M. le président. Monsieur Miquel, l'amendement n° 82 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Miquel. J’avais effectivement précisé qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.
Toutefois, permettez-moi de saluer les efforts réalisés par nos constructeurs automobiles, qui ont été les premiers au monde à mettre en place un système de filtres à particules, validé par un organisme de contrôle indépendant suisse. Ce travail a été remarquable. Aussi, je ne voudrais pas qu’on imagine un système qui pénalise trop les véhicules neufs qui arrivent sur le marché. Le problème que nous devons régler, c’est le remplacement des vieux véhicules par un mécanisme dont je ne sais pas encore ce qu’il peut être.
En tout état de cause, il faut traiter le diesel et l’essence de la même manière. Il faut lutter contre la pollution, en tenant compte des émissions à la fois de particules fines et de CO2, afin de proposer le système de bonus-malus le plus approprié.
Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 82 rectifié est retiré.
Madame Archimbaud, l'amendement n° 185 est-il maintenu ?
Mme Aline Archimbaud. Oui, je le maintiens, monsieur le président, car je veux insister ici sur l’importance du problème qui se pose, ainsi que vient de le souligner mon collègue Gérard Miquel.
Sur le plan financier, les frais que représentent les dégâts sanitaires liés aux maladies induites par les particules fines sont considérables. Et je pense qu’on peut inciter l’industrie automobile à être plus compétitive, en lui demandant de fabriquer des modèles moins polluants, qui, par conséquent, se vendraient mieux.
En outre, toutes les études montrent qu’il existe une corrélation entre les maladies pulmonaires, notamment, et le fait d’habiter au bord d’une rocade ou d’une route passante. Or ce sont les ménages les plus modestes qui sont les plus exposés, car ils n’ont pas la possibilité de changer de lieu d’habitation.
C’est pourquoi je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je souscris aux propos de mes collègues et tiens à souligner plusieurs points.
Tout d’abord, les propositions de mes collègues Aline Archimbaud et Gérard Miquel s’inscrivent tout à fait dans le droit fil des textes qui sont actuellement publiés par l’Union européenne.
L’Union européenne propose un paquet de mesures « Air pur pour l’Europe », composé de cinq textes, auquel s’ajoute une proposition de règlement en date du 30 janvier 2014 pour ce qui concerne la réglementation des véhicules diesel, qui insiste sur la nécessité de lutter pour la qualité de l’air pur, après que nous nous sommes battus, avec un certain succès, contre les émissions de gaz à effet de serre, les émissions de CO2, notamment, et, accessoirement, les émissions de méthane.
Il se trouve que je suis rapporteur de cet ensemble de mesures pour le Sénat, au nom de la commission des affaires européennes. Cela fait deux ou trois ans que l’on nous dit qu’on a besoin d’études ! Cela tombe bien : dans ce paquet, une étude d’impact très fournie a été réalisée à l'échelon européen, en soulignant les conséquences nationales ; je la transmettrai à M. le rapporteur général.
D’après cette étude, il ne s’agit pas simplement d’une question sanitaire, et les véhicules anciens ne sont pas les seuls en cause. En effet, bien que les véhicules soient passés de la norme Euro 1 à la norme Euro 5, mise en service en 2009 et qui était beaucoup plus exigeante, il se trouve que les véhicules Euro 5 émettent 25 % d’oxyde d’azote de plus que les précédents, à tel point que l’on prépare une norme Euro 6 à l’horizon de 2017.
Toutes les voitures vendues entre 2009 et 2017 produisent donc malheureusement davantage d’oxyde d’azote que les voitures fabriquées antérieurement. C’est un paradoxe, que ce paquet « Air pur pour l’Europe » met en lumière.
Sur le plan économique, la Commission européenne justifie ce nouveau paquet pour des raisons sanitaires, bien sûr, mais aussi pour des raisons économiques.
Elle souligne que l’amélioration de la qualité de l’air offre également des perspectives économiques, notamment aux secteurs des technologies propres de l’Union européenne. Elle observe que les grandes sociétés d’ingénierie de l’Union européenne tirent 40 % de leurs recettes de leurs activités environnementales. Aussi, elle estime qu’une politique plus exigeante permettra à l’industrie de l’Union européenne de conserver sa longueur d’avance.
Elle indique même que les bénéfices strictement économiques attendus doivent équilibrer les coûts induits par les nouvelles dispositions. Elle table, notamment grâce aux effets du programme de recherche et d’innovation de l’Union dénommé « Horizon 2020 », sur la création de 40 000 emplois dans ce secteur à cette échéance.
À titre d’exemple, elle relève que la Chine a récemment annoncé qu’elle investirait, durant les cinq prochaines années, quelque 0,4 % de son PIB par an dans la lutte contre la pollution atmosphérique à Pékin. Il ne s’agit donc pas là d’une simple lubie écologique – respirer de l’air pur ! C’est un combat sanitaire et économique.
L’Union européenne, dont la France, doit avoir une longueur d’avance en la matière. Nous sommes là totalement en phase avec la réglementation européenne. Ne prenons pas de retard ! M. le rapporteur général, ne vous servez pas de l’étude d’impact pour reporter cette question. Je vous enverrai le dossier, qui est colossal. Le Sénat a une excellente commission des affaires européennes, et la Commission européenne travaille d’ores et déjà sur ces questions. Elle vous montrera en quoi tout cela a une véritable valeur économique.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Mes chers collègues, je vous prie d’excuser mon extinction de voix, conséquence d’une pollution due non pas aux particules fines, mais aux climatiseurs, ce qui n’est pas mieux…
Je partage les attendus de l’amendement qui nous est proposé, mais le véhicule utilisé me pose problème.
En effet, la taxation, qui est toujours l’outil utilisé pour résoudre un problème, ne me semble pas être la bonne solution. Il conviendrait plutôt d’obliger l’industrie automobile à fabriquer des véhicules qui intègrent véritablement la réduction de toutes les pollutions : outre les gaz à effet de serre, il faut viser toutes les poussières dès la construction.
Prévoir des taxations revient à faire payer le consommateur. Or j’aimerais que l’on examine cette question en amont et que l’on ne demande pas toujours au consommateur de payer. Ceux qui ont les véhicules les plus polluants sont ceux qui, parfois, habitent loin des villes dans lesquelles ils travaillent parce qu’ils n’ont pas trouvé de quoi se loger dans des conditions correctes. Ne leur infligeons donc pas une double peine !
Votre amendement est intéressant, ma chère collègue, mais vous ne proposez pas le bon véhicule pour répondre à ce problème. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.
M. le président. L'amendement n° 139 rectifié, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section V du chapitre premier du titre III de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts est abrogée.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Voilà quelques semaines, les Français ont rempli leur déclaration d’impôt sur papier ou sur internet. Par ignorance ou par réflexe d’habitude, en tout cas plus ou moins machinalement, j’imagine, la plupart d’entre eux ont coché la case relative à la contribution à l’audiovisuel public, redevance qui a été très fortement augmentée dans le dernier budget, au détriment du pouvoir d’achat des Français. Nous le savons, ce sujet passionne régulièrement notre hémicycle.
On est en droit de se demander combien de temps cette redevance vivra encore, alors que le paysage audiovisuel ne cesse d’évoluer.
Pour couvrir l’événement sportif de grande envergure qui est en train d’avoir lieu au Brésil, diverses chaînes de notre pays et de nombreux autres pays se sont livrées à une concurrence acharnée. Or l’audiovisuel public français fut complètement absent de cette compétition à laquelle n’ont pris part qu’une chaîne privée française et des chaînes payantes françaises ou étrangères. Il y a là quelque chose d’assez frappant dans la mesure où cet événement ne se déroule que tous les quatre ans et que, durant ces quatre ans, les peuples s’emballent pour leur équipe nationale. Pourtant, les chaînes de l’audiovisuel public français, celles qui devraient donc relayer cet enthousiasme et suivre le parcours de l’équipe nationale, sont absentes de la compétition pour la retransmission des matchs. Bien entendu, dans ces conditions, la seule chaîne française à avoir acquis le droit de retransmettre des matchs est une chaîne privée.
M. Christian Bourquin. Il est étonnant d’entendre cela dans la bouche d’un libéral !
M. Philippe Dominati. Pendant combien de temps encore France Télévisions entretiendra-t-elle un certain nombre de chaînes appelées à figurer sur la mosaïque que l’on voit apparaître lorsqu’on allume son poste de télévision ? Chacun le sait, cette mosaïque offre une vue synthétique d’un bouquet d’une centaine de chaînes, auxquelles s’ajoutent encore cent cinquante chaînes payantes pour peu que l’on ait souscrit un abonnement. En fin de compte, il y a plus de chaînes dans votre téléviseur que de boulangeries dans votre département !
Mais beaucoup d’amateurs de football ont également cherché à suivre la Coupe du monde sur internet. Or ceux-là ne sont pas concernés par la redevance.
Tout cela montre bien que cette contribution à l’audiovisuel public est un vestige du passé. Elle appartient à l’histoire de notre fiscalité. Bien sûr, l’audiovisuel public a besoin de ressources, mais la redevance n’est plus à propos.
Alors, monsieur le secrétaire d'État, pour quand en prévoyez-vous la disparition ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Sachant que, selon la loi de finances initiale, la contribution à l’audiovisuel public devrait représenter une recette de 3,6 milliards d’euros, sa suppression déstabiliserait très gravement France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel. En outre, elle se traduirait par une charge supplémentaire pour le budget de l’État, car il faudrait compenser, au moins partiellement, cette disparition.
M. Philippe Dominati. Alors, que France Télévisions entre dans la compétition avec les chaînes privées pour la retransmission de la Coupe du monde !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Or vous demandez par ailleurs à l’État de faire des économies.
Cette mesure n’est donc pas possible dans le contexte budgétaire que vous connaissez.
En revanche, comme cela a été dit en commission, il paraît souhaitable de poursuivre la réflexion sur une évolution de l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public, afin de l’adapter notamment aux nouveaux supports numériques.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je ne vous communiquerai aucune date de suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Pour de nombreuses raisons, le Gouvernement est attaché à cette contribution, tout comme les Français d’ailleurs.
Je ne suis pas encore familier de votre hémicycle, mais j’ai cru comprendre que ce sujet animait régulièrement vos débats. J’imagine que ce sera encore le cas lorsqu’il s’agira de fixer le montant ou l’assiette de cette contribution, voire sa forme, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.
Monsieur le sénateur, permettez-moi d’apporter une précision à la suite de vos explications : sur sa déclaration de revenus, il ne faut cocher la case que si l’on ne possède pas de téléviseur. Depuis quelques années, en effet, la preuve est inversée.
Toujours est-il que le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement visant à priver l’ensemble de l’audiovisuel public, dont France Télévisions fait évidemment partie, de plus de 3 milliards d’euros de recettes.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. M. le secrétaire d’État vient de rappeler que l’on ne payait pas la contribution à l’audiovisuel public quand on ne possédait pas de téléviseur. Or, avec l’évolution des nouvelles technologies, en particulier avec le haut débit sur les tablettes, on peut recevoir en direct la télévision sans posséder de téléviseur. Il y a là une injustice à corriger.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est pour cela qu’il faut élargir l’assiette de la redevance !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous sommes évidemment opposés à cet amendement dont l’adoption porterait un coup supplémentaire aux moyens de France Télévisions. Je rappelle que toute une série de mesures budgétaires ont déjà été prises qui réduisent de manière inquiétante les ressources du service public de télévision.
L’argument qui a été avancé pour justifier cet amendement me semble assez fallacieux. En effet, on pourrait parler longuement des logiques spéculatives qui sont à l’œuvre quant aux droits de retransmission télévisuelle des grands événements sportifs comme la Coupe du monde de football. Ce sont elles qui poussent à la privatisation des retransmissions et qui plongent d’ailleurs un certain nombre de chaînes dans des difficultés financières croissantes. Les logiques de rentabilisation privée de ces événements sont en train de déstabiliser le budget des chaînes du service public.
Or France Télévisions, il faut le souligner, est le seul groupe audiovisuel qui s’efforce de s’intéresser à des événements sportifs qui ne sont pas rentables et de les rendre accessibles. Il retransmet ainsi des compétitions sportives qui seraient invisibles à la télévision si les seules logiques financières spéculatives devaient prévaloir.
Ce n’est donc vraiment pas le moment d’affaiblir le service public France Télévisions.
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Après l’article 2 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L'article 1609 sexdecies B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « en France, y compris dans les départements d'outre-mer, de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public » sont remplacés par les mots : « de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public établi en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer » ;
2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'une personne non établie en France est redevable de cette taxe, elle est tenue de souscrire une déclaration dont le modèle est fixé par l'administration. Cette déclaration est déposée, accompagnée du paiement, dans les conditions fixées en matière de taxe sur le chiffre d'affaires.
« Cette déclaration est souscrite par le redevable par l'intermédiaire d'un représentant établi en France, accrédité par l'administration fiscale, qui s'engage à remplir les formalités lui incombant, à acquitter les prélèvements à sa place et à tenir un registre des opérations relevant de ce régime d'imposition à la disposition de l'administration fiscale de l'État membre de consommation. Le registre des opérations est suffisamment détaillé pour permettre à l'administration de l'État membre de consommation de vérifier l'exactitude de la déclaration des prélèvements susvisés.
« Lorsque le redevable, qu'il soit établi dans l'Union européenne ou hors de celle-ci, n'a pas de représentant tel que défini à l'alinéa précédent, il souscrit cette déclaration, dans les mêmes conditions que celles prévues par le régime spécial de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée visé à l'article 298 sexdecies F, auprès du service des impôts des entreprises étrangères de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux. »
II. - Le I entre en vigueur à compter du 1er septembre 2014.
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Cet amendement tend à préciser les modalités d’extension aux acteurs de l'internet établis hors de France de la taxe actuelle sur la fourniture de vidéogrammes à la demande prévue par l’article 30 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 modifiant l’article 1609 sexdecies B du code général des impôts.
Le rendement de cette taxe doit représenter quelque 30 millions d’euros, uniquement à la charge des sites internet établis en France. Or, à partir du mois de septembre 2014, le leader américain Netflix de fourniture de vidéos en ligne à la demande prévoit d’ouvrir ses services aux consommateurs français depuis le territoire luxembourgeois, afin de s’exonérer des règles propres au soutien à la culture qui prévalent dans notre pays.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Philippe Marini. Afin d’assurer un traitement fiscal neutre et équitable entre les acteurs de la vidéo en ligne établis en France et à l’étranger, il est proposé d’assujettir à cette taxe les fournisseurs étrangers de vidéo à destination du public français dans le cadre d’une obligation déclarative auprès de l’administration fiscale, et plus particulièrement du service des impôts des entreprises étrangères au sein de la Direction des résidents à l'étranger et des services généraux.
Cette extension de périmètre d’une taxe existante ne créerait donc aucune charge supplémentaire pour les entreprises françaises. Au contraire, la mise en place d’un tel dispositif s’inscrirait dans une logique globale de soutien accru aux industries et activités culturelles. En effet, d’une part, le prélèvement de cette taxe serait effectué au bénéfice du Centre national du cinéma et de l'image animée, notre très cher CNC, souvent évoqué dans nos débats, d’autre part, l'élargissement de l'assiette proposé pourrait s’inscrire dans une réflexion plus globale sur la contribution des acteurs étrangers et une réduction des taux actuels.
Monsieur le secrétaire d'État, dans l’esprit de ma proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable, que votre collègue Mme Pellerin a ensevelie sous les fleurs, si j’ose ainsi m’exprimer (Sourires.), et dont est issu cet amendement, il convient de réaffirmer que les grands opérateurs de services internet établis à l’étranger, qui tirent leurs bénéfices des infrastructures et des services publics situés sur le territoire national, et qui, surtout, font appel au pouvoir d'achat des consommateurs français, doivent également participer à l’effort contributif et fiscal.
Monsieur le secrétaire d’État, j’ai eu le sentiment que le Gouvernement avait entendu cette préoccupation en insérant dans la loi de finances rectificative pour 2013 une disposition tendant à définir les redevables de cette taxe comme les « personnes, qu’elles soient établies en France ou hors de France ». Cependant, l’application de ce dispositif est suspendue, dans l’attente d’une réponse de la Commission européenne sur sa conformité au droit de l’Union européenne en matière d’aides d’État.
Cet amendement me donne donc l’occasion de vous interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur l’état de la procédure en cours et de proposer des modalités pratiques d’assujettissement des acteurs étrangers à compter du 1er septembre 2014.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’examen de cet amendement permet de faire utilement le point sur une question importante et de savoir où en est le dialogue avec la Commission européenne. Le Gouvernement dispose sans doute d’informations utiles à ce sujet. Cet amendement, dont l’objet prévoit une entrée en vigueur très proche, pourra sans doute être retiré après que le Gouvernement aura présenté la situation et les perspectives en la matière.
Par conséquent, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement connaît la position de la Haute Assemblée sur ce sujet. Il partage la préoccupation et l’objectif qui viennent d’être rappelés par Philippe Marini et le rapporteur général.
Le dispositif actuel a été voté à la fin de l’année 2013. Il répond à votre souhait de voir les opérateurs étrangers soumis à la taxe sur la vidéo. Les services en ligne, je vous le rappelle, seront également soumis à la TVA en 2015. L’adoption de votre amendement, monsieur Marini, obligerait à reprendre tout le processus de négociation avec la Commission, ce qui retarderait l’entrée en vigueur du dispositif.
Vous m’interrogez sur l’état de la négociation en cours. Je ne peux que vous confirmer qu’elle est en cours. J’ai bien conscience que cette réponse ne peut pas vous satisfaire entièrement, mais vous avez vous-même dit que la mise en œuvre du dispositif adopté à la fin de l’année 2013 nécessite l’agrément de la Commission. Or, à cette heure, il n’a pas encore été obtenu.
Je me suis déjà rapproché de ma collègue en charge de ce dossier, qui m’a dit diligenter les procédures requises auprès de la Commission afin de permettre le financement équilibré que vous appelez de vos vœux, et qui est une préoccupation commune. Il devient en effet urgent d’étendre aux acteurs de l’internet établis hors de France le paiement de cette taxe, compte tenu de l’apparition imminente sur notre marché d’un certain nombre d’entre eux.
Je vous prie donc, monsieur Marini, de bien vouloir retirer votre amendement, dont j’ai bien compris le sens. En effet, s’il était adopté, il créerait certaines difficultés, voire des incertitudes juridiques. Je pense que votre but était d’obtenir des informations. Elles sont certes encore un peu vagues, mais elles seront précisées dans les prochaines semaines.
M. le président. Monsieur Marini, en définitive, l'amendement n° 76 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Monsieur le secrétaire d’État, je ne vous cache pas une certaine déception. Il me semble que le Gouvernement n’est pas exagérément pugnace dans cette affaire. J’ai eu le sentiment que Mme la ministre de la culture était désireuse de voir ce dossier avancer, mais je ne sais pas si cette préoccupation est relayée avec assez de conviction du côté de la rue de Bercy. Mais vous avez tant à faire ! Dès lors, la culture ne figure peut-être pas au tout premier rang de vos préoccupations immédiates…
Je souhaite néanmoins que nous prenions position aussi rapidement que possible sur la procédure. Je préconise ici une déclaration obligatoire du chiffre d’affaires – jusqu’ici, le texte en vigueur ne le prévoit pas –, à laquelle les acteurs établis hors de France devraient se plier. Je ne sais pas si nous avons questionné la Commission européenne sur cette proposition technique. À mon sens, faute d’un mécanisme de cette nature, le système ne fonctionnera pas concrètement.
Je pense aussi que la France aurait tout avantage à se rapprocher d’autres États membres de l’Union européenne, qui peuvent avoir les mêmes intérêts et se trouver dans la même situation que nous.
Évidemment, mon amendement tendant à prévoir une entrée en vigueur du dispositif au 1er septembre prochain, je reconnais qu’il est un peu ambitieux. Je ne verrais pas d’inconvénient à repousser cette date au 1er janvier 2015.
Il me semble néanmoins qu’un dispositif permettant de faire pression sur la Commission européenne et de l’obliger à nous répondre dans un délai raisonnable, même si elle est en fin de mandat, serait utile.
Je rappelle enfin, monsieur le secrétaire d’État, que nous avons su faire preuve de volontarisme dans le domaine du livre électronique. Nous avons en effet adopté un taux de TVA réduit de 2,1 %, dont je n’étais d’ailleurs pas, pour ma part, un partisan inconditionnel, mais cette disposition nationale a fait avancer le débat, ainsi que l’environnement juridique européen.
Cet amendement pourrait donc être un signal. C’est en tant que tel que je vous le proposais. Sincèrement, je ne vois pas bien quels inconvénients présenterait son adoption. (M. Jean-Claude Requier opine.)
M. le président. Monsieur Marini, dois-je comprendre que vous maintenez votre amendement ?
M. Philippe Marini. Disons, monsieur le président, qu’en cet instant je ne suis pas encore tout à fait convaincu de la nécessité de le retirer. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Marc Todeschini. Bon courage !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Merci de ces encouragements ! (Sourires.)
Je dirai en langage diplomatique à M. Marini que, si blocage il y a, il ne vient pas de Bercy. Bercy a bien compris l’intérêt de l’adoption et surtout de la mise en œuvre du dispositif qui a été voté ici et dont M. Marini propose l’extension.
Le secrétaire d’État au budget ne peut pas aller jusqu’à vous dire : « Ayez confiance ! », mais sachez qu’il veillera à obtenir un accord – c’est évidemment ce que nous souhaitons – ou tout au moins une réponse claire de la part de la Commission sur ce sujet, en exerçant les pressions nécessaires et en procédant aux bonnes consultations.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous rencontrons exactement le même problème avec la loi « anti-Amazon », que nous venons de voter dans cette assemblée et dont la Commission européenne s’apprête à différer l’application. Le rapporteur, notre collègue Bariza Khiari, sait les problèmes que nous allons rencontrer avec cette loi. Il s’agit bien de la même problématique. Du reste, c’est aussi la même problématique fiscale.
Si vous avancez, monsieur le président de la commission, sur ces problèmes, pensez au même moment au problème d’Amazon et de ce type de groupe, qui porte atteinte, directement ou indirectement, à l’industrie culturelle française.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je soutiendrai l’amendement de M Marini, non parce que j’en partage totalement les tenants et les aboutissants, mais, plus largement, parce que le problème et la solution sont ici les mêmes : c’est l’Europe.
L’Europe en soi n’est pas un problème. Ce qui l’est, c’est l’absence, sinon d’harmonie fiscale, au moins de convergence fiscale pour faire face aux phénomènes de dumping fiscal, puisque c’est ainsi qu’on peut appeler ce que font le Luxembourg et l’Irlande en matière d’impôt sur les sociétés ou de TVA.
La vraie difficulté ne se situe pas nécessairement au niveau de la Commission européenne, même si l’on peut contester le fait qu’il n’y ait qu’une politique de concurrence et qu’il n’y ait pas de politique industrielle. De ce fait, si nous voulons demain rattraper notre retard dans le domaine des nouvelles technologies, nous ne pourrons pas intervenir de manière sectorisée et forte là où le financement privé à l’échelon européen est insuffisant.
En l’espèce la vraie difficulté se situe au niveau des États. M. Marini a eu la gentillesse de m’associer à un certain nombre d’entretiens voilà un peu plus d’un an et demi, dans le cadre de la commission des affaires européennes. J’ai ainsi eu l’occasion d’auditionner l’ambassadeur d’Irlande et une partie de l’équipe gouvernementale de ce pays, qui prenait alors la présidence de l’Union. Lorsque j’ai interrogé l’ambassadeur d’Irlande sur le dumping fiscal, il m’a rétorqué que nous, les Français, nous avions le crédit d’impôt recherche et m’a signalé que tous les chercheurs irlandais quittaient leur pays pour venir en France.
Il faut donc que tous les États essaient d’harmoniser leurs pratiques et fassent preuve d’intelligence collective s’agissant de leurs instruments d’action économique et fiscaux.
Je ne veux pas dédouaner – surtout pas ! – le Luxembourg ou l’Irlande, dont les pratiques sont à une autre échelle, mais le fait est que nous jouons tous de nos petites marges nationales, si bien que nous ne parvenons pas à nous mettre autour d’une table entre Européens afin d’essayer de dégager des logiques communes, des besoins industriels communs, car nous sommes dépassés.
Mme Merkel a beau déclarer qu’elle veut un internet européen, M. Hollande a beau lui emboîter le pas, quand la commission des affaires européennes s’est rendue dans les ministères à Berlin, personne n’a été capable de nous dire ce qu’est une Europe de l’internet.
Une réflexion sur ces questions s’impose. Elle nous obligera à remettre un peu à plat et en cohérence nos instruments d’intervention économique, qui sont essentiellement fiscaux.
Si cet amendement est maintenu, je le voterai donc, par principe.