Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord, puisque l’occasion m’en est donnée, de rendre un hommage appuyé à notre collègue Marie-Christine Blandin, à laquelle je succède et qui a présidé pendant trois ans notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Je tiens à saluer son implication, sa disponibilité et son souci permanent de faire vivre le débat au sein de notre commission ; la préparation de ce projet de loi en est un bon exemple. Je veux également souligner sa volonté d’associer tous les membres de cette commission au travail législatif. Tout cela constituera pour moi un modèle à suivre.
Monsieur le ministre, le projet de loi qui est examiné aujourd’hui par le Sénat issu des élections du 28 septembre dernier a d’abord été étudié par notre commission de la culture, en juillet dernier, dans une autre configuration. Il s’agit, comme cela vient d’être rappelé, d’un texte important, puisqu’il vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine de la loi, afin d’assurer le respect dans le droit interne des principes du nouveau code mondial antidopage.
Comme vient de nous le rappeler notre rapporteur, il y avait une certaine urgence à légiférer, pour des raisons non pas tant juridiques que sportives, puisque la France devrait accueillir prochainement le Comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage. Il était bien sûr important que nous montrions l’exemple ; c’est tout le sens de cette première lecture au Sénat, et nous partageons cet objectif.
Si nous devons légiférer dans l’urgence, c’est aussi parce que le Gouvernement a renoncé, jusqu’à présent, à déposer au Parlement un véritable projet de loi d’orientation sur le sport. Maintes fois annoncé depuis 2012, ce texte aurait permis de traiter de nombreux aspects de notre politique de lutte contre le dopage au-delà du périmètre, par nature limité, de la transposition en droit français du nouveau code mondial antidopage. Permettez-moi, monsieur le ministre, de regretter cette occasion manquée.
Je ne reviendrai pas sur la présentation que vient de faire le rapporteur, notre collègue Jean-Jacques Lozach, des conclusions auxquelles nous sommes arrivés. Je souhaite plutôt évoquer les conditions dans lesquelles nous avons travaillé, ainsi que l’état d’esprit qui est le nôtre en ce début de session et auquel nous resterons fidèles à l’avenir.
Le rôle du Sénat est d’abord d’être un bon législateur, et nous serons attentifs à examiner les projets de loi en ayant comme seule boussole l’intérêt général et la constance dans la défense de nos principes.
En l’espèce, vous savez que le Sénat a toujours été très engagé dans la lutte contre le dopage, qui doit constituer pour nous une priorité. Nous ne changerons pas d’avis à l’avenir et vous pouvez compter sur les sénateurs afin de vous apporter tout le soutien nécessaire pour continuer à renforcer, à la fois, les outils juridiques et les moyens à la disposition des services compétents pour défendre l’honneur et la vérité du sport.
En contrepartie – si j’ose dire, monsieur le ministre ! –, nous espérons également que vous serez attentif à accorder toute l’attention qu’ils méritent aux travaux du Sénat. Je pense en particulier à ceux de la commission d’enquête sur le dopage dont Jean-Jacques Lozach était le rapporteur et Jean-François Humbert le président. Celle-ci a rendu en juillet 2013 un rapport très remarqué, assorti de nombreuses propositions qui, pour l’essentiel, restent encore à mettre en application.
Nous formons le vœu que les travaux du Sénat, qui illustrent la diversité politique de notre assemblée, mais également des convictions partagées, puissent être mieux pris en compte par le Gouvernement. En effet, c’est essentiel pour que le bicamérisme demeure une force pour nos institutions.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Concernant le sport, le Sénat est convaincu qu’il s’agit à la fois d’un secteur d’excellence, dans lequel notre pays doit investir davantage en se dotant d’un modèle économique adapté, et d’une activité porteuse de valeurs et d’exemplarité qu’il convient de défendre.
Vous le savez, mes chers collègues, il n’est jamais facile pour le Parlement de se dessaisir de son pouvoir législatif pour le confier, même temporairement, au Gouvernement, et ce d’autant plus que cette ordonnance devrait comporter des dispositions qui ne seront pas sans conséquence sur l’exercice de certaines libertés publiques, un domaine dans lequel le Sénat considère avoir une responsabilité particulière.
Toutefois, il nous a semblé que la qualité de nos échanges sur ce texte dans le cadre de la préparation de son examen en commission, comme le souci qui est le nôtre de travailler avec vous de manière intelligente, justifiait que le Sénat adopte ce projet de loi.
À cet égard, je souhaite remercier notre rapporteur d’avoir veillé à ce que le Gouvernement s’engage sur les garanties que nous souhaitions que l’ordonnance comporte pour être pleinement conforme aux principes de notre droit. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de saluer les nouveaux venus dans cet hémicycle, notamment ceux que nous voyons pour la première fois.
Par ailleurs, qu’il me soit permis de souligner ce que d’autres rappelleront sans doute après moi et qui a été anticipé par M. le ministre : les parlementaires n’aiment pas se dessaisir d’une de leurs deux prérogatives... C’est humain ! Néanmoins, si la forme de ce texte laisse à désirer, le fond nous convient, et il y a urgence à agir.
Le dopage est une pratique qui n’est plus admissible. Le sport professionnel doit être clean, sans dopage ni dopés. Les progrès de la chimie et des techniques modernes permettent de mettre en place des systèmes de plus en plus inventifs et nocifs pour la santé, et ce dans tous les pays.
La France se félicite souvent – à tort ou à raison – d’être précurseur dans la lutte contre le dopage. Il nous semble important ici de souligner à quel point les pratiques de dopage sont également liées à des pratiques et des économies mafieuses, via un usage détourné des médicaments et de la prescription médicale.
Aujourd’hui, la France ne relâche pas ses efforts et met tout en œuvre pour harmoniser les pratiques de lutte et les sanctions et mieux riposter face au dopage. C’est bien, mais, monsieur le ministre, il faut que les actes suivent, tout comme les moyens, notamment budgétaires. Il ne faut pas non plus oublier la prévention, ce qui est beaucoup plus compliqué.
Les règles de droit doivent pouvoir constamment s’adapter aux nouvelles pratiques du dopage, tout en respectant notre État de droit, comme l’a fort bien rappelé Mme la présidente de la commission.
Un point essentiel a retenu notre attention aujourd'hui : la question de l’harmonisation.
Si nous nous félicitons de la volonté d’harmonisation dont témoigne ce texte, quelles que soient les entités de lutte contre le dopage – les moyens de lutte, l’harmonisation des sanctions, la meilleure circulation des informations, la question des preuves, celle des échantillons, etc. –, nous notons également que la coopération entre les pays est extrêmement importante pour agir. En effet, le dopage ne connaît pas de frontières et utilise des réseaux qui couvrent différents pays.
Comme l’a souligné M. le rapporteur à l’instant, l’action en amont, c'est-à-dire la prévention, constitue un véritable enjeu. Elle commence selon nous dès le plus jeune âge, à l’école, dans les pratiques des clubs ou dans celles de l’Union nationale du sport scolaire, l’UNSS.
La pratique du dopage, si elle doit sans aucun doute être combattue, doit également remettre en question le modèle économique et social dans lequel évoluent nos sportifs, qu’ils soient professionnels ou amateurs. C’est peut-être la zone grise de ce texte.
En effet, s’il est clair que le dopage est essentiellement pratiqué en milieu professionnel, hélas ! on ne peut nier son existence – moindre, mais réelle – dans le sport amateur. Là aussi, nous sommes tous soumis à des injonctions contradictoires, puisque nous sommes prompts à nous précipiter dans les stades pour assister à des événements sportifs. On peut donc se demander si notre attitude en tant que spectateurs n’est pas un encouragement à des pratiques de dopage.
Pour le dire autrement, l’industrialisation depuis quelques années de l’économie du sport, qui attend toujours plus, toujours plus loin, qui enchaîne à un rythme effréné les compétitions, est une cause non excusable, mais très importante du dopage : on attend toujours plus de chaque sportif, essentiellement pour des raisons financières. Se posent donc en creux la question des droits de télévision et celle des paris sportifs, entre autres.
Très paradoxalement, le sport, élément de santé publique, devient destructeur pour la santé des sportifs dopés, pour les proches et les encadrants qui, hélas ! sont parfois complices de ce dopage. S’ensuivent des addictions, des conséquences médicales désastreuses, des dépendances médicamenteuses, dans certains cas même des suicides, ainsi que le suggère l’excellent rapport qui a déjà été cité.
Le dopage n’est pas simplement le jeu de quelques personnes qui veulent augmenter leurs performances. Il est le résultat d’un système économique dans lequel nous sommes tous collectivement un peu responsables.
C’est d’ailleurs peut-être le maillon faible de ce texte. S’il reconnaît que le dopage est une pratique qui ruine les fondements effectifs et symboliques du sport, ce projet de loi ne parviendra peut-être pas à enrayer les pratiques mafieuses, dont l’économie souterraine est extrêmement développée et protégée et qu’il n’est peut-être pas si simple de dénoncer.
Tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il faut sortir du dopage que connaissent les sportifs de haut niveau. C’est pourtant peut-être un aboutissement de notre économie de la concurrence et de la compétitivité où, pour tenir, certains se dopent. Cela concerne, bien au-delà du sport, la vie économique, parfois la vie des spectacles, quelquefois même la vie tout court. C’est pourquoi nous espérons que ce texte permettra la mise en place d’armes plus efficaces pour lutter contre le dopage.
Par conséquent, même s’il partage les inquiétudes formulées par Mme la présidente de la commission et par M. le rapporteur, le groupe écologiste votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre », disait Pierre de Coubertin. Cette vision émancipatrice du sport et des valeurs humanistes qu’il véhicule, nous la partageons. Pourtant, nous en sommes loin aujourd’hui.
L’argent a envahi le sport, le transformant en un spectacle et en une marchandise. La pression médiatique, les enjeux financiers, les calendriers sportifs toujours plus chargés, font des sportifs les victimes d’une surcompétition inhumaine, qui prend le pas sur le sport lui-même. Le sport financiarisé a ainsi perdu sa dimension éthique et généralisé le recours à la tricherie et au dopage.
Véritable problème de santé publique, le dopage est un fléau, contre lequel il faut lutter bien sûr, mais qu’il faut également prévenir. Pour ce faire, c’est en faveur d’une inflexion du fonctionnement et de la conception du sport lui-même qu’il faudrait œuvrer, sans se limiter à la sanction de la pratique répréhensible que constitue le dopage.
Nous avons toujours considéré ce problème avec la plus grande attention, puisque c’est bien la loi Buffet de 1998 qui a alors engagé la lutte contre le dopage...
M. Jean-Louis Carrère. C’est exact !
Mme Christine Prunaud. ... et ouvert la voie à une réflexion internationale débouchant sur la création de l’Agence mondiale antidopage et la création d’un code mondial antidopage.
Quinze ans plus tard, nous constatons que le dopage reste une pratique répandue et que la lutte engagée contre lui n’a pas pleinement porté ses fruits, malgré les progrès que nous avons pu noter. Il est donc important de renforcer les moyens engagés dans cette bataille, pour que, enfin, cette pratique recule significativement.
Nous ne sommes pas opposés au fond à ce projet de loi présenté aujourd’hui par le Gouvernement, puisqu’il transpose en droit français les actualisations du code mondial antidopage opérées depuis 2007.
Je n’entrerai pas dans le détail des dispositions prévues par ce « nouveau » code mondial : elles renforcent les moyens de la lutte contre cette pratique, entre autres en augmentant le délai de prescription, par exemple, ce qui permettra aux enquêtes souvent longues d’aboutir, en augmentant les périodes de suspension pour les tricheurs, mais aussi en prenant mieux en compte les principes de proportionnalité et des droits de l’homme dans la publicité des violations des règles antidopage.
Cependant, nous émettons plusieurs réserves concernant ce projet de loi.
La première d’entre elles concerne le caractère inconstitutionnel de certaines mesures prévues dans le code mondial antidopage : violations du principe d’individualisation des peines ou du droit au respect de la vie privée et du domicile, par exemple.
Certes, le Gouvernement affirme qu’il suivra les recommandations du Conseil d’État, qui préconise des adaptations pour rendre la transposition en droit français du code mondial antidopage conforme à la Constitution. Cependant, nous sommes contraints d’en rester aux déclarations de M. le ministre et ne pouvons en avoir la certitude.
En effet, la forme que prend ce projet de loi ne nous permet pas d’en avoir la garantie. Il s’agit d’une habilitation autorisant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour transposer le code mondial antidopage en droit français.
Alors qu’aucune urgence particulière ne le justifie,...
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. Si !
Mme Christine Prunaud. ... le Parlement est dessaisi de son pouvoir de légiférer et de son pouvoir de contrôle sur l’action du Gouvernement.
Nous avons toujours dénoncé le recours aux ordonnances, qui donnent une carte blanche au Gouvernement et constituent un déni de démocratie en bafouant les droits du Parlement, représentant du peuple et des collectivités territoriales.
C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte, estimant que les principes démocratiques doivent aujourd’hui plus que jamais être réaffirmés et que le Parlement ne peut être contourné, à plus forte raison quand entrent en jeu des principes constitutionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le rappelle la devise des jeux Olympiques qui guide le monde sportif, le spectacle doit aller toujours « plus vite, plus haut, plus fort ». Cette maxime devient d’autant plus impérieuse que les exigences s’accroissent sous l’effet de contraintes liées à des calendriers qui laissent peu de place à la récupération physique – pourtant vitale pour le corps –, à la forte médiatisation du sport et aux enjeux financiers considérables.
C’est ainsi que certains sportifs, ignorant les principes qui gouvernent l’éthique sportive, rompent sans hésiter l’égalité des armes lors des compétitions en ayant recours au dopage.
Or les scandales révélés après coup viennent ternir l’image du sport et font se briser en éclats l’émotion ressentie par les spectateurs. Ils offrent enfin un mauvais exemple aux sportifs professionnels en devenir et, surtout, aux sportifs amateurs, en particulier les plus jeunes, qui seront tentés, au cours de leur pratique, de mettre en péril leur santé.
Le nombre important de lois adoptées ces cinquante dernières années démontre l’ambition de la France en matière de lutte contre le dopage qui intègre non seulement les préoccupations d’éthique, mais aussi les enjeux de santé publique.
Toutefois, un cadre juridique, aussi complet soit-il, ne peut nous dispenser de recourir à la coopération internationale, qui, elle seule, est à même de sanctionner de manière efficace les infractions à l’éthique sportive et, surtout, de faire face à des systèmes organisés de dopage.
La création de l’Agence mondiale antidopage, l’AMA, en 2000, a répondu pertinemment à ce problème par l’établissement de règles communes à tous les États signataires, aujourd’hui réunies au sein du code mondial antidopage, dont la nouvelle version entrera en vigueur le 1er janvier prochain.
Si le sportif est responsable des substances ou méthodes qu’il utilise en vue d’améliorer ses performances, il n’en demeure pas moins soumis à des pressions externes insoutenables qu’il convient de contenir. À ce titre, la réforme du code mondial antidopage protège davantage le sportif.
Afin de le prémunir des pressions externes, la réforme du code inscrit l’association interdite à la liste des infractions. Ainsi, les sportifs ne pourront plus faire appel à des encadrants qui ont auparavant fait l’objet de sanctions pour non-respect des règles antidopage.
Dans le même sens, la réforme incitera les sportifs à dévoiler les pratiques dopantes dont ils ont connaissance avec la mise en place de nouvelles réductions de sanctions s’ils apportent une aide substantielle aux autorités antidopage dans la découverte d’autres infractions.
Afin d’améliorer la connaissance de ces pratiques, la coopération est favorisée avec l’obligation pour les fédérations nationales d’informer les organisations nationales antidopage et la fédération internationale d’éventuelles infractions.
Enfin, il convient de souligner la possibilité désormais offerte aux organisations nationales antidopage d’effectuer des contrôles en dehors des sites où se déroulent les manifestations sportives internationales.
Dans un autre registre, la réforme renforce le caractère dissuasif des sanctions, avec une suspension pouvant désormais atteindre quatre ans en cas de violation intentionnelle des règles antidopage, au lieu de deux ans. Il s’agit de l’une des préconisations essentielles, à mon sens, de la commission d’enquête sénatoriale, au cours de laquelle notre rapporteur a entendu un grand nombre d’acteurs du monde sportif.
C’est sans aucun doute par une responsabilisation des sportifs et toujours plus de pédagogie que l’on doit répondre au recours au dopage.
Certes, notre rapporteur nous a mis en garde sur les difficultés liées à la non-conformité à la Constitution de certaines mesures très dissuasives, à savoir l’exigence de disponibilité du sportif à tout moment et en tout lieu en vue de réaliser des prélèvements – ces contraintes méconnaissant le principe de l’inviolabilité du domicile et du respect de la vie privée et du domicile –, l’automaticité de certaines sanctions et la compétence exclusive d’appel du tribunal arbitral du sport dans le cadre des manifestations internationales ou lorsque des sportifs de niveau international sont impliqués.
Nous le savons, le code mondial antidopage ne produisant pas d’effet contraignant, nos marges de traduction en droit interne restent entières, ce qui ne constitue pas une raison valable pour ne rien faire ou pour ne pas se soumettre, avec vigilance, au respect de ces principes.
Pour autant, il me semble que les atténuations proposées par le Conseil d’État ne sont pas de nature à nuire à l’efficacité de la lutte contre le dopage et qu’elles n’entraveront pas les apports consacrés par la réforme.
En dépit de ces avancées, du chemin reste encore à parcourir pour mieux garantir l’indépendance dans le contrôle, l’instruction des dossiers ou le prononcé des sanctions. Les contrôles sont insuffisants et rarement inopinés. En outre, ils se font souvent avec retard face aux progrès constants des méthodes de dopage. Il est donc nécessaire d’accélérer le déploiement, dans toutes les disciplines, du passeport biologique, qui permet de détecter des variations anormales des marqueurs biologiques, tels que le profil hématologique ou le profil stéroïdien.
Bien évidemment, le groupe RDSE ne peut que soutenir le respect des principes du code mondial antidopage et leur inscription dans notre législation. Il approuve donc à l’unanimité ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux et très honoré d’intervenir pour la première fois dans cet hémicycle, sur un sujet qui, même s’il suscite un consensus entre les différents groupes, n’en est pas moins très important.
La lutte contre le dopage est en effet une question de protection de la santé et de la vie des sportifs. C’est aussi une question d’image à destination des plus jeunes, qui s’inspirent de plus en plus souvent de la « réussite » et de la vie de leurs idoles. C’est enfin et surtout une question d’éthique, car le dopage s’apparente à de la tricherie et à du mensonge. Nous devons lutter contre cela dans tous les domaines de la société. C’est notre rôle d’élu, c’est notre rôle de parlementaire.
Nouvellement arrivé, je n’ai naturellement pas pu participer aux travaux de notre commission sur ce projet de loi au début de l’été dernier. Je tiens néanmoins à saluer le travail de notre rapporteur, Jean-Jacques Lozach, dont le rapport s’inscrit dans le droit fil de celui qu’il avait rendu au nom de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage, présidée à l’époque par notre ancien collègue Jean-François Humbert.
La richesse de ces deux rapports montre l’expertise que le Sénat a acquise dans le domaine de la lutte contre le dopage. C’est une véritable chance quand il s’agit de légiférer sur ces questions, parfois très techniques.
Permettez-moi donc, monsieur le ministre, de regretter la forme de ce projet de loi. Habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances constitue toujours pour nous un abandon de notre pouvoir de législateur. Nous ne le faisons donc jamais avec bonne volonté, surtout au sein du groupe centriste, car, pour nous, le rôle essentiel des parlementaires n’est pas de valider purement et simplement les propositions du Gouvernement ; il est au contraire de poser sur elles un autre regard, empreint d’une connaissance et d’une expérience différente.
Monsieur le ministre, nous souhaitons vivement que cette procédure juridique parlementaire soit le plus souvent évitée.
Comme je l’ai déjà dit, le Sénat s’est fait l’expert des questions de lutte contre le dopage. Jean-Jacques Lozach en est un très bon connaisseur. Dès lors, pourquoi ne pas nous avoir soumis directement toutes les mesures législatives d’adaptation du code mondial antidopage ? La venue du futur comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage en France le mois prochain ne justifie pas cette procédure à mon sens. Ce n’est qu’un affichage.
À titre de compensation, je vous propose, monsieur le ministre, de venir devant notre commission présenter votre prochaine ordonnance, et ce, naturellement, avant sa publication.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà une bonne idée !
M. Claude Kern. Cela nous permettrait d’en débattre plus précisément et d’en connaître le fond juridique.
J’en viens désormais au fond du texte qui nous préoccupe aujourd’hui.
La lutte contre le dopage mérite de notre part une très grande attention. Fort heureusement, le débat sur le dopage est devenu public à mesure que la traque contre les tricheurs s’est accentuée. En conséquence, les comportements dans le milieu sportif ont commencé à évoluer et une prise de conscience a eu lieu. Les pouvoirs publics ont donc pu renforcer encore et toujours leur détermination dans ce domaine.
Malheureusement, les tricheurs ont presque toujours une longueur d’avance sur les pouvoirs publics et sur les organismes chargés de traquer les substances dopantes. Une coordination intense est donc nécessaire entre les États et entre les fédérations sportives. C’est une lutte de chaque instant, dans laquelle chacun doit se lancer et coopérer.
Telle est la mission que s’est fixée l’Agence mondiale antidopage depuis 1999. Notre rapporteur l’a rappelé, cette agence a depuis lors rédigé le code mondial antidopage, permettant d’harmoniser les règles applicables dans les différents États.
Malheureusement, nous ne sommes pas sur une matière stable. Il faut sans cesse faire évoluer ce code pour le faire correspondre au mieux à la réalité de la lutte contre le dopage. Nous en sommes donc aujourd'hui à la troisième version de ce code depuis sa première rédaction en 2003.
Il me semble légitime et positif que la France intègre très vite les nouvelles mesures dans sa législation, afin de montrer l’exemple dans cette lutte.
Je ne reviendrai pas sur les différentes évolutions du code mondial, que notre rapporteur a très bien décrites : des contrôles plus efficaces, des sanctions accrues et une meilleure coopération. Ces évolutions me semblent essentielles, comme la prise en compte des preuves indirectes, le meilleur partage des informations et l’amélioration des coopérations pour mieux repérer et sanctionner les tricheurs.
En matière de sanctions disciplinaires, l’augmentation du délai de prescription de huit à dix ans paraît également appropriée.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous interroger sur des propositions qu’avait avancées la commission d’enquête du Sénat, en particulier en matière de prévention et de recherche.
Au-delà du code mondial, les sénateurs avaient formulé dix-sept propositions en matière de prévention et d’éducation. Ils avaient notamment suggéré de transformer l’Agence française de lutte contre le dopage en Agence de prévention et de lutte contre le dopage. La visée concrète était de s’inscrire beaucoup plus en amont du processus de lutte contre le dopage.
Monsieur le ministre, qu’en est-il de ces propositions et quel budget pouvez-vous consacrer à la prévention ?
Par ailleurs, le rapport de la commission mettait aussi l’accent sur la recherche et l’accumulation de connaissances en matière de dopage. La preuve en est le premier pilier du rapport, intitulé « Connaître ». Nous constatons tous que, à l’inverse, la recherche n’est qu’assez peu traitée dans le code mondial antidopage. Monsieur le ministre, quelle est l’ambition du Gouvernement dans ce domaine ?
Le projet de loi que vous nous présentez sous forme d’une simple ordonnance n’est sans doute pas suffisant. Un autre texte sera sûrement nécessaire pour reprendre toutes les propositions des sénateurs.
Avant de conclure, j’aimerais évoquer un sujet que nous passons trop souvent sous silence : le dopage intellectuel. Nous parlons bien sûr très facilement du dopage dans le monde sportif. En revanche, nous oublions à mon avis d’aborder le dopage qui touche les étudiants, les cadres, les dirigeants d’entreprise, et même les politiques.
Ce phénomène s’amplifie avec, comme objectif, le culte de la performance intellectuelle et la réussite, que ce soit à des examens, à des concours ou dans la vie professionnelle.
Pour y parvenir, on n’hésite plus à recourir à toutes sortes de substances, produits, vitamines, médicaments, parfois en les détournant de leurs indications pour un usage de confort. Il s’agit d’être plus fort à tout prix, et surtout d’éviter l’échec.
Ainsi, à l’approche des examens, les devantures des officines se parent de boîtes magiques. Selon une enquête de l’Observatoire national de la vie étudiante réalisée en 2006 sur la consommation de remontants ou de stimulants, un étudiant sur cinq déclare prendre des substances qui permettraient d’agir sur ses capacités intellectuelles.
Selon l’Observatoire encore, les étudiants des filières médicales sont les plus friands de ces pratiques dopantes – elles concernent 25 % d’entre eux –, devant les classes préparatoires aux grandes écoles – 22 % – et les élèves en sciences politiques et en droit – 20 %. Ils consomment des cocktails de vitamines, des stimulants, des tranquillisants ou encore des bêtabloquants.
La plupart des médicaments utilisés sont légaux et sont surtout vendus librement en pharmacie. Toutefois, le plus grave, c’est le développement de la vente sur internet de substances totalement illégales en France. C’est dans ce domaine qu’il faudrait intervenir en tant que législateur.
La plus grande difficulté, comme dans le sport, est naturellement de définir les substances dopantes, ainsi que les quantités qui seraient dangereuses pour ceux qui les absorbent. Certes, c’est un autre travail, mais je tenais à évoquer cette question dans ce débat, afin qu’il ne se limite pas au sport.
En conclusion, malgré ses réserves sur le recours à une ordonnance, et compte tenu de l’importance de la lutte contre le dopage, le groupe UDI-UC votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe écologiste. – M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin.