M. Gérard Longuet. Non !
M. André Reichardt. On n’a pas dit ça !
M. Didier Guillaume. Nous avons voté à l’unanimité le rapport Krattinger-Raffarin, selon lequel il fallait créer de grandes régions et conserver, entre cet échelon et les communes, les conseils départementaux.
Le Gouvernement a hésité à plusieurs reprises. Les dirigeants de notre pays, qu’ils soient de droite ou de gauche, s’interrogent sur l’avenir des collectivités territoriales et notamment sur celui des conseils départementaux. Gérard Longuet a évoqué l’idée de les fusionner avec les conseils régionaux. C’est une solution. Une autre solution, celle que préconise le rapport Raffarin-Krattinger, serait de créer des grandes régions tout en maintenant les conseils départementaux.
M. Alain Fouché. Ça, c’est bien !
M. Didier Guillaume. Plusieurs mois de discussions se sont écoulés. Certains les apparenteront peut-être à des tergiversations.
M. Jean-François Husson. Exact !
M. Didier Guillaume. Pour ma part, je les considère comme des marques d’écoute de la part du Gouvernement, en particulier du Premier ministre et du ministre de l’intérieur, des représentants des territoires. La proposition formulée in fine est très proche des conclusions du rapport que nous avons voté à l’unanimité : oui à de grandes régions stratèges, élaborant de grands schémas, associées à des collectivités de proximité au rang desquelles figurent les conseils départementaux ! Pour la première fois, ces deux solidarités humaines et territoriales seront inscrites dans la loi.
Sur la base de ce principe général, une carte a été proposée par le Président de la République. Le Sénat a raté le coche en première lecture, en ne se saisissant pas de cette réforme et en ne présentant pas de carte. Il a rendu copie blanche. De son côté, l’Assemblée nationale a dressé une carte différant légèrement de celle du Gouvernement. À présent, quelle est l’alternative ? Soit le Sénat passe de nouveau son tour : dans ce cas, nos collègues députés adopteront, en deuxième lecture, leur carte des régions ; soit nous élaborons notre propre carte.
Peut-être des divergences se feront-elles jour entre nous, selon l’opposition des groupes politiques ou – nous l’avons perçu sur toutes les travées de cet hémicycle – au sujet de telle ou telle fusion de régions. Le fait est que nous ne sommes pas tous d’accord. Mais au-delà des divergences de vues, entre l’opposition et la majorité comme au sein de tous les groupes – des différences d’appréciation s’expriment au sein de notre groupe au sujet de telle ou telle région –, il faut que le Sénat se saisisse de ce texte et qu’il présente une carte.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. C’est vrai !
M. Didier Guillaume. Même si elle n’est pas votée à l’unanimité, il faut l’adopter. C’est l’honneur et l’intérêt du Sénat.
M. Bruno Sido. Ah !
M. Antoine Lefèvre. L’honneur du Sénat, depuis trois ans…
M. Didier Guillaume. C’est peut-être même l’avenir de la Haute Assemblée, chambre des collectivités territoriales, qui se joue. Il faut que nous adoptions une carte et que nous la transmettions, en deuxième lecture, à l’Assemblée nationale.
Voilà pourquoi, au-delà de nos divergences d’appréciation, nous devons rester concentrés sur les faits, sur le texte et non sur le contexte.
Hier, le Premier ministre a fait d’énormes avancées. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. Très doucement !
M. Didier Guillaume. Il est allé dans le sens que nombre d’entre nous souhaitions. Le ministre de l’intérieur nous a écoutés. Il a, lui aussi, avancé dans notre direction. Je reste persuadé que, si le Sénat adopte sa propre carte, il aura été présent au rendez-vous des territoires. Voilà pourquoi les membres du groupe que je préside ne pourront pas voter la suppression de cet article.
Bien sûr, il faut discuter. Les associations d’élus sont les représentants des territoires et des populations. Les référendums ont certainement leur utilité. Mais enfin – faut-il le rappeler ? –, l’abolition de la peine de mort n’aurait pas été adoptée par référendum !
M. Gérard Longuet. Nous y voilà !
Mme Cécile Cukierman. On se couche devant l’Europe !
M. Didier Guillaume. Et peut-être que l’interruption volontaire de grossesse,…
M. Antoine Lefèvre. Il s’agit des territoires !
M. Didier Guillaume. … instituée par un texte que Mme Veil a présenté voilà quarante ans jour pour jour, n’aurait pas été votée par référendum.
Mme Cécile Cukierman. Ça n’a rien à voir !
M. Didier Guillaume. Nous, représentants des élus, devons prendre nos responsabilités et, en l’espèce, la responsabilité du Sénat, c’est de dresser une carte des régions pour l’avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Louis Masson. Je tiens à faire une mise au point. M. Guillaume vient d’affirmer que tout le monde, au Sénat, était favorable à une diminution du nombre des régions.
Cher collègue, je n’aime pas qu’on parle à ma place et je vous l’affirme : je ne suis pas d’accord pour qu’on réduise le nombre de régions. Voilà qui est clair et net ! Il serait bon que chacun s’exprime en son nom et se garde de parler pour les autres.
Quant au Premier ministre, il nous a peut-être entendus, mais il ne nous a pas écoutés. Il n’en a strictement rien à faire de ce qu’on peut penser ! Nous assistons à une grande mascarade : on nous parle gentiment, M. le ministre de l’intérieur multiplie les amabilités, mais, on le sait très bien, quoi que l’on dise ici, le Gouvernement fera ce qu’il voudra, et il se moque éperdument de ce qu’on peut penser, de ce qu’on peut dire et de ce qu’on peut voter.
M. Jacques Mézard. Ça, c’est tout à fait vrai !
M. Jean Louis Masson. Voilà pourquoi je ne me fais absolument aucune illusion : l’affaire est dans le sac. On va débattre durant toute une nuit d’un redécoupage des régions, puis le projet de loi va repartir à l’Assemblée nationale et le Gouvernement fera ce qu’il voudra.
M. Jacques Mézard. Oui !
M. Jean Louis Masson. Je le répète, on se moque de notre avis.
Mme Catherine Génisson. On ne peut pas dire ça ! C’est inacceptable !
M. Jean Louis Masson. Qu’on vote ou pas l’article 1er, le choix se fera de toute façon sans nous.
Le Gouvernement a sa vision des choses. Comme l’a si bien dit M. Guillaume, faute d’un vote du Parlement, telle ou telle loi n’aurait peut-être pas été adoptée. Mais poussons le raisonnement : si on dénigre le référendum sur cette base, il n’y a plus qu’à supprimer toutes les élections. Décidons que nos concitoyens n’y connaissent rien et que ce n’est pas la peine de leur demander leur avis ! En définitive, on pourrait supprimer les élections législatives et sénatoriales !
Sur un tel sujet, on ne peut pas partir du principe que le Sénat doit voter de telle manière, eu égard à la réaction de l’Assemblée nationale. Dans les faits, nous avons le choix entre deux solutions : soit faire plaisir à l’Assemblée nationale et voter comme elle ; soit dire non et, dans ce cas, nos collègues députés feront ce qu’ils voudront. Dans un cas comme dans l’autre, le résultat sera le même : l’affaire est dans le sac, et nous n’y changerons strictement rien.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lasserre. Pour ma part, je voterai l’amendement de M. Dubois.
L’argument suprême a été invoqué : l’honneur du Sénat ! Mes chers collègues, gardons un peu de modération dans nos propos.
Bien sûr, il est naturel et même vital, pour la Haute Assemblée, de dessiner sa propre carte, mais j’ai le sentiment que les solutions retenues par la commission spéciale ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il reste beaucoup de zones d’ombre.
M. Jean-François Husson. Très juste !
M. Jean-Jacques Lasserre. Voilà deux jours que nous le répétons.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Dans ce cas, amendez la carte !
M. Jean-Jacques Lasserre. Je ne pense pas seulement au découpage. Je songe également à l’avenir des départements. Je le répéterai en défendant un amendement dans la suite de nos débats : les conseils départementaux sont étroitement liés à l’échelon régional.
On a beau user de toutes les précautions de langage, je reste convaincu que nous traitons ce dossier d’une manière totalement morcelée. C’est la même chose pour les intercommunalités. À mon sens, l’honneur du Sénat, ce serait de dire : il y a tant d’incertitudes, tant de doutes – chacun d’entre nous s’est exprimé avec beaucoup de sincérité sur ce point –, qu’il faut donner un peu plus de temps au temps et revoir la copie. (Applaudissements sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. La tournure que prend ce débat me laisse très perplexe. On le voit bien, au stade de la deuxième lecture, nous ne disposons toujours pas d’une méthodologie pour définir une carte cohérente. Voilà le problème sur lequel nous butons.
M. Jean-François Husson. Ni carte, ni méthodologie, ni stratégie : rien !
M. Ronan Dantec. Qui plus est, la schizophrénie est presque permanente : tantôt, on s’exprime en tant qu’élu d’un territoire en exposant sa vision de ce dernier, ce qui suscite en général une réponse politique de la part de nos collègues, tantôt, les rôles s’inversant, on est guidé par une vision globale des collectivités territoriales françaises. Résultat : nous n’avançons pas !
Mme Cécile Cukierman. Bien sûr !
M. Ronan Dantec. Voilà pourquoi nous risquons fort d’adopter une carte dépendant avant tout des divers rapports de force.
Je me dois de le rappeler : en la matière, la responsabilité du Gouvernement est véritablement engagée. La stratégie initiale exposée par Manuel Valls, à savoir « je vais faire vite et fort, sans quoi vous allez bloquer ce chantier et nous n’avancerons pas », ne fonctionne pas. En effet, le Gouvernement n’a pas expliqué ce qu’étaient les nouvelles régions, quelles seraient leurs missions. Nous aurions dû disposer d’une carte établie selon ce critère des compétences,…
M. Jean-François Husson. Voilà !
M. Gérard Cornu. C’est vrai !
M. Ronan Dantec. … et être à même d’en débattre, en la confrontant à des solutions alternatives. Or le Gouvernement a estimé que, dans certaines régions, les grands élus étaient les plus forts et qu’ils étaient en mesure de tout bloquer : c’est le cas de l’ouest de la France, où ceux-ci sont si nombreux et si influents que rien ne bouge. Cela se fait au détriment de la région Centre qui, à l’évidence, au regard de tout ce que l’on nous a expliqué, ne répond pas aux ambitions des nouvelles régions françaises sur le plan des fonctions, notamment métropolitaines.
Pour notre part, nous nous abstiendrons sur ces deux amendements, car on ne nous dit pas non plus, par ce biais, comment nous allons nous en sortir.
M. Christian Favier. Il faut inverser les textes !
M. Ronan Dantec. À cet égard, je tiens à évoquer brièvement l’amendement que je défendrai dans la suite de nos débats et qui – c’est son mérite – tend à donner une méthodologie. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
À un moment ou un autre, il faut que l’on s’interroge : cette question doit-elle être tranchée à trois, c’est-à-dire entre le Gouvernement, le Parlement et les élus régionaux ?
Mme Cécile Cukierman. Non !
M. Ronan Dantec. N’y a-t-il pas trop d’interlocuteurs ?
Mme Cécile Cukierman. Non !
M. Ronan Dantec. Au demeurant, la position du Sénat n’est pas très claire : la Haute Assemblée se prononce-t-elle en tant que chambre parlementaire nationale ou comme ensemble d’élus des territoires ? On voit bien quelle est la difficulté.
J’en suis persuadé, nous aurions gagné à ce que le Gouvernement assume ses responsabilités jusqu’au bout, en posant sur la table une carte complète, représentant l’équilibre territorial tel qu’il le voit, et explicitée par des critères objectifs. Bien sûr, il reste toujours une part de subjectivité. Mais cette démarche n’a pas été suivie.
On aurait pu débattre sur cette base. À l’inverse, on aurait pu partir de la volonté des territoires, le Gouvernement s’engageant, dans ce cas, à prendre ses responsabilités si les partenaires locaux n’aboutissaient pas à un accord.
Les méthodes suivies n’ont pas été explicitées. Nous en restons donc à une discussion au cours de laquelle, j’en suis certain, nous allons débattre très longuement de chaque fusion. Certains élus très engagés défendront une vision précise de tel ou tel territoire. D’autres, qui n’ont pas une idée très claire de toutes les régions, voteront suivant l’éloquence des uns et des autres ou selon les consignes du groupe auquel ils appartiennent.
Je suis extrêmement déçu par la tournure que prend ce débat. Je reste convaincu que, la France ayant changé, il fallait améliorer une carte datant des années 1950-1960. Cette évolution me semblait légitime, en lien avec le renforcement des pouvoirs régionaux que nous discuterons ensuite. Sur ce point, j’étais donc plutôt en accord avec le Gouvernement.
Toutefois, l’absence de méthode nous place dans une situation très difficile. Peut-être peut-on encore réussir à avancer, en nous donnant du temps. Je ne demande pas des années, ce n’est pas une manœuvre dilatoire, mais trois ou quatre mois, quitte à accepter, au terme de cette période, que le Gouvernement tranche par décret. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ah non !
M. Alain Fouché. Vous voulez la mort du Parlement ?
M. Ronan Dantec. Je ne m’attendais pas à susciter l’enthousiasme avec cette dernière proposition, mais, reconnaissons-le, mes chers collègues, nous n’y arrivons pas.
Relevons tout de même que ce défaut de méthodologie – il me semble que nous sommes d’accord à ce sujet – générera une carte qui provoquera beaucoup de frustrations et de désaccords et, surtout, qui sera fondamentalement déséquilibrée. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Husson. Il n’a pas dû apprécier que l’on critique sa méthode !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Sénat a fait un très bon travail ces derniers jours dans le cadre de sa commission spéciale.
J’ai entendu les présidents des groupes faire part de leur souhait que le Sénat ne se dessaisisse pas cette fois-ci de cet important débat. Or chacun a compris, me semble-t-il, qu’il n’existait pas de carte parfaite. Si celle qui vous est soumise ne convient pas, essayons d’en bâtir ensemble une meilleure, au cours d’une discussion permettant, amendement après amendement, de trouver un compromis.
Si le Sénat, une deuxième fois, se dessaisit de la discussion d’un texte qui lui appartient plus qu’à tout autre, puisqu’il concerne les collectivités locales, je crains que son image n’en pâtisse auprès des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.
M. René Vandierendonck. Je comptais dire, en beaucoup moins bien, ce que le ministre vient d’expliquer.
M. Gérard Longuet. C’est pour cela qu’il est ministre ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je voterai évidemment l’amendement communiste, ce n’est d’ailleurs pas la première fois. Nous nous retrouvons souvent sur certaines questions, notamment concernant le logement.
J’adhère entièrement aux propos de notre collègue Dantec. Alors que l’on nous explique que l’apport du Sénat, représentant des collectivités, doit apparaître dans le texte, nous nous livrons à une démonstration exceptionnelle de la capacité des uns et des autres à ne discuter que de la future région à laquelle ils veulent appartenir, sans aucune vision globale de la méthodologie.
Je le répète, ce gouvernement a commis une erreur magistrale. Sans doute a-t-il besoin de lancer des réformes structurelles, tant Bruxelles est en train de le pister, mais il aurait pu laisser un peu de temps et préparer une loi-cadre fixant un certain nombre de critères.
Je suis consterné que nous soyons en train de réformer ce pays pour les cinquante prochaines années sans aborder la problématique du rivage ni celle de la mer, alors même que l’on dit partout que la richesse des territoires s’y trouvera demain.
On ne dit pas non plus un mot de la grande région parisienne, qui représente 40 % du PIB de ce pays, ou des capitales régionales, qui devront structurer les futures régions.
La méthodologie aurait dû être le sujet majeur du jour, mais nous assistons à une bataille de chiffonniers…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Parlez pour vous !
M. Daniel Dubois. … pour savoir avec qui, dans quel département ou dans quelle région chacun souhaite se retrouver demain. Voilà où en est l’honneur du Sénat, mon cher Didier Guillaume ! Nous sommes plutôt témoins, ce soir, du déshonneur du Sénat ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. N’exagérez pas !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Il est certain que le Sénat n’a pas apprécié la manière dont cette réforme a été engagée. Il a reproché au Gouvernement une forme d’improvisation et des choix faits à l’emporte-pièce, avec l’annonce, à grand renfort de tambours et de trompettes, de la suppression des départements.
Cela étant, depuis ces annonces surprenantes et précipitées, un travail a été engagé. Après avoir rejeté la carte des régions au mois de juillet, nous avons obtenu hier, grâce à l’intervention du président Larcher, un débat. Il a été riche, et j’y ai perçu la possibilité d’évolutions sur des questions fondamentales qui auraient dû être traitées en même temps qu’était tracée la carte des régions, à savoir la répartition des compétences.
Le Sénat ne peut pas se mettre à l’écart d’une réforme des territoires.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Philippe Bas. Il doit adopter une position claire et volontariste et prendre le parti de la modernisation. Il est important pour nous de ne pas accepter d’être évincés de ce débat.
Le véritable enjeu du vote sur l’article 1er est de savoir si nous continuons à peser sur cette réforme, notamment dans la perspective de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou si nous décidons de laisser le champ libre au dialogue exclusif entre le Gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale.
J’observe que des évolutions fortes, conformes à nos préconisations, sont possibles sur les compétences comme sur le présent et l’avenir des départements.
J’observe que nous avons toujours prôné ici la constitution de grandes régions.
J’observe que notre commission spéciale, qui n’est pas extérieure au Sénat car elle représente, avec un nombre plus limité de sénateurs que dans notre hémicycle, toutes les composantes de cette assemblée,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Y compris géographiquement !
M. Philippe Bas. … s’est accordée sur une carte. Quels que soient les débats qui ont eu lieu jusqu’à présent, il s’agit d’un pas en avant utile.
J’observe que nous avons adopté l’article 1er A, qui met en musique le deuxième paragraphe de l’article 72 de la Constitution sur le principe de subsidiarité et qui inscrit dans la loi la place des départements dans la hiérarchie des collectivités territoriales.
J’observe, enfin, que nous aurons à débattre de l’exercice d’un droit d’option pour les départements qui souhaiteront changer de région. Ce droit d’option doit être rendu opérationnel.
Pour toutes ces raisons, bien que je partage beaucoup des arguments qui ont été énoncés quant à ses défauts, cette carte, aussi imparfaite soit-elle,…
M. André Reichardt. Elle est équilibrée.
M. Philippe Bas. … ne peut être rejetée. Nous nous devons aujourd’hui de prouver notre capacité à avancer, y compris en sacrifiant certaines de nos convictions, car nous pouvons espérer que celles-ci finiront par prévaloir dans les discussions à venir sur les compétences. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Au mois de juillet, la majeure partie d’entre nous a dit tout le mal qu’il pensait de la méthode utilisée par le Gouvernement. À travers la motion référendaire ou la saisine du Conseil constitutionnel, nous avons fait savoir avec force que nous la désapprouvions totalement. Nous devons toutefois tous être conscients aujourd’hui qu’il ne restera rien à l’Assemblée nationale de l’article 1er A ou de la carte que nous allons adopter.
M. Alain Fouché. Ce n’est pas certain !
M. Gérard Longuet. Vous inversez la charge de la preuve !
M. Jacques Mézard. Ne vous faites aucune illusion !
Cela étant, je suis d’accord avec ce que vient de dire Philippe Bas : il y aura des évolutions au sujet des départements. Certains d’entre nous y ont d’ailleurs beaucoup contribué, par des négociations difficiles avec l’exécutif.
M. Gérard Longuet. Nous les avons sauvés !
M. Jacques Mézard. Reste que l’important ce soir, c’est l’expression politique du Sénat. Il est vrai que nous ne pouvons pas être absents de ce débat, même s’il nous faut rester lucides : ce texte ne contiendra rien in fine de ce que la majorité qui s’exprimera ici décidera.
En revanche, monsieur le ministre, nous avons reçu l’engagement du Premier ministre, et le vôtre, qu’il y aurait des évolutions sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Ce n’est pas neutre : nos efforts auront ainsi un effet positif.
M. Bruno Retailleau. Nous sommes d’accord !
M. Jacques Mézard. Si le Sénat décidait de tout bloquer, ce serait très difficile à expliquer. J’espère toutefois que le Gouvernement comprendra qu’il est utile et nécessaire de respecter davantage la Haute Assemblée à l’avenir. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 et 94 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 5 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 308 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 98, présenté par MM. Dantec, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – 1° Au plus tard le 1er février 2015, plusieurs régions formant un territoire d’un seul tenant et sans enclave peuvent, par délibérations concordantes de leurs conseils régionaux, demander à être regroupées en une seule région.
Ces délibérations sont précédées d’une consultation des citoyens sous la forme d’un débat public.
2° L’avis du comité de massif compétent est requis dès lors que l’une des régions intéressées comprend des territoires de montagne au sens de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Son avis est réputé favorable s’il ne s’est pas prononcé à l’expiration d’un délai de quatre mois suivant la notification par le représentant de l’État des délibérations des conseils régionaux intéressés.
Par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9 du code général des collectivités territoriales, la demande de regroupement des régions prévue au premier alinéa est inscrite à l’ordre du jour du conseil régional à l’initiative d’au moins 10 % de ses membres.
3° Ce projet de regroupement est soumis pour avis aux conseillers économiques, sociaux et environnementaux régionaux des régions concernées ainsi qu’aux conseils départementaux concernés. L’avis de tout conseil départemental qui, à l’expiration d’un délai de trois mois suivant sa saisine par le président du conseil régional, ne s’est pas prononcé est réputé favorable.
II. – Le 1er mars 2015 au plus tard, le Gouvernement propose une carte complète de délimitation des régions de la métropole, respectant les propositions de fusions réalisées par délibérations concordantes des assemblées délibérantes des régions.
Ce découpage est soumis pour avis aux assemblées délibérantes des régions concernées, après organisation d’une consultation des citoyens. L’avis du Conseil économique, social et environnemental régional des régions concernées et des conseils départementaux concernés est aussi sollicité.
III. – La modification des limites territoriales des régions est décidée par décret en Conseil d'État au plus tard le 31 mars 2015.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. M. Mézard vient de souligner avec lucidité qu’il ne restera probablement pas grand-chose in fine de la carte régionale que nous allons adopter.
M. Jacques Mézard. Il n’en restera rien !
M. Ronan Dantec. Je vous propose donc, mes chers collègues, une sorte de testament politique du Sénat sur cette réforme territoriale.
Le Sénat doit faire passer deux messages très lisibles et beaucoup plus simples.
D’une part, par la méthodologie prévue dans cet amendement, le Sénat dit haut et fort que ce sont les régions qui doivent être au centre du débat, faisant en cela écho aux propos tenus précédemment. Aussi, nous voulons commencer par demander aux régions ce qu’elles veulent pour elles-mêmes en matière de regroupement et de fusion. Puisque ce n’est pas la Haute Assemblée qui va réussir à dessiner la carte, il revient aux territoires d’essayer de se mettre d’accord sur un projet soutenu par des régions contiguës.
D’autre part, plutôt que de donner l’impression que le Parlement décide, alors que la décision appartient finalement au Gouvernement, on demande à l’État de prendre ses responsabilités en cas de désaccord des territoires. Après cette phase de discussion dans les régions – on part du bas pour remonter vers le haut –, l’État décide par décret.
L’adoption de cet amendement serait évidemment extrêmement frustrante pour la suite du débat – je ne suis d’ailleurs pas très optimiste quant au sort qui lui sera réservé –, mais cela aurait le mérite de faire passer deux messages très clairs : on s’appuie sur ce que veulent les territoires et l’État prend vraiment ses responsabilités, en nous expliquant sur quelle base il fait la carte finale.
Plutôt que de passer des heures et des heures à débattre du découpage territorial, pour un résultat bien aléatoire – un compromis entre nous sur un équilibre fragile –, faisons passer ces deux messages clairs.
Qui plus est, on fait aussi passer un message quant au calendrier. En effet, on ne mettra pas dix ans à engager cette réforme. Le dispositif est prévu sur quatre mois : au 1er avril 2015, la question sera réglée, avec une nouvelle carte. Mais on reviendra ultérieurement sur la question du calendrier.
En écho aux propos de M. Mézard, ce message politique clair portera peut-être plus que la carte fragile que nous allons élaborer durant les prochaines heures.