bruno Sido. Ce jour-là, d’où viendra l’électricité ?

Aujourd’hui, les déchets nucléaires de Fessenheim sont acheminés en Lorraine et en Champagne-Ardenne. Plus tard, où iront-ils ?

Ne l’oublions pas, il existe des solidarités entre les régions. En outre, l’Alsace, la Lorraine et Champagne-Ardenne ont des intérêts communs.