M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er octobre 2014 un rapport faisant état des avances du Trésor au profit des budgets annexes, de l'état du remboursement de ces avances et des possibilités de les limiter à l'avenir.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement a pour objet de préciser la politique menée en matière d’avances du Trésor au profit des budgets annexes. On a parlé tout à l'heure du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Le cumul d’avances s’élève aujourd'hui à environ 1,2 milliard d’euros, qui ne sont pas couverts a priori par des recettes à venir, comme l’a d'ailleurs souligné le rapporteur général. Or, en face, il y a quand même des dépenses à assumer.
La loi interdit au Trésor de consentir des prêts à long terme. Or j’ai l’impression que la pratique susvisée s’assimile à de tels prêts. C’est pourquoi j’aimerais, au travers de cette demande de rapport, que le Gouvernement nous expose sa politique et ses principes en matière d’avances du Trésor sur ces budgets annexes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le présent amendement soulève une question intéressante sur laquelle il y aura lieu de réfléchir.
Il s’agit, d’une part, de proposer de retracer le stock des avances de l’État restant à rembourser pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et, d’autre part, d’envisager un autre mode de financement.
Je ne reviens pas sur le premier point qui a déjà été évoqué.
Sur le second point, il est légitime de s’interroger aujourd’hui – ce qu’a d'ailleurs fait la commission des finances – sur le mode de financement du budget annexe précité, qui connaît un déséquilibre financier structurel.
On pourrait imaginer une alternative.
La première option serait d’augmenter les recettes, ce qui supposerait de relever de manière importante les taxes et redevances dont bénéficie le budget annexe.
Une telle décision pèserait toutefois lourdement sur le transport aérien et l’attractivité de nos aéroports, alors même que ceux-ci sont soumis à une forte concurrence internationale.
Nous savons en particulier que le développement des hubs dans les pays du golfe Persique tient pour partie à la quasi-absence de taxes aéroportuaires.
La seconde option serait de supprimer le budget annexe et de réintégrer les dépenses correspondantes dans le budget général de l’État. Cette solution, qui me semble plus réaliste, mettrait certes fin au versement des avances, mais pas au déséquilibre structurel du financement de cette politique, et présenterait, par ailleurs, d’autres inconvénients.
Au final, mon cher collègue, je ne sais pas laquelle de ces deux solutions aurait votre préférence ou celle de votre groupe politique. Tout en relevant l’anormalité de la situation actuelle, il ne me semble pas que les options que je viens d’évoquer seraient nécessairement beaucoup plus satisfaisantes.
En tout état de cause, je ne suis pas convaincu que l’alternative que je vous ai présentée rende nécessaire la remise d’un rapport. Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur le sénateur, j’apporterai quelques éléments supplémentaires plaidant en faveur du retrait de votre amendement.
Vous proposez que le Gouvernement remette au Parlement un rapport faisant état des avances du Trésor au profit des budgets annexes, de l’état du remboursement de ces avances et des possibilités de les limiter à l’avenir.
Le budget annexe peut recourir à l’emprunt pour financer des investissements. Des avances lui sont accordées via un compte de concours financiers, et il bénéficie ainsi des conditions de financement de l’État sur les marchés, c'est-à-dire des meilleures conditions, ce qui n’est pas sans intérêt.
Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle s’est considérablement aggravée depuis 2008 avec la crise du secteur aérien qui a érodé les recettes, alors que les investissements, notamment ceux qui sont nécessaires pour assurer la sécurité, ont été maintenus.
À l’avenir, il est prévu une trajectoire de désendettement sur une période triennale, de 2015 à 2017, notamment par une meilleure maîtrise des dépenses, afin d’apurer les avances consenties.
Je note que ce mécanisme de financement par des avances du Trésor a été mis en œuvre à partir de 2006, à la suite – vous pardonnerez l’ironie de mon propos ! – des recommandations du Sénat dans son rapport d’information intitulé Pour une gestion consolidée des dettes de l’État.
Par ailleurs, ces avances sont décrites dans les documents budgétaires, qui portent les jolis acronymes de « PAP » et de « RAP », c'est-à-dire dans le projet annuel de performances et dans le rapport annuel de performances, se rapportant au budget annexe et au compte de concours financiers. Les éléments que vous souhaitez voir figurer dans un rapport me semblent donc être déjà disponibles dans des documents existants.
Je vous ai également décrit les décisions que nous avions prises pour un retour à zéro des avances de l’État au budget annexe de l’aviation civile.
Au bénéfice de mes explications et de celles qu’a apportées le rapporteur général, je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Monsieur Delahaye, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 223 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l’adoption | 155 |
Contre | 165 |
Le Sénat n'a pas adopté.
6
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des finances a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
7
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (projet n° 689, rapport n° 703, avis n° 701).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion que nous entamons aujourd’hui est quelque peu exceptionnelle : c’est en effet seulement la deuxième fois, depuis que les lois de financement de la sécurité sociale existent, que vous est présenté un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Ces conditions exceptionnelles me conduisent à saluer tout particulièrement, et plus que de coutume, le travail accompli, malgré un calendrier chargé, par la commission des affaires sociales du Sénat, et à remercier sa présidente.
Au-delà des enjeux de calendrier et de la novation historique qu’il représente, ce projet de loi revêt une importance particulière, non pas par sa longueur – c'est un texte court, de seize articles dans le projet initial, contre vingt et un dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture –, mais parce qu’il constitue, avec le projet de loi de finances rectificative qui a été examiné la semaine dernière par la Haute Assemblée, la première mise en œuvre de la mobilisation exceptionnelle en faveur de l’emploi que représente le pacte de responsabilité et de solidarité.
Je le rappelle, le Président de la République a conforté et renforcé la priorité donnée à l’emploi le 14 janvier dernier. Cet objectif se traduit par des allégements de cotisations sociales non seulement pour les employeurs et les travailleurs indépendants, mais aussi – je le souligne, car cela n’est pas souvent le cas – pour les salariés. Ces derniers bénéficieront d’une augmentation d’environ 500 euros de leur pouvoir d’achat dès l’année 2015.
Le présent texte constitue également une première étape vers la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés.
Pour ce qui est des cotisations employeurs, la baisse des cotisations concernera, en 2015, les revenus s’élevant jusqu’à 1,6 SMIC. Très concrètement, l’employeur d’un salarié percevant le SMIC ne payera aucune cotisation, ce qui se traduira de façon simplifiée sur la feuille de paie dès la fin du mois de janvier 2015.
Néanmoins, le texte qui vous est présenté ne porte que sur les allégements de cotisations pour les entreprises en 2015. Le respect des engagements pris par les entreprises dans le cadre du pacte précité nous permettra de franchir l’année prochaine une nouvelle étape pour renforcer encore la compétitivité de ces dernières. Comme l’a indiqué le Président de la République de manière claire et ferme lors de la dernière conférence sociale, la trajectoire est inscrite dans une durée de trois ans, ce qui permet aux entreprises françaises, mais aussi – je veux le souligner – aux investisseurs étrangers, de disposer de toute la lisibilité nécessaire pour les années à venir.
Il appartient désormais aux entreprises, grâce à la lisibilité qui leur est offerte, de se saisir de l’atout que constitue le pacte. Ainsi, nous pourrons progresser ensemble.
Les mesures proposées entraîneront évidemment des pertes de recettes pour la sécurité sociale. Je veux ici rassurer les parlementaires qui ont interrogé de façon récurrente le Gouvernement sur ce sujet : ces pertes seront compensées dans leur intégralité dans les lois financières pour 2015, vecteurs juridiques qui garantiront l’équilibre de la sécurité sociale, puisque la loi organique relative aux lois de finances ne permet pas d’inscrire dans une loi rectificative des dispositions qui, en termes de rééquilibrage, n’auront d’impact qu’à partir de l’année suivante – en l’occurrence, 2015.
S’agissant plus particulièrement du régime social des indépendants, le RSI, qui est l’objet d’une attention particulière de la part des parlementaires et qui est directement concerné par la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, je veux indiquer que son équilibre sera bien assuré de façon pérenne. En effet, les branches maladie et vieillesse de base du régime social des indépendants, aujourd’hui financées par la C3S, seront adossées aux branches maladie et vieillesse du régime général sur un plan strictement financier, ce qui permettra d’en garantir l’équilibre.
Ce dispositif de solidarité financière prévaut depuis cinquante ans pour le régime des salariés agricoles. Il est aussi à l’œuvre, depuis 2009, pour le régime maladie des exploitants agricoles. Mesdames, messieurs les sénateurs, le financement pérenne de ces deux régimes est garanti, et ni leur gestion autonome ni le niveau des cotisations ou des prestations n’ont été remis en cause. Il en ira de même du régime social des indépendants.
Dans le même temps, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale accélère les efforts d’économies engagés par le Gouvernement.
Tout d’abord, ce texte prévoit de ne pas revaloriser les retraites pendant un an. Je veux rappeler fortement que, conformément aux engagements du Premier ministre, les petites retraites ne seront pas concernées par cette absence de revalorisation. Ainsi, la retraite de base des personnes dont le total des pensions mensuelles ne dépasse pas 1 200 euros sera bien revalorisée. Très concrètement, cela signifie que près de la moitié des retraités ne seront pas touchés par la mesure de report de la revalorisation inscrite dans le présent texte.
Je ne veux pas sous-estimer l’effort que cette mesure peut représenter pour les retraités concernés, même si le contexte de très faible inflation en limite la portée. Néanmoins, je veux indiquer que l’ensemble du pays consent aujourd'hui à un effort pour l’emploi, en particulier pour l’emploi des plus jeunes. Cet effort est limité mais significatif, de sorte que seuls les retraités dont la pension globale est supérieure à 1 200 euros seront mis à contribution.
Au demeurant, je veux rappeler que le Gouvernement a pris des mesures fortes en faveur du pouvoir d’achat des retraités, en particulier des retraités modestes. Je pense à la double revalorisation, en 2014, du minimum vieillesse. Je pense également à la revalorisation de 50 euros de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé pour les plus de 60 ans ou encore au plan de revalorisation des petites retraites agricoles qui résulte de la réforme des retraites de janvier 2014.
Au cours de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, le gel de l’allocation de logement familiale qui figurait dans le texte initial a été supprimé, à la suite de l’adoption d’amendements déposés par les députés socialistes. Ce report de revalorisation ne figure pas dans le texte soumis aujourd’hui à votre examen, le Gouvernement ayant accepté ces amendements.
Les efforts d’économies engagés par le Gouvernement concernent également l’assurance maladie. Sur ce plan, le présent projet de loi tire les conséquences de la sous-exécution de l’ONDAM 2013, en revoyant l’ONDAM 2014, qui s’établira donc à 178,3 milliards d’euros. J’y insiste, cette mesure ne remet pas en cause le taux de progression de 2,4 % de l’ONDAM – l’objectif national des dépenses d’assurance maladie – qui avait été voté lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté un amendement permettant de sécuriser les conditions dans lesquelles une recommandation temporaire d’utilisation peut être utilisée pour permettre la prescription d’une spécialité pharmaceutique en dehors de son autorisation de mise sur le marché.
M. Gilbert Barbier. Enfin !
Mme Marisol Touraine, ministre. Tout en garantissant la sécurité sanitaire, l’adoption de cet amendement permettra de réaliser des économies, puisque des spécialités moins coûteuses mais présentant la même efficacité pourront être prescrites – par exemple, l’Avastin dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, la DMLA.
M. Gilbert Barbier. Deux ans de retard !
Mme Marisol Touraine, ministre. S’agissant de cet exemple précis, le Gouvernement avait proposé une disposition en ce sens dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, soit dès la fin de l’année 2012. Toutefois, nous avions été amenés à retirer cette mesure du texte, pour des raisons de sécurité juridique. De nouvelles contraintes juridiques fixées depuis lors nous amènent à proposer un nouveau dispositif dans le présent projet de loi.
L’amendement adopté par l’Assemblée nationale, qui avait été présenté par le Gouvernement, illustre la politique qui est la nôtre : des économies en matière d’assurance maladie, réalisées par des réformes structurelles, mais qui ne remettent pas en cause la couverture sociale de nos concitoyens. Je veux insister sur ce point. En effet, l’accès aux soins est au cœur de la politique de santé que je défends et de la stratégie nationale de santé qui se met en place.
À cet égard, l’Assemblée nationale a également adopté plusieurs amendements tendant à consolider la mise en œuvre de deux réformes votées l’an dernier dans le cadre de la généralisation de l’accès à une complémentaire santé de qualité : la redéfinition des contrats responsables et solidaires et la sélection des contrats éligibles à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.
Un de ces amendements vise à valoriser le dispositif de maîtrise des dépassements d’honoraires que nous avons mis en place, en fournissant une meilleure prise en charge lorsque les dépassements mesurés sont réalisés par des médecins qui s’étaient engagés à la modération en signant un contrat d’accès aux soins.
D’autres amendements ont pour objet de remanier les conditions d’éligibilité à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, en l’étendant aux contrats collectifs à adhésion facultative, en écartant les contrats qui pratiquent des discriminations et en facilitant les conditions de passage vers les contrats sélectionnés pour les nouveaux bénéficiaires de l’aide.
Les efforts demandés sont réels ; ne les sous-estimons pas. Ils sont mis au service d’un objectif qui doit nous rassembler : la pérennité de notre modèle social et le financement de nouveaux droits.
Nous assurons la pérennité de notre modèle social en poursuivant, avec ce projet de loi, le rétablissement de l’équilibre de la sécurité sociale engagé depuis deux ans.
En 2013, année pour laquelle, je veux le souligner, la Cour des comptes a, pour la première fois, certifié l’intégralité des branches du régime général, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse a atteint son plus bas niveau depuis le début de la crise, soit 15,4 milliards d’euros. C’est mieux que ce qui était prévu dans la loi de financement initiale ! Au total, entre 2011 et 2013, le déficit du régime général a diminué de près de 30 %.
Ce résultat est le fruit d’une volonté politique. En 2010 – je veux le rappeler solennellement –, alors que la croissance atteignait 1,6 %, le déficit avait progressé de 4,5 milliards d’euros, pour s’élever à 28 milliards d’euros.
Mme Christiane Demontès. Eh oui !
Mme Marisol Touraine, ministre. En 2013, alors que la croissance ne s’est établie qu’à 0,1 %, nous avons réduit le déficit de plus de 2 milliards d’euros. C’est l’effet des réformes structurelles qui ont été engagées.
Mme Isabelle Debré. Il y avait juste une crise !
Mme Marisol Touraine, ministre. Les mesures que nous vous présentons aujourd’hui, dont, je le répète, je ne sous-estime ni l’effort qu’elles représentent ni la portée, permettront de poursuivre l’amélioration des comptes de la sécurité sociale au-delà de 2014, et donc de garantir dans la durée les droits dont peuvent se prévaloir nos concitoyens.
En effet, la question des comptes de la sécurité sociale n’est pas simplement une question d’équilibre budgétaire et financier : il y va également de la garantie des droits assurés par la sécurité sociale envers l’ensemble de nos concitoyens. À cet égard, la politique du Gouvernement consiste à redresser les comptes sociaux sans remettre en cause la qualité ni le niveau de la protection sociale des Français, et même à renforcer certains droits.
Je pense, par exemple, pour les femmes, au renforcement du droit à l’interruption volontaire de grossesse ou encore à l’amélioration de la prise en charge de la contraception pour les mineures. Je pense également, pour ce qui concerne les familles à bas revenus ou monoparentales, à la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, du complément familial et de l’allocation de soutien familial. Je pense encore à la possibilité, pour celles et ceux qui ont commencé à travailler jeunes, de partir plus tôt en retraite, avant même la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité, lequel bénéficiera, à partir de l’année 2015, aux travailleurs ayant été confrontés à des situations de pénibilité. Je pense aussi à l’extension du champ de la couverture maladie universelle complémentaire et de l’aide à la complémentaire santé, qui permettent à plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens de bénéficier d’une complémentaire gratuite ou aidée.
Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que nous vous proposons d’adopter est important. En effet, il marque la mobilisation de l’ensemble du Gouvernement – rappelée hier par le Président de la République – pour l’emploi et la croissance, au bénéfice, en particulier, des plus jeunes de nos concitoyens. Ce texte est important car il marque une politique de gauche. La différence entre une politique de progrès et une politique d’austérité, c’est que la première n’oppose jamais le rétablissement des comptes à la progression des droits. (M. René-Paul Savary fait mine de jouer du violon.) Et c’est pour faire progresser les droits de l’ensemble de nos concitoyens, en particulier des plus modestes, que nous sommes tenaces et, même, têtus dans notre volonté de rétablir l’équilibre de la sécurité sociale. Il y va de l’avenir de ces droits !
Être têtu permet d’améliorer la solidarité. Être têtu permet de la revendiquer. En effet, être têtu, c’est être exigeant, socialement et financièrement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacky Le Menn. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la seconde fois, dans l’histoire des lois de financement de la sécurité sociale – après 2011 –, que le Parlement examine une loi de financement rectificative.
Alors que le texte de 2011 portait sur une mesure unique, la prime de partage de la valeur ajoutée, le texte qui est aujourd’hui soumis à notre examen traduit un programme d’action complet pour le redressement de notre économie, au service de l’emploi et de la cohésion sociale.
Comme les lois de financement initiales, il comporte un certain nombre d’articles obligatoires, notamment l’article liminaire, relatif au solde des administrations publiques, et rectifie les prévisions de recettes et le tableau d’équilibre, ainsi que les objectifs de dépenses des différentes branches.
Après son passage à l’Assemblée nationale, le projet de loi compte vingt et un articles, cinq articles additionnels étant venus compléter les seize articles du texte initial.
Ainsi que nous y invite l’article liminaire, qui retrace les soldes de l’ensemble de nos comptes publics, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale doit être replacé dans le contexte plus global dans lequel il s’inscrit.
Au demeurant, quand les dépenses de sécurité sociale représentent 44 % des dépenses publiques, il n’est plus question de les considérer isolément. Elles font partie intégrante d’une stratégie plus globale.
Le contexte, c’est une croissance économique atone, un chômage dramatiquement élevé et des comptes publics structurellement déséquilibrés.
Pour y apporter une réponse, le projet de loi tend à traduire des engagements pris par le Président de la République dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, engagements que nous connaissons depuis plusieurs mois, dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre, notamment lors du discours de politique générale du Premier ministre et qui figurent pour partie dans le présent projet de loi, dans le collectif budgétaire, mais qui s’inscriront aussi dans les textes financiers à venir.
Le mot d’ordre du pacte de responsabilité, c’est la confiance. C’est l’idée de travailler ensemble, de conjuguer les efforts de l’État, des ménages et des entreprises pour trouver un nouvel élan et redonner des perspectives à notre économie et peut-être au-delà, à notre société.
Notre société est gagnée par la morosité, et même parfois par le fatalisme, alors qu’elle dispose de vrais atouts que nous devons conforter.
J’ai bien sûr à l’esprit la situation de grande précarité que connaissent nombre de nos concitoyens : 8 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, notamment des femmes seules, des jeunes et des enfants, ce qui pèse sur leur avenir et sur notre cohésion sociale. Soutenir le pouvoir d’achat et développer l’emploi, c’est lutter contre cette réalité.
Le projet de loi se décline donc dans un triptyque qui forme un tout cohérent : le soutien à la consommation des ménages modestes, le soutien à la compétitivité des entreprises et une trajectoire de redressement des comptes publics.
Je commencerai par le soutien aux ménages.
C’est l’engagement pris, après les efforts récents, de ne plus augmenter les prélèvements des classes moyennes, de soutenir le pouvoir d’achat des bas salaires et d’accroître la solidarité envers les plus fragiles.
Je rappelle ainsi que les minima sociaux ne sont pas concernés par le gel de prestations, bien au contraire : dans le cadre du plan pauvreté, l’allocation de soutien familial et le complément familial viennent d’être revalorisés, après l’allocation de rentrée scolaire en 2012 et le recentrage des prestations familiales sur les personnes modestes et sur les familles monoparentales.
Le coup de pouce aux prestations relevant du minimum vieillesse est maintenu, le revenu de solidarité active, le RSA, comme en 2013, sera revalorisé de 2 % de plus au 1er septembre prochain, avec l’objectif de l’augmenter de 10 % sur cinq ans.
Rappelons aussi que, le 1er juillet 2013, le plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire a été revalorisé, de même que celui de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, avec plus de 500 000 bénéficiaires supplémentaires. Dans un contexte difficile, l’effort envers les plus fragiles n’est pas seulement préservé, il est accru.
L’article 1er du projet de loi, via la baisse des cotisations salariales, introduit une progressivité des prélèvements salariaux et redonnera du salaire net aux salariés mais aussi aux fonctionnaires dont le montant du revenu est proche du SMIC. Cet effort, qui représente 2,5 milliards d’euros injectés dans le pouvoir d’achat des ménages, se combine avec l’aménagement du barème de l’impôt sur le revenu porté par le collectif budgétaire.
J’évoquerai ensuite le soutien à la compétitivité des entreprises.
Dans un climat économique difficile, le pacte vise à soutenir l’investissement des entreprises, à améliorer leur compétitivité à l’export, au moment précis où nous attendons la reprise de la croissance, portée par la demande mondiale.
Ce volet central du pacte passe par une amplification du mécanisme de la réduction dégressive de cotisations patronales sur les bas salaires, afin de parvenir à un niveau de « zéro charge URSSAF » pour le SMIC à compter du 1er janvier 2015. Il instaure également un taux réduit de cotisations d’allocations familiales sur les bas salaires. Il prévoit enfin de réduire les cotisations d’allocations familiales des travailleurs indépendants, agricoles et non agricoles, pour les bas revenus. Ces mesures seront complétées à compter de 2016 par l’extension du taux réduit de cotisations d’allocations familiales à l’ensemble des salaires inférieurs à 3,5 SMIC. L’allégement des charges des entreprises passe aussi par la suppression progressive, d’ici à 2017, de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S – une première étape est franchie en 2015, avec un abattement d’assiette à hauteur de 3,25 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Au total, les articles 2 et 3 du projet de loi représentent un effort de 6,5 milliards d’euros en 2015.
Sans modifier la portée du texte, l’Assemblée nationale a adopté des amendements destinés à réaffirmer certains principes. Elle a ainsi souhaité inclure dans la négociation annuelle de branche un suivi spécifique de l’effet sur l’emploi et sur les salaires de l’ensemble des avantages fiscaux et sociaux dont bénéficient les entreprises de la branche, afin de disposer, ainsi que les représentants des salariés, des outils de suivi en interne des effets du pacte. Considérant l’accentuation des allégements, elle a souhaité supprimer la neutralisation, dans le calcul des rémunérations éligibles, des temps de pause d’habillage et de déshabillage qui permet d’aller au-delà du seuil de 1,6 SMIC. Sur ce point, sur lequel nous avons été alertés par de nombreux représentants de divers secteurs d’activité, nous souhaiterions avoir plus de précisions de la part du Gouvernement.
Elle a également réaffirmé le principe de l’autonomie de gestion du régime social des indépendants, le RSI, afin de garantir que l’intégration financière de ses branches à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, et à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, se passe dans les meilleures conditions d’indépendance de gestion, comme cela a été le cas pour la mutualité sociale agricole.
Elle a aussi souhaité sortir dès 2015 l’ensemble des coopératives agricoles du champ de la C3S et non plus seulement, comme c’est le cas actuellement, celles « qui ont pour objet exclusif d’assurer l’approvisionnement de leurs associés coopérateurs ».
Sur l’initiative de sa commission de finances, l’Assemblée nationale a aussi demandé un rapport sur les conséquences pour le RSI de la suppression de la C3S et de l’intégration des indépendants au régime général que la commission des affaires sociales du Sénat vous suggère de bien vouloir reformuler.
L’Assemblée nationale a enfin réaffirmé le principe de compensation financière à la sécurité sociale des pertes de recettes créées par ce projet de loi, en rappelant que cette compensation serait bien annuelle et qu’elle interviendrait dès 2015, autrement dit dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’automne. Rappelons que cette compensation financière est garantie par le code de la sécurité sociale et que c’est donc a priori sur le budget de l’État qu’elle devrait peser.
J’en terminerai avec la trajectoire globale de redressement des finances publiques.
Dans le cadre fixé par le programme de stabilité 2014–2017, le pacte programme une réduction ambitieuse de notre déficit, avec un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur la période.
Ainsi que je l’ai rappelé en commission, il s’agit non pas de consentir 50 milliards d’euros d’économies par rapport à ce que nous dépensons actuellement, mais bien de dépenser 50 milliards d’euros de moins que ce que serait notre dépense supplémentaire si nous restions sur la même trajectoire tendancielle. En d’autres termes, si nous poursuivions sur la tendance actuelle, nous serions conduits, toutes administrations publiques confondues, à dépenser 120 milliards d’euros de plus sur les trois prochaines années. Le pacte de responsabilité consiste à ne dépenser « que » 70 milliards d’euros supplémentaires. (M. Jean-François Husson s’exclame.)
Notre système de protection sociale devra prendre sa part, soit 21 milliards d’euros, c’est-à-dire 42 %, à hauteur de son poids dans les dépenses publiques.
Mes chers collègues, l’augmentation de la dépense n’est pas un objectif en soi ni une garantie de qualité du service rendu. Il s’agit de réformer sans dégrader le service rendu aux assurés afin de préserver la pérennité de notre système. Si nous parlons de justice et de solidarité, il n’est ni juste ni solidaire de reporter sur les générations à venir le poids de nos remboursements de médicaments, de nos séjours hospitaliers ou encore de nos indemnités journalières.
Pour garantir l’avenir de ce système, qui a bien joué son rôle dans la crise, il faut en redresser les équilibres financiers dont je voudrais vous dire un mot.
Je rappelle tout d’abord que, d’après la loi de programmation en cours votée à la fin de l’année 2012, le retour à l’équilibre des comptes sociaux, toutes administrations de sécurité sociale confondues, était prévu en 2014. Nous avons consenti pour cela un effort de maîtrise des dépenses et de remise à niveau des recettes. Or, si les objectifs de dépenses ont été tenus, notamment l’ONDAM, pour la quatrième année consécutive, les recettes, en raison d’une croissance faible, n’ont pas été au rendez-vous, les déficits sociaux s’élevant à 12,5 milliards d’euros pour 2014.
Le projet de loi dégrade par conséquent la prévision de solde des régimes obligatoires de base à - 10,1 milliards d’euros, contre - 9,8 milliards prévus en loi de financement pour 2014. Le solde du régime général, avec - 9,9 milliards d’euros, passe sous la barre symbolique de 10 milliards d’euros.
Le solde des régimes obligatoires est la double conséquence de 1,7 milliard d’euros de moins en volume sur les recettes et de 1,4 milliard de moins en volume sur les dépenses. Cette révision de l’objectif de dépenses est due, pour l’essentiel, au rebasage de l’ONDAM.
Je souligne que, en dépit de ces ajustements, les dépenses des régimes obligatoires de base devraient progresser de 7,8 milliards d’euros entre 2013 et 2014. Il ne s’agit donc pas, là encore, d’une baisse des dépenses, mais d’une progression moins dynamique que ce qui avait été prévu.
Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale présente pour l’exercice 2014 des mesures destinées à corriger l’équilibre des comptes sociaux, telles que la rectification du montant de l’ONDAM.
L’article 9 prévoyait le gel du montant des pensions de retraite de base et de l’allocation de logement familiale, qui doivent normalement faire l’objet d’une revalorisation au 1er octobre prochain.
L’Assemblée nationale a supprimé le gel de l’allocation de logement familiale, comme elle l’avait déjà fait pour l’aide personnalisée au logement et pour l’allocation de logement social lors de l’examen du collectif budgétaire.
Elle a en revanche adopté le gel des pensions de base, lorsque le montant total de la pension est supérieur à 1 200 euros bruts par mois. Le montant des économies réalisées représenterait en année pleine près de 1 milliard d’euros, soit en moyenne onze euros par mois et par retraité.
Je rappelle que près de la moitié des retraités, soit 6,5 millions de personnes, ne seront pas concernés par ce gel, dans la mesure où leur pension est inférieure à 1 200 euros bruts par mois.
J’en conviens, le gel des prestations peut bien sûr être discuté, mais il est la moins mauvaise des solutions, par rapport à des coupes dans les prestations. Dans une période de faible inflation, un effort est certes demandé aux bénéficiaires, mais il ne porte que sur la moitié de la population concernée.
Sur le périmètre des ménages et pour le seul projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, les 935 millions d’euros de gel des pensions en 2015 sont à comparer avec les 2,5 milliards d’euros de pouvoir d’achat rendus aux actifs les plus modestes. Une lecture complète impliquerait de prendre en compte les mesures fiscales inscrites dans le collectif budgétaire en faveur des ménages les plus modestes.
Au titre des amendements adoptés par l’Assemblée nationale, outre ceux que j’ai déjà évoqués, je voudrais citer ceux qui portaient articles additionnels.
Inséré à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement, l’article 9 bis prévoit d’élargir le champ de la recommandation temporaire d’utilisation, la RTU, en autorisant l’usage de médicaments hors de leur autorisation de mise sur le marché dès lors qu’il n’existe pas de spécialité possédant la même substance active, le même dosage et la même forme pharmaceutique.
Les articles 9 ter à 9 sexies comportent diverses mesures relatives aux complémentaires santé. Il s’agit notamment d’étendre l’aide à la complémentaire santé aux contrats collectifs à adhésion facultative, de permettre aux personnes susceptibles de bénéficier de l’ACS de résilier par anticipation leur contrat actuel au bénéfice d’un contrat éligible à l’ACS, de préciser les critères d’éligibilité à l’ACS en excluant les contrats qui opéreraient une sélection sur l’âge des assurés, enfin de moduler les plafonds de prise en charge des dépassements d’honoraires par les contrats complémentaires dits « responsables » en fonction de l’adhésion du médecin à un contrat d’accès aux soins par lequel il s’engage à modérer ses dépassements, l’entrée en vigueur du nouveau dispositif étant reportée au 1er avril 2015.
Pour l’essentiel, mes chers collègues, les mesures portées par ce texte sont bien connues et sont discutées depuis plus de six mois. Le temps est venu de les concrétiser et de traduire dans le droit ces orientations. La commission des affaires sociales les a complétées, à l’article 2, par un amendement relatif aux cotisations sociales des particuliers employeurs que j’exposerai au cours de la discussion.
La commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)