M. Christian Bourquin. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis animé par un sentiment de gratitude. En effet, le ton que vous avez employé pendant une demi-heure, monsieur le ministre, pour nous présenter votre projet de loi était particulièrement apaisant – ma collègue l’a d'ailleurs relevé.
Toutefois, la douceur de ce ton contraste avec la violence du texte. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué : vous nous proposez dans un temps court de supprimer la moitié des régions, de supprimer en théorie les départements, puis de bouleverser la totalité des communautés de communes. C'est tout de même un choc pour les populations et pour les territoires, c’est une violence pour les élus et également pour l’ensemble des fonctionnaires qui travaillent dans nos collectivités.
Depuis quelques jours, voire quelques semaines, vous nous avez soufflé le chaud et le froid. Au début, c'était une fermeture hermétique. Je vous rappelle que le Premier ministre nous a annoncé un certain nombre de fois – ici même, ou dans des émissions de télévision ou de radio –, avec beaucoup d’autorité, que l’on ne toucherait pas à la carte, qu’il y aurait quatorze régions, qu’il n’était pas question de modifier quoi que ce soit et qu’il n’y aurait évidemment pas de droit d’option.
Cela a été dit avec beaucoup de fermeté, et voilà que nous découvrons, au fil des débats – un peu aujourd'hui, dans les questions d’actualité – qu’un certain nombre d'ouvertures sont en train de se faire. Nous pouvons nous en féliciter. L’opposition en particulier peut s'en féliciter : son attitude, comme celle de tous ceux qui ont résisté par leurs propos, a peut-être contribué à ouvrir les yeux du Gouvernement, tout comme y ont contribué les élus locaux, les départements, les régions et les manifestations qui ont eu lieu au plan local.
Par ailleurs, nous sommes au Sénat et non à l’école primaire. Quand j’entends dire qu’on va nous « coller » tout le mois de juillet, le mois d’août, ainsi que les week-ends, cela ne me plaît pas ! Je n’apprécie pas la menace.
M. Philippe Dallier. Des séances au mois d’août, c’est quand les sénateurs ne sont pas sages ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. De surcroît, ce matin, au moment où nous avons refusé l’article 1er, j’ai entendu avec surprise l’un des porte-parole de la majorité nous dire que, si jamais on ne discutait pas de la carte, il n’y aurait qu’une seule lecture du texte. Est-ce officiel, ou, plus sûrement, s’agit-il d’une menace agitée par un parlementaire qui a voulu nous faire peur pour nous pousser à voter un texte ? C’est une question qui vous a été posée, monsieur le ministre, et j’espère que nous aurons une réponse.
On ne connaît pas la règle du jeu, et c’est tout de même surprenant. M. Mézard a fait tout à l’heure un certain nombre de citations. Le Président de la République a affirmé à Tulle, en janvier 2013 : moi, Président de la République et ancien président de département, je protégerai les départements, car je suis départementaliste. Puis, au mois de mai dernier, il nous annonce que les départements ont vécu, et nul ne sourcille, tout le monde baisse le nez, alors qu’il fait strictement le contraire de ce qu’il avait promis quatre mois plus tôt ! Qu’un Président de la République affirme une chose un jour et le lendemain soutienne son contraire, cela me gêne en tant que citoyen et en tant qu’élu !
Je regrette l’absence, ce soir, parmi nous, de M. Vallini, qui s’est rendu il y a quelques jours à Nevers, ville qui a été évoquée par mon collègue Didier Guillaume. Or, à Nevers, M. Vallini en a pris pour son grade, si j’ose dire, lors des états généraux des nouvelles ruralités ! Il y avait trente-six départements de gauche. Quatre départements de gauche de quatre régions de gauche organisaient cette journée. Ils ont signifié à M. Vallini ce qu’ils pensaient de la réforme. M. Vallini leur a répondu qu’il était possible de réaliser des économies. La preuve selon lui ? Les routes départementales sont trop belles et il faut économiser sur leur entretien !
M. Daniel Dubois. Il a osé dire cela ? (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Lisez les comptes rendus, cela y figure ! C’est tout de même une façon spéciale de voir les choses…
Monsieur le ministre, ne dites pas que nous n’avons rien à proposer. Au contraire, nous refusons ce texte, mais nous approuvons la réduction du nombre des régions. Vous n’avez malheureusement cité qu’une partie du rapport Raffarin-Krattinger, mais vous savez que nous avons des propositions importantes en la matière.
En l’occurrence, nous proposons de diminuer le nombre des régions, mais de maintenir les départements, voire éventuellement d’en modifier le nombre. D’ailleurs, notre collègue Guillaume a formulé tout à l’heure des suggestions qui n’étaient pas inintéressantes, ce qui prouve que nous pouvons nous retrouver sur certains sujets.
Ce qui me frappe également, c’est la recentralisation. J’en veux pour preuve la région à laquelle j’appartiens pour l’instant sur la future carte : la région qu’un journal a baptisée « Limouchentre » : Limousin-Centre-Poitou-Charentes ! Toutes les études et les enquêtes réalisées montrent que personne n’en veut. La région Pays de la Loire approuve une éventuelle fusion avec nous à 2 %. Les régions Limousin et Poitou-Charentes nous disent : surtout pas vous, nous, nous voulons nous associer avec l’Aquitaine. C’est tout de même quelque peu gênant de nous avoir mariés d’office avec des départements et des régions qui ne voulaient pas de nous.
Cette future région fondra treize départements et trois régions en une seule collectivité : seize en une ! À terme, il n’y aura plus de présidents de conseils généraux et il ne restera qu’un seul président de région, qui se trouvera en face de treize préfets. Ne s’agit-il pas de recentralisation ? Comment un président de région, avec quelques représentants de-ci de-là dans un département pourra-t-il exister face à l’État, qui aura tous les pouvoirs ?
Je vous rappelle que le deuxième texte que nous devrons examiner, et que nous aurions dû étudier avant, prévoit que le choix de la capitale régionale se fera par décret en Conseil d’État, donc par les préfets ! On demandera l’avis des élus, mais nous savons très bien que nul n’en tiendra compte : on l’a bien vu au moment du découpage des cantons. Quand, dans les schémas prescriptifs, cela ne fonctionne pas, ce sont les préfets qui imposent leur avis. De même avec les communautés de communes. Les élus seront donc exclus de toutes les décisions importantes concernant les territoires.
Je dirai un mot également sur la situation choquante des personnels. Il est amusant, si j’ose dire, que Mme la ministre nous ait envoyé le 16 mai dernier, soit quelques jours avant la parution du texte le 18 mai, un document relatif à la prévention des risques psychosociaux dans la fonction publique !
On nous a fait parvenir un texte pour nous dire : attention, dans deux jours, vous allez annoncer une mauvaise nouvelle à vos fonctionnaires ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Chers collègues, je puis vous garantir qu’ils l’ont ressenti comme ça. Vous protestez parce que ça ne vous intéresse pas de savoir ce que pensent les fonctionnaires de vos collectivités ! (Mêmes mouvements.) Moi, je me soucie de ceux dont j’ai la responsabilité et je sais qu’ils sont complètement dépités.
M. Didier Guillaume. Cela dépend de ce qu’on leur dit !
M. Éric Doligé. Tout va tellement vite que je n’ai pas eu le temps de leur dire quoi que ce soit !
M. Alain Néri. Tout ce qui est excessif est insignifiant, cher collègue !
M. Éric Doligé. Vous êtes donc insignifiant, monsieur Néri, puisque vous êtes excessif ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Ma collectivité compte 2 600 fonctionnaires, mais 10 000 personnes dépendent à 100 % de nous. Je pense à tous les établissements pour les personnes handicapées, lesquels sont payés intégralement par le département. Vous êtes en train de déstabiliser tout un territoire, ce qui n’ira pas sans poser des problèmes extrêmement importants.
Monsieur le ministre, des sondages intéressants, que je n’ai pas le temps de citer, ont été réalisés. J’ai également en ma possession un document, que vous devriez vous procurer et qui nous a été envoyé en avril par Mme Lebranchu – Printemps 2012-printemps 2014, deux ans d’actions de décentralisation de modernisation de l’action publique –, dans lequel votre collègue du Gouvernement nous explique tous les bienfaits du département. C’est également intéressant !
Pour conclure, nous sommes d’accord sur de nombreux points. Nous aimerions savoir clairement si l’on peut changer les limites des régions, si l’on a le droit d’option, si l’on peut modifier les dates des élections et si l’on peut découpler les élections départementales et régionales. Si on nous laissait suffisamment de temps pour travailler à l’élaboration d’une nouvelle carte, je vous certifie que nous pourrions aboutir à un redécoupage équilibré. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après le mariage pour tous, voici venu le temps du mariage forcé. Un mariage forcé entre deux ou trois régions. Un mariage forcé qui ne satisfait personne.
M. Alain Néri. Si, l’Auvergne !
M. Daniel Dubois. Un mariage forcé dont sont exclues quelques baronnies très proches du pouvoir !
La méthode utilisée est particulièrement détestable. Une carte dessinée à la va-vite sur un coin de table à l’Élysée. Une étude d’impact dont le contenu laisse à désirer. Une procédure d’urgence au Parlement que nous vivons ici, au Sénat, comme une défiance inadmissible vis-à-vis de tous les sénateurs et de la qualité de leurs travaux. Aucun avis demandé aux conseils régionaux et départementaux concernés, malgré la loi du 24 février 1996. Pourtant, la réforme de l’organisation territoriale de notre pays est un enjeu d’avenir.
À ce moment de mon propos, je voudrais saluer le travail réalisé par nos collègues Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger pour la mission commune d’information sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est mérité !
M. Daniel Dubois. De l’ensemble de leurs propositions, j’ai retenu que, si le nombre de régions devait être fixé par la loi, il était impossible d’en déterminer les contours sans une concertation approfondie. Je souscris à cette méthode, que vous auriez dû suivre, monsieur le ministre.
J’ai aussi retenu l’idée que le regroupement des régions devait s’accompagner du maintien des départements comme collectivités de proximité. Là encore, j’adhère à cette analyse pertinente. Le choix du Gouvernement est tout autre : c’est regrettable et c’est dangereux pour notre démocratie locale.
M. Jean-Claude Lenoir. Je confirme !
M. Daniel Dubois. Les vrais enjeux ne sont pas pris en compte par ce texte. De nombreux éléments ne figurent pas dans ce projet de regroupement des régions. J’en citerai trois : premièrement, ce texte ne prend pas en compte l’avenir du bassin parisien dans le concert européen, pour ne pas dire mondial ; deuxièmement, le projet de loi ne tient pas compte du potentiel d’avenir de nos façades littorales ; troisièmement, les choix de métropoles d’équilibre dans chacune des régions ont encore moins été pris en compte.
En outre, j’ai le sentiment que le problème a été pris à l’envers. Comme de nombreux intervenants l’ont souligné, la première question à se poser aurait dû être : quels services doivent rendre les régions ? Ce qui nous renvoie à la question de la répartition des compétences.
La deuxième question concerne les moyens humains et financiers pour exercer ces compétences efficacement et à moindre coût pour les contribuables. Cela nous renvoie à la modernisation du statut de la fonction publique, au problème de la fiscalité locale, à la baisse des dotations de l’État.
La troisième question est celle, non moins importante, de la réforme de l’État, tant à l’échelon central qu’au niveau déconcentré pour supprimer tous les doublons.
Enfin, la quatrième question touche aux liens historiques, culturels, économiques, sociaux et géographiques qui justifieraient le regroupement des régions. Pour la Normandie, cela semble aller de soi. Toutefois, n’est-ce pas l’exception qui confirme la règle ?
Monsieur le ministre, aucune de ces questions n’a été posée. L’inquiétude est donc grandissante. Le Gouvernement s’est jeté à corps perdu dans une réforme où il n’a aucune visibilité.
Concernant la carte des régions proposée par le Gouvernement, quels ont été les critères retenus pour l’élaborer ? Quelle a été « la carte de la carte » ? Quant à l’étude d’impact, elle ne fait que tenter de justifier laborieusement le découpage par la prise en compte des dimensions démographiques et économiques. Soyons clairs, il ne s’agit que d’une justification de fortune pour cacher la précipitation et les tergiversations de l’exécutif.
Je constate dans mon département, la Somme, en Picardie, combien est mal vécu le mariage forcé avec la Champagne-Ardenne. Toutes les assemblées locales, de droite comme de gauche, ont exprimé des avis négatifs, tout comme les habitants via les pétitions en ligne.
À titre personnel, je m’opposerai de toutes mes forces à ce mariage forcé avec la région Champagne-Ardenne. Le contrat de mariage est léonin, monsieur le ministre, et vos plaidoiries n’y pourront rien changer !
Je pourrais aussi citer le mariage forcé de Midi-Pyrénées avec Languedoc-Roussillon, ou encore la création de la vaste région Centre-Limousin-Poitou-Charentes. Et que dire du maintien en l’état de la région Bretagne, ou encore du Nord-Pas-de-Calais, région chère à notre rapporteur ? Je crois qu’il n’a pas eu d’états d’âme quand il a fallu voter le rapport de la mission spéciale !
Pourtant, M. Vallini avait trouvé un argument massue pour faire accepter sa réforme : elle allait, selon lui, permettre de dégager des économies colossales, entre 12 et 25 milliards d’euros. Ces chiffres, monsieur le ministre, ne sont pas sérieux !
Le second sujet de ce projet de loi, et non des moindres, est le report des élections régionales et cantonales à décembre 2015. Outre l’abrogation du conseiller territorial, François Hollande a décidé de reporter les élections prévues en 2014 à mars 2015 pour aérer le calendrier électoral et permettre le charcutage de tous les cantons de France.
M. Didier Guillaume. Ça suffit !
M. Alain Néri. Pour le charcutage, adressez-vous à M. Marleix, c’est le spécialiste !
M. Daniel Dubois. Aujourd’hui, il est question d’un nouveau report, à décembre 2015. Je m’interroge : jusqu’à quand va-t-on continuer de se moquer des citoyens ? À moins qu’il ne s’agisse de reporter aux calendes grecques le rendez-vous avec une nouvelle défaite des candidats socialistes !
Enfin, le projet de loi actuel prévoit de désigner les chefs-lieux des nouvelles régions par décret. Là aussi, le choix d’une nouvelle capitale régionale ne doit pas se faire sur un coin de table de la place Beauvau, monsieur le ministre. À lire votre texte, vous décideriez d’une ville pour accueillir le siège des futures « mégarégions », avant de demander l’avis d’un certain nombre d’organismes dont la liste n’est d’ailleurs pas fixée dans la loi.
Au-delà de cet aspect juridique, je m’interroge sur le fin fond de votre pensée. Depuis la loi du 21 février 1996, la procédure de changement de chef-lieu de région est clairement énoncée. Je vous renvoie à l’article L. 4122-2 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que « le transfert du chef-lieu d’une région est décidé […] après consultation du conseil régional et des conseils généraux ainsi que des conseils municipaux de la ville siège du chef-lieu et de celle où le transfert du chef-lieu est envisagé ».
Pourquoi diable changer cette procédure ?
Votre texte prévoit que vous, et vous seul, allez décider du siège de la future région, que vous demanderez l’avis de la seule commune d’accueil – et je ne vois pas comment elle pourrait être défavorable – et du conseil régional.
L’enjeu est de taille, mes chers collègues. La capitale régionale, c’est le siège du président du conseil régional, des élus régionaux, de la direction des services et des principales directions.
M. Didier Guillaume. Ils ne vivent pas tous là !
M. Daniel Dubois. L’hémicycle actuel sera-t-il suffisant pour accueillir tous les élus supplémentaires ? C’est une question qui fit débat il y a quelques années, les opposants au conseiller territorial dénonçant le coût exorbitant de l’agrandissement ou de la construction de nouveaux hémicycles. Étrangement, monsieur le ministre, vous passez ce point sous silence. Il n’est pourtant pas sans incidence sur le coût de la réforme que vous nous proposez.
La capitale régionale, c’est également tout un symbole pour les villes concernées, un symbole et un atout économique.
La capitale régionale, c’est enfin le lieu où travaillent des milliers d’agents du conseil régional. Même si tous ne vont pas rejoindre la future capitale régionale, tôt ou tard, une majorité d’entre eux seront invités à le faire. La ville qui perdra la qualité de chef-lieu de région perdra des milliers d’emplois et toute l’activité économique qui en découle.
Le choix d’une capitale régionale est donc primordial.
Vous comprendrez que je prenne l’exemple de la ville d’Amiens, capitale du département de la Somme et de la région Picardie. Monsieur le ministre, avez-vous l’intention de solliciter l’avis du conseil municipal d’Amiens ? Avez-vous l’intention de transférer le chef-lieu de région à Châlons-en-Champagne, si nous sommes mariés de force avec Champagne-Ardenne, ou à Lille, si c’est avec le Nord-Pas-de-Calais ? Mais, à entendre le rapporteur de la commission spéciale, j’ai compris que cette dernière hypothèse ne serait pas retenue ! Avez-vous l’intention de transférer ce chef-lieu dans une nouvelle ville, Reims par exemple ?
À titre personnel, je considère qu’Amiens doit rester une capitale régionale.
Manque de réflexion en amont, manque de visibilité sur les court, moyen et long termes, manque de respect du travail parlementaire, des citoyens et des élus locaux : tel est, pour résumer, le constat fait par bon nombre d’entre nous au sujet de cette réforme territoriale. Elle est menée avec l’énergie du désespoir pour grappiller des points de popularité dans les sondages avant l’été.
Tout en dénonçant l’absence de cap du Gouvernement, nous considérons qu’une réforme de nos territoires est pourtant fondamentale. C’est même une nécessité absolue. Notre pays ne peut plus se satisfaire d’un statu quo dans tous les domaines. La France a besoin de se réformer pour retrouver vigueur et dynamisme. Encore faut-il que la réforme soit juste, équitable, comprise et admise. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.)
Le cap d’une telle réforme doit être l’accomplissement d’un triple objectif : rechercher une meilleure efficience publique, lutter contre l’érosion de la démocratie locale, armer la France face aux défis de la mondialisation en s’appuyant sur les territoires urbains et ruraux.
M. Alain Néri. Qu’est-ce que vous avez fait pendant dix ans ? Vous avez dormi ! Et maintenant vous vous réveillez !
M. Daniel Dubois. Il faut que les territoires soient pleinement parties prenantes dans l’élaboration de leur nouvelle organisation. C’est un préalable à toute réforme réussie des territoires. (Nouvelles marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.)
Écoutez la conclusion avant de râler !
C’est pourquoi le groupe centriste participera à l’examen de ce texte pour le faire évoluer dans le bon sens. Il y va de la rénovation de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Philippe Kaltenbach. La conclusion est très bonne !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Dubois, vos propos respiraient véritablement la convivialité !
M. Éric Doligé. Quand on veut nous supprimer, on résiste !
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons enfin au fond de ce projet de loi. Je dis « enfin », car il y a eu quelques obstacles : demande de création d’une commission spéciale,…
M. Gérard Larcher. Ce n’est pas un obstacle, c’est un moyen de travailler !
M. Philippe Kaltenbach. La commission des lois aurait très bien pu travailler sur ce texte, mon cher collègue !
… demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur l’étude d’impact, vote d’une motion référendaire, repoussée très largement hier soir à l’Assemblée nationale par les députés socialistes et écologistes, mais également par ceux du groupe UDI.
Ces obstacles étant levés, nous engageons enfin le débat au fond.
J’ai écouté attentivement tous les intervenants qui se sont succédé au cours de cette discussion générale ; beaucoup, c’est vrai, ont exprimé leur opposition, parfois farouche, à ce projet, d’autres ont fait part de leur grande insatisfaction, mais la plupart ont reconnu la nécessité d’une réforme.
Pour ceux qui s’y opposent, cette réforme serait une mauvaise, voire très mauvaise réforme. Pourtant, et là je ne comprends plus, ils ne semblent pas souhaiter y apporter des modifications. C’est ainsi qu’ils ont demandé hier un recours au référendum et qu’ils ont voté ce matin, dans le cadre de la commission spéciale, la suppression de l’article 1er, laquelle ferait tomber l’essentiel du texte et clôturerait de facto nos débats sur la carte des nouvelles régions.
Mes chers collègues, allons-nous continuer, avec cette stratégie d’évitement, à nous interdire nous-mêmes d’apporter des modifications à ce texte ? Pour le groupe socialiste, ainsi que nous ne cessons de le répéter, ce texte n’est pas figé. Nous sommes favorables à des évolutions…
M. Jean-François Husson. Demandez donc à vos alliés de vous aider !
M. Philippe Kaltenbach. … et le Parlement, tout particulièrement sa chambre haute, qui est saisie la première, a toute latitude pour faire évoluer ce projet de loi.
Le Gouvernement l’a dit tout à l’heure encore par la voix de Bernard Cazeneuve : il souhaite que le Sénat fasse son travail, s’empare du texte et mette en œuvre son expertise.
J’espère donc que l’incohérence que nous avons pu relever hier chez les partisans de la motion référendaire ou ce matin chez celles et ceux qui ont voté la suppression de l’article 1er ne se répétera pas en séance, que ceux qui ne sont pas satisfaits feront des propositions, défendront des amendements, et que, ensemble, nous pourrons faire évoluer ce texte.
J’espère que les postures ne nous conduiront pas in fine à rendre une copie blanche.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Philippe Kaltenbach. Jean-Pierre Sueur l’a bien expliqué : ce serait se tirer une balle dans le pied.
On ne peut pas dénoncer le contenu d’une réforme et, dans le même temps, s’en remettre à d’autres pour l’amender et la valider. Nous sommes aujourd’hui en mesure de le faire.
Comme Mme Gourault, j’ai toute confiance en nos excellents collègues députés pour modifier la carte, pour tenir compte des petits départements afin qu’ils soient bien représentés, pour faire en sorte que le droit d’option soit mis en place, mais je pense que c’est d’abord à nous, sénateurs, de nous saisir de ces dossiers et de faire des propositions pour faire valoir le point de vue spécifique du Sénat.
Remplissons pleinement le rôle qui nous a été confié, ne regardons pas passer le train de cette réforme territoriale, faisons notre travail de législateur.
La semaine dernière, le climat était plus favorable. La commission spéciale a travaillé au fond, a fait des propositions, s’est accordée majoritairement sur une nouvelle carte qui, je l’avoue, était à mon sens plus cohérente que celle qu’avait initialement proposée le Gouvernement.
Qui plus est, ce texte reprend, dans son esprit, les grands principes de la réforme territoriale que nous appelons de nos vœux sur de nombreuses travées de cet hémicycle. Allons-nous renier nos principes et ne pas nous emparer de ce texte, alors que beaucoup ici ont défendu la réduction du nombre des régions ? Le Gouvernement propose d’en fixer le nombre à quatorze ; la commission spéciale avait réduit ce nombre à douze ; on pourrait même le réduire à dix ! Alors, allons-nous ne rien faire, transmettre ce texte à l’Assemblée nationale sans y imprimer notre marque ? Ou allons-nous changer d’attitude et renoncer aux postures politiques ?
C’est vrai, les élections sénatoriales approchent, mais elles n’auront lieu qu’en septembre et nous sommes encore en juillet. N’anticipons pas trop sur le calendrier.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. On sent quand même poindre le renouvellement !
M. Philippe Kaltenbach. Il est vrai que certains paraissent très motivés par ces élections sénatoriales et par ce qui s’ensuivra. Mais faisons la part des choses entre des élections à venir et un débat important sur un texte qui engage nos collectivités territoriales pour longtemps.
Cinquante ans après la naissance des régions, notre pays a changé et il faut adapter son architecture territoriale. Cela a été bien expliqué : le XIXe siècle a connu le couple commune-département, et cette architecture convenait parfaitement à la France rurale d’alors ; aujourd’hui, il faut la faire évoluer. Pour ma part, je crois beaucoup aux métropoles, je crois beaucoup également aux régions, à de grandes régions, et c’est sur ce nouveau couple métropole-région que notre pays doit s’appuyer pour redresser son économie, retrouver la croissance et créer des emplois.
Le groupe socialiste s’inscrit dans cette démarche constructive. Depuis le début de l’examen de ce texte, nous défendons nos amendements tout en faisant preuve d’ouverture. Le président de notre groupe, Didier Guillaume, l’a bien expliqué tout à l’heure : le groupe socialiste est ouvert à une évolution de la carte des régions. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement visant à regrouper l’Aquitaine, le Limousin et Poitou-Charentes, pour en finir avec cette grande région tant décriée. Ceux qui critiquent cette région ne proposent rien et voudraient même supprimer l’article 1er, ce qui nous empêcherait de formuler la moindre proposition.
La modification que nous préconisons est attendue en Poitou-Charentes. Je vois notre collègue Nicole Bonnefoy qui opine du chef, et elle a raison.
M. Jean-Pierre Raffarin. Eh oui, elle a raison ! Bravo, Nicole Bonnefoy !
M. Philippe Kaltenbach. Alors, monsieur Raffarin, si elle a raison, il ne faut pas supprimer l’article 1er et empêcher ainsi tout débat sur la carte territoriale !
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous disons non à votre carte et oui à celle de Mme Bonnefoy ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Dans ce cas, il faut voter quelque chose !
M. Philippe Kaltenbach. S’agissant de la demande de Champagne-Ardenne de rejoindre la Lorraine, pourquoi pas ?
S’agissant de la demande du Centre de rejoindre les Pays de la Loire, nous sommes également ouverts au débat, tout comme nous pourrions l’être sur le regroupement entre cette région avec la Bretagne.
Sur toutes ces demandes, nous sommes ouverts au débat, mais encore faut-il que celui-ci ait lieu dans cet hémicycle et que nous puissions mesurer quelles sont les solutions qui sont majoritaires.
La deuxième ouverture qu’a défendue notre président de groupe, c’est le droit d’option pour les départements, qui n’existe pas aujourd’hui, à moins d’un vote majoritaire avec un minimum de participation de 25 %. On l’a vu en Alsace, cela n’a pas fonctionné. Nous proposons de créer ce droit d’option pour les départements. Ne pourrions-nous pas nous rejoindre tous sur cet amendement ? Encore faut-il débattre de ce texte et ne pas mettre fin à toute discussion en supprimant l’article 1er.
Des propositions ont également été faites pour tenir compte des départements faiblement peuplés, qui, c’est vrai, avec le système actuellement en vigueur, sont peu représentés dans les conseils régionaux. Nous sommes favorables à l’excellent amendement de Jacques Mézard, qui propose un minimum de trois conseillers régionaux.