compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Colette Mélot,

M. Claude Haut.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 16 octobre 2014 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président. Par lettres en date du 17 octobre 2014, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte de trois décisions, rendues le même jour, par lesquelles le Conseil constitutionnel, s’agissant des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 septembre 2014, a rejeté une requête présentée dans le département des Alpes-Maritimes et deux requêtes présentées dans le département du Bas-Rhin.

Acte est donné de ces communications.

3

Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 16 octobre prennent effet.

4

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

5

Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du vendredi 17 octobre 2014, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 231-1 à L. 231-4 du code du tourisme, dans leur version issue de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques (exploitation de voitures de tourisme avec chauffeur) (n° 2014-422 QPC).

Acte est donné de cette communication.

6

Dépôt de documents

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, d’une part, l’avenant n° 1 à la convention du 19 août 2013 entre l’État et l’Agence de services et de paiement relative au programme d’investissements d’avenir, action « Rénovation thermique des logements privés – prime exceptionnelle », et, d’autre part, la convention entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d’investissements d’avenir, action « Fonds national d’innovation – Culture de l’innovation et de l’entrepreneuriat ».

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Ils ont été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission des affaires économiques.

7

Renvoi pour avis multiple

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la simplification de la vie des entreprises (n° 771, 2013-2014), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales, à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, et à la commission des finances.

8

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

validité des plans locaux d'urbanisme après un changement de schéma de cohérence territoriale

M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n° 865, adressée à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

M. Dominique Bailly. Madame la ministre, j’ai souhaité, ce matin, attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des plans locaux d’urbanisme, les PLU, en cas de changement de schéma de cohérence territoriale, le SCOT.

En effet, les plans locaux d’urbanisme, établis par les communes, doivent répondre à des contraintes imposées par des documents de rang supérieur. Ainsi, le schéma de cohérence territoriale fait partie des documents qui sont opposables au PLU.

Or la réforme territoriale a amené certaines communes à dépendre d’un autre SCOT. Par exemple, dans le Nord, plus particulièrement dans le Douaisis, territoire que je connais bien, plusieurs communes ont quitté le syndicat du SCOT du Grand Douaisis pour rejoindre, à travers une nouvelle intercommunalité, le SCOT de Lille Métropole. Toutefois, ce dernier n’est pas formalisé – ni, a fortiori, validé – à ce jour.

Aussi, je souhaite connaître l’avis du ministère quant à la validité des plans locaux d’urbanisme, dès lors que le SCOT qui a présidé à leur établissement n’est plus celui auquel la commune est rattachée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la validité des plans locaux d’urbanisme en cas de changement de schéma de cohérence territoriale.

Le SCOT est l’outil de conception et de mise en œuvre d’une planification stratégique intercommunale, à l’échelle d’un large bassin de vie ou d’une aire urbaine. Il a remplacé le schéma directeur, en application de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU ». Il est destiné à servir de cadre de référence pour les différentes politiques sectorielles, notamment celles qui sont centrées sur les questions d’organisation de l’espace, d’urbanisme, d’habitat, de mobilité, d’aménagement commercial ou encore d’environnement. Comme son nom l’indique, il assure la cohérence de ces différentes politiques, tout comme il assure la cohérence des documents sectoriels que sont les plans locaux d’urbanisme, que ces derniers soient établis au niveau communal ou au niveau intercommunal, les programmes locaux de l’habitat et les plans de déplacements urbains.

L’adhésion à une collectivité couverte par un SCOT ne remet pas en cause le PLU. La commune concernée se trouve alors dans une zone de transition, aussi appelée « zone blanche », c’est-à-dire non couverte par un SCOT. Le syndicat qui porte le SCOT devra alors faire évoluer son document au plus tard dans les six ans après l’adhésion de la commune, afin de couvrir cette dernière.

Dans le cas où un SCOT existe, la commune, même si elle se trouve dans ce que je viens d’appeler une « zone blanche », sera soumise à la règle d’urbanisation limitée. Cette règle vise à limiter l’étalement urbain et à encourager la mise en cohérence des projets de territoires portés par les communes et les communautés sur un même bassin de vie ou sur une même aire urbaine. Sauf si une dérogation est accordée par le préfet, après avis du président de l’établissement public du SCOT, la commune ne pourra donc pas ouvrir à l’urbanisation les zones classées en « espaces à urbaniser » après le 1er juillet 2002. Elle ne pourra pas non plus ouvrir à l’urbanisation les zones agricoles ou naturelles.

En revanche, si la commune rejoint un territoire sans SCOT, elle n’est pas soumise à la règle de l’urbanisation limitée.

Dans le cas précis que vous évoquez, monsieur le sénateur, le fait que le SCOT soit en cours d’élaboration n’a pas de conséquence sur le PLU des communes : l’absence de SCOT au moment de l’adhésion implique que la règle de constructibilité limitée ne s’applique pas.

Toutefois, dans la mesure où l’élaboration du SCOT de Lille Métropole vient d’être lancée, il semble opportun de prendre une nouvelle délibération sur l’ensemble du territoire, afin de couvrir toutes les communes concernées et d’assurer une stratégie de développement cohérente.

M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly, sur ce sujet qui paraît un peu compliqué !

M. Dominique Bailly. Monsieur le président, ce sujet paraît un peu compliqué, mais cela correspond à ce que nous vivons sur le terrain !

La nature humaine étant ainsi faite, la phase transitoire que nous avons évoquée peut faire naître des contentieux, susceptibles de mettre en péril de beaux projets de construction – de logements ou autres.

Dans ces conditions, madame la ministre, je vous remercie de vos précisions. Il était important que cette phase fût bien cadrée, et c’est ce que vous venez de faire. Il importe également que la communication fonctionne bien et que l’information soit diffusée à tous les élus locaux. Pour ma part, je transmettrai votre réponse au président du syndicat qui assure la gestion de notre nouvelle intercommunalité.

avenir des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, auteur de la question n° 887, adressée à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

M. Jean-Jacques Filleul. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’avenir des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, les CAUE, et plus particulièrement sur le dispositif de taxation des opérations d’aménagement et de construction, entré en vigueur le 1er mars 2012. La taxe d’aménagement est venue remplacer plusieurs taxes d’urbanisme antérieures, dont la taxe départementale des espaces naturels sensibles et la taxe départementale destinée au financement des CAUE.

Les départements ont voté un taux pour cette nouvelle taxe, celle-ci étant assortie d’une nouvelle clé de répartition de son produit entre actions en faveur des espaces naturels sensibles, d’une part, et activité des CAUE, d’autre part. En Indre-et-Loire, la part départementale de la taxe d’aménagement s’élève à 1,6 %.

Or, depuis la mise en application de cette taxe, le recouvrement de cette dernière connaît de graves dysfonctionnements. Dans les faits, les produits escomptés ne se sont pas concrétisés. En effet, les sommes réellement encaissées ne sont pas en rapport avec les prévisions établies par la direction départementale des territoires. Comme vous le savez sans doute, madame la ministre, le circuit de recouvrement est complexe, et il semblerait que le logiciel assurant le calcul de la taxe ne fonctionne pas correctement – cette information demeure à vérifier. Cette situation suscite des difficultés, tant pour l’élaboration des budgets prévisionnels que pour la gestion quotidienne des structures.

Ayant pour objet la promotion de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement, les CAUE assument une mission de service public dans les domaines du conseil, notamment auprès des collectivités territoriales, de l’information, de la formation ainsi qu’en termes de sensibilisation et d’aide à la décision pour les particuliers. Le rôle économique des CAUE et la force de leur lien institutionnel avec les territoires ne sont pas à prouver, car ce sont des outils qui ont montré leur efficacité.

Or nombre d’entre eux sont aujourd’hui dans l’impasse – je ne suis pas le seul parlementaire à avoir interrogé le Gouvernement à leur sujet –, étant obligés de recourir à l’emprunt pour maintenir les équipes techniques en place.

Pour ce qui me concerne, je suis interpellé par M. le président du CAUE d’Indre-et-Loire, qui me décrit la situation de son conseil comme étant préoccupante. Ce CAUE serait, lui aussi, dans l’impasse, d’autant que ses ressources diminuent tandis que les charges qu’il doit assumer sont difficilement compressibles, au regard de l’effectif réduit.

En conséquence, madame la ministre, comment le ministère analyse-t-il la situation des CAUE en général, particulièrement celui de mon département de l’Indre-et-Loire ? Quelles mesures seront prises afin de compenser le retard important du recouvrement de la taxe d’aménagement et quelles dispositions peuvent être mises en place pour pérenniser l’existence des CAUE ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur la situation financière des conseils d’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement, les CAUE, à la suite de difficultés rencontrées par certaines de ces structures du fait de la mise en œuvre de la réforme de la fiscalité de l’urbanisme.

Je rappelle que la mise en œuvre de cette réforme, entrée en vigueur le 1er mars 2012, s’est accompagnée du raccordement de deux plateformes différentes utilisées par mes services pour l’émission des titres à destination des redevables.

Comme vous l’avez rappelé, malgré l’anticipation, le chantier a connu des difficultés techniques, qui ont repoussé de deux mois l’émission des titres de recettes, initialement prévue pour le mois de mai 2013.

Toutefois, depuis la mi-juillet 2013, les difficultés ont été levées et les premiers titres ont été émis : à ce jour, plus de 660 000 factures et avoirs ont d’ores et déjà été pris en charge dans la nouvelle interface utilisée, dénommée « CHORUS », pour un montant d’un peu plus de 1 milliard d’euros.

En Indre-et-Loire, les services de la direction départementale des territoires, la DDT, ont pu liquider les dossiers d’autorisations d’urbanisme jusqu’au 31 août 2014. Ainsi, au 15 octobre 2014, plus de 1 000 000 euros ont été recouvrés pour le conseil général, au titre de la part départementale de la taxe d’aménagement. Je rappelle que celle-ci permet, en effet, de financer à la fois la politique des espaces naturels sensibles et les CAUE.

En outre, les prises en charge réalisées par la direction générale des finances publiques, la DGFIP, pour toute la part de la taxe d’aménagement du département d’Indre-et-Loire atteignent près de 500 000 euros au titre de l’année 2013 et plus de 1,6 million d’euros au titre de l’année 2014.

Par ailleurs, la réforme de la fiscalité de l’urbanisme a aussi modifié les délais d’émission des titres de recettes afférant à la part départementale de la taxe d’aménagement. Cela a eu pour conséquence, dans certains cas, de diminuer les sommes à percevoir par les CAUE en 2013. Cette situation, due à la période de transition nécessaire pour appliquer la réforme, ne devrait plus se produire dans les années à venir.

Je précise enfin, monsieur le sénateur, que le délai d’émission du titre de recettes ne doit pas être confondu avec le délai effectif de reversement aux départements, ce dernier intervenant environ huit semaines après.

Tels sont les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter ce matin.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Je tiens à remercier Mme la ministre des précisions qu’elle a apportées, notamment sur le cas particulier du département d’Indre-et-Loire. C’était bien le sujet principal de ma question, même si j’ai choisi d’aborder le problème des CAUE sous l’angle général.

Ces précisions sont importantes, et j’espère que les avancées évoquées ici seront suffisantes pour permettre au CAUE d’Indre-et-Loire de poursuivre sa mission. Vous savez bien, mes chers collègues, à quel point le rôle des CAUE est essentiel, en particulier en matière de projets d’urbanisme individuels. On voit parfois tant d’horreurs qu’on ne peut douter de son éminence !

J’espère donc, madame la ministre, que le président du CAUE 37 sera satisfait des réponses que vous nous avez fournies.

embargo russe sur les produits alimentaires européens

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 852, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les effets de l’embargo russe sur les prix agricoles.

Décidé au début du mois d’août par la Russie, en réaction aux décisions politiques de l’Union européenne concernant la situation en Ukraine, cet embargo d’un an sur les produits alimentaires européens touche particulièrement les filières françaises des viandes porcines et bovines, mais aussi les filières de production de pommes de terre, fruits et légumes frais.

Les produits concernés représentent une valeur de 244 millions d’euros, soit un tiers des exportations agroalimentaires envoyées à la Russie.

Or, la filière porcine était déjà fortement impactée par la décision de la Russie de suspendre, dès janvier 2014, ses importations de viande de porc en provenance de l’Union européenne, en raison de deux cas de peste porcine africaine détectée sur des sangliers en Lituanie.

La chute des cours du porc en France depuis le début de ce premier embargo se traduisait, selon Inaporc, par une perte de plus de 10 millions d’euros par semaine pour les éleveurs et les entreprises d’abattage et de découpe. La situation ne fait qu’empirer du fait du second embargo décidé récemment.

Autre exemple, l’Union européenne exportant vers la Russie 5,7 % de sa production en fromage et 9 % de sa production en beurre, un simple excédent de marchandises déstabilise rapidement l’ensemble de la filière laitière, avec des conséquences très graves sur les prix de l’ensemble des produits laitiers.

Enfin, les producteurs de fruits et légumes doivent faire face depuis quelques semaines à des importations massives, notamment espagnoles et polonaises, de stocks très importants, écoulés à prix bradés sur le marché français.

Déjà durement touchés par la crise et par des perturbations climatiques fortes, les agriculteurs sont en droit d’obtenir une compensation à une décision unilatérale, dont ils sont les premières victimes.

Une première enveloppe d’aide de 200 millions d’euros avait été dégagée pour soutenir les cours des fruits et légumes et des produits laitiers. Mais des problèmes ont été rencontrés au niveau de sa répartition, du fait des surenchères de deux pays, à savoir la Pologne et l’Italie, en matière de demandes d’indemnisation. En conséquence, le premier dispositif de soutien au secteur maraîcher a été suspendu et il a été mis un terme aux mesures de soutien aux producteurs de fromage.

Ce 30 septembre, une autre enveloppe de 165 millions d’euros aurait été débloquée pour douze pays.

Pour éviter un désastre économique, il va sans dire que ces enveloppes sont bienvenues ! Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer les sommes dévolues aux agriculteurs français et leur ventilation, mais aussi les éventuelles contraintes qui y seraient liées.

Je tiens aussi à mentionner l’inquiétude de certains qui, parallèlement, craignent une éventuelle ponction sur le budget de la politique agricole commune, la PAC. Ainsi, pouvez-vous nous préciser où cette somme de 365 millions d’euros a été prélevée ?

Si, comme certains l’annoncent, elle l’a été sur la réserve de crise spécifique prévue dans le cadre de la PAC, cette ponction risque de pratiquement vider ladite réserve, dotée à ce jour de 432 millions d’euros ! Ne resteraient donc que 88 millions d’euros pour pallier une autre crise agricole éventuelle, les perturbations climatiques que nous connaissons tous, entre autres facteurs, pouvant faire craindre le déclenchement d’une telle crise.

En outre, d’autres échos venant de Bruxelles nous font redouter des ponctions sur la réserve dite des « recettes additionnelles », d’environ 450 millions d’euros actuellement et destinées au financement de la PAC, vers les dossiers d’urgence humanitaire, tels que ceux de la Syrie ou du virus Ebola.

Il n’est bien sûr pas question de sous-estimer l’urgence de certains dossiers, en particulier les dossiers concernant des épidémies ou des conflits que l’Europe non seulement ne peut pas ignorer, mais se doit d’accompagner. Toutefois, monsieur le ministre, pouvez-vous également nous rassurer sur cet autre aspect ? Le budget de la PAC doit être essentiellement consacré à l’agriculture et ne peut servir de « ballon d’oxygène » face aux conséquences financières des déséquilibres commerciaux engendrés par les sanctions que l’Occident a prises pour répondre aux ingérences russes en Ukraine.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Sachez tout d’abord, monsieur le sénateur, que je partage l’ensemble de votre analyse.

Effectivement, l’embargo russe a un impact sur la production agricole et agroalimentaire de l’Europe et de notre pays. Dès l’été, après avoir pris contact avec ma collègue espagnole pour tenter de gérer une crise sur les pêches et les nectarines, puis avec mes homologues polonais et allemands pour définir une stratégie commune à l’échelle européenne, j’ai salué la réaction relativement rapide de la Commission européenne et le déblocage des fonds mentionnés dans votre intervention.

Mais, très vite, nous avons connu les difficultés habituelles. J’avais bien indiqué, au moment du Conseil extraordinaire des ministres de l’agriculture de l’Union européenne, organisé au début du mois de septembre, que, si des mesures devaient être mises en œuvre, elles devaient être coordonnées et cohérentes à l’échelle européenne. Prenons l’exemple des pommes : la question des volumes de pommes précédemment exportés de la Pologne vers la Russie – 700 000 tonnes – n’est pas le seul problème des Polonais, car ces marchandises se retrouvent désormais sur notre marché intérieur. L’enjeu est donc bien celui de la cohérence.

Au-delà même des enveloppes financières, si nous commençons, les uns et les autres, à vouloir régler chacun nos problèmes sans penser à la nécessaire gestion collective du marché, nous en reviendrons immanquablement à ce qu’il s’est passé dernièrement : deux pays ont été au-delà des limites raisonnables pour éviter la chute des prix sur le marché et la Commission a mis un terme à son dispositif.

Aujourd'hui, les fonds commencent à être distribués, au travers de trois outils principaux : le retrait de production en cas de situation excédentaire, le soutien à la promotion commerciale pour accroître et soutenir la consommation, le soutien aux exportations.

Ce que je cherche à faire – et c’est le véritable problème que nous rencontrons, monsieur le sénateur –, c’est à accorder à chaque pays une souplesse beaucoup plus grande au niveau de la gestion des retraits, en particulier des prix de retrait, ce qui implique de donner plus de pouvoir aux organisations professionnelles afin de permettre les ajustements nécessaires. Cette gestion ne peut être identique partout en Europe ! Que ce soit au niveau des filières porcine et bovine ou du secteur des fruits et légumes, les situations peuvent être différentes et des produits affectés de manière indirecte peuvent être plus touchés par les problèmes liés à l’embargo russe que certains produits directement concernés.

Enfin, comme vous l’avez indiqué, se pose une question budgétaire. La proposition de la Commission portait initialement sur le recours à des marges de gestion, mais cette solution a été remise en cause, au sein même de la Commission, par la direction générale du budget.

La question soulève un vrai débat.

L’embargo a été décidé par la Russie à la suite des sanctions prises par l’Union européenne à son encontre. Je ne reviens pas sur la situation géopolitique, qui est connue de tous. À cet égard, je n’espère qu’une chose, que l’on se dirige vers une solution politique, permettant de sortir de cette crise ayant un fort impact, y compris sur la croissance de la zone euro.

En conséquence, je ne suis pas d’accord avec l’idée consistant à gérer cet embargo, non pas avec les marges budgétaires qui étaient disponibles pour le faire, mais avec le fonds de gestion de crise. Ce fonds de 430 millions d’euros est en partie pris sur le premier pilier de la PAC. Si un problème survient demain, alors que nous l’avons consommé pour régler les conséquences de l’embargo russe, nous risquons d’avoir de vrais soucis !

Une discussion est donc en cours sur le sujet. Dans le même temps, la Commission nous explique qu’il faut gérer les problèmes liés au virus Ebola, aux grandes crises géostratégiques, mais aussi, semble-t-il – je cherche à vérifier ce point –, aux fonds de cohésion. Comme, en outre, les États ne veulent pas augmenter leur contribution budgétaire, la situation est très difficile.

C’est pourquoi je pense sincèrement qu’il nous faut nous coordonner – je retourne en Espagne samedi prochain – et faire preuve de cohérence. Chacun doit cesser de chercher à tirer le maximum de la situation, immédiatement et sans se préoccuper de la cohérence générale, et il faut accroître la subsidiarité.

Telle est la ligne que nous suivons et allons suivre, et selon laquelle je procéderai dans les semaines à venir pour tenter de régler ce problème spécifique de l’embargo russe.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie de ces explications, monsieur le ministre. Nous partageons effectivement la même analyse. Je reste néanmoins inquiet quant aux affectations du budget de la PAC. Vous avez avancé quelques pistes de travail et nous ne pouvons que vous encourager à poursuivre dans ce sens, afin de sauver ce modèle de cohésion qui existe au niveau de l’agriculture européenne.

modification de la directive « nitrates » par l'extension des zones vulnérables « nitrates »

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, auteur de la question n° 874, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Mme Anne Emery-Dumas. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le document de communication émanant de la Commission européenne et prévoyant une modification de la directive européenne 91/676/CEE, aussi appelée directive « Nitrates », par l’extension des zones vulnérables « nitrates ».

Cette directive se traduit par la création de zones vulnérables, dans lesquelles des pratiques agricoles particulières sont imposées pour éviter les risques de pollution.

La révision annoncée aura des conséquences très importantes dans le département de la Nièvre, dans un contexte économique et social déjà très dégradé, notamment du fait de la baisse des cours du broutard subie par nos éleveurs, de moissons de faible qualité, d’un déficit fourrager et, évidemment, de l’impact de la politique agricole commune pour la période allant de 2014 à 2020. Ainsi, quatre-vingts nouvelles communes du département, au moins, devraient être concernées, sur des territoires où l’élevage allaitant extensif charolais prédomine.

Il a déjà été possible d’observer, en particulier depuis 2012, date de la précédente vague d’obligations d’aménagement de bâtiments d’élevage liées à l’application de la directive, que de nombreuses zones nivernaises traditionnellement consacrées à l’élevage allaitant délaissent cette activité.

Les nouvelles contraintes consécutives à un classement en zone vulnérable risquent de renforcer cette dynamique de reconversion vers des activités de grande culture, fragilisant un peu plus la filière de l’élevage allaitant ; mais c’est aussi en complète contradiction avec les dispositions du projet agricole départemental qui vient d’être adopté pour la période 2014-2020 et vise à conforter l’élevage par la création de valeur ajoutée supplémentaire.

L’approche normative de Bruxelles a largement montré ses limites. Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, s’il est possible que le Gouvernement fasse conduire de nouvelles études scientifiques, afin de mettre la révision de la directive à l’ordre du jour de l’agenda européen, et que, dans l’attente, soit proposé un calendrier, réaliste et soutenable sur plusieurs années, de mise en œuvre des nouvelles contraintes européennes, notamment quant au stockage des effluents d’élevage.