M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. S’agissant de la question de l’élevage, je tiens tout d’abord à rappeler quel a été l’apport, dans son architecture, dans sa structure, de la réforme de la politique agricole commune. Au travers du couplage des aides à la vache allaitante, de la reconnaissance des prairies permanentes, des évolutions en matière de convergence des aides, tout a été précisément fait – bien sûr dans la limite d’une enveloppe non extensive – pour préserver l’activité d’élevage et éviter un basculement vers les grandes cultures.
Par ailleurs, je rappelle que si la directive « Nitrates » n’a pas été signée par le ministre de l’agriculture actuel, il revient à ce dernier de garantir la continuité de la parole de la France et de l’État français à l’échelle européenne.
En outre, je répète que le classement en zone vulnérable n’implique pas obligatoirement que toutes les exploitations vont devoir investir et recourir à des constructions en béton pour stocker les effluents d’origine animale. Il faut cesser de prétendre que ce classement en zone vulnérable signifie automatiquement 30 000, 40 000 ou 50 000 euros d’investissement ! C’est faux !
Pourquoi ? D’abord, nous allons travailler à une renégociation avec la Commission européenne, sur la base de l’arrêt de la Cour de justice européenne, autour de la question du stockage, en particulier de fumier pailleux en plein champ. Si c’est en plein champ, ce n’est pas dans des bâtiments en béton, et aucun investissement n’est donc nécessaire ! Ensuite, nous chercherons à accroître au maximum les surfaces d’épandage, en particulier sur les pentes. Plus ces surfaces sont étendues, et moins le besoin de stockage est important ! Enfin, nous nous orienterons vers le stockage collectif, en particulier en cas de méthanisation, et tout équipement collectif n’est évidemment plus individuel !
Quand des investissements seront nécessaires, nous serons là pour encadrer et pour développer l’autoconstruction, afin de permettre aux agriculteurs de s’adapter sans être contraints à des investissements trop lourds.
Nous serons là également, dans le cadre du plan de modernisation, pour appliquer la partie qui pourrait concerner la mise aux normes en matière d’élevage.
Il faut donc cesser de considérer que l’application de cette directive va immédiatement se traduire par des investissements auxquels les éleveurs ne pourront pas faire face. Nous allons mettre en œuvre tout un processus, sans compter le calendrier d’application, que nous allons négocier.
J’ajoute que, sur cette question, nous sommes en train de revoir avec l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, les critères scientifiques sur lesquels se fondent les risques d’eutrophisation, afin de déterminer, par exemple, si un tel risque existe avec une concentration de 18 milligrammes par litre d’azote. Un débat scientifique doit avoir lieu sur cette question.
À l’aide des retours effectués par les préfets et de ce travail scientifique, nous pourrons mesurer précisément ce qui se passe. Et une fois en possession de l’ensemble de ces éléments, nous irons négocier au niveau de la Commission. En effet, pour négocier avec la Commission, il nous faut nous appuyer sur des bases scientifiques extrêmement solides.
Voilà la situation, voilà la manière dont nous abordons le sujet. Cependant, je vous le dis sincèrement, la définition d’une zone vulnérable n’implique pas nécessairement des investissements de la part des exploitations. D’abord, certaines ont d’ores et déjà largement dépassé les capacités de stockage qui pourraient être demandées. Ensuite, je vous ai indiqué tous les éléments sur lesquels nous allons justement nous appuyer pour faire en sorte d’éviter, tout en respectant la réglementation européenne, de gros investissements pour l’élevage en France.
M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas.
Mme Anne Emery-Dumas. Je vous remercie de ces précisions et des perspectives que vous nous offrez, monsieur le ministre.
Je souhaite que nous parvenions à trouver une solution qui permette de maintenir l’élevage, notamment dans le bassin allaitant. Il s'agit d’éviter ce qui se produit depuis de trop longues années, à savoir la reconversion des terres vers des activités de culture. Comme vous le savez, monsieur le ministre, l’arrêt de l’élevage sur certaines terres est généralement irréversible. Ce n’est pas ce que nous souhaitons.
privatisation du marché d’intérêt national de rungis
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, auteur de la question n° 877, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, la presse s’est fait l’écho d’une éventuelle cession des parts détenues par l’État au sein de la Société d’économie mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de Rungis, ou SEMMARIS, en charge de l’exploitation du marché d’intérêt national, ou MIN, de Rungis.
Cette décision, si elle voyait le jour, aurait des conséquences graves sur le fonctionnement et l’existence même de ce marché, reconnu comme le premier marché de produits frais au monde. Plus de 1,5 million de tonnes de produits frais y sont vendues chaque année, alimentant quotidiennement des millions d’habitants.
Actuellement, l’État détient un tiers des parts. En cas de vente, la porte serait ouverte à une privatisation, à une logique répondant aux appétits financiers dans un territoire attractif, en forte mutation avec, notamment, les projets du Grand Paris Express.
Depuis que cette privatisation a été évoquée, les élus, notamment du Val-de-Marne, mais également les professionnels des fruits, des légumes, des volailles ou des fleurs sont très inquiets.
Ce sont près de 12 000 personnes qui travaillent au MIN, sans compter les 100 000 emplois indirects induits en France, comme vient de le confirmer l’étude du cabinet Utopies.
Hier, un vœu des groupes Front de gauche et Europe Écologie-Les Verts du conseil général du Val-de-Marne a été adopté à l’unanimité contre la privatisation, afin de préserver le MIN de Rungis tant dans sa fonction, son statut que dans son périmètre, à l’heure où le foncier se fait rare et cher.
Les conseillers généraux se sont ainsi prononcés en faveur de la prorogation de la concession de service public jusqu’en 2050, avec un alignement de la convention de gestion dévolue à la SEMMARIS sur la même échéance.
Monsieur le ministre, ma question est donc simple : pouvez-vous me confirmer si ce scénario de cession des parts de l’État, actuellement à l’étude, risque d’aboutir ou si, au contraire, la participation de l’État n’est absolument pas remise en cause au sein de ce marché alimentaire historique ?
Vous savez comme moi que le MIN, de par la concession de service public qui préside à son fonctionnement actuel, est garant de la sécurité alimentaire et donc de la santé publique. Il serait dangereux de mettre cela en péril. Notre inquiétude est grande, compte tenu notamment de ce qui s'est passé pour les autoroutes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, comme vous l’avez vous-même indiqué, vous évoquez des rumeurs de presse. Celles-ci sont cependant directement liées à la fin de la concession attribuée à la SEMMARIS, fin qui est prochaine et à l’occasion de laquelle nous devrons nous prononcer. Mais, au-delà de cette fin de concession, il y a des perspectives d’investissement, étant entendu que nous devons être capables de donner à la SEMMARIS le futur cadre pour la poursuite d’un service d’intérêt public auquel je suis personnellement particulièrement attaché.
Nous sommes en train de travailler pour faire en sorte que cette fin de concession débouche sur une solution. Vous avez rappelé le service d’intérêt général et public qui est rendu par la SEMMARIS. Vous en avez souligné les enjeux : le marché d’intérêt national de Rungis est le plus grand du monde, d’après les derniers chiffres dont nous disposons, une véritable ville au sein de la ville, où se développent en particulier la vente et la promotion de produits français de qualité, et ce au niveau international, un lieu où beaucoup s’approvisionnent pour assurer l’alimentation de la région parisienne. Il s'agit donc d’un enjeu d’intérêt général, d’intérêt public auquel je suis, je le répète, attaché.
Cela étant dit, la prolongation de la concession et la forme qu’elle prendra sont en cours de discussion. Nous essayerons de trouver la meilleure formule pour que la SEMMARIS et le MIN de Rungis continuent à assurer le service majeur qu’ils offrent à toute la région parisienne.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, j’entends dans votre réponse votre attachement au MIN de Rungis et au service public. Considérez donc ma question comme un point d’appui, de même que le vœu des conseillers généraux unanimes, toutes sensibilités politiques confondues !
Nous savons notamment que le groupe Altarea, intéressé par la récupération de terrains en termes fonciers, exerce un important lobbying auprès des cabinets ministériels et des élus. Voilà mon souci.
Vous soulignez votre attachement à ce grand marché d’intérêt public et cherchez une solution. La solution, je pense que vous l’avez entendue par ma voix : c’est le maintien d’une participation très forte de l’État afin que ce marché reste sous son contrôle.
Par ailleurs, si ma question évoque des rumeurs véhiculées par voie de presse, celles-ci, vous le savez, monsieur le ministre, recèlent toujours une part de vérité…
Mme Laurence Cohen. En tout cas, lorsque ce genre de rumeurs circule, il est important que les personnes directement intéressées, que ce soient les professionnels du marché, les élus, les actionnaires – je pense notamment à la Ville de Paris, au conseil général, à la Caisse des dépôts et consignations – et les Val-de-Marnais soient tout à fait informés. C'est selon moi le meilleur moyen d’exercer la démocratie et de trouver les solutions optimales, dans l’intérêt de nos concitoyens.
viticulture dans le département de l’aude
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 883, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, comme vous le savez, la terre d’Aude est dans une situation des plus préoccupantes depuis le cataclysme qui a ravagé près de 15 000 hectares agricoles, le 6 juillet dernier. Certes, il n’y a pas eu de victimes humaines, mais les blessures morales et les conséquences sociales et économiques sont, elles, très profondes pour ces femmes et ces hommes qui ont vu leurs parcelles de vignes, d’arbres fruitiers, de maraîchage ou de tournesols entièrement dévastées.
En fait, ce dimanche 6 juillet, le ciel est tombé sur un tiers du vignoble audois. Un véritable cataclysme ! La récolte de 2014 a été anéantie ; or peu de viticulteurs sont assurés. Nous sommes donc en situation de grande urgence. De surcroît, d’importantes parts de marchés difficilement gagnées par le passé sont aujourd’hui perdues.
Mais, plus grave encore, les conséquences seront lourdes aussi pour les récoltes de 2015 et de 2016, tant les pertes de fonds sont importantes. Et tout cela alors que notre viticulture se relevait tout juste de six années de crise et d’arrachages successifs !
Lors de votre visite sur le terrain, monsieur le ministre, qui a été particulièrement appréciée et dont je vous remercie, vous avez pu constater l’ampleur du désastre. Dans un tel contexte, il y a urgence à aider les viticulteurs sinistrés.
Pouvez-vous faire le point sur les mesures qui ont été engagées : dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, prise en charge des prêts de trésorerie et des intérêts sur les prêts professionnels, prise en charge, auprès des caisses de la Mutualité sociale agricole, des cotisations sociales ?
Sur ce dernier point, le syndicat des vignerons nous a fait part de ses plus vives préoccupations concernant le montant de l’enveloppe. Certes, l’annonce faite par vos soins, monsieur le ministre, d’une enveloppe de prise en charge des cotisations sociales passant de 15 millions à 23 millions d’euros a suscité beaucoup d’espoirs. Cependant, les propos tenus par certains responsables sur le plan régional ont tempéré lourdement un certain optimisme.
Je rappelle que les viticulteurs audois estiment la prise en charge nécessaire à hauteur de 2,5 millions d’euros. Je veux donc croire, compte tenu du contexte que je viens de décrire, que les taux de prise en charge ne seront pas en deçà des attentes.
Le monde viticole vous fait confiance, monsieur le ministre. Il attend beaucoup de vous sur ce dossier de la Mutualité sociale agricole, tout comme il attend beaucoup de vous sur d’autres dossiers : je pense notamment aux menaces pesant sur les exonérations de cotisations salariales liées aux contrats « vendanges » ; je pense aussi à la demande forte de la profession de voir rétablie sur le plan européen, pour 2015, l’aide aux moûts concentrés ; je pense en outre aux mesures en faveur des exploitants agricoles qui s’engagent à souscrire une assurance climatique et, enfin, aux inquiétudes soulevées par la réforme du forfait agricole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je sais que vous êtes mobilisé depuis très longtemps sur les questions viticoles, en particulier dans le département de l’Aude.
Tout d’abord, je ne comprends pas, je n’accepte pas et je condamne le fait que l’on ait pu, dans l’Aude, dégrader les locaux d’une Mutualité sociale agricole.
La Mutualité sociale agricole – je le rappelle à tous les agriculteurs – représente certes des cotisations à payer, mais également des prestations rendues. Dans les pays où il n’existe pas de mutuelle pour se protéger des accidents et de la maladie, c’est l’assurance qui intervient. Or, partout où il existe un système assurantiel, celui-ci coûte beaucoup plus cher et assure une moins bonne protection que le système mutualiste. Comme je l’avais déjà dit lors des incidents qui se sont produits en Bretagne, je répète que s’attaquer à la MSA au nom des charges, c’est oublier les prestations et oublier qu’un système mutualiste est le meilleur système pour se protéger contre les accidents et la maladie.
Monsieur le sénateur, vous m’avez interrogé sur plusieurs points. Oui, je confirme l’augmentation de l’enveloppe de la caisse centrale de la MSA de 15 millions à 23 millions d’euros. J’ai pu constater, dans l’Aude, la catastrophe qui a affecté près de 15 000 hectares. Je veillerai personnellement à l’application des mesures, en fonction des critères que j’avais indiqués à l’époque, afin que les coopératives et les viticulteurs qui ont subi cet aléa climatique majeur puissent passer cette période difficile.
La préfecture, le travail qui est engagé, les crédits qui ont été augmentés de près de 50 % sont là pour apporter les réponses nécessaires à cette situation. J’ajouterai les négociations qui sont en cours sur les prêts bancaires – c'est un point important – ainsi que sur la taxe sur le foncier non bâti. Bien entendu, l’ensemble du dispositif sera mis en place pour permettre une aide nécessaire et absolument légitime : les dégradations subies par ces 15 000 hectares sont en effet irréversibles pour la récolte de cette année, et les conséquences seront également lourdes pour les années suivantes compte tenu des importantes pertes de fonds.
Vous m’avez interrogé sur les moûts concentrés rectifiés, monsieur le sénateur, un débat qui date de la fameuse OCM viti-vinicole négociée en 2008-2009. Nous sommes revenus sur les droits de plantation, mais la question des moûts concentrés reste en suspens. Je me suis engagé à rouvrir le débat sur ce point avec la future Commission afin d’offrir le choix entre le saccharose et des moûts concentrés, qui sont d’ailleurs très utiles pour valoriser une partie de la production viticole.
Je suis mobilisé sur ce sujet comme je l’ai été sur celui des droits de plantation. À moi de trouver des accords et de travailler avec les autres pays européens, car je me suis engagé sur cette question.
S’agissant du contrat « vendanges », je rappellerai deux choses.
Monsieur le sénateur, nous avons décidé de supprimer les exonérations liées au contrat « vendanges », parce qu’elles sont de même nature que les exonérations de charges salariales sur les bas salaires proposées par le Gouvernement et censurées par le Conseil constitutionnel. Se substitue donc à cette disposition la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, qui vaut pour tout le monde.
Le caractère spécifique du contrat « vendanges » est maintenu, en particulier la possibilité de le cumuler avec un congé salarié ou un emploi de fonctionnaire. Seul le dispositif d’exonération des charges salariales a été supprimé.
S’agissant de la question des assurances climatiques, nous sommes obligés de travailler sur un projet global en raison de la demande légitime de la profession de pouvoir s’assurer contre les aléas climatiques. Nous avons connu de tels aléas en Gironde, en Languedoc-Roussillon… Leur intensité et leur fréquence étant de plus en plus importantes, nous devons être capables de mettre en place un système assurantiel.
Un travail – technique – est engagé avec les coopératives et les grandes banques afin de développer des produits d’assurance et de mettre en place une mutualisation. J’insiste sur ce dernier point : la mutualisation est essentielle, car si l’on demande aux personnes les plus fragiles, les plus soumises aux aléas climatiques de payer une assurance, cela ne marchera pas non plus ! Ce sera trop cher, donc impossible à mettre en œuvre ! La mutualisation est par conséquent indispensable. D’ici à la fin de l’année, nous serons en mesure de vous faire des propositions. Il s’agit d’un travail à la fois long et lourd.
J’ajouterai encore un point, monsieur le sénateur : nous enverrons à tous les parlementaires un document sur l’application du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE, filière par filière. S’agissant de la filière viticole, la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité devrait permettre d’enregistrer 60 millions d’euros d’allégements de charges supplémentaires entre 2014 et 2015, le total des allégements de charges sur le coût du travail dans la viticulture s’élevant, en 2015, à 344 millions d’euros.
Cette baisse, qui s’ajoute au maintien du dispositif des travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, les TO-DE, ainsi qu’à l’ensemble des mesures déjà prises, est un choix stratégique qui doit permettre à la viticulture de poursuivre son développement.
Le grand Languedoc-Roussillon a été exemplaire depuis quinze, vingt ans dans sa restructuration, dans sa nouvelle ambition, dans la montée en gamme des produits viticoles. Je tiens à vous dire que ces baisses du coût moyen du travail constituent une potentialité supplémentaire pour investir encore dans les choix stratégiques que la filière a faits depuis longtemps en faveur de la qualité et de l’exportation.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je remercie M. le ministre. Je savais que l’on pouvait lui faire confiance.
désertification médicale en seine-saint-denis
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 838, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
M. Gilbert Roger. Je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les nombreuses ouvertures de maisons médicales dans le département de la Seine-Saint-Denis, dont un grand nombre en zone franche urbaine, ou ZFU.
Ces structures bénéficient, pour la plupart, d’un soutien des communes, du conseil général et de l’agence régionale de santé. Elles attirent des professionnels de santé exerçant une activité libérale grâce à des loyers très modérés et des avantages en nature importants, tels que la mise à disposition de personnels de secrétariat et d’accueil, d’outils informatiques de gestion des dossiers de soins et de matériels médicaux onéreux. À cela s’ajoutent les exonérations de charges fiscales et sociales qu’offre l’implantation en zone franche urbaine.
Il est impossible, pour les centres médicaux de Seine-Saint-Denis qui ne sont pas implantés en ZFU, de résister à une telle concurrence. C’est notamment le cas du centre médical de Bondy, situé en centre-ville, que les médecins libéraux délaissent au profit de la nouvelle structure médicale de Clichy-sous-Bois, installée en zone franche urbaine.
Le seul dermatologue du cabinet de Bondy vient de donner son congé et rejoindra en octobre la maison médicale clichoise. Son non-remplacement fragilise l’équilibre du centre médical, qui reçoit en moyenne 1 200 patients par semaine. La disparition de ce centre mettrait en péril l’offre de soins aux Bondynoises et aux Bondynois.
Aussi, je souhaiterais savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de remédier à cette situation qui fragilise les communes à l’intérieur d’un même département, alors qu’elles connaissent déjà des difficultés pour attirer les professionnels de santé.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur Gilbert Roger, améliorer l’accès aux soins de proximité est l’une des priorités du Gouvernement.
Dès 2012, Mme Marisol Touraine, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin, a lancé le pacte territoire-santé.
Le soutien à l’exercice regroupé à travers les maisons de santé pluri-professionnelles ou les centres de santé est donc l’un des éléments clés de la lutte contre les déserts médicaux – le terme « désert » n’étant, en l’espèce, pas contradictoire avec l’existence d’une forte densité de population – menée dans le cadre de ce pacte.
Ces structures répondent aux aspirations des professionnels de santé, qui souhaitent désormais travailler autrement : ils ne veulent plus être isolés, mais exercer ensemble, et veulent pouvoir proposer à leurs patients une prise en charge coordonnée et continue.
Ces structures répondent aussi à l’évolution des besoins de la population qui ont changé sous l’effet conjugué du développement des pathologies chroniques et du vieillissement : il faut être en mesure de proposer une prise en charge au long cours incluant, par exemple, davantage de prévention.
Les premiers éléments de bilan du pacte montrent bien qu’une nouvelle dynamique est lancée. Les projets d’exercice coordonné sont en plein essor, confirmant ainsi qu’ils répondent aux attentes des professionnels de santé : entre 2012 et 2013, le nombre de maisons de santé pluri-professionnelles a plus que doublé, passant de 174 à 370 ; en 2014, on devrait en compter plus de 600.
Sous l’impulsion de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, une négociation entre l’assurance maladie et les représentants des professionnels de santé est en cours. Elle doit permettre de mettre en place une rémunération d’équipe, adaptée à ces nouvelles organisations.
Dans le département de la Seine-Saint-Denis, quatre projets de maisons de santé pluri-professionnelles – à Clichy-sous-Bois, Drancy, Épinay et Pierrefitte – ont été financés par l’agence régionale de santé, et seule la maison de santé de Clichy-sous-Bois est située en ZFU.
La collaboration entre ces structures et les cabinets de ville est envisageable. La possibilité pour certains spécialistes d’effectuer des consultations en dehors de leur lieu habituel d’exercice est autorisée L’agence régionale de santé est à la disposition des professionnels et des structures pour envisager des solutions localement adaptées aux difficultés de toutes sortes et pour prévenir d’éventuels effets de relocalisation non désirée des professionnels de santé.
L’attention de l’agence régionale de santé d’Île-de-France a été attirée spécifiquement sur l’effet d’attraction instauré par la maison de santé implantée en ZFU et le risque de fragilisation de l’offre de soins de Bondy qui en résulte.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse ; je note cependant que, au fond, on déshabille Pierre pour habiller Paul !
Si des efforts sont nécessaires pour Clichy-sous-Bois, ville que je connais bien, la suppression de services dans la ville de Bondy, située à quelques kilomètres de là et tout aussi fragile, n’est à mon avis pas une bonne solution.
prise en charge des hépatites b et c
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, auteur de la question n° 848, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’hépatite B et l’hépatite C sont reconnues de longue date en France comme une priorité de santé publique et ont fait l’objet, depuis 1999, de trois plans nationaux, concernant aussi bien la prévention que la prise en charge et la recherche.
Les hépatites représentent un problème majeur de santé publique, avec plus de 500 000 personnes touchées en France et près de 4 000 décès chaque année.
La lutte contre ces pathologies a récemment connu une révolution avec l’arrivée de traitements beaucoup mieux tolérés, permettant des taux de guérison spectaculaires.
Toutefois, les prix annoncés par les laboratoires, en particulier Gilead, sont prohibitifs : de 60 000 à 80 000 euros pour une cure de trois mois !
De nombreuses associations s’inquiètent donc de l’accès équitable à ce traitement et craignent que cela n’entraîne une perte d’espérance de vie, la survenue de complications et d’incapacités liées à la maladie ou encore le recours à des traitements moins coûteux, mais moins efficaces, ce qui est d’autant plus regrettable que l’arrivée de nouveaux traitements beaucoup plus efficaces et dont les effets secondaires sont nettement moindres laisse entrevoir la possibilité d’éradiquer cette épidémie.
Madame la secrétaire d’État, je sais que le Gouvernement est en pleine négociation avec le laboratoire en question et que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 prévoit un mécanisme d’urgence spécifique sur ce cas précis.
Pouvez-vous nous garantir que tous les malades de l’hépatite C, et pas seulement les cas les plus graves, auront accès à ce traitement ?
Et puisque nous risquons d’être de plus en plus souvent confrontés à ce genre de situation pour d’autres pathologies et d’autres traitements de pointe très coûteux, quel système pérenne, à long terme, comptez-vous mettre en place pour éviter que les cas de ce genre ne se multiplient ?
Enfin, quelle place souhaitez-vous laisser aux personnes infectées et malades qui souhaitent être associées aux discussions et aux négociations, notamment dans les différents groupes de travail, en particulier ministériels ou interministériels, ainsi qu’au sein du Comité économique des produits de santé, le CEPS ?