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Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été publiée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Philippe Marini, Jean Germain, François Marc, Mmes Michèle André, Marie-France Beaufils, MM. Francis Delattre et Vincent Delahaye ;
Suppléants : MM. Michel Berson, Yannick Botrel, Philippe Dallier, Éric Doligé, François Fortassin, Roger Karoutchi et Richard Yung.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Hommage à un soldat français mort au Mali
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec une grande émotion que nous avons appris la mort hier, dans le nord du Mali, de l’adjudant-chef Dejvid Nikolic, sous-officier du 1er régiment étranger de génie de Landun-l’Ardoise, dans le Gard.
Ce décès, intervenu dans le cadre d’une mission de reconnaissance, nous rappelle à la fois l’exemplarité de l’engagement et du courage de nos forces armées dans la lutte contre les groupes terroristes qui sévissent au Mali et, plus généralement, au Sahel et le prix très lourd qu’elles ont à payer pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
Comme le président Jean-Pierre Bel l’a exprimé cet après-midi et au nom du Sénat tout entier, je voudrais faire part de notre profonde sympathie à sa famille et à ses compagnons d’armes.
À sa demande, je vous propose de respecter un moment de recueillement en observant une minute de silence. (Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)
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Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 est une traduction du pacte de responsabilité, qui formalise l’objectif économique voulu par le Gouvernement : alléger le coût du travail pour relancer l’activité – l’intention est sans doute louable, mais il faut encore la réaliser.
Avec les 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, 41 milliards d’euros au total seront accordés aux entreprises ; le Gouvernement estime que cette manne financière nouvelle permettra aux entreprises de créer 190 000 postes supplémentaires.
Comme M. le rapporteur général l’a souligné cet après-midi, le pacte de responsabilité, c’est la confiance. Seulement, la confiance, ce n’est pas un pari : elle se construit et elle se vérifie.
Or, aujourd’hui, rien ne garantit que les entreprises utiliseront ces nouvelles marges de manœuvre pour créer des emplois. En effet, l’histoire prouve que, jusqu’à maintenant, les allégements de charges ont toujours profité au capital plutôt qu’au travail. Ainsi, entre 1993, date à laquelle les premiers allégements de charges ont été accordés, et 2013, la part de la valeur ajoutée des entreprises allouée aux salaires est restée quasiment stable, puisqu’elle s’est établie respectivement à 48 % et 51 %, tandis que la part allouée aux dividendes a plus que doublé, passant de 6 % à plus de 14 %. L’effet de ces allégements sur l’emploi est donc peu évident.
Pour financer ces allégements de charges, le Gouvernement fait le choix de réduire la dépense publique de 50 milliards d’euros à l’horizon de 2017. Madame la ministre, il y a là un paradoxe : comment peut-on reconnaître que la santé, la justice, l’action sociale et la prise en charge de la dépendance ont besoin de moyens et de postes supplémentaires et annoncer en même temps un plan d’économies sans précédent sur la dépense publique ?
Du reste, nous, écologistes, ne sommes pas les seuls à faire cette analyse ; elle est partagée par les communistes, bien sûr, mais aussi par d’autres. En effet, selon la direction du Trésor, si les mesures du pacte devraient susciter 190 000 emplois et 0,6 point de croissance cumulée à horizon de 2017, les 50 milliards d’euros d’économies devraient provoquer, à la même échéance, la suppression de 250 000 emplois et une baisse de croissance cumulée de 1,4 point. Autrement dit, on croit gagner quelque chose d’un côté, mais on perd davantage de l’autre, y compris sur le plan de l’emploi.
Par ailleurs, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 manque d’équité, dans la mesure où il prévoit le gel de certaines prestations.
Le projet initial prévoyait un gel des aides personnalisées au logement, mais un amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale a supprimé cette mesure, ce dont nous nous félicitons.
Reste que le gel des pensions de retraite supérieures à 1 205 euros pendant un an est maintenu, ce que nous déplorons. Il faut se souvenir que la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a déjà repoussé la revalorisation de six mois. Si ce gel est adopté, on atteindra donc, au total, dix-huit mois sans revalorisation.
Ainsi, ce collectif budgétaire est inspiré par le choix de pratiquer une politique de l’offre indifférenciée, et il fragilise les retraités ; nous ne le cautionnons pas.
Les écologistes proposent un autre modèle, que je n’ai pas le temps d’exposer en détail : soutenir les secteurs porteurs d’avenir, comme la transition énergétique et écologique, et encourager les comportements vertueux des entreprises par des incitations ciblées et responsables, tout en garantissant la justice sociale par des contributions progressives.
Dans ses communications, le Gouvernement annonce vouloir soutenir les plus modestes. Pour vraiment agir en leur faveur, nous vous proposons une solution plus juste et plus efficace, dont le premier élément est l’instauration d’une CSG progressive.
Quant aux allégements de charges sur les bas salaires, nous n’y croyons pas. D’ailleurs, le rapport de la mission commune d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, qui n’a pas été adopté ce matin, confirme qu’il n’y a aucune certitude que cette politique crée des emplois.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Jean Desessard. Opposés aux allégements de charges sur les bas salaires, nous présenterons des amendements destinés à réduire les inconvénients de ces mesures ; en particulier, nous proposerons d’instaurer une conditionnalité en réservant les allégements aux postes en CDI ou à temps complet.
Nous défendrons également une réduction des cotisations sociales de 500 euros par mois et par apprenti pour développer l’apprentissage, ainsi que l’ouverture des emplois d’avenir aux chômeurs de longue durée. Ces mesures, temporaires, puisque nous proposons de les mettre en place jusqu’en décembre 2015, permettront de donner un coup de pouce supplémentaire à la création d’emplois, par le biais d’aides financières qui, elles, auront des effets rapides et mesurables.
Pour l’exonération de contribution sociale de solidarité des sociétés, nous proposerons que l’allégement bénéficie aux entreprises qui communiquent sur leur politique de salaires, de dividendes et d’optimisation fiscale.
Enfin, nous proposerons la suppression du gel des retraites, car il n’est pas acceptable que les seules économies prévues par le projet de loi soient réalisées avec les pensions des retraités !
Madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 accorde aux entreprises des faveurs et peut-être même des cadeaux – l’avenir le dira –, de surcroît sans contrôle ni conditionnalité, fragilise les retraités et réduit notre protection sociale ; dans sa rédaction actuelle, il ne correspond pas aux attentes des écologistes ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux. (Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit.)
M. Jean-Noël Cardoux. Vous ne serez pas surpris, cher monsieur Desessard, que mon propos diverge radicalement du vôtre. J’incline à commencer par ce mot : enfin. Oui, enfin ! Après tant de déclarations du Président de la République et des Premiers ministres successifs sur le pacte de responsabilité et après un an de valse-hésitation, une ébauche de mesures nous est enfin présentée ; mais à quel prix ?
En vérité, comme les précédentes interventions l’ont bien montré, les mesures proposées par le Gouvernement ménagent la chèvre et le chou, le MEDEF et l’aile gauche de la majorité. Bien entendu, un tel dispositif ne peut satisfaire personne !
Madame le ministre, vous proposez des exonérations de charges sociales sur les bas salaires, jusqu’à 1,6 fois le SMIC. En somme, il ne s’agit que de compléter bien modestement le dispositif Fillon, puisque seules disparaissent la cotisation au fonds national d’aide au logement et la cotisation accidents du travail.
Vous entendez réduire de 1,8 point la cotisation allocations familiales, mais sans ouvrir le chantier d’une véritable réforme du financement de la politique familiale qui laisserait aux entreprises la seule charge du salaire de substitution, comme Gérard Longuet l’a proposé au nom de notre groupe lors du débat sur la proposition de résolution, présentée par Serge Dassault, relative au financement de la protection sociale et à l’allégement des charges des entreprises.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis de la commission des finances. Vous avez eu dix ans pour le faire !
M. Jean-Noël Cardoux. Vous comptez supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, qui finance à hauteur de 5 milliards d’euros le régime social des indépendants et le Fonds de solidarité vieillesse, en vous bornant à transférer cette somme vers le régime général et après avoir déplafonné, il y a deux ans, les cotisations retraite et maladie des travailleurs indépendants.
Vous voulez rendre un peu de pouvoir d’achat aux salariés les plus modestes, ceux qui gagnent entre 1 et 1,3 fois le SMIC, en réduisant leurs cotisations sociales, mais vous oubliez que vous avez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires et considérablement alourdi leur charge d’impôt !
Sans compter que vous ne prévoyez de mettre en œuvre toutes ces mesures qu’en 2015 – toujours plus tard ! –, bien que notre économie soit exsangue, et que vous ne donnez aucune indication sur leur financement, alors même que la suppression de la C3S représente à elle seule 5 milliards d’euros.
M. le rapporteur général lui-même a reconnu qu’il disposait de peu de précisions sur le financement des mesures. Sans doute, Mme le ministre nous a assurés qu’on trouverait la solution en 2015, de sorte que nous pouvions être tranquilles, et M. le rapporteur pour avis de la commission des finances nous a affirmé qu’il y avait un plan ; mais convenez que ce sont des éclaircissements assez peu concrets. En vérité, c’est encore une fois la même logique : plus tard, on verra plus tard !
Pourtant, malgré la baisse du rythme des dépenses de santé, que je salue, vous êtes dans l’obligation, madame le ministre, d’augmenter de 100 millions d’euros votre prévision de déficit du régime général, en raison du ralentissement de l’économie qui est la conséquence de votre politique.
À vrai dire, on peut se demander pourquoi le Gouvernement présente un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale à cette époque. De fait, comme les précédents orateurs l’ont parfaitement souligné, c’est une démarche exceptionnelle, puisqu’on n’en recense que deux exemples en près de vingt ans ; on pourrait donc imaginer que c’est à la suite d’un événement considérable qu’il convient de présenter aux parlementaires un tel texte avant l’été.
Aussi bien, madame le ministre, votre démarche fait « pschitt » – pardonnez-moi d’employer cette expression un peu familière –, puisqu’on nous annonce en juillet 2014 des mesures qui ne s’appliqueront qu’à partir de 2015, et sans nous expliquer comment elles seront financées.
Je pense donc que nous aurions pu faire l’économie de ce débat à ce moment de l’année ; en effet, il aurait été beaucoup plus logique qu’il ait lieu à l’automne, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Madame le ministre, les seules données financières claires que vous présentez dès 2014 ne sont pas des économies, mais un ralentissement des dépenses,…
M. Jacky Le Menn. C’est déjà pas mal !
M. Jean-Noël Cardoux. … rendu possible par le gel d’un certain nombre de prestations sociales, qui du reste est fortement contesté par votre aile gauche, comme certaines interventions précédentes l’ont montré. Le gel vise en particulier la retraite des classes moyennes, ce qui est à nos yeux inacceptable.
Vous prévoyez, de surcroît, de priver de 160 millions d’euros le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, ce qui à notre sens ne s’imposait pas.
Sans parler de votre fameux plan pour la dépendance, d’abord prévu à l’automne 2014 et désormais annoncé pour 2015, dont on ne sait pas comment il sera financé. Je crains que nous ne soyons encore confrontés à des impasses !
Au total, madame le ministre, nous sommes loin du choc de compétitivité si nécessaire à la France.
Dans notre esprit, la seule solution serait de lancer des signes forts aux secteurs qui en ont le plus besoin. Je pense d’abord aux services à la personne et aux emplois à domicile. À cet égard, M. Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, a récemment déclaré que la réduction de cotisations devait être fixée par décret et qu’il envisageait une modulation d’abattement pour revenir sur la suppression du calcul au forfait intervenue il y a quelques mois ; cet abattement pourrait être compris entre 0,75 euro et 2 euros.
Je me réjouis que la commission des affaires sociales ait adopté à l’unanimité un amendement, présenté par M. le rapporteur général, visant à instaurer un abattement de 1,50 euro. Pour notre part, nous voudrions aller plus loin, au moins jusqu’à 2 euros, et peut-être même rétablir en partie le système du calcul au forfait.
Il faudrait aussi étendre les exonérations de charges des entreprises, en particulier de cotisations familiales, aux revenus représentant 3 ou 4 fois le SMIC, ce qui donnerait un coup de fouet salutaire aux entreprises innovantes et aux start-up. En effet, la limitation des exonérations au bas de l’échelle des salaires pénalise considérablement ces entreprises qui exportent et font preuve d’une grande imagination, alors qu’elles sont déjà défavorisées dans la compétition mondiale. Madame le ministre, en commission, vous nous avez dit que ce serait fait en 2016 ou en 2017. Bref, plus tard, toujours plus tard, encore plus tard.
Il faudra aussi réviser le CICE – ce n’est pas tout à fait le débat du jour, mais cela en fait partie – pour qu’il soit accessible aux catégories d’entreprises que je viens de mentionner – start-up, entreprises innovantes –, alors que, à l’heure actuelle, il bénéficie essentiellement, nous le savons, à de grandes entreprises non délocalisables comme les grandes surfaces, La Poste. Or ce sont les entreprises qui exportent qui auraient besoin de ce coup de pouce.
Pour financer ces mesures, nous préconisons la TVA anti-délocalisation, que vous avez supprimée, mais qui refait son chemin progressivement dans les esprits. Notre rapporteur général de la commission des affaires sociales n’en a d'ailleurs pas complètement écarté l’idée. En la matière, il faudrait vraiment réaliser des études approfondies. Il ne suffit pas d’augmenter la TVA de deux ou trois points ; il convient de prévoir des augmentations ciblées, des augmentations substantielles sur certains produits importés de haut niveau, je pense aux véhicules 4x4. On pourrait également envisager une TVA favorisant la fiscalité écologique.
Chacun sait que c’est la solution. J’en veux d'ailleurs pour preuve que les ministres des finances de la zone euro ont recommandé, le 7 juillet dernier, l’allégement de la fiscalité sur le travail, qui serait compensée par des « sources de revenus fiscaux moins préjudiciables à la croissance, comme des taxes sur la consommation ». C’est une phrase que j’aurais pu reprendre à mon compte.
Pour terminer, mes chers collègues, sans méchanceté mais avec un certain réalisme, j’aimerais vous livrer la définition que j’ai trouvée, parmi d’autres, de l’autodestruction : « Le comportement autodestructeur est une sorte d’autopunition en réponse à un échec personnel. Il est souvent motivé par un besoin d’attention. » (Mme Christiane Demontès et M. le rapporteur pour avis s’exclament.)
Avec ce texte, comme avec les textes passés et à venir, nous sommes au cœur du problème. En effet, les textes que vous nous soumettez, qui relèvent bien souvent de l’affichage, reviennent sur des mesures que vous aviez vous-mêmes votées quelque temps auparavant. Après avoir minutieusement et laborieusement détricoté tout ce qu’avait fait le précédent gouvernement, vous commencez à détricoter ce que vous avez vous-mêmes enclenché. C’est tout de même le comble !
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. C’est une obsession !
M. Jean-Noël Cardoux. Je vous en donne quelques exemples.
Les emplois d’avenir, nous en avons déjà parlé, vont timidement s’ouvrir au monde de l’entreprise. Le temps partiel pose d’énormes problèmes ; nous l’avions souligné lors de la loi sur la sécurisation de l’emploi. La pénibilité a été récemment une pomme de discorde avec les partenaires sociaux : Dieu sait si, au moment de la réforme des retraites, nous avions multiplié les mises en garde contre l’usine à gaz que constituait le compte pénibilité ! Vous êtes en train de revenir tout doucement en arrière. Sans parler de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, qui est un frein considérable à la construction de logements ! (M. le rapporteur pour avis s’exclame.)
Enfin, le Président de la République vient de l’annoncer, on va revenir sur les mesures néfastes à l’égard de l’apprentissage que vous aviez prises. Lors du débat sur la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, nous vous avions fortement mis en garde en vous signifiant que vous étiez en train de sacrifier l’apprentissage !
Mme Catherine Deroche. C’est vrai !
M. Jean-Noël Cardoux. Bien sûr, vous revenez tout doucement sur ces points. Pourtant, nous avions tiré la sonnette d’alarme. Nous n’avions pas été entendus et nous le regrettons.
Pour conclure, vous commencez à réagir, c’est bien, mais pas assez vite ni assez vigoureusement ! Bien sûr, nous ne sommes pas d’accord avec une partie de votre majorité. Nous croyons qu’il faut aller encore plus loin et créer le véritable choc dont la France a tellement besoin.
Voilà pourquoi le groupe UMP s’abstiendra sur la partie recettes de ce texte qui, malgré ses insuffisances, est un timide premier pas dans la bonne direction. Nous souhaitons que le débat aille à son terme. Nous verrons ensuite quelle sera notre position sur le texte final, bien que je craigne que nous ne soyons malheureusement contraints de nous y opposer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
M. Jacky Le Menn. Il ne faut pas être défaitiste !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, madame le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, pourquoi présenter une loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 alors qu’elle ne s’appliquera qu’en 2015 ? (M. le rapporteur pour avis s’exclame.) Nous attendions une réforme structurelle et nous avons un chèque en blanc. Oui, c’est bien à cela que peut s’apparenter le présent texte. Je dirais même un double chèque en blanc fait, d’une part, par le Parlement au Gouvernement et, d’autre part, par le Gouvernement aux entreprises.
Premier volet de ce chèque en blanc, celui que l’on nous demande de signer aujourd’hui, nous, parlementaires. En effet, ce PLFRSS dépense sans compenser. Il met en œuvre l’essentiel des mesures de relance du pacte de responsabilité et de solidarité mais sans que nous ayons une quelconque idée de la manière dont les pertes de recettes engendrées pour la protection sociale seront financées.
Seules les mesures relatives à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu relèvent du champ des lois de finances. Autrement dit, 70 % des dépenses nouvelles du pacte relèvent du champ des lois de financement de la sécurité sociale, donc du présent projet de loi, d’où son importance politique mais aussi symbolique pour le Gouvernement.
De notre point de vue de parlementaires, comment voter ce texte sans avoir une vision d’ensemble du dispositif envisagé ?
Pour 2014 et 2015, le PLFRSS programme 9 milliards d’euros de recettes en moins pour seulement 1,3 milliard d’euros d’économies. Ce ne sont donc pas moins de 7,7 milliards d’euros de recettes en moins que nous sommes censés accepter sans savoir comment elles seront financées. J’ai bien entendu notre collègue Jean-Pierre Caffet nous détailler des mesures que nous connaissions déjà en partie…
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Et bien alors ?
M. Gérard Roche. Madame le ministre, pouvez-vous nous confirmer ce qui vient d’être dit, car vous vous étiez plutôt repliée, dans votre propos, sur la loi organique et la loi ordinaire de 2015.
Madame le ministre, nous ne doutons pas une seule seconde que les pertes de recettes pour la protection sociale seront compensées par le budget de l’État, y compris les pertes de recettes liées à l’extinction progressive de la C3S, mais c’est repousser le problème. C’est reculer pour mieux sauter ! (M. Jacky Le Menn s’exclame.)
Ces dépenses vont donc peser sur le budget de l’État. Comment y seront-elles compensées ? Économies ou recettes nouvelles ? Quel mélange des deux ? Pour l’heure, nous ne le savons pas. D’où notre sentiment de passer à côté de la réforme majeure dont notre pays a tant besoin, et depuis si longtemps.
Cette réforme consisterait à profiter de l’allégement des charges sur le travail pour les compenser de deux manières : d’une part, par des économies budgétaires structurelles ; d’autre part, par la fiscalisation du financement de la protection sociale.
Nous ne pouvons donc qu’approuver les allégements, que nous appelons de nos vœux de longue date. En effet, ce n’est un secret pour personne, le financement de la protection sociale pèse aujourd’hui bien trop lourdement sur la production.
Le dernier rapport annuel de la Commission sur l’évolution de la fiscalité dans l’Union européenne l’a encore rappelé.
Il faut donc décharger le travail, ce que font les deux premiers articles du PLFRSS, qui, même s’ils le font encore, selon nous, de manière insuffisante, vont dans le bon sens.
À terme, nous pensons que la totalité des cotisations famille a vocation à disparaître, et certains d’entre nous s’interrogent même sur le devenir des cotisations maladie dans les décennies à venir.
Toutefois, cela suppose de réaliser des économies budgétaires structurelles. Où sont-elles ? Pour l’heure, la seule qui nous a été proposée est la réforme territoriale, avec la suppression de l’assemblée départementale. Or, quand on sait que ce qui coûte cher, ce ne sont pas les structures du conseil général, mais les missions dont il est investi, on s’interroge sur le gain budgétaire. Pendant ce temps, sur le terrain, on s’étonne d’apprendre qu’un sous-préfet est peut-être plus important qu’un président de conseil général ! (M. René-Paul Savary applaudit.) Je vous prie de m’excuser : je suis hors sujet, mais c’est obsessionnel chez moi ! (Sourires. – Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Ça se voit !
M. Gérard Roche. Pour financer structurellement la baisse des charges, il faut également fiscaliser le financement de la protection sociale, tout en évitant des impôts de production qui ne feraient que reproduire le problème posé par les charges sociales. C'est la raison pour laquelle nous soutenons aussi la suppression de la C3S. Cependant, sur la masse des besoins de financement, la suppression de cette contribution demeure anecdotique.
Alors, madame le ministre, le Gouvernement va-t-il mener à bien cette réforme fiscale ? Sans doute au moins en partie, mais il faut nous le dire, parce que, pour l’heure, la seule mesure de financement figurant dans le présent texte est le gel des pensions de retraite de l’article 9.
Heureusement, vous avez renoncé au gel des aides au logement ; cela aurait été très choquant. Heureusement encore, vous semblez avoir renoncé au gel des pensions d’invalidité et des rentes AT-MP. D’ailleurs, madame le ministre, y avez-vous vraiment renoncé ? Notre Haute Assemblée attend d’être éclairée et rassurée sur ce point très important. Mais, malheureusement, vous n’avez pas renoncé au gel des pensions de retraite, puis, en 2015, au gel des allocations familiales.
Ces mesures sont en totale disproportion financière par rapport aux besoins, je n’y reviens pas ; elles sont également inacceptables sur le plan de l’équité et sur le plan humain.
Vous nous dites qu’il est juste de ne pas revaloriser des pensions de 1 200 euros bruts et plus. Madame le ministre, je vous connais un peu. Vous ne pouvez dire qu’il est juste de ne pas revaloriser les pensions à partir de 1 200 euros bruts. Comme nous, vous savez bien que 1 200 euros bruts ne permettent pas de faire vivre décemment une famille ou des gens qui sont dans la peine. (Enfin ! sur les travées du groupe CRC.)
Pourtant, le Gouvernement avait donné des exemples. On peut approuver la réduction dégressive des cotisations salariales pour des revenus inférieurs ou égaux à 1,3 SMIC dans le privé. Nous avions cependant été quelque peu choqués de constater une certaine disparité avec la fonction publique puisque ce dégrèvement touchait les revenus inférieurs ou égaux à 1,5 SMIC. Depuis, j’ai lu attentivement le rapport de la commission des finances et j’ai eu la réponse.
Des mesures fiscales courageuses et de bon sens sont envisageables. Ainsi, 1,5 point de TVA ou trois quarts de point de CSG couvriraient les 9 milliards d’euros de dépenses du pacte de responsabilité et de solidarité pour 2014 et 2015.
La CSG présente l’avantage d’être un impôt au taux bas et à l’assiette large.
La TVA offre l’avantage de taxer les importations, qui représentent tout de même 30 % du PIB. Elle ferait donc participer l’étranger au financement de la protection sociale française. De plus, traditionnellement présentée comme un impôt injuste, elle l’est aujourd’hui beaucoup moins dans la mesure où les produits de première nécessité – dont on sait qu’ils représentent une part bien plus importante du panier de consommation des ménages pauvres que des ménages aisés – sont assujettis au taux réduit.